Ma condition physique va considérablement en s’améliorant. Non seulement j’arrive désormais à me déplacer sans mes béquilles (même pas une seule, même pas une canne, même pas le manche d’un parapluie savamment replié – que.dalle), mais en plus on envisage un retour progressif à un petit footing journalier. Et quand je dis on, je parle bien sûr de mon coach personnel préféré, autrement connu sous le petit surnom de Bear.
Non parce que ma chère et tendre reste persuadée qu’il est trop tôt pour moi reprendre le taf. Et donc pour moi de travailler à ma pitoyable et pathétique condition physique. Non pas qu’elle lui déplaise hein cette dite anatomie – n’allons pas la faire mentir voyons ; c’est juste que l’idée de remettre un peu plus de tonus dans toute cette masse morte ne l’emballe pas au plus haut point.
Bon d’accord, j’exagère probablement un peu (*hum) en parlant de mortalité, mais c’est exactement comment je me sens ! Des mois et des mois (on va presque fêter son anniversaire quoi !!) ont passé depuis ce fichu accident et je n’ai toujours pas repris une activité sportive régulière. Tout ce que Raichou m’autorise c’est une visite à la salle de sport de temps en temps. Même s’il convient de dire que de temps en temps est assez vague et porte à interprétation. Elle n’est pas censée savoir que je passe la plupart de mes journées ici. J’ai trop peur qu’elle finisse par me croiser dans le parc et me fasse la leçon. Ce n’est pas faute de vouloir sauter le pas pourtant. Mais pas tant que le médecin ceci, qu’un deuxième avis cela.
Autant je peux comprendre qu’elle s’inquiète pour ma petite santé, je ne suis pas aussi fragile que ça non plus. Sans quoi le camion aurait pu faire vachement plus de dégâts que ça.
Les circonstances de cette collision restent toujours profondément enfouies dans un épais brouillard, voire carrément dans un trou noir, mais j’essaie de lâcher prise. De ne pas chercher à tout prix et en continu à comprendre ce qui s’est passé. Ou ce qui a pu foirer. Pourquoi je ne l’ai pas vu. Pourquoi je ne l’ai pas entendu. Pourquoi je n’ai pas esquivé. Même si en soit … eh bien ça n’aura jamais le pouvoir de changer le passé. Il faut faire avec. Et continuer à avancer.
Et c’est précisément ce que j’aimerais faire : avancer !
Pas en clopinant.
Pas en regardant non-stop derrière moi.
Juste pas à pas. Un jour à la fois.
Mais pas trop lentement non plus.
C’est lassant à force.
Puis bon, mettre une carrière en stand-by pendant une année sabbatique ok, ça passe. Ça ajoute même un petit côté exotique au CV, mais ça n’a pas la même saveur quand ce n’est pas volontaire. J’aurais ADORÉ mettre ma vie de mannequin en pause pendant douze mois pour aller parcourir le monde, pour aller me dorer la pilule au soleil avec ma chérie, pour partir en quête de mes roots. On peut difficilement dire que mon sabbat a ressemblé à ça …
Dans les films à l’eau de rose y’a toujours les parents biologiques qui finissent par débarquer au chevet de leur enfant abandonné en larmes et en fleurs … eh bien je peux vous dire que dans la vraie vie ça n’arrive pas. Personne n’est venu (bon à part la famille que je me suis faite avec Mister T hein, ce ne sont pas des monstres non plus ! – puis il y a eu des ballons, des fleurs, des confettis et j’en passe pendant tellement longtemps que Rachel a carrément dû mettre un holà sur toute cette effusion sentimentale – y’a d’ailleurs plus de place dans l’armoire à peluches et j’ai dû me résoudre à l’idée d’en offrir plusieurs à une œuvre de charité).
J’en étais où déjà ? Ah oui, les dramas complètement absurdes de la télé réalité. Eh bien on n’y était pas. Et si je veux aller découvrir mes origines et la raison du qui, du quoi, du pourquoi, du comment que j’ai fini dans un orphelinat dès mon plus jeune âge – il ne tient qu’à moi de prendre un avion pour me rendre là où tout a commencé.
Et pour cela il faudrait, primo que je laisse ma fiancée derrière moi (déjà l’empêcher de bosser tout un week-end ça relève d’une mission pour Tom Cruise), et deuzio (non des moindres) que j’arrive à reprendre un peu de consistance.
Aujourd’hui il y a une petite séance de boxe sur le menu.
De quoi se défouler dans le sable sans trop se fracasser les phalanges (niveau carrière ça ne donne pas super bien sur les photos) et remettre un peu de pression sur mes jambettes.
Je commence à être plutôt douée en la matière. Mais prenez le de qui ça vient, accessoirement quelqu’un qui n’a toujours pas reçu l’autorisation écrite d’aller faire le tour du parc avec des écouteurs sur la tête et une musique d’aérobic dans les oreilles.
Qu’à cela ne tienne, c’est Bear qui va me signer mon autorisation de sortie, nah !
Et sans vraiment regarder, je balance un bon gros direct du droit en direction du sac de boxe qui pendouille là un peu tout seul dans le vide. Sauf qu’il n’était pas vraiment seul. Et moi clairement pas concentré sur ma cible.
Mon poing passe à côté.
Mon bras suit.
Et le tout vient rencontrer la chair ferme d’un inconnu qui se tient devant moi, probablement à s’entraîner lui aussi. Heureusement je n’y allais pas de toute ma force. Haha, la bonne blague.
Ce qui n’empêche que je me suis hyper mal au moment de l’impact.
- « Oh je suis vraiment, vraiment, vraiment désolée. Je ne vous avais pas calculé. »
Ben non bien sûr, j’étais en train de refaire le monde dans ma tête.
- « Je ne vous ai pas fait mal j’espère. »
Ça m’étonnerait quand même vu ma composition, mais ne sait-on jamais. Il suffit de toucher un point sensible et me voilà avec un procès aux fesses. Toute bonne avocate que je pourrais avoir pour le sauver (mon joli petit c*l), ça n’effacera pas la ligne sur mon ardoise.
- « Monsieur ? »
Ça ne fait jamais de mal de connaître la personne qui pourrait potentiellement vous assigner en justice, non ?
Puis ça rompt la glace aussi.
Pas aussi efficacement qu’un bon coup dans l’épaule, mais rien n’empêche d’essayer de limiter la casse.
Au risque de me ramasser un râteau.