TW : drogue (heroïne), travail du sexe, overdose, différence d'âge, abus de pouvoir





Croeso • Ton grand-père était soldat, lors de la IIe Guerre Mondiale. Ta grand-mère, infirmière. La tradition familiale prétend que, touché par une balle ennemie, sur le front, il tombe amoureux dès le premier regard de la femme qui le soigne et décide de ne plus jamais la quitter. Tu y crois dur comme fer et rêve d'un pareil scénario... Même si la réalité est beaucoup, beaucoup plus grise. Ton grand-père a fini ses jours dans un hôpital psychiatrique, à voir des soldats déchiquetés morts depuis trop longtemps. Tes parents... c'est une autre histoire. Ta mère n'était pas réellement amoureuse. Enfin... pas de de ton père. Ton père tombe dans l'alcoolisme. Il s'occupe tant bien que mal de sa famille, malgré ses failles. Tout ce que tu sais, c'est qu'ils ont traversé l'Atlantique, alors que tu avais cinq ans, pour un "nouveau départ". Ta mère voit, quand à elle, un autre homme, au travers de toi, mais ne dit rien. Tu es le petit dernier d'une fratrie de trois garçons. Tes parents sont des gens simples et modestes qui travaillent à la sueur de leur front. Comme tes deux frères, tu dois prendre le relais de l'entreprise familiale, une petite boucherie de village, à Ohio-du-Barachois, au Nouveau-Brunswick.  

Plentyndod • Tu ne ressembles pas à ses frères. Ni à ton père et tu le sais. Tu le sens. Alors que tes deux frères sont des armoires à glace, toi, tu as le physique délicat et frêle de ta mère. Sa chevelure sombre et épaisse. Sans être cruel ni violent, ton père est quelqu'un de rigide et de froid qui maintient sa maisonnée du mieux qu'il le peut. Tu détestes ça et passes ton temps à rêvasser et à lire tes bouquins de fantômes au lieu de s'occuper de tes corvées. Alors que tes parents pensent que tu aimes simplement trop lire, comme les garçons de ton âge, toi, tu découvres ta sexualité au travers de pages interdites à la morale. Wilde. Baldwin. Proust et tant d'autres.  Bon nombre de livraisons à vélo sont perdues avant d'arriver à bon port, tant tu rêvasses, en te cachant dans les herbes hautes entourant la ville. Ta mère, elle, te surprotège, toi et ton caractère fantasque, ce qui génère son lot de disputes. Les cris étouffés derrière la porte de tes parents, à ton sujet se répercutent encore dans ta tête. Tu te sens à part. Tu te sens de trop. Ton frère ainé, Siarl te dira, lorsque tu feras enfin ton coming-out que tu n'as été qu'un fauteur de troubles, depuis ta conception. Ce n'est que bien plus tard que tu comprendras l'étendue de cette révélation.

Y bwystfil • UC Ça s'est passé à Parlee Beach. Après un show où ton grand frère Ianto devait te garder à l’oeil. Tu avais quatorze ans et Ianto t’avait acheté de la bière, histoire de vaquer avec ses potes et ne pas t'avoir dans les pattes. Tu ne sais pas trop ce qu'il t'a pris. Tu étais déjà un peu ivre. Peut-être ton premier baiser, volé à un jeune touriste. Ou l'envie de rejoindre la mer. Ou de voler comme ton grand-père.  Ou le désespoir de savoir que Mister Boudreau, ton prof de français, ne t'aimerait jamais de la même manière que toi... Étais-tu si triste que ça? Probablement pas. Tu n'as pas réfléchi, en fait. Tu ne réfléchis jamais. Tu t'étoignes, loin de l'animation, dans le noir. Là, des inconnus t'observent, le regard affamé. Affamés de ton innocence, affamés d'une aura que tu peines à contrôler. L'un d'eux te demande une question étrange, avec un drôle de sourire. Est-ce que tu me vois, fiston? Tu hausses les épaules et tu lui réponds que ton grand frère - joueur de football, rien de moins -  t'attend, tout près. Le reste? Le reste.... tu ne veux pas t'en souvenir. Tu ne veux pas penser à ce froid qui s'est emparé de ton corps. Tu ne veux pas penser aux images sordides qui ont rempli ta tête, avant que le néant s'empare de toi. On te retrouve plus loin sur la plage avec deux côtes cassées. Ta mère pleure pendant des jours et Ianto s'emmure dans son silence. On te bourre d'anti-douleurs et de médicaments et quand vient le temps du sevrage... c'est le plus naturellement du monde que tu te tournes vers l'herbe.

Gorweddion a gollyngiadau • C'est à dix-neuf ans que tu te décides enfin à faire ton coming-out, alors que tu as fréquenté plusieurs garçons déjà. Tu as raté ta toute dernière audition au Toronto Film School. Tu étais trop saoûl. Trop gelé.  C'est un échec total alors que tu as pourtant travaillé dur.  Alors que tes profs t'adulaient déjà. Tes profs sont déçus. Tu es recalé. Peut-être l'année prochaine. Et encore. C'est un coup dur pour ton père qui déjà, a accepté de peine et de misère de financer ce choix d'études en arts dramatiques et ta part de loyer à Toronto alors qu'il aurait souhaité te voir prendre des cours de métier, pour aider tes frères à la boucherie. Tu dévoiles tout avant la dinde : ton échec et le fait que tu adores faire des pipes. Ton père te menace. Il te donne un ultimatum. Tu seras boucher, Dafydd. Tu seras un bon père de famille ou tu ne seras rien. Tout y passe. Ton père ne veut pas d'un gamin stone chez lui. Le soir même, tu vole 5000 dollars de la caisse de dépot de la boucherie et tu t'envoles pour Londres.

Londres • Tu espère la gloire, Dave. Tu étais bon acteur. Tous tes profs te l'ont dit, au Toronto Film School. Alors pourquoi ces producteurs te demandent-ils de te déshabiller? Pourquoi te demande-t-on de te mettre à genoux? Faute de contrat, tu atterri dans l'industrie porno, qui raffole de corps sveltes et jeunes comme toi. Et puis, tu tombes dans l’héroïne, Dave. Parce que l'héroïne te fait sentir bien, non? Et bientôt, même les studios pornos ne veulent plus de toi. Il n'y a que la rue. Et les clients qui vont avec. Ta dignité est perdue. Et ton échine se courbe.

LUI : Tu avais quoi? 21 ans peut-être? Tu as fais de Hamstead Road ton royaume, avec ton sac de couchage comme forteresse et te vend pour survivre, entre deux ou trois petits deals, pour te payer ton héro.

Qui peut vraiment se vanter d'avoir rencontré l'âme-soeur dans un centre d'échange de seringues? Toi, bien sûr, toi. C'est ton âme-soeur, tu y crois dur comme fer, malgré la réalité. Il avait vingt ans de plus que toi et est travailleur social. Vos regards se sont croisés, une fois, et ne se sont plus lâchés. Mais... son job... son job lui interdisait tout rapprochement. Et son âge bordel.... Tu sais qu'il ne peut pas foutre sa carrière en l'air à cause de toi. Plus il te fuit, plus tu entres dans son champs de vision. Combien de temps dure cette partie de cache-cache? Vous vous voyez, une fois, deux fois. Trop, sans doute, pour tout ce que ça représente.

Et puis... Bien entendu, il se fait muter. À Édinburg. Et tu décides de bien t'envoyer en l'air, cette fois-ci.

Bywyd ar ôl •  Lorsque tu te réveilles enfin, trois jours plus tard, tu retrouves ta vieille mère, complètement démolie, à ton chevet. Tu ne te souviens de rien. Absolument rien. Après plus de trois cures de desintox inefficaces à Toronto et tout autant de rechutes qui ruinent ce qui reste des économies de tes parents, on te renvoie de force dans ta ville natale, à Barachois. On t'apprend enfin que ton père a fait un sévère AVC. Le vieux est cloué à un fauteuil roulant, à demi paralysé et ne peut plus vraiment parler. Il ne peut plus s'occuper de lui-même, de son hygiène... de rien. Et on te charge de le faire, chose que tu fais avec toute la répugnance du monde. C'est toi qui aurait dû être dans cet état. Pas lui. Combien de temps avales-tu ton amertume ainsi? Deux ans, peut-être? Trois? Trois ans de sobriété assidue que tu gâches sur un coup de tête, avec un de tes amants, Ronnie. Lorsque tu reviens de Moncton, après plusieurs jours sans donner de nouvelles, ce soir-là, une grosse dispute éclate entre Siarl, ton frère ainé et toi. Tout y passe. Tout. Ton irresponsabilité. Ta sexualité. Le vol des 5000 dollars de la boucherie. Le coût de ton hospitalisation, sans avoir d'assurances. Le cout de tes putain de desintox qui a complètement ruiné la retraite de tes parents.... et le fait que tu n'es qu'un sale petit bâtard. C'est là que tu apprends d'où tu viens, sous les suppliques désespérées de ta mère qui demande à son fils ainé de se taire. Les difficultés qu'éprouvait ton père. Les difficultés conjugales qu'ils avaient, ta mère et lui. La séparation à cause d'un autre homme. Un autre homme rencontré des années auparavant. Ce foutu mec. Il l'a vu, ton vrai père. T'as l'même air de fouine vicieuse que lui. Les mêmes yeux. Ce foutu type qui avait littéralement ensorcelé ta mère et l'a laissée là comme une co...., enceinte d'un gosse dont personne n'avait besoin. C'en est trop. Tu te barres une fois de plus à Londres et tu plonges une fois de plus l'aiguille au creux de ton bras.

Tad • Et tu as appelé ta mère, un soir. Tu as appelé ta mère, avec cette petite voix d'enfant, perdu dans ses propres méandres. Perdu avec cette horloge, avec ce compte à rebours qui sonnerait tôt ou tard le glas de tes propres jours. Tu as lui a demandé de te parler de ton père. De ton père biologique. Tu n'as obtenu qu'un silence révélateur. Un reniflement. Une promesse que ton vrai père, celui qui t'avait élevé du mieux qu'il le pouvait, ici, à Barachois, t'aimait de tout son coeur, malgré sa carapace.

Tu lui a promis de revenir au Nouveau-Brunswick. D'oublier la Grande-Bretagne. De quitter Londres pour de bon. Tu lui a promis de te trouver un bon job et de rester sobre. Tu lui a promis de tout ton coeur. Pouvait-elle te passer 1000$ pour le billet d'avion?

Heddiw • Edinburg. Ça fait quatre ans que tu y vis, maintenant. Tu as fait une énième detox. Tu as fais un cours en tourisme. Tu t'es trouvé une petite chambre décente, dans un grand appart vieillot, avec un coloc. Tu as un grand chat noir de 3 ans que tu as nommé Thackery Binx. Il te suit PARTOUT, sauf au Château. Tu l'as pris parce que tu as lu quelque part que s'occuper d'un autre que soi t'aiderait à prendre le contrôle sur ta vie. Ce n'est pas complètement faux. Tu t'es dégoté un job de guide touristique au Château, pour payer les factures et à cette compagnie de ghosts tours, par passion. Ce n'est pas parfait, non. Ce n'est pas les studios de cinéma dont tu rêvais. Ce n'est pas Broadway. Mais ce n'est pas la rue. Tu fumes encore un paquet et boit au moins 2L de lait au chocolat par jour, à défaut de bien manger, malgré toutes tes tentatives d'arrêter la nicotine. Ça pourrait être pire, non? Tu appelle religieusement ta mère tous les dimanches vers 20h. Pour lui dire que tu es bien sobre. Pour lui dire que tu attends encore que ce producteur à Glasgow va avoir sa subvention pour te donner le premier rôle. Elle passe toujours le combiné à son mari qui pleure au téléphone, parfois, incapable de s'exprimer. Tu n'es pas prêt encore à lui pardonner. Non, c'est pas vrai, Dave. Un peu d'honnêteté, bordel. Tu n'es pas prêt à te pardonner, toi.

Tu peux discourir tant que tu veux sur tes précieux fantômes. Plus personne ne te juge, maintenant. Mieux, on te paie pour ça. Tes envies d’héro se sont un peu calmées. Parfois, seulement parfois tu succombes. Tu te laisse aller en rêve à cette énergie qui te vrille tout le corps. À cette fluidité qui s'empare de toi. À la chaleur dans tes veines, quand l'héro se dissout. À cette paix de coton qui t'enveloppe et qui met un mur tout doux, entre toi et toutes ces voix qui te chuchotent de leur laisser une dernière chance. Tu es né le jour des Morts. Tu aimerais trouver enfin tes origines. Et ton futur, dans les bras d'un homme qui te fera l'oublier, LUI.

Pour l'heure, tu survis. Et c'est déjà bien.