Aujourd’hui, c’est le grand bain, et il sait très bien que les internes attendent ce jour avec excitation. Les titulaires et chefs de service ont décidé de laisser les internes gérer une opération en presque solo. C’est-à-dire qu’ils auront un titulaire en renfort, et qu’ils joueront le rôle du chirurgien chef sur une intervention mineure. Bien sûr, ils ne laisseraient pas la responsabilité de la vie de quelqu’un entre les mains de jeunes chirurgiens inexpérimentés. Chaque médecin s’est alors prononcé sur l’interne qu’il voulait et Aspen a demandé à avoir Von Kuffner avec lui. L’orthopédiste ne sait pas si le jeune interne souhaite aller vers l’orthopédie, mais il s’en moque. Ulrich est doué, et il veut qu’il soit avec lui. C’est tout aussi simple que cela. Inutile d’aller chercher plus compliqué.

Les chefs des services de chirurgie de l’hôpital se sont alors regroupés dans l’amphithéâtre avec tous les bébés chirurgiens pour leur annoncer la nouvelle. Quand vient le tour d’Aspen, et qu’il annonce qu’il travaillera avec le Dr. Von Kuffner, il ne saurait dire quelle est la véritable réaction de l’heureux élu : joie, tristesse, les deux, aucun des deux ? De toute façon il s’en contrefiche.

— Bon, Ulrich, tu vas devoir te préparer pour une grosse opération. Une femme est arrivée avec grosse hernie discale. Qu’est-ce qu’on doit faire dans ce cas-là si l’on veut empêcher sa douleur au niveaux des vertèbres D7 et D8 ?

Ce que le docteur Fraser attend, c’est une arthrodèse, le but étant de fixer deux vertèbres entre elles pour éviter la douleur. Une opération parfois délicate qui peut vite dégénérer si elle n’est pas réaliser convenablement. Tandis qu’il écoute son interne, il avance dans les couloirs pour se diriger dans l’aile de l’orthopédie afin d’aller attraper les papiers, la tablette tactile et rejoindre la chambre de la patiente.

— Bonjour madame Miller, je vous présente le Dr. Von Kuffner, c’est lui qui vous opérera aujourd’hui sous ma supervision, vous aviez accepté d’être opérée par un interne hier, et je vous garantis que vous aurez le meilleur de sa promotion.

Il est très rare qu’Aspen fasse autant de compliments à quelqu’un. C’est probablement la première fois qu’Ulrich l’entend le complimenter d’ailleurs. Mais peu importe, il a besoin de rassurer la patiente et si pour cela il doit sourire et faire le gentil, il le fera. Cette femme souffre le martyr et cette opération lui permettrait d’avoir une vie bien meilleure.

— Je vais laisser le Dr. Von Kuffner aller se préparer pour l’opération au bloc trois, et nous on le rejoint dans dix minutes, juste le temps des derniers examens pré-opératoires.

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Ulrich réagit bien aux moindres problèmes rencontrés, même après un saignement plutôt complexe sur lequel Aspen a dû intervenir, mais dans l’ensemble tout s’est excellemment bien passé. Le docteur Fraser a tout supervisé, a tout observé tout en remplissant le dossier de l’interne et en regardant avec précision ses techniques et ses gestes. Finesse, efficacité, stoïcité. Parfait, exactement ce à quoi il s’attendait.

— Docteur, je crois que vous avez très bien agi. Vous pouvez refermer la patiente et retourner dans l’amphithéâtre rejoindre vos camarades qui devraient également y être. Merci à tous pour madame Miller, vous lui avez offert une meilleure vie.

Aspen quitte alors le bloc opératoire et retire les équipements jetables avant d’aller rejoindre ses collègues en salle de réunion où ils commencent le débriefing des opérations. Si la grande majorité a réussi, quelques uns semblent avoir complètement raté, en soi, ce n’est pas dramatique, parce qu’ils ont le temps de se perfectionner, mais des erreurs auraient pu être évitées avec plus de rigueur et de professionnalisme. Mais certains des internes préfèrent coucher ensemble que d’apprendre et d’exercer, et ça, c’est impardonnable. Tous les chirurgiens retournent alors voir leurs internes pour leur apprendre qu’à part cinq d’entre eux qui doivent rester de garde, les autres sont tous invités au bar du coin de la rue pour fêter l’événement. Bien évidemment, les autres eux, y auront droit une autre fois, pas de jalousie de cette manière.

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Accoudé au bar, Aspen commence à touiller son martini dry du bout de son pique avec les olives tout en regardant distraitement les collègues se mélanger entre eux et rire ensemble. Il aurait bien voulu les rejoindre, mais ce soir, il n’a pas forcément envie. Non. Il reste un peu dans son coin en envoyant de temps à autre un message à son compagnon Archibald pour prendre de ses nouvelles et savoir si tout se passe bien avec Scott à la maison.