• • • Subitement, elle s’était ruée sur moi tel une paramécie qui ne pourrait pas vivre sans. J’avais lu beaucoup sur les virus aussi. C’étaient des parasites qui n’arrivaient pas à se reproduire seuls et parfois, on se demandait s’ils se trouvaient réellement vivants. Je ne savais pas trop, mais c’était fascinant. Étrangement sur ce trottoir, je prenais cette femme pour ce genre virus qui cherchait juste un moyen de survie.
Alors, je m’arrêtais de penser.

Je ne pouvais plus le faire parce que j’avais failli tomber le nez face contre le trottoir. C’était que cette femme était lourde quand elle s’y mettait. Bah ! Pas tant que ça, mais c’était la force à laquelle elle s’agrippa à moi qui me fit trembler sur mes pieds. J’en déplaçais un tâchant de reprendre cet équilibre subitement précaire. Elle semblait alors prendre un malin plaisir à m’arracher mon long manteau et son haleine … Je me fis violence pour ne pas respirer ou, à tout le moins, le faire trop fort. Je n’arrivais pas à supporter l’odeur. C’était horrible. Je pensais rejeter la salade que je venais d’avaler ce soir au bar.

- Ça va que je répondais à Safiya gentille avec moi. J’ai juste l’impression de voir enfin l’énergie potentielle se transformer en énergie cinétique devant moi.

Ouais, elle n’avait sûrement rien compris. Certes, le comportement d’Eva me faisait justement penser à cette force décrite par la science. Je ne riais pas. J’étais, tout à fait, sérieux et presque fasciné. Admiratif du phénomène oui, mais cela ne m’empêcha pas pour autant de lancer un coup d’œil dans la rue à droite puis, à gauche. J’avouais que je voulais aussi voir le taxi arriver.

Cette femme qui aurait pu avoir l’âge de ma mère était étrange. Depuis un moment, elle n’arrêtait pas de me sauter dessus comme si j’étais le jouet préféré à un chien. Je n’aimais pas ça. Je frissonnais. Je me dégoûtais de son haleine. Alors, j’aimais quand Safiya me venait en aide. Safiya était la fille d’Eva en fait. Elle me l’avait dit.

- Tu n’as pas froid la reluquais-je un peu avant de baisser la tête ? Enfin … Je veux dire, tu n’es pas très habillée et même si on est en juin bah, les nuits peuvent être encore fraîches.

Et là, je me sentais gêné de l’avoir reluqué un peu trop. Disons que ses formes se déployaient beaucoup outre ses vêtements et ça m’embarrassait. Certains pourraient dire le mot « pervers ». Je connaissais la signification de ce mot depuis mes 16 ans. Sur un coup de tête, je décidais de retourner mon attention sur cette femme. Après tout, elle avait commencé à s’approcher dangereusement de mon visage à en caressant les lobes de mes oreilles. Je frissonnais violement. La seconde suivante, je serrais les lèvres à me mordre l’inférieure pour que le malaise cesse. Pourquoi cette femme agissait telle une gamine ? Je ne connaissais rien de son histoire. Je ne lui avais jamais demandé … Puis bon, elle était toujours complètement saoule quand on se voyait. Je devrais sûrement le demander à Safiya, mais je ne l’avais pas fait. Il y a des questions qui doivent rester en suspens trop privées pour être demandées, non ?

Je ne savais pas. Ce que je savais, c’était la venue du taxi auprès de nous avec toujours le même chauffeur un peu trop sociable à mon goût. Quand je venais ici – ce qui était presque tous les soirs – il venait, au minimum, deux fois à chaque nuit. Il connaissait maintenant Eva, mais nous deux aussi. Ainsi, quand il sortait du taxi il s’exclama envers moi. Je ne sus pas vraiment s’il se moquait de moi ou pas. Il riait.

- Tom ! Encore avec Eva à ce que je vois ! Je pense qu’il est amoureux chuchota-il finalement à Safiya sur un ton taquin qui me fit baisser la tête parce que je l’entendis quand même.

Au moins, sa présence me fit séparer du fardeau qu’était Eva. Je restais là, les bras ballants un moment sans savoir quoi faire d’autre. J’avais un sac à mes pieds, celui dans lequel se trouvait mon ordinateur portable.

• • • Cet homme se coltinait la catégorie de gênant pour moi. Quand Eva était collante, lui m’embarrassait un peu trop. À chaque fois que nous nous voyions – ce qui était presque tous les soirs au train où allait ma vie au Hive, - il s’efforçait d’émettre une ou plusieurs hypothèses toutes aussi fausses les unes par rapport aux autres. Ensuite, il riait de cela telle si la moquerie fut son plus grand talent. J’avais ainsi, un peu pitié de lui parce que la moquerie comme meilleure compétence n’était pas très reluisante. À quoi ça servait la moquerie dans la vie dites-moi ? Tout un tas de trucs me passaient ainsi, à l’esprit lorsque je voyais Eva et sa fille bras contre bras marcher jusqu’à la voiture et oh, le chauffeur de taxi vint les y aider.
Son nom était Bob, mais il me sembla n’être qu’un surnom si je me rappelais.

Je restais donc debout, les bras ballants comme un simple spectateur de la scène. J’avais presque hâte de voir la voiture de taxi faire vrombir son moteur et s’éloigner et moi, je retournerais tranquillement vers le Hive. Rarissime, mais je préférais le Hive parce que tout sauf cette femme collante … Déjà, mes pensées étaient ailleurs et tout particulièrement vers Sophia … Euh, non. Enfin, je réfléchissais aux derniers mots de la jeune femme bien différente de sa mère.

Miss météo songeais-je encore un peu perdu ? Sur le coup, je n’avais pas compris où elle voulait en venir. Mais je n’étais pas une femme l’avais-je ainsi, dévisagé deux secondes tout au plus et sûrement elle n’en vi rien. Maintenant, toutefois, ça me sautait au visage. Elle voulait me faire une blague ! Oh !

Je me mis à sursauter parce que cette chère Eva appelait mon nom, ou à tout le moins, son surnom envers moi. Sortant de mes pensées envers la jeune femme, ce fut littéralement une douche froide pour moi quand je vis la mère au sol gueulant mon nom.

- Ok hochais-je la tête. J’arrive.

En ramassant mon sac pour le porter sur une épaule, je trottinais rapidement vers les deux femmes. Un moment, je restais pantois à quoi faire. Heureusement que la fille était là pour m’indiquer quoi faire. Je prenais donc le bras d’Eva tout en forçant de tous mes muscles en particulier les jambes pour la relever. Celle-ci se collait littéralement à moi cette fois et je me sentis trébucher dans son élan lorsque nous atteignons la banquette arrière du taxi. Je me relevais tant bien que mal quand la jeune femme me demandait quelle position je souhaitais ... J’ouvrais la bouche pour parler, mais la referma aussitôt parce qu’elle vit juste.

- Oui, d’accord.

Acquiesçais-je comme si j’eus vraiment le choix. Après tout, Eva semblait se mettre un peu trop à l’aise maintenant en m’enlaçant de ses deux bras, sa cuisse droite collée sur ma gauche. Je frissonnais et même si j’avais voulu me lever, sur le coup je me sentais coincé sans pouvoir faire un seul mouvement. J’avais le sac encore sur mon épaule et dans l’incapacité d’attacher la ceinture de sécurité. J’espère qu’on n’aura pas d’accident songeais-je platement, un peu sur l’anxiété. Après tout, les statistiques démontraient qu’une bonne partie des accidents de voiture se produisaient lorsque les occupants n’étaient pas attachés. Enfin, le chauffeur démarrait et je me rendais compte que peut-être ceci serait un talent outre la moquerie. Moi pourtant, je me vis concentré sur la jeune femme, ses longs cheveux noirs et son parfum.

Difficile tâche que celle-ci quand, subitement, la mère me souffla au visage tout en voulant m’embrasser.

- Euh … Non la repoussais-je en mettant ma main gauche sur sa bouche. Tu devrais arrêter de boire Eva. En fait, ça te donne une haleine horrible et tu ne te comportes pas normalement. Je ne suis pas fait pour toi. Tu dois avoir une vingtaine d’années de plus que moi, ce n’est pas normal. Aussi ce sont les mères qui s’occupent de leurs enfants et non l’inverse.

Aux yeux de tous, je fus sûrement trop franc et dur sans cette émotion venant avec. Mon ton de voix était neutre, plate même. Souvent, je ne m’en rendais pas compte avant qu’on me le dise. Je m’améliorais certainement, car enfant il me fut arriver de dire à un homme que sa cigarette diminuait du double son espérance de vie. Là, toute suite, je me voulais simplement bienveillant envers Eva.

• • • - Désolé …

Avais-je donc murmuré lorsqu’Eva laissa entendre que j’exagérais. Je pensais l’avoir blessée, mais je changerais rapidement d’idée. Coincé entre mon sac et le corps chaud et désagréable de cette femme, je tentais de jeter mon dévolu à la fenêtre. Des gens marchaient sur le trottoir. Il y avait un couple qui s’embrassait puis, un peu plus loin deux jeunes femmes bras dessus, bras dessous soit probablement des meilleures amies. Je n’arrivais pas à me concentrer sur les détails des écriteaux et panneaux de rues si habituel pour moi. Pas ce soir, car rien n’arrivait à supprimer mon malaise, le rire d’Eva réussissant même à en ajouter. Au moins, elle n’a pas mal pris ce que j’ai dis pensais-je tout en gardant le visage contre la vitre.

Je restais tendu tâchant de ne garder mon attention sur le monde extérieur semblant alors si inaccessible. Je me fichais pas mal de ce que la mère de Safiya disait outre, au moins, à me rappeler le prénom de la jeune femme et silencieusement je remerciais que celle-ci tentait de m’aider. Ce n’était, en effet, pas normal de prendre sa fille pour sa sœur, non ? À moins que l’alcool lui fît tourner la tête au point où elle en oubliait les règles en société. Ce n’était pas la première fois qu’elle racontait des choses comme ça et, ce soir encore, je ne comprenais pas. J’avais presque l’envie de creuser le sujet dans des bouquins et possiblement la psychologie m’aiderait. Peut-être que Safiya va être contente que je l’aide à mieux comprendre le comportement de sa mère.

Ressentant une main câline contre mes cheveux, je frissonnais tendu et incapable de me retourner. J’étais bien trop figé pour ce faire. La seconde suivante, je sursautais mon oreille gauche – celle la plus près d’Eva – vibrait certainement encore 10 minutes plus tard.

- Att … Attends …

Je me laissais emporter soit dans l’incapacité de résister ni à la force du freinage de la voiture ni à celle d’Eva. Puis, je ne m’y étais même pas préparé en avance. Je voyais juste mon sac rester sur la banquette arrière de la voiture du taxi, celui-ci dans lequel il y avait toutes mes affaires : argent, cartes d’identité, mon ordinateur, etc. Jamais, j’oubliais ce sac à quelque part. Il était toujours en bandoulière sur mon épaule gauche. On me disait maniaque. Moi, je me disais plutôt prudent.

Incapable de faire marche arrière, je me laissais donc emporter. Eva me faisait mal avec sa poigne qui enserrait les doigts de ma main gauche. Une grimace n’avait ainsi, pas manqué d’apparaître sur mon visage et je me sentis rejeter des larmes de douleur.

Toute de suite, elle parla du comportement de gentleman. Je regardais la devanture de ce qui ressemblait à un petit restaurant ou bistrot entre deux autres bâtiments en pierre.

- Ah euh … Il est quand même un peu tard pour manger …

Je marmonnais de piètres excuses parce que j’avais juste envie d’une chose soit de rentrer chez moi. Safiya arguait, toutefois, que ça aiderait peut-être à Eva à dessouler. Bah, pas vraiment vu que pour dessouler la règle c’est d’attendre. Droit comme un « i », la main enfermée dans celle de la mère de Safiya, je me rendis compte qu’effectivement un moment dans un restaurant prendrait un certain temps et amènerait Eva à dessouler.

- En effet. Les restaurants ne sont pas comme les bars toutefois, leurs employés n’aiment pas trop les gens ivres. Il faudra faire attention.

J’haussais les épaules tout en tentant de retourner vers la voiture de taxi dans l’idée de reprendre le sac. J’en avais juste oublié une petite chose : Eva était accrochée à moi et elle refusait de lâcher prise. Comment une femme qui avait ingurgité je ne savais combien de litres de bière, de cocktails différents pouvait avoir encore tant de force dans les jambes ? Je ne savais pas, mais elle refusait à me laisser aller et pire je me sentis ramener entre ses bras.

- Attendez, je … Je pourrais payer. Je dois juste aller chercher mes affaires dans le taxi.

Marmonnais-je sans pouvoir me délivrer, l’étau se resserrant même de plus en plus autour de moi. Oh zut ! Vu que j’accepta, elle semblait un peu trop m’adorer sur l’instant.

• • • J’aurais voulu qu’on ne prenne rien du tout, mais soit : j’acquiesçais à l’idée de Safiya. En réalité, je n’avais pas faim et l’odeur astreignante de graisse commençait à s’amener au plus profond de mes poumons. Je n’aimais pas ça. J’avais eu un haut-le-cœur à cette odeur. Elle me rappelait un soir où je mangeai trop, beaucoup trop. Pour ça, je ne mangeais plus du tout de « fast-food », l’expression utilisée normalement pour ce genre de plats copieux, alléchants apparemment pour certains, mais qui ne rassasiaient pas.  Alors, Eva m’avait lâché sur une simple phrase de Safiya.
Moi, je ne m’en rendis compte deux secondes plus tard restant pantois.

Sur ce, je me rappelais avoir une mission et capitale à part ça : je devais récupérer mon sac. J’y allais de ce pas rentrant dans la voiture et à quatre pattes sur la banquette arrière, je réussi à mettre la main dessus. C’était là que Bob, le chauffeur de taxi me fit sursauter. Je l’avais oublié celui-là.

- Tom ! Tu me rapporteras un burger aussi. C’est que j’ai l’une de ses faims !

- D’accord hochais-je la tête alors que je ressemblais plus à une espèce de robot qu’autre chose. Hm … C’est moi qui va …

- Je te rembourserais si tu réussis à embrasser Eva ce soir !

Je l’observais avec de grands yeux confus et étonné par sa phrase. Embrassé murmurais-je à genoux sur la banquette arrière ? Soudainement, il éclata de rire avant de me dire d’y aller ce que je fis sans demander mon reste. Il me veut quoi encore Bob songeais-je tout en courant pour revenir à la hauteur des deux femmes. Déjà entrées dans le bâtiment qui ne donnait pas de mine, je ne me fis pas prier pour entrer à leur suite. Honnêtement, je craignais un peu de rester là tel un oublié sur le trottoir. En même temps, une autre partie de moi pensait à fuir au pas de course.
Mais je ne le fis pas me mettant plutôt en file avec Eva et Safiya.

J’étais ainsi, arrivé lorsqu’elles discutaient de Porter Wilkes. Enfin, c’était plutôt Eva qui parlait de Porter la voix haute et sans gêne à Safiya. Celle-ci ne disait absolument rien. Moi, j’étais gêné et alors, je me mis à regarder le plancher. Je n’aimais pas qu’on parle de lui et encore moins ses activités. La police pourrait débarquer … Apparemment, je craignais autant l’homme que ses activités. Comme si de rien n’était, Eva m’accosta avec une question incongrue dans cette conversation. En fait, c’était plutôt un monologue si on pensait que Safiya ne disait rien.

- Huh … De quoi ? Safiya a toutes ses chances pour quoi avec Porter ?

J’observais les deux femmes chacune à leur tour sans avoir la moindre idée de quoi il était question. En même temps, c’était à nous à la caisse et une jeune femme blonde à la poitrine plantureuse demandait ce que nous allions prendre. Platement, je commandais le burger pour Bob sans demander d'artifices. Il m'avait dit un burger et rien d'autre donc j'exécuta sa demande. Je laissais ensuite, mes compagnes de la soirée commander avant de m’avancer avec cette carte en plastique pour payer. Je n’aimais pas cette manière de payer et tout particulièrement à un restaurant plutôt bas de gamme, mais je n’avais pas le choix. C’était ça ou laisser Safiya le faire … Je n’arrivais pas à me laisser aller à cette idée. Je voulais respecter mon choix précédent coûte que coûte. Ce fut donc dans un geste déterminé et m’amenant à devancer les deux femmes que j’entrais la carte dans le terminal puis, le NIP. Enfin, j’eus droit à une copie de la facture. J’avais, subitement, eu l’envie de demander à la caissière dont la poitrine ne me laissait pas indifférent malgré moi s’ils avaient déjà été victime de piratage.
C’était vite pensé, car Eva me coupa dans mon élan que je ne pus pas ranger mon portefeuille.

Elle me prit donc le bras et je sentais encore de légers tremblements dans ses jambes tout comme un équilibre pas très stable. Ce fut sous les yeux éberlués, mais particulièrement amusé de la caissière et d’autres clients que je fus ramenés vers l’extérieur par cette femme à la poigne massive.

• • • Je ne voyais pas du tout Porter avec un enfant. Pire, j’avais l’impression que l’enfant risquait un peu trop avec un homme comme Porter Wilkes. Il y avait trop de violence autour de Porter. Il était un voleur, un criminel : comme moi, en fait. Moi non plus, je ne me voyais pas avec un enfant. Je me mis à y penser et … C’était tellement gros que je ne savais pas par quoi commencer. J’avais figé un peu à cette idée de la part d’Eva. C’était sûrement de cela qu’elle voulut parler précédemment. Ou pas ? Safiya et Porter devraient, selon elle, se fréquenter et s’embrasser. La commande de ce cher Bob en main, je secouais vivement la tête aux élucubrations de la femme ivre. Est-ce que l’alcool en était la cause ou, l’idée fut déjà présente en son esprit et uniquement décuplé ?

Plus j’analysais Eva et puis, je me retrouvais perdu.
C’était donc une idée à creuser, mais je manquais de temps pour se faire.

Safiya prit leur commande pendant que je moi je réussissais avec force difficulté à remettre ma carte dans mon portefeuille puis, dans mon sac. Je devais ressembler à quelqu’un emberlificoté dans ses draps de lit ! Un peu plus et je me frustrais sérieusement. J’étais bousculé par Eva et en plus je captais à la volée le cadran d’une montre : 21h35. Déjà songeais-je un peu anxieux parce que je savais aller dormir tard ce soir pour commencer. Je commence à 8h00 demain matin murmurais-je à part moi tel pour lâcher du lest.

Une fois de retour à l’extérieur, j’avais vu Bob me héler comme si sa vie en dépendait. Était-il affamé à un point tel cherchais-je à comprendre assez confus ? Je lui passais le burger dans son boîtier par la fenêtre. Là, je faillis perdre tout point de repère parce que Bob protestait contre le manque de frites et Eva en remettait une couche sur le sujet de Porter.

- Hé ! Tu as oublié les frites. Tu as aussi oublié le ketchup. Tu sais bien que j’aime picorer mes frites dans le ketchup.

- Euh … Désolé, je n’avais pas compris que vous vouliez aussi des frites et du ketchup déblatérais-je de manière monocorde. Eva, ça ne se fait pas de gérer l’avenir des gens et puis, Safiya l’a dit tout à l’heure qu’elle ne voulait pas faire d’enfant avec Porter. Puis, Porter ne m’écoutera pas non plus. Pas pour ça en tout cas.

J’avais voulu rester très vague sur ce que Porter écouterait de moi et non. Un peu agacé de ce fait peut-être, mais au moins ces mots allaient me sauver d’une question dangereuse envers lui. J’avais été stressé à cette idée et maintenant ça allait un peu mieux. Porter m’aurait certainement tué à une telle question. Oui, je voulais qu’on cesse à mentionner ce sujet maintenant et puis, je n’y comprenais rien. Je baissais la tête et ma voix indifférente se taisait alors qu’on embarquait à nouveau dans le taxi. À l’évidence, Eva venait à nouveau se coller près de moi. Je frissonnais au contact suave de la peau de sa jambe droite. Au moins, je pus attacher la ceinture et peu après, je me renfrognais sur moi-même les jambes serrées l’une contre l’autre, droites et les bras contre mes cuisses.

- Ton adresse Tom me regardait Bob comme si j’étais un parfait abruti. J’ai besoin de ton adresse pour aller chez toi.

Sursautant, j’en avais oublié l’ordre d’Eva tout à l’heure. Je secouais la tête réfutant cette idée. Elle n’était pas bonne et, de côté, tout en élevant la voix je tentais de voir les réactions de la mère et de la fille.

- C’est trop petit chez moi. On pourrait aller manger à Leith Walk. C’est un peu loin, mais les gens semblent aimer manger sur les nombreux bancs qu’il y a et faisant face à la mer.

Hochant la tête sans rien rajouter, Bob détourna le regard et démarra enfin. J’étais soulagé, car loin de moi l’envie qu’on aille fouiller et dégoter mes affaires parfois importantes pour Porter justement et d’autres fois rangées et ne regardant que moi. Je n’avais pas envie qu’Eva mette à l’envers mon appartement. Eva parce que j’avais bien plus confiance à Safiya pour rester sur sa réserve. Cette idée de partir en vadrouille à Leith Walk m’était donc parvenu à point nommé et j’en fus même fier.

• • • Eva boudait. J’avais l’impression de voir un enfant de trois ou quatre ans qui était abandonné par ses parents à la garderie un matin. J’en voyais régulièrement en fait, une garderie se trouvant à quelques coins de rue de Techno Plus. Quand je marchais pour m’y rendre, je passais devant. Quant à eux, les enfants semblaient ne jamais vouloir se séparer de leurs parents le matin même s’ils les verraient à nouveau dans l’après-midi. Ils semblaient possessifs et même trop. C’était aussi ça qui me faisait peur en ayant peut-être, un jour. Moi, ça ne m’avait jamais dérangé d’être laissé libre … Enfin, c’était ce que je croyais. Je ne me rappelle pas tout ma petite enfance. Maman me dit souvent, toutefois, que j’étais for indépendant voire un peu trop. Je n’avais donc sûrement jamais fait de ces crises. Alors oui, Eva me rappelait un enfant boudeur. Je ne souriais pas ni me montrais amusé. C’était plutôt honteux. Une femme de son âge devrait se comporter mieux, non ? Bon, elle était encore sous les effets de l’alcool. Je devais avouer avoir hâte que ces effets se terminent. Heureusement, sa bouderie l’empêchait de se coller à moi. Dans sa position presque couchée tellement elle semblait disparaître vers le plancher de la voiture, elle avait marmonné certains mots tel « couteau sous la gorge ». Moi, je m’étais repoussé un peu vers la droite alors que chaque phare de voiture venant en sens inverse m’éblouissait.
Je fermais les yeux et alors que Bob redémarrait et ainsi, je nous crus en route vers Leith.

- Bayfield Crescent ?

Que j’avais lâché sur un ton intrigué. Je ne connaissais pas ce lieu, mais il devait se trouver à Edimbourg. Je ne connaissais pas encore tous les coins de la ville. Je devrais sûrement prendre une journée complète pour ce faire, car là je me rendais et confus et curieux.

Mais encore une fois, il y eut une dispute entre Safiya assise sur le siège passager et Eva près de moi. La jeune femme parla de se changer alors que j’en avais oublié son accoutrement avec l’arrêt au restaurant. Elle était belle, élégante, mais … Mais je me rappelais ici et maintenant que ça me mettait mal à l’aise et mes joues s’empourprèrent quelques secondes. J’acquiesçais alors du chef à cette idée d’arrêter chez elle. Apparemment, c’était chez Eva parce que celle-ci déblatérait alors que Safiya ne rentrerait pas dans ses jupes. Je les regardais toutes les deux et je n’avais aucune idée de ce que racontait Eva. Safiya était plus mince même si Eva ne semblait pas porter des tailles plus.
J’en fronçais les sourcils, encore plus intrigué que lorsqu’Safiya parla de Bayfield Crescent.

Bob accélérait pour passer un feu jaune et je faillis le sermonner pour rouler comme un fou. Mon pouls battait plus fort maintenant. Quand j’étais petit, maman a déjà eu un accident pour cela avec Ezra et moi dans la voiture. Ce n’était pas gros, mais … Je crois que cela vient de là mon aversion pour la conduite automobile et la peur me prenant au ventre lorsqu’on manipulait le volant et les pédales trop brusquement.
Néanmoins, il réagit plus vite que moi constatant que j’étais en couple.

Je l’avais compris cette fois.
Mais lui, il ne comprit pas que je n’étais pas en couple. Pas avec Eva quand même !
Et ça me frustra un peu.
Je n’aimais pas en parler parce que je n’avais jamais été en couple et tout le monde l’eut été.

Sans se redresser, Eva me parlait soudainement de mon frère qu’en bout de ligne. je maltraiterais.

- Non, je ne maltraite pas mon frère. Au contraire, mon frère est médecin aux États-Unis d'Amérique donc je serais mal vu de l’insulter. Et je ne pense pas que Safiya te traite mal Eva. C’est juste l’alcool dans ton corps qui te faire dire cela. Trop d’alcool n’est pas bon pour le cerveau. Je pense quand il se sera complètement évaporé, tu ne penseras plus comme ça.

Je l’espérais, car je ne pus que faire des hypothèses ayant vu Eva qu’en état d’ivresse. C’est difficile d’amener des preuves dans ces conditions. En attendant, Bob avait tourné deux ou trois fois m’ayant complètement perdu dans Edimbourg. Il commençait à ralentir et donc, nous devions être arrivé chez Eva.
Et moi, je me vis poser une question à Safiya.

La question serait très certainement vu stupidement et for naïve, mais mon ton de voix fut monocorde et sérieux, ma main gauche tenant le rebord du siège devant moi

- Pourquoi est-ce que tu t’arrêtes chez ta mère pour te changer ? N’as-tu pas de vêtements chez toi ?

• • • C’était tellement subit quand Safiya avait rigolé sans crier gare. Pendant quelques secondes, je restais pantois la bouche très sûrement grande ouverte. Ensuite, je m’étais mis à sourire et peu à peu j’eus moi aussi cette envie d’être amusé. Le rire de la jeune femme était juste … Beau. Agréable même. Très rapidement, mais je les vis quand même, des petites larmes s’étaient glissé le long de ses yeux en amandes alors fermés. Parfois, on se mettait à rire n’importe quand soit fort instinctivement. Alors, j’avais souri sûrement comme un demeuré et je ris aussi. Peut-être moins spontanément parce que je ne savais jamais comment le faire réellement. Elle riait de ma question stupide. Je savais qu’elle avait été stupide et donc sûrement je fus bien content d’avoir changé la tension à l’intérieur de l’habitacle. Safiya avait alors tenté de s’en cacher et moi, je reprenais ma position assise le dos droit contre le coussin du siège sans rien avancer de plus. J’étais un peu gêné, je pense.

Je respirais mieux maintenant. C’était plus agréable ici. Enfin, c’était jusqu’à ce qu’Eva réponde à la place de Safiya à ma question. Je me demandais si c’était la vérité … Ou pas. Une chose était sûre toutefois soit que sa bouche fut bien trop proche de moi et j’en avais ressenti les relents d’un alcool depuis trop longtemps ingéré. De manière très lente, je tâchais de m’éloigner un peu sans trop avoir le résultat escompté.
Ça puait partout autour de moi ! C’était horrible !

Eva avait semblé avoir été presque sur les nerfs surtout quand elle parla de sa « sœur ». Ça me fit prendre conscience qu’elle en avait peut-être contre moi. Elle semblait en avoir contre moi, mais je ne compris pas trop pourquoi. Eva était bien la mère de Safiya et non l’inverse, non ?

- Heu … Ok … Désolé.

Quelques marmonnements de ma part avaient eu tôt fait de clore le sujet – ou je l’espérais en tout cas. Je commençais à me sentir mal quand on évoquait sans cesse la relation entre Safiya et sa mère. À chaque fois, ça tournait à l’eau de boudin et j’en faisais les frais. J’avais l’impression d’être une tranche de jambon que deux tranches de pain écrasaient impitoyablement. Ce n’était pas peu dire, car je commençai à ressentir une certaine empathie pour les tranches de jambon maintenant.

Alors, j’étais bien heureux de sortir du taxi. L’air encore frais de cette soirée de début juin vint chatouiller autant ma chevelure que mon visage. Ça faisait du bien et même si Eva m’avait tiré de l’habitacle comme si sa vie en dépendait, un rire de Bob me suivant même un moment. Heureusement, mon sac était resté en bandoulière sur mon épaule gauche. J’ai tellement hâte qu’elle dessoule songeais-je alors dans un soupir et un énième espoir à la pensée de l’attitude de cette femme sûrement plus respectable sans alcool. Je n’aimais pas l’alcool et jamais je n’avais été ivre. Enfin, je le croyais. Je faisais attention, car après tout je ne tenais pas l’alcool. Après un verre et « pof », tout tournait autour de moi. Pendant que nous nous étions approchés du bâtiment de taille moyenne, Eva ne m’avait pas lâché le bras tout en stipulant que Safiya retournera bientôt aux États-Unis et me posant toute sorte de questions sur Ezra et jusqu’à s’il était en couple. Bah euh oui, mais … Moi, je ne savais même pas comment en rajouter une.
Eva parla trop vite et puis …BAM !

Le coup porté contre la porte vitrée par Safiya me fit sursauter tellement fort que j’en oubliais toute réponse ayant pu commencer, peut-être, mais pas sûre à germer dans mon esprit.

- Heu … Je … Mon frère est … Heu …

Alors, j’avais un peu de peine pour Safiya. Les mains dans les poches de mon pantalon, j’observais sa silhouette disparaître dans les escaliers du bâtiment ceux-ci menant vers les étages supérieurs et tous les appartements. Sur le coup, j’avais envie d’aller la rejoindre et peut-être pour m’excuser. Je n’avais pas aimé le coup porté contre la porte. Ça m’avait fait peur et tout chamboulé en moi. Je préférais rester avec Safiya parce qu’être seul avec Eva me faisait peur. J’avais l’impression qu’elle pourrait faire n’importe quoi pas du tout correct et … Et ce serait moi en témoin et devant gérer la situation. Si par exemple, elle avait la brillante idée de se mettre à chanter à tue-tête et la police venait. C’était déjà arrivée une fois qu’une personne ivre fasse ça. À la place, j’avais malheureusement préféré m’adosser contre le mur de briques à gauche de la porte vitrée, car à droite il y avait les boîtes aux lettres. Si j’étais calme et je regardais mes pieds peut-être qu’Eva le serait aussi et me laisserait tranquille.

Non. Elle me demandait une cigarette.

- Non. Désolé. Je ne fume pas.

J’avais dit cela platement et peut-être blasé aussi. Je ne savais pas trop. J’observais mes pieds espérant secrètement qu’elle ne dirait rien de plus. J’avais juste envie d’une chose que cette soirée se termine. Pour une fois, j’irais dormir aussitôt sans passer par mon ordinateur. Demain, je travaillais tôt et ça commençait à turlupiner dans ma tête. Ça me stressait d’être encore ici alors que j’aurais dû être dans l’autobus et tout près d’arriver chez moi. Je soupirais tout haut jetant un coup d’œil derrière moi agacé par la lenteur de Safiya. Ça faisait combien de temps qu’on était ici ? Je tentais de me calmer que cela ne pouvait pas faire cinq minutes. Je me détendis un peu.