La chaleur des draps et des bras de son fiancé autour d’elle ne lui donnait aucune envie de bouger. À force de parler, le couple s’était endormi relativement tard, mais la discussion qu’ils avaient eut la veille n’était pas de celles que l’on écourtait rapidement. Nadeem avait exprimé son envie d’adopter la fille de Victoria. Une demande qui avait énormément surpris la brune qui ne s’était pas douté un seul instant que l’avocat en était déjà arrivé à là dans sa tête. Elle réalisait encore à peine l’incroyable complicité qui s’était développée entre eux en deux ans.

Motivée par l’envie de laisser à son fiancé le temps de se réveiller et de réfléchir jusqu’à la dernière seconde à comment il proposerait la chose à Moïra, la brune trouva le courage de s’arracher de ses bras et de sortir du lit. Elle passa une main dans ses cheveux avant d’enfiler sa robe de chambre et de se diriger vers la chambre de Neeli qui s’éveillait lentement. Elle la prit souleva avec douceur et la garda contre elle, sans brusquer le réveil de l’enfant encore un peu dans les vapes. Elle alla ensuite en direction de la chambre de Moïra, ouvrit la porte avec précaution et s’approcha du lit pour venir glisser une main dans les cheveux de la petite pour la réveiller en douceur. Quand l’enfant bougea légèrement et ouvrit les paupières, Victoria retira sa main, murmura à Moïra de la rejoindre dans la cuisine une fois totalement réveillée, et sortit de la pièce pour se diriger vers l’étage du bas.

L’alimentation de Neeli avait évolué, lui permettant d’alterner entre lait et nourriture plus solide. Pour débuter son petit déjeuner, Victoria lui fit prendre un petit biberon de lait, tout en faisant les cent pas dans la cuisine. Elle posa ensuit l’enfant dans sa chaise haute pour aller chercher un petit pot de compote. En grandissant si rapidement, Neeli avait forcé Victoria à se remettre derrière les fourneaux pour élaborer toutes sortes de compotes de fruits et de purées de légumes. Si elle n’était pas douée pour les plats d’adultes, elle prenait néanmoins sa revanche sur les aliments pour bébés.

Tout en amenant une cuillère de compote de pomme vers la bouche de Neeli, Victoria s’égara dans ses propres pensées. Elle tenta d’imaginer les questions qui pourraient traverser l’esprit de Moïra, quand Nadeem lui aura parlé de son projet de l’adopter. D’ordinaire, la brune n’avait aucune difficulté à anticiper les réactions de sa fille, où les questions qu’elle pourrait poser, mais dans ce cas là, la tâche était plus ardue. Ce qu’elle espérait en tout cas, c’était de pouvoir être un appui pour son fiancé, si ce dernier venait à avoir besoin d’elle pour gérer les questions de l’enfant. Et surtout, réussir à expliquer à Moïra les raisons qui poussaient son beau-père à l’adopter sans pour autant lui donner l’impression qu’il voulait prendre la place de son père décédé.

Elle finit par être tirée de ses pensées par une Moïra aux yeux encore endormis qui débarqua dans la cuisine en se frottant les yeux. Seul Kovou dormait encore paisiblement dans cette maison. L’image arracha un sourire attendri à la mère qui l’invita à venir se blottir contre elle. L’enfant ne se fit pas prier et vint se coller à sa mère, avant de regarder autour d’elle et de froncer les sourcils.

« Baap fait encore dodo ? »
« Il était en train de se réveiller quand je suis descendue, mais peut-être que tu devrais aller vérifier qu’il ne s’est pas rendormi ? Je te prépare tes céréales en attendant.»

Proposa la brune en finissant par se relever de sa chaise pour aller faire bouillir de l’eau pour le thé. Certains avaient besoin de leur dose de caféine le matin, pour Naria, c’était le thé. Moïra quant à elle, trouva que l’idée de sa mère était excellente. Le petit déjeuner était l’un des rares moments où toute la famille pouvait se retrouver, quand son beau-père n’avait pas besoin de se lever plus tôt que tout le monde à cause de son travail. L’enfant fit volte-face et monta les marches deux à deux pour arriver à l’étage et courir en direction de la chambre des adultes. Elle ralentit le pas juste au cas où son beau-père se soit endormi, mais ne résista pas plus de quelques secondes à son envie de sauter le rejoindre dans le lit.

« Baaaaap ? Tu fais dodo ? »

Difficile d’imaginer que ce soit le cas, au vu du débarquement bruyant de l’enfant. Cette dernière marcha à quatre patte sur le matelas jusqu’à pouvoir atteindre son beau-père et venir se glisser dans ses bras.

« Maman elle m’a dit de venir te chercher pour pas que tu te rendormes ! »

Le rire de Moïra résonna dans tout l’étage quand son beau-père l’attaqua avec ses chatouilles. Il n’était pas difficile pour Nadeem de la faire rire, même le matin, mais l’attaque sournoise décuplait son hilarité au point où la petite eut besoin de reprendre son souffle quand l’avocat la libéra enfin. Elle gloussa de nouveau, avant de froncer les sourcils, l’air plus boudeuse. L’idée d’être troquée contre un petit déjeuner au lit dont elle ne pourrait même pas profiter ne lui plaisait pas trop, alors elle haussa les épaules. Quoique, en y réfléchissant bien, elle était certaine qu’elle parviendrait à se faufiler de nouveau dans le lit pour piquer une tartine de confiture à son beau-père, à qui elle finit par sourire.



Elle sortit du lit avant lui et replaça quelques mèches de cheveux qui lui tombaient devant les yeux à cause de leur mini-bagarre de chatouilles. Une fois certaine d’avoir remplie ma mission donnée par sa mère et que Nadeem descendrait dans la cuisine, elle se dirigea vers l’escalier. Elle retint son envie d’aller trop vite dans les marches pour ne pas se faire gronder de bon matin, même si son estomac gargouillant réclamait d’être au plus vite face à son petit déjeuner.

“Baap arrive !”

Et en effet, elle fut suivie par un Nadeem un peu moins réveillé qu’elle. L’arrivée de ce dernier provoqua un gloussement/rire et un immense sourire chez Neeli qui se désintéressa quelques secondes de sa compote de fruit pour regarder son père. La scène arracha un sourire à Victoria qui tenta de faire durer de deux secondes de plus le baiser de son fiancé. Cette dernière imaginait sans mal que derrière le sourire de l’avocat se cachait une anxiété grandissante. Elle tenta de lui envoyer un petit clin d’œil réconfortant. S'il n’avait pas envie de se lancer ce matin dans une discussion importante, elle ne lui en voudrait pas et comprendrait.

Moïra quant à elle, semblait à mille lieux de se douter de ce qui l’attendait. Son attention s’était portée sur le bol de céréales au lait préparé par sa mère qu’elle avait déjà bien entamé en bonne petite gloutonne. Elle n’en détacha les yeux que lorsque son beau-père lui adressa la parole en commençant par le surnom qu’elle détestait, ce qui provoqua un petit froncement de sourcil pas content.

“Pas Moïmoï !”

Protesta-t-elle la mine boudeuse. À côté d’elle, sa mère retint un rire, et même Neeli semblait sur le point de se mettre à rigoler devant l’air renfrogné de sa grande soeur. Quand son beau-père reprit la parole, la surprise pris rapidement le pas sur le visage de Moïra, qui sembla devenir instantanément curieuse.

“On ne va pas encore déménager hein ?”

Demanda-t-elle l’air réellement inquiète à l’idée de devoir encore une fois changer d’environnement. Durant les dernières années, l’enfant n’avait pas eu moins de quatre chambres différentes entre la garde partagée de ses parents et le déménagement du couple plus récent. Elle perdait à chaque fois ses repères et n’aimait pas du tout devoir s’en recréer constamment. De plus, elle se sentait très bien dans cette grande maison qui était pour elle l’équivalent d’un immense terrain de jeu.

“Ne t’en fais pas pour ça mon ange, il est hors de question qu’on quitte cette maison pour le moment.”

Assura sa mère en lui offrant un sourire rassurant. Victoria était heureuse de savoir que l’enfant se plaisait dans leur nouveau chez eux, et encore plus de voir que la petite n’avait aucune envie d’en partir. Elle espérait surtout que cette maison lui permettrait de se créer de nouveaux souvenirs en famille qu’elle garderait précieusement en tête tout au long de sa vie.

“Je suis bien réveillée.”

Affirma un peu tardivement l’enfant curieuse. Elle ignorait de quoi il s’agissait, mais son beau-père avait ressenti le besoin de lui dire qu’elle n’avait rien fait de mal, alors il était certain pour elle qu’ils allaient parler de quelque chose d’important. La petite reposa sa cuillère sur la table de la salle à manger, finalement plus du tout intéressée par ses céréales. Son attention était captivée par ce que voulait lui dire son beau-père. Elle eut envie de tricher, en bougeant un peu sa main pour atteindre celle de sa mère et ainsi la sonder mais elle fut arrêtée par le regard de cette dernière qui était posé sur elle. Nul doute que Victoria comprendrait son petit stratagème.

“Qu’est-ce qu’il se passe Baap ?”

Demanda Moïra d’une voix un peu plus aiguë, trahissant une certaine inquiétude. Elle n’était pas du genre à imaginer le pire comme pouvait parfois le faire sa mère, mais elle devait néanmoins reconnaître que durant la dernière année, sa famille n’avait pas été la plus chanceuse, et elle encore moins. Elle avait bien trop de fois visité l’hôpital pour son âge que ce soit en tant que patiente qu’en visiteuse. Cependant, après quelques secondes de réflexion, Moïra se rendit compte que sa mère était bien trop souriante et que son père avait été de très bonne humeur quand elle était venue le réveiller, alors il était impossible qu’ils lui annoncent une très mauvaise nouvelle après cela. Ça la rassurait un peu, même si maintenant, elle se demandait si Nadeem n’allait pas lui annoncer qu’il serait absent de la maison pendant quelques temps à cause du travail. Ça, c’était ce à quoi elle avait le droit parfois, quand à l’époque où ses parents étaient encore ensemble, son père devait s’absenter plusieurs jours à cause de son travail. Ce n’était jamais agréable de le voir partir, même si elle savait qu’elle serait ensuite très contente de le voir rentrer à la maison.

Finalement, comme à son habitude, l’enfant se creusait beaucoup trop les méninges. Sa mère à côté, restait silencieuse, observant le comportement de sa fille. Ses yeux faisaient l'aller-retour entre son fiancé et l'enfant, curieuse de voir comment les choses allaient se dérouler. Elle restait silencieuse, mais prête à intervenir parce qu'elle ne voulait pas voler ce moment à son fiancé. C'était, malgré le stress que cela impliquait, un moment qu'il garderait lui aussi en tête comme un excellent souvenir, si les choses se passaient bien.

Intérieurement, Victoria était en train de jubiler, même si cela ne se voyait pas sur son visage. Elle exultait pourtant à l’idée de voir l’impensable se produire. Si Naria revenait de loin, la relation Nadeem/ Moira partait d’un point encore plus lointain encore. L’enfant elle n’en était qu’au stade précoce où elle ne pouvait que supposer de ce qu’allait lui demander son père, tandis que la brune, elle, était déjà bien ailleurs. Nadeem voulait devenir d’un point de vue légal, le père de Moira. C’était une chose que Victoria n’aurait jamais imaginé, même dans ses rêves les plus fous, et même en voyant à quel point la relation entre sa fille et son fiancé était devenue positive. Le couple le savait, il ne s’agissait pas que de papiers, c’était bien plus que cela.

Pourtant, Victoria s’interdisait de montrer son excitation ou son envie de voir sa fille sauter dans les bras de son beau-père en criant qu’elle le voulait comme père adoptif afin de ne pas influencer la décision de l’enfant. Le couple n’était pas dans la tête de la petite, et quand bien même sa mère la connaissait par coeur, elle ne pouvait pas non plus prétendre pouvoir répondre à sa place. La chose aurait été bien plus simple sinon.

Pour le moment, la brune resta en retrait. Elle n’ignorait pas que son fiancé n’était pas le plus à l’aise lorsqu’il s’agissait de parler ses sentiments, mais elle savait qu’elle ne pouvait pas le soulager en prenant la parole à sa place. Par chance, il était facile de communiquer avec Moira, ce qui contrebalançait les lacunes de son beau-père. Malgré ça, Victoria restait tout de même aux aguets, prête à corriger et/ou nuancer les propos parfois trop factuels de son fiancé.

L’avocat ouvrit enfin la bouche, et Victoria dut faire un sacré effort pour ne pas grimacer. Elle ne voulait pas le décourager, mais sa première phrase d’approche pouvait être interprétée de tant de mauvaises façons qu’elle se retourna aussitôt vers Moira  avec une pointe d’inquiétude dans le regard pour voir comment la petite l’avait comprise. Cette dernière avec un sourcil haussé plus que l’autre, perdu dans une expression faciale exprimant l’incompréhension et la perplexité. Pas besoin de chercher bien loin pour deviner les interrogations venues submerger l’esprit de la petite. Il n’y avait jamais eu de rivalité entre les deux soeurs, justement parce qu’à aucun moment Nadeem n’avait laissé entendre qu’il en aimait une plus que l’autre. Son affection et son temps était tout autant dédié à Neeli, qu’à Moira. Et si parfois la cadette accaparait plus son père, sa soeur comprenait qu’étant plus petite, cette dernière avait besoin de plus d’attention.

« Ce que veut dire Nadeem, c’est qu’il t’aime autant que Neeli, mais qu’il n’a pas le droit de prendre des décisions te concernant comme papa l’avait. »

Rectifia la brune en lançant un petit regard encourageant à son fiancé. Il s’en sortait relativement bien. Là où certains (et elle aussi) pouvaient voir de la maladresse, elle voyait également du courage. Exprimer haut et fort ses sentiments n’était pas la force première de l’avocat. Et s’il le faisait, c’était généralement au cours d’une dispute, où, à bout, il finissait par les cracher au visage de sa fiancé.
Moira tourna son regard bleu vers celui de sa mère et hocha lentement la tête. La légère rectification de la brune sembla la remettre sur le chemin de la compréhension. Son beau-père l’aimait, mais n’avait pas les mêmes droits que son père. Ça lui semblait à la fois précis, et très flou en même temps. À son âge, elle ne pouvait pas réellement réaliser l’importance que cela pouvait avoir. Victoria songea un instant que donner un exemple à la petite serait une bonne idée, tout en essayant de trouver autre chose que « si maman meurt, il aura le droit de s’occuper de toi. » C’était trop morbide, et trop traumatisant pour une enfant déjà orpheline de père. Elle resta donc silencieuse, tandis que son fiancé reprit la parole.

Cette fois-ci, l’avocat se montra plus explicite, même si Moïra ne percutait pas totalement l’importance et la signification d’une adoption d’un point de vu légal. Elle semblait jongler entre l’enthousiasme d’être la fille de Nadeem, et la difficulté à entendre ce que cela pouvait signifier de l’être de manière « légale. »

« Je comprends pas trop … »

Murmura t-elle en baissant son regard en direction de son assiette, visiblement un peu frustrée de ne pas réussir à comprendre comme une grande. Elle ne voulait pas décevoir non plus Nadeem, mais ne pouvait pas non plus lui faire croire qu’elle comprenait absolument tout à la situation. Au contraire, plus les secondes passaient, et plus elle semblait perdue.

« C’est quoi la différence avec maintenant ? »

La question arracha un sourire attendri à Victoria. A ses oreilles, cela résonnait comme l’aveu que Moïra elle, se sentait déjà comme la fille de Nadeem. C’était enfantin, très simple, mais à la fois adorable. Malheureusement, cela ne suffisait pas aux yeux de la loi.

« Tu te souviens du problème à la sortie de ton ancienne école, par exemple ? Plus personne n’aurait le droit de te séparer de lui, parce que pour la loi, Nadeem deviendrait ton père.»

L’exemple (et le mauvais souvenir relié à ce dernier) sembla faire réagir l’enfant. Elle se souvenait le désespoir avec lequel elle avait voulu rester avec son beau-père, et la frustration mêlée à la colère ressenti quand on le lui avait refusé. Elle hocha lentement la tête, pour faire comprendre aux adultes qu’elle commençait à saisir un peu mieux la chose, même si tout restait encore un peu abstrait dans sa tête.

« Mais en fait ça change rien entre nous ? C’est juste pour pas être embêté par les autres ? »

Victoria lança à son fiancé un regard tendre accompagné d’un sourire amusé. Encore une fois, le résumé était très simpliste, mais elle le trouvait assez juste.

Victoria trouvait sa place, dans les explications de son fiancé. Elle se voyait comme une sorte de traducteur attitré, qui s’assurait que les phrases maladroites de Nadeem ne soient pas mal interprétée par Moïra. Leur grande chance, c’était que l’enfant était du genre à poser pleins de questions avant d’arriver à une quelconque conclusion, et qu’elle aimait se servir de son intelligence pour ne pas comprendre de travers ce qu’on lui disait. Elle se montrait attentive, et réellement décidée à comprendre tous les enjeux de l’adoption.

On lui parlait d’un point de vue légal qui lui était bien étranger. Elle avait bien entendu la notion du bien et du mal, savait que la police servait à arrêter les méchants, mais n’avait aucune idée que la « loi » encadrait mille autres sujets.

« Je crois que je comprends mieux. »

Affirma l’enfant avec un petit sourire timide. Elle n’était pas encore certaine à cent pour cent de se rendre compte de tous les enjeux que cela pouvait représenter, mais commençait à saisir l’idée. Si elle ne disait plus rien, ses yeux eux, laissaient entrevoir les rouages de son cerveau qui ne cessaient de fonctionner.
Victoria l’observa un instant, légèrement sceptique.. Cela ne ressemblait pas à sa fille de répondre aussi simplement et de ne pas enchaîner avec une dizaine de questions par la suite, mais elle mettait ça sur le fait que cela devait être perturbant pour une enfant de son âge et que c’était sans doute la question la plus compliquée qu’elle avait du à traiter.  

« Tu n’es pas obligée de répondre maintenant, tu peux y réfléchir et poser les questions qui te viendront en tête. Et tu n’es pas forcée d’accepter non plus. »

Précisa la brune en lançant très rapidement un regard à son fiancé, pour le rassurer. Elle rappelait à l’enfant qu’elle avait le choix, parce que cela lui semblait important. La petite se retourna vers son beau-père, pour lui offrir un sourire. Elle semblait aimer l’idée que l’adoption était quelque chose qu’ils faisaient pour eux, plus que pour les autres. Même si dans son esprit, il n’était pas utile d’en arriver à la pour être certaine qu’elle ne voulait jamais être séparée de l’avocat. Elle l’avait déjà un petit peu adopté, à sa façon à elle.

« Donc plus personne pourra jamais nous séparer de toute la vie entière, c’est ça Baap ? »

Demanda l’enfant, les yeux pétillants à cette idée. Le souvenir de l’incident de l’école maternelle l’avait beaucoup affectée sur le moment et elle ne voulait plus jamais le revivre. Elle avait été contente au final de changer d’école, et de maitresses. Depuis, rien de ce genre ne s’était reproduit, pour le plus grand bonheur de la petite (et de son beau-père !).

« Mais si tu deviens mon père adoptif, est-ce que ça veut aussi dire que maintenant si maman me dit non à la glace le soir, toi tu as le droit de dire que je peux en avoir ? »

Le sourire malicieux en coin de l’enfant arracha un rire à sa mère qui vint aussitôt lui ébouriffer les cheveux. En plus de commencer à comprendre, Moïra semblait déjà essayer de tirer des avantages à la situation. Pour se venger, Victoria vint la chatouiller au niveau des côtes durant quelques secondes et l’enfant s’agita sur sa chaise en riant avant de reprendre son sérieux quand sa mère cessa son attaque.

« Est-ce que ça veut dire que je vais avoir le même nom de famille que toi aussi ? »

Demanda t-elle quelques secondes plus tard, en plongeant sa cuillère dans son bol de céréales. Moïra était redevenue le petit moulin à questions qu’elle savait être, quand ses méninge avaient encore besoin de connecter les informations entre elles pour comprendre ce qui était à sa portée.
La question de l’enfant eut au moins le mérite de faire réfléchir Victoria sur la question. L’ironie de la situation serait que sa fille porte le nom de son fiancé avant elle, parce que le couple tardait réellement à se marier.

« Enfin ... je voudrais savoir si je pourrais quand même garder celui de papa aussi… »

Rajouta la petite en baissant les yeux vers son bol de céréales. Elle savait que les deux hommes ne s’appréciaient pas, et se sentait toujours un peu mal à l’aise d’aborder le sujet avec son beau-père, mais la chose lui tenait réellement à coeur. Son père était mort, et à part les souvenirs et les photos, il ne lui restait plus grand chose de lui.