1. Né de l'union entre Théodore et Elizabeth Von Kuffner, tu vécus une bonne partie de ton enfance au sein du manoir paternel, aux abords de la capital Autrichienne. Tes parents, occupés à faire fructifier la fortune familiale à coup d'investissement et de dîners mondains, eurent tôt fait de déléguer ton éducation à une tiers personne. Margaret, dite Maggy, qui fut ta nourrice durant les 14 premières années de ta vie.
Et tu tenais fermement à cette appellation. Nourrice. Pas gardienne. Maggy ne se contentait pas de te garder lors des -trop nombreuses- absences de tes parents. Non. Elle te nourrissait, au sens propre comme au figuré.
C'était elle qui s'occupa de ton éducation. Elle qui t'avait changé, veillée lorsque tu étais souffrant et qui avait nettoyé chaque goutte de fluide s'échappant de ton corps, lorsque tes parents refusaient de t'approcher.
C'était elle qui t'avait appris à utiliser tes couverts, à te nettoyer seul, à te tenir droit, comment et à qui t'adresser, …
Tes parents n'avaient ensuite eu qu'à profiter de sa base éducative pour y apposer leurs attentes et te façonner à leur image. Te rendre aussi froid et calculateur qu'eux-même afin de te permettre de survivre dans ce monde.
Maggy avait été comme une mère pour toi, sans doute plus que ne le sera jamais ta propre mère, mais elle avait quittée ce monde précipitamment il y avait de ça la moité de ta vie, des suites d'une leucémie foudroyante.

2.  Peu après le décès de ta figure d'attachement, tu quittas Vienne pour Londre. Pour un internat prestigieux dans lequel tu passas ton diplôme de secondaire, avant de rejoindre l'Ecosse pour entreprendre tes études de médecine. Aujourd'hui, c'est dans cette même région que tu avais décidé de poser bagages, au moins pour un temps.

3. Très jeune -trop jeune-, tu t'éveillas aux plaisirs de la chair.
T'abandonnant dans un premier temps aux plaisirs solitaires, tu ne tardas guère à chercher des partenaires de jeu à un âge ou certains de tes camarades demandaient encore des histoires avant de s'endormir.
Parfois, il t'arrivait de coucher avec plusieurs femmes dans la même soirée sans que cela n'entrave ta libido.
Tant que ça avait des seins et que c'était consentant, tu prenais.  

4. Ça. Les femmes. Ces êtres voluptueux aux courbes enchanteresses que tu adulais presque autant que tu les bafouais. Car si tu savais te montrer charmant, jouer de tes mots et de tes sourires, la vérité n'en restait pas moins que tu ne considérais pas ces êtres comme des égaux. Pas non plus comme inférieure, cependant. Tu estimais simplement qu'elles et vous étiez bien trop différents pour être comparables, avec vos qualités et vos défauts respectifs. Vous n'étiez pas égaux, mais complémentaires.
Bien sûr, tu savais que le caractère n'était pas lié au seul genre des personnes, mais tu ne pouvais t'empêcher de penser que certaines caractéristiques, elles, y étaient intrinsèquement liées. Ainsi, pour ne citer que la vérité la plus connue, elles étaient dans l'émotif, lorsque vous étiez dans la logique.

5. Depuis toujours, on t'avait appris à prendre soin de toi, de ton apparence physique et de ce que tu renvoyais aux autres. Ton physique, c'était un peu ta carte de visite. C'était ce qui donnerait envie aux autres de se lier à toi, que cela soit dans le privé ou, plus important encore, dans la sphère publique.
Être beau, bien entretenu, était une condition sine qua non au succès, tant en amour que dans les affaires. Et ça, tu l'avais vite compris.
Aussi faisais-tu extrêmement attention à ton alimentation que tu contrôlais de manière maladive, ne t'accordant que de très rares écarts que, souvent, tu ne parvenais pas à garder plus d'une heure dans ton estomac avant de les regretter.
Tu passais également énormément de temps à la salle ou, à défaut, sur le tapis de gym trônant dans un coin de ta chambre à coucher, sur lequel tu faisais ton heure de sport matinal quotidienne avant de te doucher et d'aller au travail. Le but n'était pas tant de te muscler que de te maintenir en forme et de chasser le moindre microgramme de masse graisseuse.

6. Avec la liberté sommes toutes relative que t'offrit l'internat, s'intensifièrent les conduites à risque.
A ta sexualité -parfois handicapante tant elle accaparait ton esprit encore immature-, s'ajoutèrent l'usage d'alcool et de stupéfiants.
De la MD, principalement, ainsi que pas mal de cocaïne. Deux substances servant à amplifier les sensations des doigts et des lèvres inconnues contre ta peau déjà usée par les excès.
Plus les mois et les années passaient, plus te te sentais prisonnier de ta propre libido. Tu ne couchais plus par plaisir, mais par besoin. Par obligation, afin de satisfaire les pulsions qui te pourrissaient l'esprit, mais qui procuraient de moins en moins d'émotions à ton corps fatigué d'être ainsi malmené.
Avec la came, au moins, tu réussissais à t'oublier et à retrouver quelques peu les plaisirs de tes débuts. Pour un temps du moins, avant que n'arrive le contre coup.  

7. Tu n'avais pas encore vingt-trois ans lorsque tu te rendis chez le médecin pour une légère fièvre persistante depuis quelques jours maintenant, agrémentée d'une diarrhée chronique que tu avais mise sur le compte du stress à l'approche de tes examens. Pensant que celui-ci allait te prescrire quelques anxiolytiques le temps que cette période de stress intense ne se termine, tu fus surpris de voir que, après t'avoir ausculté les ganglions et les amygdales -constatant de tes aphtes dont tu n'avais jugé utile de lui parler-, celui-ci rajouta à sa liste de médicaments une prescription pour une prise de sang.
Et pas n'importe laquelle,
Une prise de sang de dépistage du VIH Afin d'écarter cette possibilité
Quel ne fut pas ta surprise lorsque celle-ci se révéla positive...

8. Tu étais séropositif.
Et cette réalité pourtant imprimée sur papier glacé ne parvenait pas à faire sens pour toi.
Oh, bien sûr, tu avais joué avec le feu, mais jamais, ô grand jamais, tu n'aurais pensé avoir la moindre chance de te brûler.
Le SIDA, c'était pour les putes, les homosexuels et les drogués, non ? Les vrais drogués. Ceux qui s'injectaient leur merde mal coupé par intraveineuse. Pas ceux qui humaient la confiance à plein nez.  Pas les gens de ta trempe.
Bien sûr, tu savais que ce n'était plus exactement vrai, mais quand même...
Dans ton esprits, seuls les malpropres pouvaient en être atteint. Les pauvres. Ceux qui ne prenaient pas soin d'eux.
La plèbe, mais pas toi.
Jamais toi.
Et pourtant force était de constater que non seulement le virus du VIH circulait en toi, mais en plus, il semblerait que tu l'hébergeais depuis  plusieurs longues années, à en juger par ton taux de lymphocytes T4 légèrement en dessous du seuil critique.

9. Aujourd'hui sous traitement, tu savais que tes jours n'étaient plus en danger, du moins pour l'instant.
Si l'on occultait tes diarrhées chroniques, effet secondaire de ta thérapie, tu étais même en excellente santé globale.
Si ce n'était ce poison se baladant librement dans ton corps, bien sûr.
Cette épée de Damoclès qui ne te quitterait jamais et qui t'imposait un suivi régulier.
Cette honte irradiant tout ton être à l'idée d'être souillé par le mal.
Qui voudrait de toi, maintenant que tu portais en toi ce fardeau ? Même si les risques de contamination étaient quasiment nuls tant que tu suivais ton traitement, ils existaient.
Pour ta compagne et, surtout, pour ton héritier.
Un héritier que tu n'étais pas sûr de pouvoir concevoir un jour, compte tenu de ton état.
Pour un peu, tu regrettais presque de ne pas avoir demandé de test de paternité à tous ces bâtards que ces femmes t'avaient présentés. 
Tout comme tu te demandais si ces derniers pouvaient être contaminés, si tenté qu'ils soient réellement les tiens, de bâtards...
Même si tu t'en cachais, la vérité était que cette question te taraudait.
Combien en avais-tu contaminé, depuis que tu étais porteur ? Peut être des dizaines, sinon des centaines....

10. Aujourd'hui chirurgien, tu ne parlais que très rarement de ta maladie, cachant tes pilules à l'intérieur d'une ancienne boite de bonbons afin de ne pas éveiller les soupçons.
Mis à part tes parents, rares étaient ceux au courant de ton état.
Et c'était bien mieux ainsi.
Ta maladie ne concernait que toi et, à la limite, ta future femme s'il y avait.
Pas tes collègues, pas la presse et pas même tes amantes que tu prenais soin de ne toucher que protégé par une fine pellicule de latex malgré le faible taux de risque de transmission. Même lors des préliminaires, tu ne venais jamais sans capotes.
C'était frustrant, mais tu ne pouvais pas te résoudre à prendre le moindre risque.
Pour elles, mais aussi et surtout pour toi. Pour ton intégrité déjà blessé par cette réalité que tu niais aussi souvent que la vie te le permettait.

Anecdote en vrai : Tu souffres de TCA depuis l'enfance, qui se sont intensifiés à l'adolescence et encore plus suite à la découverte de ta maladie – En apprenant pour celle-ci, tes parents vieillissant ont tenté de faire un autre héritier au cas ou, mais l'enfant ayant été diagnostique prénatal comme étant atteint du syndrome de Down, ta mère l'avait avortée – Tu es atteint d'hypersexualité, du moins, si tu en crois internet, car tu n'as jamais prit la peine de te faire authentifier par un psy. A quoi bon ? – Tu rends visite à Maggy au cimetière au minimum une fois par an et possède même une photo d'elle dans ta chambre, légèrement cachée pour éviter les questions gênantes de tes amantes d'un soir.