Iona hoche la tête, essayant de retenir les titres qu'il lui donnait. Elle les avait déjà entendu, au moins pour certains. Un bref instant, elle se remémora avoir entendu une conversation des garçons du foyer à propos de Fight Club. Elle esquissa un sourire qui n'avait de sens que pour elle-même. Oui, peut-être qu'elle le verrait un jour.

Elle est sûrement un peu trop acerbe face à Simon, et ça ne lui ressemble pas. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Et pourquoi, en plus, attaquer Prudence au passage ? Elle porta, sous la table, une main contre son ventre, comme si elle essayait de décrypter l'émotion qui l'avait poussé à faire ça. Sa propre émotion. Qu'elle semblait moins bien comprendre que celles des autres qui avaient tendances à la traverser de plus en plus. Ou de plus en plus clairement. Elle se mord la lèvre alors qu'elle se défend d'avoir demandé quoi que ce soit à son compagnon à propos d'elle. Elle la croit, et elle se dit encore davantage qu'elle a eu tort de s'emporter. Elle cherche quelque chose à répondre, mais ne trouve pas, et c'est Simon qui enchaîne déclenchant la colère de son amie. Il faut dire qu'il aurait mieux fait de changer de sujet et de se mêler de ses affaires. Elle ouvre de grands yeux alors que Prudence s'éloigne, restant coite de surprise quelques instants.

-Merde.

Elle saute de sa chaise et courre pour la rejoindre. A cet instant elle se demande depuis combien de temps elle n'avait pas couru, ou fais un quelconque autre sport. Mais ce n'est pas vraiment le moment. Elle lui attrape le bras pour l'arrêter.

-Prudence je... Je n'aurais pas dû réagir comme ça.

En la regardant, elle se sent stupide, parce que c'est Simon qui a déclenché sa colère, pas elle. Pourquoi s'excuse-t-elle au juste ?

-En fait, je crois que ce qu'a dit Simon m'a mise en colère mais... J'aurais dû prendre sur moi pour toi, je ne voulais pas déclencher de disputes.

C'était évident, Prudence ne la soupçonnerait jamais de ce genre de choses, elle la connaissait.

Iona écarquilla les yeux à la réponse de son amie. Prendre sa défense ? Pensait-elle vraiment qu'elle était en train de défendre son petit ami ? Elle lança un regard vers la table où il était resté, perplexe avant de tourner de nouveau les yeux vers son amie. Elle ne défendait qu'elle-même, elle n'était pas encore devenue assez altruiste pour vouloir arbitrer la dispute entre les deux amoureux.

-Je ne crois pas que c'est ce que je suis en train de faire... Je voulais juste me justifier d'avoir été un peu... piquante.

Elle ne trouvait pas les bons mots, il faut dire que toutes ses émotions s'agitaient en elle, enfin, les siennes et une partie de celles de Prudence.

Elle ne sait pas pourquoi mais elle rit quand son amie lui reproche à demi-mots d'avoir presque été vulgaire. C'est incontrôlable. Cette réponse et cette pudeur est tellement typique de Prudence Wilk et en même temps... C'est vrai qu'elle ne l'avait jamais habitué à de tels mots. Elle rit encore et secoua la tête. Contrairement à son amie, elle en avait entendu d'autres. Elle releva la tête vers elle et resserra tendrement les doigts sur sa main, un sourire sur les lèvres.

-C'est toi qui es en train de prendre sa défense, je me trompe ?

Elle n'avait pas à justifier la façon dont Simon avait agi. Il avait purement et simplement porter un jugement sur le mode de vie de Gabriel, et, oui, même Iona trouvait cela déplacé. Alors, après avoir de nouveau regardé Simon et voyant que Prudence ne semblait pas décider ni à s'enfuir ni à revenir, elle prit un ton dégagé.

-En fait, j'ai couché avec le chirurgien dont je t'ai parlé.

Iona resta silencieuse alors que Prudence essayait de se justifier. Oui, elle connaissait Simon, elle avait envie de lui répondre "heureusement", étant donné qu'ils étaient ensemble. Mais elle sentait qu'il ne valait mieux pas qu'elle aille sur ce terrain-là. Elle secoua donc doucement la tête pour toute réponse. Les faits étaient là : elle essayait de lui trouver des excuses. Mais sans doute n'avait-elle pas envie de rester fâchée trop longtemps, elle n'allait pas lui jeter la pierre.

Et elle n'aurait peut-être pas dû lancer ce sujet-là non plus. Décidément, elle faisait des choses inconsidérées aujourd'hui. Quelle mouche la piquait ? Elle se mordit la lèvre en levant les yeux vers son amie. Elle la réprimanda d'une exclamation mais elle sentait qu'elle essayait de... relativiser. Et elle, elle mesurait à quel point elle allait la décevoir quand elle saurait tout. Oui ils avaient fait ça dés le premier soir. Non, elle ne lui présenterait sûrement pas. Mais les mots qu'elle voulait mettre là-dessus ne venaient pas. Et elle tourna la tête vers Simon qui les attendait. Ce n'était peut-être vraiment pas le moment. Elle poussa un léger soupire mais ses doigts serrent tendrement les siens et elle relève son visage vers elle avec un sourire.

-Honnêtement Prudence... Tu risques d'être très déçue quand tu en saura plus alors n'en parlons plus. Mais ne te fais pas de soucis : tout va bien.

Elle avait échoué à vouloir lui dire ce qu'elle avait sur le cœur, à lui exprimer ses pensées sur ce qu'elle pensait avoir besoin en ce moment, et plus tard. Peut-être que Prudence n'était pas la bonne personne avec qui en parler. Mais elle restait son amie.

-Allez, viens, je boirais bien encore quelque chose. Pas toi ? On fera les gros yeux à Simon, si tu veux.

Une lueur de surprise s'allume dans le regard de Iona alors que Prudence la retient. C'est vrai elle ne s'y était pas attendue, elle pensait que son amie accepterait de passer rapidement à autre chose. Elle resta quelques secondes silencieuses, cherchant ses mots sous la surprise. Que lui avait-il fait ? Qu'est-ce que Prudence était en train de d'imaginer ? Décidément, elle devait vraiment mal choisir ses mots. Elle lui sourit, espérant la rassurer.

-Il n'a rien fait de mal.

Enfin, aux yeux de Prudence surement que si. Son regard, son ton, son attitude. Tout fait transparaître son inquiétude et sa détermination à lui apporter son soutien. Iona est touchée, et ça la bouleverse sans qu'elle arrive à mettre des mots sur la raison. Elle lâche la main de Prudence, mais seulement pour la prendre dans ses bras. Elle l'enlace tendrement et sent son cœur se remplir d'amour pour son amie.

-Tout va bien.

Elle souffle ces mots à son oreille avant de s'écarter légèrement pour la regarder avec un sourire.

-On a discuté au restaurant, je lui ai demandé ce qu'il attendait de moi, et il a avoué qu'il n'avait pas l'intention de s'engager dans une relation sérieuse. Et... je crois que ça me va. Non en fait, je crois vraiment que c'est ce dont j'ai besoin. Ce que j'avais avec Yohann, je sais que je ne le retrouverais avec personne, et il me faudra encore du temps pour l'accepter. En attendant me... Me sentir femme n'est pas désagréable.

Elle rougit à ses propres mots et s'éclaircit la gorge.

-Et Ulrich est très prévenant, ne t'en fais pas.

Iona adressa un sourire radieux à son amie quand elle lui dit comprendre. A cet instant, peu importe que ce soit vrai ou non, le simple fait que Prudence accepte sa décision vis-à-vis d'Ulrich sans décider d'avoir quelque chose à y redire la rend heureuse. Parce que la brune ne peut pas affirmer avec aplomb qu'elle sait ce qu'elle fait, qu'elle sait ce qu'elle veut. Elle a seulement décidé de se laisser porter dernièrement. Et elle sait très bien qu'il est possible qu'elle regrette, mais elle ne pourrait pas savoir avant d'avoir essayé.

Elle hocha doucement la tête à ses mots. Est-ce qu'elle méritait l'amour ? Est-ce que ça devait se mériter ? C'était un concept sur lequel elle ne s'était jamais vraiment interrogé. Ou bien peut-être que son inconscient avait décidé à sa place qu'elle ne le méritait pas, qu'elle ne méritait rien après toutes les erreurs qu'elle avait commise.

-Non, bien sûr. Je ne suis juste pas... prête.

Pas prête s'empêtrer dans une relation profonde avec quelqu'un qui aurait des attentes envers elle. Et envers qui elle en aurait également. Non ce n'était pas le moment. Si tenté que ce moment existe.

Elle acquiesce aux mots de Prudence et lui sourit.

-J'essaierai de partager des informations intéressantes !

Elles se rapprochaient maintenant de Simon et elle se renfrogna un peu. A vrai dire, il n'était pas spécialement désagréable, pas avec elle en tout cas. Mais son amie était si effacée à côté de lui que c'était particulièrement agaçant et inintéressant. Elle se rassit et se mordit la lèvre à la question de l'homme d'affaire avant de lui adresser un sourire contrit.

-Les amies ont toujours un tas de choses à se raconter...