Caractère

Depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours voulu être en avance sur tout le monde. Ses premiers pas, elle les a faits bien plus tôt que la plupart des bébés et sur son visage, on lisait déjà la fierté. Une gamine qu’on surnommait la tête brûlée tellement elle n’avait peur de rien. C’était la gamine qui tombait de son vélo et se faisait mal parce qu’elle avait voulu retirer les petites roulettes bien trop tôt mais qui s’obstinait à remonter jusqu’à ce qu’elle atteigne son objectif. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle a compris qu’elle devait également apprendre à réfléchir avant d’agir.

On lui reproche souvent d'être un peu trop extrême dans ses émotions. Elle éclate de rire trop fort quand elle est heureuse tout comme elle est capable de sombrer dans un mutisme complet quand elle en veut à quelqu'un. Elle se donne à cent pour cent, ne sachant pas faire dans la demi-mesure. Quand elle aime, elle aime à en crever sinon rien.

Elle a soif d’amour et de protection. Le besoin permanent d’être rassurée malgré sa force intérieure. Elle est comme une mère louve envers sa fille, prête à protéger férocement la seule véritable réussite dans sa vie. Elle est tout aussi protectrice envers ses amis, parfois même un peu trop mère-poule. Loin d’être pessimiste, elle aime cependant toujours envisager le pire pour ne jamais être déçue et ce dans n’importe quelle situation.

En amitié comme en amour, elle est également très possessive. Elle ne considère jamais quelqu’un pour acquis et très souvent, elle craint de voir la personne auquel elle tient disparaître du jour au lendemain. Sans doute parce qu’elle est torturée depuis des années par l’idée que c’est ce qu’elle a fait elle, un jour. Une erreur qu’elle ne parviendra jamais à se pardonner.

Sa plus grande ennemie c’est elle-même, dans ses moments de « crise » comme elle les appelle. Instable, elle peut très vite se transformer en furie quand les voix se font trop présentes. Nadeem, est l’un des seuls à l’avoir réellement vue au plus bas, lorsqu’elle se recroquevillait dans un coin en priant pour que tout s’arrête, elle qui n’est même pas croyante. Pourtant, elle ne pipait jamais mot au sujet des voix, ce qui a été l’un des nombreux motifs de leurs disputes.

Désormais, sa plus grande peur est qu’on découvre un jour son secret, qu’on la traite de folle et qu’on cherche à la séparer de sa fille. C’est la seule raison pour laquelle elle accepte d’endurer en silence son aliénation, tout en se raccrochant à son amour maternel pour tenir le cap. Elle a une peur bleue de sombrer pour de bon, de se déconnecter de la réalité et de se perdre définitivement.

Anecdotes

1 - Un père professeur dans un lycée et une mère au foyer. Une enfance tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Une gamine choyée et heureuse, voilà comment on peut résumer Victoria dans les premières années de sa vie. Birmingham comme ville natale. Un père aimant, le modèle de l’homme que l’on veut épouser plus tard quand on sera grande. Une mère bien trop occupée à chérir cet enfant qu’elle avait eu du mal à avoir mais qui était arrivé après de nombreuses années à ne rien lâcher.
2 - Victoria, elle a beaucoup d’amis au collège. Elle est heureuse comme gamine même si parfois le soir son père manque à table. Il a des copies à corriger, c’est un homme consciencieux capable de se plonger dans son travail pendant des heures et bon sang, qu’est-ce qu’elle l’admire son père. Pourtant, elle préfère quand il vient la border le soir, lorsqu’il est là, elle a beaucoup moins peur des murmures qu’elle entend en plein milieu de la nuit quand elle ne parvient pas à trouver le sommeil.
3 - Inspire. Expire. C’est pas réel tout ça, c’est dans ta tête. Première fois que les murmures prennent un sens mais que ces mots sont durs à entendre. Est-ce que c’est elle qui s’invente des histoires mentalement ou bien est-ce qu’elle entend vraiment des choses ? Elle ne trouve pas la réponse à ses questions et quand elle demande, on lui dit que c’est normal. Les enfants à cet âge là, ça s’invente des amis imaginaires.
4 - Scandale, trahison, honte. Des mots qui résonnent dans sa tête alors qu’elle n’est âgée que de seize ans. La police est venue très tôt ce matin là pour passer les menottes à son père au saut du lit. Elle a mis du temps à comprendre Victoria, à remettre les pièces du puzzle dans le bon sens. Son père ne corrigeait pas les copies tard le soir, il était occupé à traquer des pauvres proies innocentes. Tel un prédateur, il pistait ses victimes jusqu’à ce qu’elles se retrouvent sans défense et qu’il puisse assouvir ses envies sordides. Il les préférait jeunes, de l’âge de sa fille. Il les aimait quand elles s’habillaient comme des grandes, à l’âge où elles commençaient à prendre conscience de leur féminité et de leur pouvoir sur les hommes. L’ADN aura été son ennemi et le doute n’était plus permis. Son père était un monstre.
5 - La descente aux enfers. Elle n’avait plus beaucoup d’amis au lycée Victoria. La fille du monstre a été pendant très longtemps son surnom, quand on ne lui balançait pas de la nourriture à la figure. Dans toute la ville, son nom de famille était synonyme de perversité. On accusait sa mère d’avoir épousé un démon et d’être aussi monstrueuse que lui, elle qui pourtant était la bonté incarnée. Et puis il y a eut les menaces anonymes, les projectiles lancés en pleine nuit contre les vitres de leur maison, la terreur nouée aux ventres des deux innocentes. Au temps des sorcières, on les aurait sans doute brûlées au bûcher sans aucune forme de procès. Aux yeux de tous, elles étaient tout autant coupables. Même le suicide en prison de son père n’a pas attendri les esprits choqués, alors que quelque part, cachée dans sa chambre une jeune adolescente pleurait la mort d’un père qu’elle avait longtemps idolâtré.
6 - La fuite. Impossible de continuer à vivre alors que leurs visages n’inspirent que dégoût ou pitié pour les plus compatissants. Victoria et sa mère déménagent à Edimbourg deux mois après l’arrestation de son père. Après de nombreuses procédures, son nom n’est plus lié à celui d’un prédateur sexuel, elle deviendra une Morgan. Quant à son ancien patronyme, elle ne le prononcera plus jamais. Dès les premières nuits dans sa nouvelle maison, les premiers signes de ce qu’on lui diagnostiquera comme un choc post-traumatique apparaissent. Les voix de la nuit deviennent beaucoup plus puissantes et à chaque fois, elle fini par s’endormir exténuée, bercée par les histoires des défunts. Elle tente absolument tout pour les faire taire, sans succès. La musique à fond dans ses écouteurs ne parvient pas à couvrir les histoires tristes que son cerveau invente. Les cachets qu’elle prend pour dormir n’ont aucun effet et même si elle s’endort plus rapidement, ce n’est pas pour autant que les voix se taisent.
7 - Elle ne suppose pas un instant que cela puisse avoir un rapport avec le paranormal, elle sait très bien que son cerveau ne fonctionne pas comme celui des autres et qu’elle a toujours été à part. Toujours un peu trop dérangée, elle et ses problèmes mentaux. Malgré les thérapies, les psychologues et les hypnotiseurs rien n’y fait. Le pire c’est que parfois tard la nuit, elle a l’impression que c’est la voix de son père qui l’appelle. Son cauchemar s’amplifie quand chaque soir, il vient l’éloigner du sommeil en lui contant une à une les histoires de ses victimes. Se servant d’elle pour expier ses pêchés. Elle a beau hurler, les mains plaquées sur ses oreilles, elle n’arrive pas à couvrir le son de sa voix. Nuit après nuit, elle est liée à lui et à ses crimes. Au fil des années, elle connait par coeur les mots qu’il va prononcer avant même qu’il ne le fasse. Il n’est pas seul, ils sont des dizaines à avoir le besoin de venir lui raconter leurs vies. Elle en vient à avoir peur de la nuit, peur de se retrouver seule dans son lit, peur d’être assaillie par les voix dans sa tête. Elle se sent bien trop jeune pour être déjà atteinte par la folie et pourtant, elle est persuadée que son problème n’est pas totalement en lien avec son père, elle sent qu’autre chose cloche chez elle. Ses vingts ans passés, elle prend alors la décision de se faire interner volontairement, convaincue qu’elle est schizophrène et qu’elle peut encore être sauvée.

8 - A sa sortie et malgré de nombreux traitements sans aucun résultat, rien dans sa vie ne change vraiment. Elle ne peut que vivre avec ce qu’elle appelle sa malédiction, résignée à l’idée qu’un jour, elle perdra totalement la raison. En 2011, elle fait la rencontre d’un homme, Nadeem. Elle en tombe éperdument amoureuse, peut-être un peu trop. Elle l’aime trop fort, trop violemment, elle l’aime à s’en détruire. Elle l’aime même quand ils se crient dessus, en se hurlant qu’ils auraient préféré ne jamais se rencontrer. Le genre d’amour tellement puissant qu’on a le palpitant qui est sur le point d’exploser. Il y a des hauts et surtout des bas. Des ruptures violentes et des réconciliations torrides. Le résultat de la rencontre entre une tornade et un volcan. Et puis il y a la dispute de trop. Celle qui détruit tout. Il faut être réaliste, ça ne peut pas continuer ainsi pour toujours. D’habitude lorsqu’ils se séparent, il y en a toujours un qui revient vers l’autre mais cette fois-ci, c’est différent. Différent parce que durant leur séparation, Victoria a rencontré un autre homme. Il est l’opposé de Nadeem, il n’a rien à voir avec lui. Ce n’est pas l’amour explosif qu’elle a connu, c’est beaucoup plus doux. Beaucoup plus tranquille. Une relation sans heurts, lui il est fou d’elle et elle, elle aime l’apaisement qu’il lui procure. Elle se voile la face elle le sait, mais elle sait qu’avec lui, elle sera en sécurité, qu’elle redeviendra la princesse qu’elle était dans sa jeunesse.
9 - Dernier coup de poignard à celui qui deviendra désormais son ex. Elle tombe enceinte quelques mois après leur rupture. Elle se complait dans une vie sans la moindre embuche et même les murmures de la nuit lui semblent beaucoup plus supportables. Tel un prince charmant, il l’extirpe de son enfer et l’emmène loin d’Edimbourg. Il la convainc d’abandonner son poste d’assistante sociale pour s’occuper de leur petite princesse à naître. Elle, elle se pense heureuse, pourtant au fond d’elle, elle sait que ce n’est qu’une illusion. Elle est grisée par l’idée de se sentir vivante, d’avoir un but dans la vie. Convaincue que si les voix se font plus silencieuses c’est parce qu’elle a enfin trouvé le bonheur. Il y a pourtant ce doux visage qu’elle entrevoit parfois dans ses rêves, celui de Nadeem et cette question qu’elle ne peut s’empêcher de se poser : Et si ça avait été lui ?
10 - La petite bulle de bonheur dure depuis des années maintenant, à Londres. Moira a presque six ans et elle ressemble beaucoup à sa maman. On pourrait croire que tout va bien pour Victoria maintenant mais c’est faux. Son couple bat de l’aile depuis bien trop longtemps, depuis qu’elle a refusé la demande en mariage. Parce qu’elle ne pouvait pas continuer à mentir et surtout pas à elle-même. Il n’est pas l’homme de sa vie et ne le sera jamais, pourtant elle est restée et a continué de jouer le rôle qu’elle s’est attribuée parce qu’au milieu de tout ça, il y a une enfant. Une enfant qui ignore que son père se console dans les bras de sa secrétaire dès qu'il le peut. Vic’ elle, elle a des doutes. Ils sont confirmés au milieu d’une dispute un soir, la toute dernière. Elle passe par les étapes les plus pénibles de la séparation : déménagement, accord sur la garde de la petite et les regrets. Elle se sent rattrapée par les ténèbres et ses démons intérieurs,  attirée inexorablement vers son enfer personnel. Elle prend conscience que la femme qu’elle était ces dernières années n’est pas celle qu’elle est vraiment. C’est à Edimbourg qu’elle retourne finalement, hébergée provisoirement par sa mère le temps de trouver un poste d’assistante sociale et un petit appartement assez grand pour elle et sa fille. A Londres, elle sait qu’elle n’aurait réussi à rien. Elle n’a pas Moira tout le temps avec elle et les nuits sont redoutables quand elle se retrouve seule dans son nouveau logement. Pourtant elle n’est jamais vraiment seule la nuit car les voix elles, ne l’abandonnent jamais.