S o u n d  

Ma poitrine se lève et se soulève au rythme effréné d’une course. J’ai les muscles des jambes qui tirent, comme si j’avais couru le marathon de New-York et j’ai du mal à reprendre mon souffle. La sueur colle mes mèches sombres contre mon front et mon t-shirt est devenu une seconde peau, dont je rêve de me défaire. J’ai chaud, j’ai froid, la pièce tourne et je sens que si je ne me lève pas, je vais vomir. Je suis habituée à ces horribles sensations, mais c’est encore pire depuis qu’il est parti. Mes pieds rencontrent le carrelage glacé et ça à au moins le mérite de faire ces halètements incessants. Je voudrais crier, pleurer peut-être, mais rien ne sort de ma gorge. Mon estomac se retourne, le haut-de-cœur est si violent que toute la pièce se met à tourner, encore. Je me déplace avec difficulté jusqu’à la salle de bain jouxtant la chambre et je tombe à genoux près de la cuvette. A nouveau, un haut-de-cœur, mais rien ne sort de mon estomac : je n’ai rien avalé de la journée, alors je suis condamnée à subir ces nausées infinies. Ma main gauche tient mes cheveux, au cas où. Si Léo était là, il essaierait de m’apaiser. Sa main serait contre mon dos et sa voix me rassurerait. Mais Léo n’est pas là. Une nouvelle nausée, plus violente que les deux premières me fait cracher, rien d’autre qu’un mélange de bile et de salive. Je pousse un cri de rage, donnant un violent coup contre la cuvette avec ma main gauche. J’en ai assez de tout ça. Je voudrais que Léo revienne. Je voudrais que mes innombrables messages ne soient pas sans réponse. Je crois que je le vivrais bien, s’il ne laissait pas non plus son meilleur ami sans réponse. Je voudrais mille fois être ghostée, si ça me donnait l’assurance qu’il va bien. J’attends que les nausées passent et quand j’ai l’assurance que c’est terminé, je me redresse, tire la chasse et me déplace jusqu’au lavabo pour me rincer la bouche. Je pousse un long soupir, tandis que mes yeux tombent sur sa brosse à dents. “Putain Léo … T’es où ?”. Je parle seule, comme s’il pouvait me répondre. Tu parles. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai le sentiment que quelque chose de grave est arrivé. Dans notre métier, on est souvent “sous couverture”. Et si ça avait mal tourné ? Si la couverture de Léo avait été découverte ? Je ne sais même pas sur quoi il était en train de travailler. Pourtant, j’ai essayé de savoir, mais ce salaud a tout protégé sur son ordinateur. Et je n’ai malheureusement pas des compétences de hackeuse. J’imagine que j’aurais dû faire un métier du genre. Hackeuse, pour des gens comme lui.

Je n’arriverai pas à me rendormir, alors je vais dans le salon. C’est un capharnaüm incroyable : tous les papiers sont éparpillés partout, il y a de vieux gobelets à café, des vieilles poches Ubereats. Mais moi, je me retrouve là-dedans. Je sais exactement où est rangé tel truc. C’est ma manière à moi de bosser et je sais qu’elle déplaît à certains puristes. Je monte dans mon canapé, m’installe en tailleur, tout en attrapant un vieux pull de Léo, que j’enfile pour me tenir chaud. Il faut que je trouve. Il faut que je LE trouve. Il avait une surprise pour moi : il n’a pas le droit de disparaître comme ça. Mes lunettes sont coincées entre deux coussins du canapé, je les extirpe difficilement et je les installe sur mon nez, tout en ouvrant mon Mac, à l'écran un peu graisseux à cause du burger de tout à l’heure. Je le nettoierai plus tard. Quand Léo rentrera, par exemple. Je reprends mes recherches là où je m’étais arrêtée. Encore une journée où le téléphone sonnera, mais où je ne répondrai pas. Léo à besoin de moi.


“Peut-on réellement innocenter Rutherford malgré le non-lieu ? Tout porte à croire que l’ex inspecteur de la Metropolitan Police de Londres aurait tué sa petite-amie et collègue, dans leur appartement de Londres. Le corps de la jeune femme n’a pas encore été retrouvé, cependant tout accable son ancien compagnon : Et si ce n’était qu’une vague mise en scène ? S’il s’était débarrassé du corps et décidait aujourd’hui d’accuser une défunte ? Pour information, 1.6 millions de femmes ont été victimes de violences domestiques, 600 000 ont été agressées sexuellement et 900 000 ont été harcelées. Et si la jeune policière avait simplement été une “statistique” de plus ? Les violences dans un couple dont l’Homme exerce un métier de loi sont plus vicieuses et insidieuses, car ils se servent de ce totem d’immunité pour commettre l’irréparable. Maddox Rutherford n’est peut-être qu’un assassin qui tente de se déguiser en victime. La réouverture de l’enquête devrait être exigée. Les parties vont faire appel à la décision de justice.”

C’est la première fois qu’un de mes articles est publié. Pourtant, je ne suis pas encore diplômée, mais ce torchon en a bien voulu et mon professeur était ravi. J’ai eu une excellente note pour ça. Pourtant j’ai bafoué toute la déontologie du journaliste : on devrait la vérité, la rigueur et l’exactitude, l’intégrité, l’équité et l’imputabilité. Finalement, on ne retrouve que mon opinion vaguement vomi, un soir de crise, tapé entre deux médicaments. Je n’arrive pas à en être fière, même si Léo n’arrête pas de me dire que c’est une première et que ça va peut-être lancer ma carrière.

Il avait tort.


Je suis devant la porte ornée de lettres dorées : RB. C’est ici qu’il travaille, c’est ici que je le trouverai. Si mes renseignements sont exacts, il vit entre Cowgate et Leith, mais plus souvent ici. Quoi que depuis que la jolie métisse s’est incrustée dans sa vie, il passe plus de temps à Leith. C’est fou ce que les voisins sont bavards, quand ils sont vieux et qu’ils s’ennuient. Ma mère disait souvent qu’une ville de vieux n’avait pas besoin de caméras de surveillance : mémé s’en chargeait. C'est bien la seule chose sur laquelle elle avait raison. Je souffle longuement et j’entre, le visage fermé. Une adorable vieille femme m’accueille, avec un ton douceureux : “Bonjour je peux vous aid-...”. Je ne la laisse pas terminer, je la coupe. “Je cherche Maddox Rutherford.” Un silhouette aux cheveux blonds apparaît un peu plus loin. C’est lui. Il est grand, fin - sûrement même un peu maigrichon et il a l’air de se demander qui je suis et pourquoi je le cherche lui, spécifiquement. Habituellement, lors de mes enquêtes, j’aurais brandi ma carte de presse et j’aurais exigé de lui poser quelques questions, sauf que je ne suis pas là pour ça aujourd’hui. Mon regard sombre se plante dans ses prunelles trop claires. “Vous êtes un bon détective, non ? J’ai un gros doss’ pour vous. Vous allez m’aider ?”. Mon ton n’est pas chaleureux et on dirait que je le lui ordonne. C’est un peu le cas. Il doit m’aider. Sinon, il sera trop tard …

S o u n d  

Je déteste demander de l’aide. D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours débrouillée toute seule. Toujours. Ma mère était incapable de s’occuper correctement de nous quatre, les deux plus grands étaient carrément défaitistes, mais moi, pour Gaby, je me suis bougée. Pour mon petit frère, j’ai fait tout ce qu’il fallait, pour qu’il ait la vie la plus normale possible, dans notre condition. Sans jamais demander d’aide à personne : parce que personne ne voudrait aider des gens comme nous. Des gens comme moi. La vieille secrétaire arque un sourcil quand je lui coupe la parole, mais je n’en ai absolument rien à faire. Mon regard cherche Maddox Rutherford. A la place, je trouve une gamine, d’à peu près mon âge, en train de faire des bulles avec un énorme bubble-gum rose. Je fronce les sourcils, en me demandant une seconde si je me suis trompée d’adresse. Mais non. Une voix masculine me fait lever les yeux vers une silhouette plus grande et fine. C’est lui. C’est Maddox Rutherford. Je le sais, parce que son visage a tourné pendant un moment, quand l’affaire de meurtre était à la une de tous les journaux du pays. Sans un regard de plus pour la secrétaire je m’approche de lui, en lui donnant les grosses lignes. J’ai un gros dossier et j’ai besoin de son aide. Si je vais payer ? Ouais. Je ne sais pas encore comment, mais ça, c’est secondaire. Tout ce que je veux, c’est retrouver Léo. Le reste c’est secondaire, même si je dois m’endetter sur les prochaines trente années pour ça. J’aboie presque ma demande, mais il faut bien avouer que je ne suis pas connue pour être polie et mielleuse. Même si je vais sûrement devoir faire des efforts, si je dois bosser main dans la main avec une tierce personne. Je regarde autour de nous, en serrant un peu le dossier que je tiens au creux de mes mains. “On peut en discuter dans un bureau ? Ce serait plus pro, je pense.”, je finis par dire, en le regardant à nouveau. Je ne vais quand même pas lui apprendre comment recevoir de potentiels clients, non ? “A moins que vous ayez trop hâte de rentrer et de retrouver votre petite-amie, Lilly.”, je dis pour lui mettre un peu la pression ou pour asseoir tout de suite une espèce d’autorité. J’ai pas envie qu’il me prenne pour une gamine venue chercher son chien. Je veux être prise au sérieux, ça doit être pris au sérieux.

Pour Lilly, je sais à cause des voisins de l’agence. Et des voisins de Portobello. Je n’ai pas eu besoin de beaucoup fouiller pour découvrir qui elle est : la demoiselle est très active sur les réseaux sociaux et je crois bien qu’une ou deux de ses reprises sont sur ma playlist spotify. J’entre dans le premier bureau vide que je trouve et je pose le dossier concernant Léo sur la table. “Écoutez, je ne suis pas là pour m’amuser ou pour que vous retrouviez mon chihuahua.”, je plante mon regard dans le sien et je m’installe sur la chaise, la main plaquée sur le dossier. Je ne sais pas vraiment comment le dire, mais c’est une question de vie ou de mort. Et plus les jours passent, plus mes espoirs de revoir Léo vivant s’amenuisent. Mon cœur s’accélère à cette pensée. Et s’il était déjà trop tard ? J’inspire : il faut que je me concentre sur l’enquête. Rien que l’enquête. “Je ne sais pas par où commencer. Je m’appelle Stella et si j’ai besoin de vous, c’est parce que … quelqu’un a qui je tiens beaucoup à disparu. Ce n’est pas une vulgaire fugue, ce n’est pas un truc pour vous faire perdre votre temps. C’est sérieux.”, j’avale ma salive et je baisse les yeux sur le dossier, que je lui fais glisser doucement. J’ai fait exprès de ne pas donner mon nom de famille, de peur qu’il ait retenu l’article que j’ai écrit. Même s’il a dû en voir des centaines de milliers défiler. “Léo Prewett a disparu il y a presque quatre semaines. Il est journaliste d’investigations et je sais qu’il était sur quelque chose de gros. Je ne sais pas quoi, mais ça à a voir avec le port.”, je débite les informations tout en tapotant mes longs ongles sur la table. Je suis stressée. J’ai peur qu’on me ferme la porte au nez, encore une fois. “La police ne m’aidera pas. Il est majeur et c’est son métier, mais je … On devait se contacter. Et il a loupé le rendez-vous et ce n’est pas normal.”, j’insiste sur le fait que ce n’est pas normal.

Léo a déjà eu des couvertures, et ses articles ont toujours été incroyables de justesse. Il a même souvent aidé dans des enquêtes, notamment en infiltrant un réseau de revente d’armes, il y a quelques mois de ça. Mais cette fois, quelque chose a mal tourné, je le sens. J’ai peur pour mon petit-ami. Je souffle : “Je sais que les journalistes et vous ce n’est pas une grande histoire d’amour. Mais j’ai besoin d’aide. Il est peut-être déjà trop tard, je ne peux pas le perdre comme ça.”. Cette pensée me retourne l’estomac. Et s’il était déjà trop tard, hein ? Je mord violemment ma lèvre inférieure. “Je n’ai pas réussi à réunir beaucoup d’informations, mais si on arrive à remonter sur ce qu’il était en train de couvrir, on retrouvera sa trace. Ça marche pour vous ? Si c’était votre Lilly à sa place, vous chercheriez de l’aide vous aussi.”, je ne suis toujours pas aimable, même si dans mon ton, transparaît maintenant ma détresse.

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Je déteste demander de l’aide. J’en fais des tonnes pour qu’il me prenne au sérieux. Peut-être devrais-je être plus édulcorée et ranger cette attitude de pimbêche si je ne veux pas réduire mes chances de retrouver Léo à zéro, mais c'est un mécanisme de défense que j’ai depuis trop longtemps. Je ne peux pas m’adresser aux gens en baissant immédiatement ma garde, ils doivent comprendre que je ne suis pas faite pour être leur amie et s’ils restent, ça veut dire qu’il y a une chance pour qu’on le devienne. J’ai toujours fonctionné ainsi, d’aussi loin que remonte ma mémoire, alors ce n’est pas aujourd’hui que les choses changeront. Je remarque bien le tic agacé qu’il a lorsque je parle de Lilly. Ok, je suis sûre d’avoir un bon filon, s’il refuse de m’aider, je jouerai sur cette corde sensible. Ma jambe tremble, tandis que j’expose tout ce que j’ai en ma possession. Il est cinglant, cynique et je lève les yeux vers lui pour répondre, sur le même ton : “Dommage, on cherche un golden retriever.”. Léo est l’archétype du golden retriever energy. C’est pour ça que je suis tombée amoureuse de lui, il était constamment en train de me dire à quel point il m’aimait et me le montrait sans cesse par des gestes du quotidien : je ne compte plus le nombre de bouquets de fleurs, d’attentions, de découpage en forme de coeur que j’ai eu. Je mordille ma lèvre inférieure, perdue dans mes pensées. A vrai dire, je n’imaginais pas un jour devoir faire ce que je suis en train de faire. Et en même temps, je m’étonne de ne pas paniquer plus que ça. Parce que ça fait longtemps que je n’ai pas eu de ses nouvelles et que même si une voix me souffle que le pire est arrivé, c’est comme si mon être tout entier refusait de croire à une telle chose. Léo est trop intelligent pour s’être fait avoir. Il est sûrement coincé quelque part, kidnappé et il attend qu’on l’aide. C’est tout. C’est tout. Je souffle imperceptiblement, le regard qui se raccroche à la réalité. Je ne dois pas me laisser envahir par mes émotions, il faut que je prenne le dessus et que je sois rapide et efficace.  Et si cet ex-policier ne sait pas m’aider, je trouverai bien quelqu’un pour le faire. J’attends une réaction, quelque chose, et ça ne tarde pas à venir sitôt le prénom interdit prononcé. J’arque un sourcil : effectivement, je suis journaliste et le concept de vie privée m’est, un peu, étranger. C’est de ça qu’est fait mon métier, de fouilles, de fouilles et encore de fouilles, parfois jusqu’aux plus sombres secrets de mes victimes. Maddox insiste sur le fait que si je continue, il ne m’aidera pas et j’ai le nez qui se fronce en une grimace frustrée.

“Ecoutez, je …”, mais il enchaîne. Et je crois comprendre, au travers de sa gestuelle et de ses mots, qu’il a décidé de m’aider. Je ne saurais décrire ce que je ressens, à cet instant. Comme si un énorme poids venait de se dégager de mes épaules. J’ai une boule qui se forme dans ma gorge et je crois bien que si je n’étais pas aussi pudique, je fondrais en larmes dans le bureau de l’enquêteur. Je m’éclaircis la gorge, quand il me demande si Léo est mon petit-ami et si j’ai un nom de famille. “Oui. Ceccarelli. Stella Ceccarelli.”, je secoue la tête, en désignant le dossier : “Ça, vous le gardez ? Comment on va procéder ? On s’y met quand ? Est-ce que …”. Trop de questions se bousculent dans ma tête et je suis incapable de répondre à une seule d’entres elles. Après tout, c’est lui l’inspecteur, c’est lui qui sait comment on procède à ce genre d’enquête. Moi, je ne fais que relater des faits et il faut bien avouer que mes enquêtes de terrain étaient bien plus simples, parce que mon petit-ami n’était pas en danger. C’est très différent de travailler sur la disparition d’un proche, ce serait autre chose si j’enquêtais sur un trafic de drogues. Ce ne serait pas personnel. Mes ongles tapotent encore la surface de la table, tandis que je m'efforce de me raccrocher, encore, à l’instant présent. Je lève les yeux vers l’Ecossais, cachant l’inquiétude tout au fond de mon être : “Et … Pour ce qui est du prix ? C’est combien, les services du fameux Rutherford ?”. J’ai de nouveau ce ton condescendant, ce regard hautain et cette moue exaspérante qu’arborent toutes les queens of the ball du lycée. Encore une fois, c’est une manière de me protéger. Une surface, une carapace. Ça me va bien d’avoir l’avantage, pour le moment.

S o u n d  

Mes ongles s’agitent sur le coin du bureau du détective privé. J’ai envie de retrouver Léo, mais parfois, j’aimerais tout envoyer valser et dormir sans plus jamais me réveiller. Au moins, dans mes rêves, je peux retrouver le confort de ses bras. Je vois bien que j’agace Maddox, tout dans sa gestuelle me crie d’aller me faire foutre. Et je ne peux pas lui en vouloir, je déteste les filles qui se comportent comme je le fais. Seulement, je sais aussi que c’est une sorte de carapace, un personnage créé de toutes pièces afin de protéger qui nous sommes à l’intérieur. Quand il me demande mon nom de famille, je me raidis quelque peu, mais ça ne semble pas percuter. Je suis soulagée et je relativise : après tout, il a dû en lire des centaines de milliers des articles à son sujet. Je hausse les épaules : “Probablement.”. Maman a donné son nom de famille à tous ses enfants, mais en y réfléchissant bien, je n’ai jamais posé de questions sur ses origines. Je crois que je m’en fous, en fait. “J’ai une famille compliquée.”, j’ajoute en chassant les éventuelles autres questions concernant mon patronyme. J’observe l’Ecossais : il a les yeux légèrement plissés, un air mi-agacé, mi-intéressé. Je n’ai pas encore la garantie qu’il va m’aider à retrouver mon petit-ami, mais en tout cas, ça ne semble pas mal parti. Encore plus quand il me demande le maximum de détails sur la vie de Léo. J’ai l’impression qu’un poids s’enlève de mes épaules et de mon estomac. Ma langue passe sur mes lèvres pour les humidifier et je hoche la tête : “Le père de Léo est décédé quand il avait dix ans, il vivait avec sa mère avant d’emménager avec moi. Leur relation est … fusionnelle. C’est son poussin, comme elle aime l’appeler. Il a plein d’amis, c’est le genre de gars à s’en faire à chaque soirée.”. C’est vrai, Léo est sociable. Je crois que chaque fois que l’on sortait, il se faisait des connaissances. “Il … a un ami, depuis toujours. Ils ont grandi ensemble, il s’appelle Julian Geller. Julian et Léo étaient plus frères qu’amis. On ne s’aime pas beaucoup, lui et moi. Mais on essaie de trouver des pistes pour retrouver Léo, ensemble.”, je dis, pensive.

J’essaie de réfléchir à chaque détail dont je pourrais me souvenir. Je ne connais pas bien les collègues de Léo, je suis genre sauvage. Et c’est vrai que j’esquivais chaque événement social impliquant du monde : “Pour ce qui est de son travail, toutes les infos dont je dispose sont dans ces documents que je vous ai fournis.”. Voilà. Et maintenant ? Il va m’aider, je devrais le remercier. Mais je ne peux pas m’empêcher de garder cet air de peste. Lorsque je lui demande quels seront les prix d’un tel coup de main, il tourne simplement l’écran de son ordinateur en jouant les modestes. Je jette un rapide coup d’œil et mon estomac se tord. C’est un peu plus que ce que j’imaginais, mais la vie de mon petit-ami n’a pas de prix. S’il faut m’endetter sur les quarante prochaines années, je le ferai. J’hoche la tête et quand il dit qu’il pourra commencer dès aujourd’hui, je sens mon cœur s’accélérer : “Vraiment ?”. Malgré moi, le soulagement et l’espoir s’entendent quand je parle. J’essaie de chasser bien vite ces tons malvenus, pour reprendre une contenance. “Merci. Ça veut dire beaucoup pour moi et … pour ses proches.”, je souffle. J’ai oublié de préciser que personne dans son entourage ne m’apprécie. Sa mère me déteste, elle est même persuadée que j’empêche son fils de communiquer avec elle. Julian voudrait que je ne sois jamais entrée dans la vie de Léo. Pourtant, malgré tout ça, il est toujours resté de mon côté. Il a toujours fait en sorte que sa mère et son meilleur ami soient corrects envers moi. Léo, c’était un peu mon refuge.