Observant ton reflet dans le miroir de ta salle de bain, un long soupir s’échappa d’entre tes lèvres en réponse à ce que celui-ci te renvoyait.
Là, face à toi, tu voyais un homme d’une vingtaine d’années, habillé sobrement d’un jean et d’un pull en maille, le visage légèrement déformé par l’appréhension. Tu avais beau faire au mieux, tu ne pouvais t’empêcher de stresser à l’idée de ce que tu t’apprêtais à faire.
Déglutissant bruyamment, tu finis par détourner ton regard de la glace et sortir de la salle de bain. D’ici une trentaine de minutes, tu devras rejoindre Porter au strip club.
Ce qui t’avait semblé être une bonne idée le matin même te semblait tout à coup beaucoup moins sécure.
Dans le fond, tu n’avais pas tant peur de finir en prison, ni même de mourir, que de perdre tes fils suite à de mauvaises décisions. Si Iona apprenait ce que tu avais prévu de faire, pas sûr qu’elle accepte de te laisser Logan. Pourtant, tu savais au fond de toi que tu n’avais pas vraiment le choix. Si tu voulais garder ton train de vie et, surtout, ton appartement te permettant de prendre tes fils à dormir, il te fallait de l’argent. Et le moyen le plus simple d’en avoir, du moins le temps de finir ta formation et d’être augmenté, passait par l’illégalité.
Oh, bien sûr, tu aurais pu prendre un deuxième travail -de nuit- comme prévu initialement, mais tu avais finalement convenu que Nadeem avait raison lorsqu’il te disait que c’était une mauvaise idée. Un vrai travail était chronophage et tu voulais pouvoir profiter de Logan et Leo tant que tu le pouvais encore.
Sans doute qu’il existait encore nombre d’autres possibilités, mais toi, du fait de ton expérience de vie et de tes capacités, tu ne voyais vraiment pas lesquelles.

Arrivé avec quelques minutes d’avance à votre lieu de rendez-vous, une boule au ventre tordant tes entrailles et remontant jusqu’à ta gorge, tu inspiras profondément avant de passer l’immense porte d’entrée.
Là, tu fu acceuillis par une jeune femme qui t’observas de la tête aux pieds, semblant te scanner. Sans doute se demandait-elle ce que tu venais faire ici. Après tout, tu n’avais pas vraiment la tête d’un client, si ? Aussi rapidement que cette pensée t’avait traversée, tu te fit la réflexion qu’elle était complètement conne. Si les clients avaient une tête en particulier, ça se saurait…
Esquissant un sourire crispé, tu ouvrir la bouche avant que la femme n’ait eu le temps de te poser la moindre question, demandant d’une voix quelques peu chevrottante malgré l’assurance que tu tentais de feindre. ⟪ Je… Euh… Je cherche Monsieur Porter. Est ce que vous le connaissez ? ⟫ A l’éclair s’illuminant dans le regard de la dame, nul doute que oui, elle le connaissait.
T’observant avec un oeil nouveau, elle finit par hocher la tête et te demander de la suivre jusqu’à un coin de la salle légèrement en retrait, d’où tu ne manquait pourtant pas le moindre détail du string à paillette de la jeune-femme qui se trémoussait avec langueur contre la bar de métal, sur la scène la plus proche.
Super…
Apercevant Porter -que tu n’eu aucun mal à reconnaître malgré les mois passés- tu t’approchas de lui avec appréhension, ton air sans doute non loin de celui d’un condamné qu’on menait à l'échafaud.
La vérité, c’était que tu n’avais aucune idée d’a quoi t’attendre avec lui. Ce n’était plus comme lorsque tu étais plus jeune et que tu vendais du shit à d’autres gamins. Non, là tu étais majeur, père, et tu doutais fortement qu’il ne s’agisse que de trafic de stupéfiants.
⟪ Bonsoir M’sieur Porter, je… J’suis Clément… ⟫ En même temps, il y avait peut de chance pour que tu sois Jean Marie, apparu ici comme par magie pour conter fleurettes devant quelques filles à poils. Lui tendant ta main, tu pris place sur l’un des sièges à côté de lui, en laissant tout de même un de distance entre vous. ⟪ Merci pour votre temps…⟫

@Porter Wilks

Déglutissant face à son refus de te serrer la main, tu inspiras profondément afin de reprendre contenance. Tu venais tout juste de te jeter dans la gueule du loup, tu le savais. Et plus tu jouerais au petit mouton apeuré, plus vite ledit loup se fera un plaisir de te manger tout cru.
Prenant place à ses côtés avec une confiance toute relative, tu fis de ton mieux pour ne pas baisser ton regard vers tes pieds, tout en évitant de l’ancrer dans celui des types partageant ta table.
Baisser le regard était un signe de crainte, mais les fixer pouvait être pris comme de l’insubordination et tu étais à peu près sûr que celle-ci ne serait pas mieux perçue que de la peur. Peut-être même serait-elle encore moins bien perçue.
Bon gré mal gré, tu te retrouvas ainsi à observer les danseuses à moitié dénudées arpentant la pièce, se frottant à certains clients dans l’espoir d’un pourboire.
Des gamines, pour la plupart. Plus jeune que toi, sans doute.
Faisant de ton mieux pour retenir une grimace de désolation, tu te fis la réflexion que tu étais chanceux de n’avoir que des fils. Tu ne savais véritablement pas comment tu aurais réagi si ta fille faisait ce genre de travail.
Inspirant profondément, tu chassas de ton esprit l’image d’une Marley adolescente, entrée dans un réseau de prostitution par cette même porte pour te concentrer sur ta mission du soir. Faire bonne impression afin de décrocher un boulot te permettant de vivre plus décemment et d’offrir sinon la lune, au moins des vacances à tes enfants.

Porter commanda deux verres d’alcool fort et, à peine ceux-ci posé face à lui, te demanda d’en boire un. Tu t'exécutas sans plus de cérémonie. Un peu par crainte de sa réaction en cas de refus, mais aussi pour toi-même. Pour t’aider à te désinhiber un tant soit peu et te permettre d’appréhender le reste de la soirée avec plus de sérénité.
Claquant ton shooter vide contre la table face à toi, tu finis par relever ton regard vers Porter en réaction à sa question.
L’homme avait beau avoir un physique plutôt passe partout -quoi que clairement plus séduisant que la moyenne-, il y avait un quelque chose dans son regard qui te mettait profondément mal à l’aise sans que tu ne puisses en saisir exactement l’origine.
Pourquoi cet homme faisait-il ce qu'il faisait ? Etait-il comme toi, à la base ? Un pauvre type qui avait besoin d’argent et qui s’était perdu dans les méandres de l’illégalité ? Ou bien prenait-il du plaisir -un réel plaisir- à faire ce qu’il faisait ?
Tu n’en savais rien, mais une partie de toi redoutait sincèrement la réponse.
⟪ Il… Enfin… Il me paie très bien, mais… J’ai b’soin de plus… ⟫
Tu étais à deux doigts de parler de tes gosses, mais, même si tu te rappelais l’avoir déjà fait par le passé, tu te souvenais également de l’avertissement de Nadeem t’intimant de ne pas trop en dévoiler sur ta vie privée. L’idée qu’un de ces types puisse toucher à un cheveux de tes fils firent se dresser les tiens. Si l’un d’eux touchait à tes fils, tu jurais sur tous les dieux puissant exister que tu aurais leurs peaux. Dusses-tu pour ce faire te faire sauter avec eux.
Si Porter était du genre observateur, il avait dû sentir un léger changement dans ta posture, soudain plus offensive, tes sens plus en alerte.
⟪ J’ai des projets… J’ai b’soin d’thune maint’nant, mais j’recherche pas un… taf sur long terme… ⟫
Au moins, comme ça les termes étaient posés. Tu n’étais pas là pour rester. Tu ne voulais pas rentrer dans leur bande. Tu voulais simplement les aider quelques temps contre rémunération et, ensuite, bye bye.