Prudence la rassure et son rire est contagieux. Tant pis si elles sont deux danseuses moyennes. Le principal c'est qu'elles s'amusent, pas vrai ? Et la brune a très envie de s'amuser avec son amie. De se changer les idées, voire même de ne pas penser à grand chose.

Mais le rire et l'insouciance sont de courte durée puisqu'elles sont interrompus par l'homme du comptoir. Au fond, Iona s'en veut un peu d'être si apeurée. Ne pourrait-elle pas être une femme normale, qui sait prendre des décision, qui sait dire oui ou non à un homme ? N'aurait-elle pas pu simplement faire comme Prudence lui demandait, discuter avec un homme ? Ca lui aurait fait tellement plaisir... Et ce n'était pas censé être désagréable. Mais elle n'arrivait pas à s'empêcher de craindre, craindre ce qu'il pourrait se passer, craindre ce qu'on pourrait lui faire. Tous les hommes qui étaient entrés dans sa vie avaient dû montrer patte blanche, d'une façon ou d'une autre. Et elle ne voyait pas comment elle pouvait l'exiger à quelqu'un dans un bar. D'ailleurs, pourquoi est-ce que cette homme, visiblement, s'intéressait à elle et pas à Prudence ? Elle ne put s'empêcher de poser son regard sur son amie en s'interrogeant. Elle était bien jolie, Prudence, et beaucoup plus sociable qu'elle, plus avenante, non ? Pour se rassurer, et aussi se donner du courage, Iona attrapa la main de son amie, sur la table. Elle essayait de justifier leur attitude - avait-elle était si insistante que ça ? - et il les invitait à se joindre à eux. Ah. C'était visiblement à elle de trouver un moyen de refuser. Son rire pourrait la rassurer, pourtant il lui glace le sang. Parce qu'elle a peur, parce qu'elle est définitivement sur la défensive.

-Nous avons déjà bien entamé notre plateau, ça ne serait pas très pratique. Et nous avons des projets pour la soirée alors je crains que ça ne vaille pas le coup. Peut-être nous recroiserons nous une autre fois ?

Le sourire de Iona se voulait poli mais il était surtout particulièrement intimidé. Elle y pensait, mais elle ne se souvenait pas avoir déjà vu des clients faire ce genre de choses dans la brasserie où elle travaillait. Sans doute n'était-ce pas la même clientèle ? Les mêmes intentions ? Elle ne savait pas trop. Elle secoua légèrement la tête de gauche à droite. Elle espérait qu'il ne soit pas trop déçu, bien sûr, mais surtout elle avait peur qu'il soit en colère.

-Et j'espère que vous aurez une soirée agréable...

L'homme semble hésitant, pas tellement enclin à les laisser, mais il le fait finalement. Ces dernières minutes, Iona a senti son cœur s'accélérer, de peur, d'angoisse, mais finalement les choses se calment. Alors qu'il s'éloigne, elle prend une profonde inspiration. Heureusement, Prudence a totalement respecté son choix et n'a pas essayé de l'envoyer dans ses bras malgré tout. Elle semble même agacée par son attitude et l'aide à clore la conversation. Iona sourit tout de même - bien que cela ne soit pas naturel - et acquiesce d'un petit signe de tête quand il s'éloigne, espérant qu'ainsi il ne soit pas trop contrarié. Puis elle se tourne vers son amie pour lui sourire avec sincérité cette fois.

-Oui, tu as raison. Je sais que je suis un peu... Un peu trop peureuse...

Elle ne savait pas s'il s'agissait du bon terme. Trop anxieuse ? Trop sur la défensive ? Trop traumatisée ? Sans doute devrait-elle travailler dessus, voir un·e psychologue... Mais passer ce cap n'était pas facile. Elle ne voulait pas non plus qu'on croit qu'elle était une mère déséquilibrée. Elle acquiesça d'un signe de tête à la conclusion de Prudence.

-Tu as raison, ce programme me plaît !

Elle étale le fromage sur son pain, le déguste avec bonheur. Cela ne fait que lui donner davantage envie d'aller en France pour goûter à toutes les spécialités. Parce que la gastronomie, en plus d'être très réputée, a l'air assez différente d'ici, de la terre qu'elle n'a jamais quitté.

-Tu sais j'espère que je pourrais goûter plein d'autre chose quand je viendrais te visiter en France. Au fait, tu sais où tu veux aller danser ?

Iona n'y connaissait rien en boîte de nuit, mais elle se disait que Prudence devait avoir quelques bonnes adresses.