Journée, de, merde. Rien de plus à dire. Matinée compliquée à devoir gérer des interventions pratiquées par des résidents parfois incapables de pouvoir prendre les décisions qui s’imposent afin de sauver des patients. On rétorque à grands coups de « Mais je peux pas lui couper la jambe ! Il pourra plus marcher. » Généralement, ils ne voient que l’aspect pratique au début, mais il suffit de leur dire que ne pas la couper voudra dire que de toute manière il ne pourra plus jamais marcher tout court, dans tous les sens du terme. Cynique ? Non. Juste réaliste. Dans certains cas, ne pas vouloir pratiquer une amputation c’est condamner le ou la patient·e à une mort certaine. Tant que les résidents et internes n’auront pas intégré cet état de fait, l’orthopédie ne sera pas faite pour eux. D’autant plus qu’il faut un minimum de muscles, de sang froid et de self-control. Des qualités dont certains ne sont pas forcément pourvus. Aspen n’est pas du genre à envoyer les futurs chirurgiens dans les choux en les faisant pleurer, mais il y en a certains, ils ne devraient pas avoir le droit d’entrer dans un bloc opératoire parce qu’ils sont des dangers pour les patients, pour eux, et parfois pour leurs collègues. Autant dire qu’il s’arrange toujours pour les faire virer ceux-là.

Journée de merde qu’il disait. Matinée horrible, et après-midi qui l’était encore plus. La paperasse du service de chirurgie orthopédique. Signer des documents, donner son accord pour certaines opérations pratiquées par ses collègues, devoir également remplir des dossiers et des rapports de stages pour les externes. C’est un processus long, épuisant, fastidieux et tout ce qu’il déteste.

La seule étincelle de cette fin de journée c’était le gros cas qui est arrivé aux urgences et pour lequel on l’a bipé. Une jeune femme qui était sur son vélo et qui a été renversée par un véhicule motorisé. La force exercée sur sa jambe a provoqué une fracture ouverte sur son fémur. La seule bonne nouvelle était que la veine fémorale n’était pas touchée et qu’au moins elle ne se vidait pas de son sang. Enfin, si, mais pas autant que si ça avait été le cas. Aspen est parti se préparer pour une opération de toute urgence afin de réaligner les os, de les souder ensemble puis de recoudre les muscles s’ils sont perforés et enfin recoudre la peau. Un jeu d’enfant pour le chirurgien qui a déjà eu l’habitude de tout cela. Mais alors qu’il termine et repose les ustensiles avant de confier la patiente aux infirmiers, il regarde l’heure et se rend compte qu’il est enfin en pause. C’est-à-dire qu’il n’a pas à revenir à l’hôpital avant deux jours, un repos bien mérité pour lui qui a pu enchaîné deux jours, puis deux nuits et enfin une journée. L’épuisement est total et il aimerait passer du temps à la maison avec son conjoint.

Il quitte l’hôpital après une douche rapide dans les vestiaires et prend le volant de sa voiture, une vieille Ford Festia qu’il a achetée il y a une dizaine d’années mais qui roule toujours, alors autant ne pas la changer et polluer plus que nécessaire. Il se gare rapidement en bas de l’immeuble dans lequel il vit et monte quatre à quatre les escaliers – oui, les ascenseurs, peu pour lui, s’il peut les éviter, il préfère.

Alors qu’il pénètre dans le loft, il retire ses chaussures, son blouson et s’effondre dans le canapé tout en tombant dans les bras d’Archie, soufflant et se blottissant contre lui. Presque immédiatement, ses yeux se ferment tous seuls, parce que oui, il est épuisé, et il sort de sa voix grave caractéristique :

— Salut… éteint, mort, c’est comme ça qu’il se sent à l’intérieur.

Archibald comprend tout cela. C’est vrai que vivre avec un chirurgien peut parfois être compliqué, mais il l’a toujours soutenu et parfois même alors qu’il est appelé en urgence en plein milieu d’un rendez-vous galant. Mais pas ce soir, on peut l’appeler, il ne répondra pas, hors de question, il a besoin de repos et il a besoin de se ressourcer auprès de son compagnon.

« … Et pourquoi pas adapter Orgueil et Préjugés ? » Les réunions à la con, le brainstorming en vain. Archie arqua un sourcil en guide d’interrogation. Le projet qui allait mal tourner. Son chef se tourna vers lui, remarquant ses doutes : « Mais si, t’sais, en plus y’a un truc là, avec les zombies. Un espèce Resident Evil à l’eau de rose, ça, ça changera ! » Il n’était pas chef, il n’&tait plus auteur, alors, il obtempérait, soufflant, sachant déjà que ce serait la panade. « Allez, j’te laisse ton aprem de libre, tu travailles depuis chez toi, tu lis ce foutu Orgueil et Préjugés et Zombies et on va faire quelque chose de grandiose. » Mangeant un rapide club sandwich en ville, il fila à a librairie – son QG et repaire – acheter ledit livre en question avant de retourner dans son appartement. Il ne put s’empêcher de s’affaler sur le canapé – il détestait quand on lui demandait des choses dont il ne voyait pas le sens. Il tournait dans le vide mais tel était son métier.
Il s’étira, prépara un thé, mit ses lunettes et commença la lecture. Cette parodie du roman original de Jane Austin… Il ne savait que y penser, à tel point qu’il commençait à piquer du nez. C’était une de ces semaines où il n’avait pas la garde son fils, il pouvait baisser la garde, prendre du temps pour soi, profiter seulement d’être seul jusqu’au retour d’Aspen.
Et ce fut le réveil brusque, innatendu, il avait finalement cédé à la paresse alors que le bruit de la pluie furieuse retentissait à travers les carreaux. Même avec ce temps, la ville d’Edimbourg restait magnifique. L’heure du soir approchait, ainsi que le retour d’Aspen et il n’avait pas avancé autant qu’il voulait. Se mettant à l’aise, simplement vêtu d’un débardeur noir, ainsi que d’un bas propice aux vêtements d’intérieur, il reprit sa lecture de la reprise de Jane Austen. La lecture lui sembla durer une éternité, mais il approchait indéniablement de la fin lorsqu’il ne fit pas attention au bruit de la porte qui s’ouvrit, laissant rentrer son autre locataire. Il finit par entendre les pas feutrés, tentant de se concentrer afin de finir la dernière page de son chapitre en cours. Et puis, ce fut la chute à ses cotés. Archie daigna fermer pour aujourd’hui son livre, accueillant avec plaisir dans ses bras son cher et tendre. « Salut ! » dit-il d’une voix enthousiaste. « Par contre, toi, t’es K.O » fit-il avec un sourire inquiet. S’il savait que son copain s’occupait de tout le monde à l’hôpital, il aimait prendre ce rôle, une fois à la maison. « On est pas obligé d’en parler. » Mais par contre, lui, s’obligeait à faire en sorte que la journée d’Aspen se finisse sur une meilleure note. Baissant sa tête, il lui vola un baiser, l’espace d’un instant avant de plonger ses mains dans la chevelure de son copain. « Dis-moi ce que je peux faire pour toi et je le ferai. » Il redressa ses lunettes avant de plonger dans son cou, lui laissant quelques baisers réconfortants.

A tout bien considérer, Aspen sait qu’il ne pourra pas refuser un appel de l’hôpital. Malgré tous les grands discours qu’il fait sur le fait qu’il ne répondra pas, qu’il est en repos et qu’il prendra du temps pour lui, il ne peut résister au fait d’aller vouloir se réfugier dans un bloc opératoire. C’est une drogue, son havre de paix, souvent le seul endroit où il peut se reposer réellement et faire le vide en lui. Sa thérapie c’est ça, le fait de sauver les autres. Cela a forcément une incidence sur le reste : sa vie privée, son couple, sa famille – bien que les autres membres de sa famille sont aussi chirurgiens. Il doit mettre le reste en veille, parce que c’est ça être médecin, c’est faire don de son temps pour les autres, mais pas toujours pour les personnes qui comptent le plus.

— Salut ! qu’il répond Archie, d’une voix un peu trop enthousiaste et énergie pour lui. Par contre, toi, t’es K.O.

Comme à chaque fois qu’il revient d’une longue garde à vrai dire. Aspen est du genre à se donner corps et âme et ensuite à devoir dormir comme une marmotte pour reprendre de l’énergie. Un peu épuisant à suivre comme rythme de vie, il en est conscient.

— On est pas obligé d’en parler.

Énorme point positif de sa vie : Archie cherche toujours à faire en sorte qu’Aspen ne s’endorme pas avec de mauvaises vibrations. Depuis qu’ils flirtent ensemble, ils ont pris l’habitude de parler le soir, de s’appeler au téléphone et de se dire tout, de se vider l’esprit. C’est encore plus important depuis qu’ils ont décidé de prendre ce loft ensemble. Aspen est reconnaissant de tout cela, et l’est encore plus quand son cher et tendre vient l’embrasser et caresser son cuir chevelu, le faisant presque ronronner de plaisir tel un chat bien lové.

— Dis-moi ce que je peux faire pour toi et je le ferai.

Archie finit par venir lui déposer de doux baisers dans le cou et lui, il ferme les yeux et se blottit encore un peu plus contre son torse. Il profite tout bonnement de cet instant, sachant pertinemment qu’il y a de fortes chances qu’ils n’en aient pas d’autre du repos d’Aspen. Scott doit arriver demain non ? Enfin, il ne sait plus vraiment, les jours se suivent et se ressemblent le temps perd de son importance parfois.

— Encore obligé de recadrer des internes et des résidents incapables de prendre les bonnes décisions, beaucoup de paperasses à signer. La routine habituelle qui est épuisante et qui plombe le moral.

Le pire, c’est que même s’il se plaint de tout cela, il ne pourrait pas vivre sans. Être chirurgien c’est bien, enseigner à la future génération, c’est encore mieux. La fierté qu’il ressent à chaque fois qu’il voit un résident devenir titulaire et parfois un collègue qu’il a lui-même formé… c’est incomparable.

— Mais sur la fin de ma journée, une femme est arrivée avec une fracture ouverte, alors j’ai pu terminer sur une chouette intervention chirurgicale, de quoi bien finir et être de bonne humeur.

Alors oui, ne pas être choqué, un chirurgien aime opérer, et parfois il en souhaite à voir de bons gros cas bien compliqués, ce n’est pas du sadisme vis-à-vis des gens, mais c’est simplement que cette montée d’adrénaline est un pur bonheur.

Il finit par se redresser, s’asseoir à côté d’Archie et stopper les caresses et embrassades. Il a besoin de rester éveiller, d’autant plus qu’il a quand même envie de pouvoir passer la soirée avec son compagnon, non pas lové dans le canapé en étant en train de dormir comme un loir. Il s’étire avant de bailler quelque peu.

— Et toi, ta journée ? Ça a été ? parfois, il sait qu’Archibald passe des journées merdiques, et il n’y a pas forcément d’autres mots pour ça… alors il demande, fait en sorte de s’intéresser à ce qu’il peut faire. D’ailleurs, Scott, il arrive demain c’est ça ?

Autant demander au lieu de rester Fanny. Si jamais Scott vient, il faut qu’ils soient prêts à le recevoir, et c’est loin d’être le cas, et cela voudrait dire qu’Aspen sera de corvée de courses demain matin, et bon sang il n’en a pas envie du tout.

Il ne pourrait jamais travailler dans le monde hospitalier. Il trouvait le métier très noble mais il savait que lui confier une vie, ce serait la condamner dans d'atroces souffrances. Mais alors, tout ce qui allait avec le reste résonnait comme un cauchemar pour le Ferguson, entendant son conjoint parler de la sorte. Mais jamais, ô grand jamais il le dissuaderait de faire autrement ou autre chose même car même dans la fatigue ou la frustration, il pouvait sentir au plus profond de lui tinter le glas de la passion. Il ne lui adressa qu'un sourire compatissant, accompagné d'une caresse sur l'épaule. La frustration liée au travail, il l'avait trouvée, il l'avait vécue même pendant de nombreuses années, lorsqu'il écrivait des romans. Le syndrome de la page blanche, la frustration liée à une suite qui n'avait ni queue, ni tête. Effacer, recommencer, n'arriver à rien, ou arriver à quelque chose qui n'était pas satisfaisant. Et même quand on était fier de soit, il suffisait d'un non rédhibitoire de l'éditeur pour savoir qu'il fallait tout recommencer. C'était loin derrière lui et il n'avait pas besoin de le revivre. Et un sourire s'agrandit d'autant plus sur son visage lorsqu'il entendit conclure sur ce qu'il avait vécu comme la dernière chose de sa journée. Il n'avait pas besoin d'avantage de détails pour grincer intérieurement. Trop de détails le faisait toujours frémir et frissonner parce qu'il avait l'impression de pouvoir se les imaginer. Et son récit se conclut de la sorte : que pouvait-il en déduire ? Qu'il allait se coucher avec cette frustration de la sorte ? Sans même pouvoir intervenir, la balle avait changé de camp, Aspen s'interessant à ce qu'il avait vécu aujourd'hui. Sans mots, il s'empara de l'unique livre présent sur la table basse, le secouant. « Tu l'as lu? Parce qu'apparemment, ça serait le prochain hit du jeu vidéo. » dit-il avec une voix remplie d'ironie. « Je dois trouver le potentiel de ce bouquin. » dit-il en mimant d'une voix rude celle de son boss. Et il le balança sans ménagement sur la table basse avant de reposer ses yeux sur lui. « Hm-laisse moi checker ça. » dit-il. Il ne savait foutrement si Scotty allait arriver chez eux demain. Evidemment qu'il avait hâte de le revoir mais il avait toujours l'impression de vivre une balance entre l'intensité et la quiétude d'une vie en et sans sa présence. Il se leva, allant consulter le calendrier accroché près de l'entrée de la cuisine. « Yep, le petit monstre arrive demain. » dit-il affectueusement, néanmoins avec une voix ferme. Il ne leur restait que cette soirée avant d'être à nouveau tranquilles la semaine prochaine. Et pris d'une impulsivité sans limite, il s'arma de son portable. « Ce qui veut dire... » suggéra-t-il. Il sélectionna une musique bien gênante, mais qui allait l'aider à le débarrasser de ces pensées. You Can Leave Your Hat On, projeté directement dans l'enceinte du salon.

« Vous avez demandé un service particulier, Mr. Fraser ? » Déambulant d'un pas sensuel et d'un pas feutré, il fit quelques mouvements de dance malencontreux, déhanchant son bassin. Fermant les yeux, il se laissa entrainer dans la danse, n'ayant pas peur du ridicule face à lui. Il se débarrassa de son débardeur noir qu'il fit tournoyer entre ses doigts avant de le jeter maladroitement sur un des vases. Plus fort et il aurait pu le renverser. Objet sentiment. Il regarda vite fait avant de sourire avec une grimace, et d'éclater de rire et de venir vers son chéri, déboutonnant son pantalon.

Archibald comprend tout ce que dit Aspen, il comprend cette fébrilité à l’idée de pouvoir entrer au bloc opératoire, combien même lui-même ne l’a pas expérimenté, mais le chirurgien sait qu’il devait ressentir la même chose lorsqu’il entrait dans une salle pour faire des dédicaces et rencontrer des lecteurs qui aimaient beaucoup ses livres. Même s’il a perdu cela, il reste un écrivain, et se retrouver confronté à des difficultés comme les siennes, ça doit être éprouvant, alors il fait beaucoup pour l’aider, pour être là quand il en a besoin. C’est pour cette raison qu’il prend le temps de l’écouter, de l’aiguiller comme il le peut, et de ne pas rester fermé à la conversation. Il fait cet effort avec lui, pas avec les autres, parce qu’il n’en a pas le droit, pas avec Archibald, il ne peut pas se fermer comme il peut le faire avec les autres.

Pour répondre, l’écrivain attrape le bouquin sur la table basse, et quand Aspen lit le titre, il manque un hoquet, parce qu’il a peur de comprendre ce qu’on lui demande, d’autant plus que c’est vraiment un déchet ce truc… du moins à ses yeux. Il peut comprendre qu’on l’aime, mais peu pour lui.

— Tu l'as lu? Parce qu'apparemment, ça serait le prochain hit du jeu vidéo.

Ah. Ouais. Alors. Non ?

— Je dois trouver le potentiel de ce bouquin, qu’il dit d’une voix absolument atroce.

Puis il le balance là où il l’a trouvé avant de se lever et d’aller voir le calendrier de la cuisine pour regarder si effectivement Scott doit venir demain. Parce que la garde alternée c’est ça, c’est faire en sorte que son fils soit bien accueilli à la maison, avec eux deux.

— Yep, le petit monstre arrive demain.

Misère. Aller faire les courses demain matin, une angoisse, peut-être qu’il fera un drive, ce sera plus rapide et au moins il n’aura pas à fréquenter des inconnus dans un magasin. Mais au moins, il aura peut-être l’occasion de tenter de faire connaissance avec son beau fils, et peut-être de s’entendre avec lui, un peu mieux tout du moins.

— Ce qui veut dire…

Oh. Non. Mauvaise idée. Archie a un sourire amusé sur le visage et prend son téléphone portable. Cet air mutin, il ne l’aime pas, ou alors il l’adore, il ne saurait dire. Tout ce qu’il entend, c’est une musique ringarde à souhait qui retentit dans les murs de leur loft.

— Vous avez demandé un service particulier, Mr. Fraser ?

Aspen commence à rire en voyant Archibald commencer à danser de façon étrange tout en retirant son débardeur et l’envoyer valser dans la pièce. Le voir torse nu, c’est vraiment une idée merveilleuse et surtout, il arrive petit à petit en déboutonnant son pantalon.

Le chirurgien se lève avant de s’approcher de son cher et tendre, et de se coller à lui pour lui baisser entièrement son pantalon sans aucun ménagement.

— A quoi tu penses toi ?

Il le sait très bien, mais il aime aussi jouer avec la tension parfois, il aime en rajouter et surtout il a envie de s’amuser. Aspen retire lui aussi son gilet qu’il laisse tomber au sol, il se retrouve en maillot de corps et tout ce qu’il trouve à faire, c’est de caresser le torse d’Archie, de suivre la ligne entre ses pectoraux, de toucher sa légère toison tout en venant le regarder dans les yeux et de l’embrasser tendrement.

— J’ai bien quelques idées du coup, mais elles sont terriblement indécentes, qu’il rétorque avec un petit sourire au coin des lèvres.

Il vient alors approcher son visage du sien, il vient déposer ses lippes sur celles de son compagnon pour l’embrasser, chercher son odeur, son contact, l’avoir contre lui, pour lui.

A quoi il pensait ? Il ne lui répondit pas, parce qu'il savait très bien qu'ils étaient de connivence, qu'ils avaient la même manière de fonctionner et de penser. Deux rapides et discrets coups d'oeil d'haut en bas. Il fut une fausse mine choquée lorsqu'il le vit lui arracher sans vergogne son pantalon qui tomba à terre, révélant que son sous-vêtement déformé par le désir qu'il avait pour lui. Muni d'un sourire mutin, il le regarda se débarrasser de son gilet. C'était dans ces moments comme ça qu'il se sentait clairvoyant, qu'il comprenait pourquoi il avait eu ce coup de foudre pour cet homme lors de sa balade sur une plage italienne, que durant près d'une semaine, le temps s'était arrêté dans cet hôtel d'Edimbourg. Légers frémissements lorsqu'il sentait l'autre parcourir son corps avec ses doigts. Une course qui se finit en bas, conclue par un doux baiser. « J'adore les idées indécentes. » souffla-t-il chaudement dans son oreille, se présentant avec un petit sourire lubrique. Reprenant ses embrassades, il se colla à lui, l'étreignant jusqu'à ce que ses mains chutent, voulant copier leurs jumelles quelques instants plus tôt. Quelques coups de mains, en quelques maigres instants, et maillot et pantalon chutèrent à terre. Ce n'était qu'un cimetierre de vêtements en bas, noyé dans un brasier de désir jusqu'en haut de leurs têtes.

— Comment tu te sens maintenant ?

Comment ils se sent ? Comment pourrait-il aller mal ? Aspen se sent bien, il se sent mieux surtout, mais ce n’est pas que ça, il finit par venir embrasser à nouveau Archibald, souriant avec un petit air tendre qu’on ne lui voit que trop rarement, seulement en compagnie de son aimé.

— Je me sens encore plus amoureux… je ne savais pas que c’était possible.

Il finit par l’embrasser encore avant de se lever du lit, s’étirant et allant vers la salle de bain pour aller mettre un bain chaud à couler. Il met également du sel parfumé et de quoi avoir de la mousse pour qu’ils puissent se glisser dans une eau délicieuse. Il finit par revenir dans la chambre, attrape la main d’Archibald pour l’inviter à le suivre, il s’installe alors dans le fond pour que le châtain puisse se mettre devant lui.

— Et toi, comment tu te sens désormais ?

La réciproque, le besoin de savoir, le besoin d’être là pour lui, en permanence. Le chirurgien n’est pas romantique, jamais. Mais Archibald a cette façon de le regarder, de l’aimer, de lui parler qui éveille en lui de beaux échos, de belles émotions qui lui donnent envie de le cajoler, de l’embrasser et de fondre comme il n’avait jamais fondu face à personne. Il l’aime, et il l’aimera toujours.

Il frémit, il a un petit sourire tout bête qui vient s'accrocher à son visage. Il secoue vaguement la tête. Il ne pouvait pas lui répondre : n'impote quoi parce qu'en soit, ça le touchait toujours autant, dès le premier jour. Alors, il continue juste et encore de le regarder, sans le quitter des yeux. Il échangea de nouveau un baiser avant de le voir se lever par surprise. Sans discretion, ses yeux suivaient assidument sa colonne vertébrale et ce qui se trouvait en dessous. Malgré la fatigue, l'excitation demeurait toujours présente. Et sa tête se retourne, profitant avec aisance des drap, couettes et coussins, aimant cette sensation de pouvoir être reposé, d'être posé sur cette couche confortable. Il ferma les yeux l'espace d'un instant avant de voir une main tendue qui linvita à le suivre. Automatiquement, Archie s'executa pour le suivre, le voyant s'installer dans l'eau chaude avant qu'il en fasse de même, prenant place devant lui. Il prit ses aises, se détendant en s'appuyant légèrement sur lui. Il soupira, heureux et détendu, les yeux clos, ne se focalisant que sur le toucher de leurs deux corps. — Bien, mais c'est toujours bien quand je suis avec toi.
Parce qu'être avec Aspen dans la même pièce lui garantissait un magnétisme qui chassait toutes les mauvaises ondes, nuages dangereux et qui permettait de retrouver une certaine sérénité mais ce soir là, c'était l'écrivain qui avait voulu aider son compère en le boostant d'une manière comme d'une autre. Il inspira un bon coup avant de commencer : « Tu sais, j'comprends rien à ces trucs d'hôpital. Tu m'donnes un scalpel et je tue quelqu'un. Mais, y'a une chose dont j'suis sûr, c'est que chaque jour, tu sauves des vies. Et je veux que chaque jour, tu te lèves le matin en sachant cela. » dit-il, expirant alors qu'il prit un savon qu'il tendit à Aspen, lui suggérant qu'il devait lui laver le dos avec cela. Aider les autres, c'était un métier noble. Que les personnes soient infirmiers, urgentistes, policiers, ou même encore professeurs, ils apportaient une contribution non négligeable. Il aurait aimé faire partir de ceux-là mais son talent à lui résidait dans ses doigts. « On peut dire que dans un certain sens, t'as sauvé la mienne.» dit-il avec un petit sourire gêné.

Aspen n’agit jamais de façon sentimentale ; c’est un homme qui réagit avec son cerveau, non avec son cœur. Pour lui, tout est question de raisonnement et de réflexion. Il est rare de le voir enlacer quelqu’un, il est encore plus rare de le voir pleurer ou même dire ce qu’il ressent. C’est comme cela depuis toujours, il n’aime pas montrer ses émotions et ça lui a même joué des tours, certains pensaient qu’il était malade, qu’il avait des problèmes mentaux, mais finalement, tout ce qu’on lui a trouvé c’est une pudicité émotionnelle, comme si c’était quelque chose de grave, quelque chose sur lequel il fallait mettre des mots. Aspen se moque de tout cela, pour lui, ce n’est rien, parce qu’il sait à qui il doit montrer ses émotions et c’est envers Archibald, et personne d’autre. Oh, il a eu d’autres relations, mais jamais aussi puissante, jamais aussi passionnée. C’était lui qu’il cherchait, son âme sœur, même s’il a du mal avec ce concept mythologique.

Tous les deux dans la baignoire, Aspen déposant de doux baisers sur les épaules de son conjoint assis devant lui, il lui demande comment il se sent, il essaie d’être présent, et même si c’est maladroit, il est sincère, et c’est tout ce qui importe désormais.

— Bien, mais c'est toujours bien quand je suis avec toi.

Il se met à rire, la scène est cocasse, légèrement niaise, mais elle leur correspond, tellement. Ce n’est pas toujours comme cela entre eux, parce qu’il y a des choses qu’ils ne se disent pas, des choses de leur passé qu’ils ne mettent pas sur le tapis, mais ils essaient d’être doux, affectueux. Aspen, lui, préfère taire son don étrange, un pouvoir qu’il possède et qui lui est utile au quotidien au travail, mais il a toujours eu peur qu’on le prenne pour un détraqué, alors il ne dit rien, à personne d’ailleurs, c’est son jardin secret, un poids qu’il veut et doit porter seul sur ses épaules.

— Tu sais, j'comprends rien à ces trucs d'hôpital. Tu m'donnes un scalpel et je tue quelqu'un. Mais, y'a une chose dont j'suis sûr, c'est que chaque jour, tu sauves des vies. Et je veux que chaque jour, tu te lèves le matin en sachant cela.

Il le sait déjà tout cela. La médecine c’est ce qui l’aide à se lever chaque matin, l’idée d’aller sauver quelqu’un, même si ce n’est qu’une maladie virale ou une grosse opération, il aime soigner, il aime prendre soin, et entendre qu’Archibald est sensible à cela lui redonne une certaine facilité à passer autant de temps à l’hôpital, parfois au détriment de leur vie de couple à tous les deux.

Archie lui donne un pain de savon et Aspen commence à lui laver le dos avec, tout en lui délivrant de petites caresses attentionnées.

— On peut dire que dans un certain sens, t'as sauvé la mienne.

La vérité, c’est qu’il l’a aussi détruite sa vie, il le sait. Archibald avait une femme, a un enfant, et il est venu, il a tout déchiré, il a brisé cette union qu’il avait. Mais l’amour lui a fait faire des idioties. Ce n’était pas bien, ils le savaient tous les deux. Aspen n’avait aucun droit de faire ça, mais il n’a pas pu s’en empêcher.

— Ne dis pas n’importe quoi, tu vas nous attirer la poisse, qu’il lui rétorque rapidement avec un rire tout en venant l’éclabousser par l’avant de son corps.

Si Aspen a bien retenu une chose, c’est de ne jamais forcer le destin en disant de pareilles choses. La maladie, la mort, tout ça arrive bien trop vite sans qu’on ne sache pourquoi forcément. Alors il n’a pas envie d’imaginer le pire. Mais quoi qu’il arrive, Archibald n’est pas malade, il l’aurait senti sinon, et c’est très bien ainsi.

Le chirurgien finit par prendre le shampoing solide pour venir laver les cheveux de son compagnon en lui faisant un petit massage crânien au passage.

— Tu sais, je me demandais… j’avais pas envie d’aborder le sujet, mais ton ex… tu sais ce qu’elle peut raconter à Scott ? Je veux dire, sur nous deux ?

En fait, c’est un sujet qui froisse un peu le brun ces derniers temps. Scott peut se montrer vraiment infect avec lui, et il aimerait trouver le moyen d’arranger les choses. Aspen a toujours voulu être père, et il a l’occasion de le faire, mais rien ne fonctionne comment il le souhaite. Son beau-fils est acerbe, méchant avec lui, et il aimerait que ça change.