Une serviette enroulée autour de tes hanches et un rasoir à la main, tu observais le reflet que t'offrait le miroir avec attention. Une fois satisfait du résultat de la lame contre ta peau recouverte d’un restant de mousse, tu rinças ton visage consciencieusement avant de la recouvrir d’une généreuse couche de crème. Après tout, il n’était jamais trop tôt pour commencer à préserver sa peau des affres de l’âge et de la pollution.
Détournant ton regard de la glace, tu laissas glisser ta serviette le long de tes cuisses aux galbes discrets par-dessus tes os saillants pour enfiler un boxer en coton. Simple et efficace.
D’ici moins d’une heure, tu devrais retrouver Iona pour l’amener au restaurant. Iona qui, de par son statut d’ex patiente et, surtout, d’ex femme battue et mère -presque- célibataire, t’obligeait à revoir quelque peu tes techniques de dragues habituelles.
Enfilant un pull en cachemire parfaitement ajusté à ta taille, tu te pris à réfléchir à un plan d’attaque.
Contrairement à ce qu’aurait pu laisser supposer sa condition, Iona avait l’air loin d’être idiote. Un peu naïve, sans doute, mais pas tant que ça comparativement à d’autres jeunes femmes que tu avais déjà croisées par le passé, avec des profils plus ou moins similaires au sien. Tu doutais que quelques compliments et un restaurant suffiraient à la faire flancher.
Enfilant un jean là aussi parfaitement ajusté à ta morphologie -que tu peinais à maintenir-, tu te pris à réfléchir à tes propres attentes la concernant.
Bien évidemment, tu voulais la baiser. Cela allait sans dire. Mais ensuite, une fois que ceci serait fait, qu’attendais-tu d’elle ? Voudrais-tu la revoir ? Si oui, pour d’autres parties de jambes en l’air ? Pour voir quelques pièces de théâtre ?
Pour être tout à fait franc, tu n’en savais trop rien. Pour l’heure, tu souhaitais surtout goûter aux plaisirs de la chair avec elle et, de ce que tu avais pu lire entre les lignes de vos conversations SMS, la jeune femme ne semblait pas fermée à cette idée. A toi donc de la jouer finement pour arriver à tes fins.
Une fois cet objectif atteint, tu auras sans doute les idées plus claires concernant le futur de votre relation.
Car si jeune-femme te touchait indéniablement -notamment du fait de son amour pour son fils, réveillant en toi de vieilles blessures que tu préférais garder cachées-, tu n’étais pas certains que de t’accoquiner avec la plèbe était une si bonne idée. Encore moins lorsque celle-ci risquait de fissurer ta petite vie bien rangée.
La baiser, oui, mais la revoir… Pas sûr. Du moins, pas en dehors de tes heures de travail.

Une fois installé bien confortablement dans ta Maserati, GPS lancé et radio allumée; tu pris la route jusqu’à chez Iona, à l’adresse qu’elle t’avait indiquée.
Garer devant chez elle, tu jetas un coup d’oeil alentour, légèrement sur la défensive à l’idée de quitter ta voiture des yeux ne serait-ce qu’une seconde dans une rue aussi malfamée.
Sonnant rapidement chez les “Swan”, tu t’appuyas contre la chambranle de l’entrée, un oeil zieutant toujours ta caisse alors que l’autre observait la grande porte de laquelle Iona ne tarda guère à sortir. L'accueillant d’un sourire, tu hésitas une demie seconde avant de te pencher embrasser sa joue d’une bise discrète. Tu avais beau avoir compris que tu ne l’as laissait pas indifférent, tu savais que toutes les femmes n’avaient pas le même rapport à la proximité physique, plus encore compte tenu de son passée.
⟪ Bonjour… ⟫ Lui souriant tendrement, tu indiquas ta voiture d’un geste gracieux -en même temps, on ne pouvait la manquer- avant de lui ouvrir la porte côté passager et prendre place sur le siège du conducteur. ⟪ Tu as passée une bonne matinée ? Logan est bien arrivée à l’école ? ⟫
Un peu de small talk pour commencer et briser la glace. Parler d’elle et, un peu, de son fils. Car tu avais compris qu’Iona était ce genre de mère à qui il plaisait de raconter les exploits de sa progéniture, puissent ceux-ci se résumer à “il a bien fait caca ce matin”.
Souriant toujours, tu allumas le contact avant de démarrer direction le restaurant Coréen le plus huppé des environs.
Tentant de faire taire la petite voix qui te disait que tu aurais mieux fait de choisir un autre lieu qu’un restaurant pour un premier rendez-vous, tu gardas le cap et le sourire tout en lui proposant d’une voix avenante. ⟪ Il y a le bluetooth, si tu veux bien choisir la musique ⟫ Une manière comme une autre d’apprendre à la connaître.

Un sourire aux coins des lèvres, tu observais Iona de haut en bas alors qu’elle se dirigeait d’un pas légèrement rigide jusqu’à ta voiture, retenant un léger rire en réponse à son commentaire.
Sans doute que pour une jeune-femme de sa cathégorie socio-professionelle, ta voiture devait être quelque peu étonnante. Peut-être même était-ce la première fois qu’elle en voyait une de la sorte. Et dire qu’elle allait passer les trente prochaines minutes à l’intérieur, profitant du confort des sièges chauffants. Lui ouvrant la porte, tu lanças d’une voix voulue désinvolte ⟪ Ravis qu’elle te plaise. Tu me diras s’il en est de même pour les sièges. ⟫
Prenant place sur le siège du conducteur, tu allumas le contacte tout en questionnant Iona sur son début de matinée, souriant d’un air encourageant en réponse à sa gêne apparente. De toute évidence, elle ne se sentait pas dans son élément, seule avec toi, dans cette voiture. Pour un peu, tu aurais presque pu t’en sentir blessé, mais tu avais une analyse suffisamment fine et subtile pour remarquer que son intimidation était plus proche de la honte que de la peur. Elle ne semblait pas avoir peur de toi, juste ne pas être certaine d’être à la bonne place.
Ce qui, il fallait être franc, était plutôt vrai. Iona n’avait rien à faire là, dans une voiture qui coûtait sans doute plus cher que son appartement, pour aller dans un restaurant qu’elle n’aurait sans doute jamais osé tester par elle-même, avec toi. Tu devais être loin, si loin au dessus des autres personnes qu’elle avait dû fréquenter tout au long de sa vie. Si loin au dessus des autres hommes, surtout.
⟪ J’ai bien dormi, oui… J’ai même eu le temps de courir un peu, ce matin ⟫

Bien décidé à la détendre, tu lui proposas de mettre la musique, ne pouvant cette fois-ci retenir un léger rire en réaction à sa remarque.
Certes, Iona n’était sans doute pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, mais elle n’était pas non plus le plus émoussé, si ?
Était-elle si pauvre qu’elle n’avait jamais pu s’acheter mieux qu’un téléphone à clapet ou qu’un smartphone à l’ancienne, qui peinait à ne serait-ce que prendre une photo ? Et encore, tu étais quasiment persuadé que même ceux-ci avaient le bluetooth intégré…
Peut-être faisait-elle partie de ces personnes anti technologie, qui refusaient de l’utiliser (ou du moins, avec parcimonie) et qui, par conséquent, n’y connaissaient pas grand-chose. ⟪ Tu sais que tu peux choisir les musique directement sur youtube ? Tu n’es pas obligé de partager celles sur ton téléphone. Il te suffit de te connecté sur le bluetooth Masera-Ulrich et de choisir sur youtube ou spotify les musiques qui te plaisent ⟫
Si on t’avait dit un jour que tu aurais à expliquer le fonctionnement du bluetooth à une femme de 25 ans, tu ne l’aurais sans doute pas cru. Et pourtant…
Un sourire aux coins des lèvres, tu ajoutes d’une voix taquine, légèrement suspicieux.
⟪ A moins que ce ne soit là une technique pour essayer de fouiller discrètement dans les dossiers de mon téléphone. Malin… ⟫
En réalité, tu doutais que ça soit le cas, Iona ayant l’air de se sentir véritablement bête devant ton tuto, mais qui pouvait bien savoir… Certaines femmes étaient des actrices hors pair.
⟪ Il n’y a pas grand chose d’intéressant à voir, de toute façon, si cela peut te rassurer ⟫
Ce qui était entièrement faux. Si la plupart de tes photos compromettantes étaient cryptées et donc impossible à trouver par un quidam, certaines de tes applications et notes, inoffensives au premier abord, pouvaient se montrer assez parlantes combinées à d’autres éléments.
Beaucoup tournaient autour du sport et de la nourriture.
Une fois sur la route, tu te pris à l’observer du coin de l’oeil avant de reporter ton attention sur le trafic. ⟪ Est ce que tu as faim ? ⟫

Un sourire aux coins des lèvres, tu observais Iona découvrir l'intérieur de ta voiture avec un mélange de fascination et de crainte. Elle semblait à la fois curieuse et pudique face à toute cette technologie dont elle n’avait de toute évidence pas l’habitude.
Si elle réagissait de la sorte à la simple vue de ta voiture, comment réagirait-elle lorsqu’elle verrait le manoir de tes parents ?
Non pas que tu comptais le lui présenter. Les chances pour que cela se produise un jour étaient proches du zéro absolu.
Ton appartement, par contre, tu comptais bien le lui présenter au plus tôt -pourquoi pas même aujourd’hui-. Il était hors de question pour toi de baiser dans le taudis que tu imaginais être le sien. Il y avait des limites, tout de même…
Sa contemplation fut finalement coupée par quelques banalités, te tirant un nouveau sourire alors que tu répondais à sa question avec sincérité.
⟪ Je cours tous les jours, oui. congé ou pas congé. ⟫
Ou presque. Mais tu ne voyais pas l’intérêt d’expliciter le fait que, si tu étais cloué au lit, tu ne pouvais sortir courir. D’autant, que, le plus souvent, tu remplaçais ce sport par un autre, plus accessible à ton état du moment.

Un léger rire s’échappa d’entre tes lèvres à l’entente de sa réaction lorsque tu la suspecta de vouloir fouiller dans ton téléphone. Rire qui redoubla lorsqu’Iona reprit un semblant de contrôle pour te répondre qu’elle te suspectait de la manipuler en lui disant qu’il n’y avait rien d’intéressant à y trouver.
Ancrant ton regard dans le sien, tu lui souris, clairement taquin. ⟪ Peut-être bien… Peut-être bien que je cache dans mon téléphone le code de la bombe Atomique et des tonnes de photos intimes ⟫
Bon, pour ce qui était de la Bombe A, c’était complètement faux. Pour ce qui était des photos intimes, par contre… Même si tu avais rangé lesdites photos dans des dossiers cachés, il n’était pas impossible qu’elle parvienne à les trouver en cherchant bien, voir que certaines d’entre elles aient échappé à ton tris et ne se baladent librement dans d’autres dossiers.
A tout moment, Iona pouvait tomber sur des nudes de femmes randoms, voir des nudes de toi-même.
⟪ Et toi ? Tu as des secrets enfuis dans ton téléphone ? ⟫
Demandas-tu alors qu’elle lançait sa playliste, lui demandant par la même si son appétit était à la hauteur de ce qui les attendait.
De toute évidence, oui. Elle comptait bien rentabiliser ton invitation, s’étant même refuser de petit-déjeuner pour être sûr de tout terminer.
Elle te retourna la question et, tout en avançant vers la voie rapide, tu haussas les épaules en réponse. ⟪ Pour être franc, je ne suis pas un gros mangeur.. Mais peut-être qu’une fois arriver là-bas, l’odeur m’ouvrira l’appétit ⟫ Ou te filera la nausée. Au choix.
Dans tous les cas, tu allais devoir la jouer fine.
Comme à chaque fois que tu devais te rendre au restaurant, tu étais tiraillé entre ton désir de jeûner et le poids du regard de l’autre te forçant à manger plus que ton esprit n’était capable de l’accepter, te forçant à jeter presque littéralement ton argent dans les toilettes.
Ce qui arriverait sans doute ce midi encore.
Fort heureusement, tu avais pris avec toi ta brosse à dent et du dentifrice.
Si baiser il devait y avoir, tu préférais être paré.
Bien décidé à changer de sujet, tu souris.
⟪ Classique, mais appréciable comme choix musical ⟫

Lorsque vous arrivèrent finalement au restaurant, tu t’annonças à l’entrée avant de vous laisser conduire jusqu’à une table bien placée, dans un coin assez intimiste du restaurant, entouré de décoration asiatique plutôt softe et de bon goût.
Attrapant la carte posée face à toi, tu proposas ⟪ Est ce que tu désir boire quelque chose ? ⟫

Alors en plein badinage, la question d'Iona te surpris quelque peu de par son côté très premier degré. L'Autriche avait-elle la Bombe A ? Non. Du moins, elle ne faisait pas partie des pays qui proclamaient l'avoir et, connaissant ton pays de naissance, tu doutais fortement que le gouvernement mente sur quelque chose d'aussi grave.
Souriant du coin des lèvres, tu répondis d'un signe de tête négatif rehaussé d'un haussement d'épaule impuissant à son questionnement.
La jeune-femme te promis qu'elle n'avait nulle intention de violer ton intimité et, si on partie de toi rêvait de lui répondre que tu n'aurais absolument rien contre cette éventualité -qu'elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait de ton intimité durant quelques heures- tu te contentas de lui répondre d'un sourire un brin taquin avant d'esquisser un sourire mi amusé, mi désolé lorsqu'elle t'énuméra le contenu de son téléphone.  « Rassure moi, tu as d’autres passe- temps que les tatouages et ton fils, non ?» Tu ne lui demandais pas d’être passionnée de plongée ou de tire à l’arc, mais simplement si elle avait d’autres manières de s’occuper lors de ses congés passés loin de son fils. Car si elle semblait aduler les tatouages, tu doutais fortement qu’avec son gabarit elle ait suffisamment de place pour s’en faire un à chaque moment d'ennui. « La lecture, peut-être ? Je me souviens que tu m’avais demandé quelques titres de roman, la dernière fois… Ou bien la music ? Les séries ? A quoi passes tu ton temps lorsque Logan est chez son père ?  » Car tu te souvenais qu’Iona l’avait mentionné à plusieurs reprises et, si tu te souvenais bien, il lui arrivait de garder Logan certains jours et même certaines nuits.

Évoquant rapidement ton manque d’appétit afin de ne pas la surprendre lorsque, ton assiette devant toi, tu ne toucheras qu’à une infime partie de son contenu -ou pas-, tu acquiescas ses goûts musicaux certes classiques, mais audibles. A tout moment, tu t’attendais à la voir mettre du rap ou du hard métal. Si tu n’avais rien contre ces styles de musique de temps en temps, tu n’aurais sans doute pas supporté tout un trajet avec des types qui, au choix, te hurlaient dans les oreilles sans discontinuer ou déblatèraient tout une ribambelles de mots sans queue ni tête saupoudré d’une vulgarité bien souvent gratuite.
Très peu pour toi.

Arrivé au restaurant, vous vous installèrent à votre table avant que tu ne proposes à Iona si quelque chose lui faisait envie en termes d’apéro. Quitte à l’inviter au restaurant, autant le faire bien avec apéritif, entrée, plat et dessert, si le cœur lui en disait.
« Plutôt jus de pomme ? D’orange ? De litchi ? » Un sourire aux coins des lèvres, tu pouvais voir à quel point la jeune femme semblait perdu face à la carte qu’elle tenait entre ses doigts fins. De toute évidence, elle n’avait pas l’habitude de ce genre de restaurant, devant sans doute être plus familière avec les fast-food ou autres restaurants plus familiaux.
Ce qu’elle sembla te confirmer en indiquant la différence d’avec ses habitudes.
« Si je puis te donner un conseil, ne te prends pas la tête. Tu es là pour découvrir alors commande ce qui te fais envie. Tu peux même commander plusieurs boissons, si tu veux… » Tu n’étais pas à quelques dollars près. « Si tu veux quelque chose de fruité, il y a aussi des cocktails, donc le cocktail maison à base de jus de Litchi. Avec ou sans alcool… » Un classique des restaurants asiatique, sans doute. Celui-ci restant tout de même l’un des meilleurs que tu ais pu goûter. Et surtout l’un des moins sucré.
« Est ce que tu as un plat ou un type de cuisine favorite ? Française, Italienne, Indienne, Japonaise… »
Tu savais qu’elle n’avait pas beaucoup de moyens, mais aujourd’hui il était plutôt aisé de trouver de la cuisine du monde en grande surface à des prix plutôt attractifs. De piètre qualité, certes, mais pour un palais habitué aux produits de supermarché, tu supposais que cela devait faire l’affaire. Non ?

Un sourire aux coins des lèvres, tu écoutais avec attention Iona te conter avec simplicité ce qu’elle faisait de son temps libre. Pas grand chose de palpitant, pour être tout à fait franc, mais qui étais tu pour la juger ?
Au final, ton quotidien était-il vraiment plus délirant que le sien ? Non. Il était différent, certes, mais toi aussi tu te complaisais dans une forme de routine faite de travail, de sport et de soirées mondaines. Et cette régularité aliénante avait un quelque chose de rassurant, dans le fond. Une manière de garder le contrôle, au moins à minima, sur ta vie.
Iona partageait-elle cette crainte de perdre le contrôle ? D’être submergé par l’inconnu et englouti par l’imprévu ?
Tu exécrais ta routine, blâmant tes parents de te l’avoir imposé dès ton plus jeune âge, mais en même temps, tu ne pouvais nier que, même une fois libéré de tes chaînes, tu ne saurais vivre autrement.
Si cette vie convenait à Iona, alors il n’y avait là rien de triste.
« Ce n’est triste que si tu aspires à autre chose. Si cette vie te convient, c’est le plus important »
Finis tu par sourire avant de parler de vos commandes, lui demandant quels types de cuisine elle préférait une fois vos boissons commandées.

La cuisine Italienne. Assez peu original comme choix, mais plutôt compréhensible. C’était l’une des cuisines les plus répandues et les plus bon marché que l’on puisse trouver. Du moins, pour ce qui était des plats de pâtes. Car il y avait des mets italiens bien moins connus et plus coûteux.
« Je vois… Et quel est ton plat préféré ? »
Ainsi, tu pourrais l’amener le goûter dans des restaurants haut de gamme lors d’un prochain rendez-vous, car tu te doutais que prochain rendez-vous il y aurait sûrement. Iona avait beau être de la plèbe et avoir eu un enfant à un très jeune âge, elle te semblait bien moins volage que nombre de femmes distinguées.
« Bonne question… Je dirais la cuisine Italienne également, mais je suis plutôt amateur des plats légers. Un esprit sain dans un corps sain, tout ça »
Un sourire en coin, tu jetas un rapide coup d’oeil à la carte face à toi avant de reprendre.
« L’autriche n’est pas vraiment reconnu pour sa gastronomie, pas plus que l’Ecosse d’ailleurs, mais oui, c’est différent, même si pas tant que dans d’autres pays.  » Les ingrédients de base étaient en grande partie les mêmes. Les cuisines de Scandinavie ou d’Asie différaient bien plus que la cuisine Écossaise.
Il fallait dire aussi qu’à part peut-être les Schnitzels, tu doutais fortement que les badauds seraient capables de citer des noms de plat Autrichiens. La Sachertorte à la limite, et encore. Il ne s’agissait pas tant d’un plat que d’un dessert, voire simplement d’un goûter. Il existait bien sûr des plats plus complets tels que le « Tafelspitz » et le « Goulache », mais ce n’étaient pas ceux dont la plupart des visiteurs se souvenaient.
Tu avais pris l’habitude de manger tellement varier depuis ton enfance que tu ne pouvais pas vraiment dire que tu avais été élevé à la cuisine Autrichienne. On t’avait appris à apprécier des saveurs d’un peu partout afin que tu sois en capacité d’accompagner n’importe quel représentant de son pays au restaurant sans faire honte aux tiens.
« L’Autriche est surtout connue pour son architecture, son ancienne impératrice et son camps de concentrations? » Tu avais énoncé le dernier point sur le ton d’une demi-question, comme pour tâter le terrain avec ce type d’humour. Iona aimait-elle l’humour noir ? Ou la moindre évocation de l’extermination de masse ayant eu lieu près d’un siècle plus tôt -avec laquelle, s’il y avait besoin de préciser, tu n’étais absolument pas en accord- lui faisait-elle grincer des dents ?

Les minutes s’égrainèrent avec une étonnante facilité pendant que vous parliez. Ce ne fut que lorsqu’arrivèrent vos plats que l’ombre d’un regret traversât ton visage souriant.
Tu avais beau avoir pris le repas le plus light de la carte, soit un Sundubu jjigae bien épicé, tu redoutais tout de même d’avoir à avaler une aussi grande quantité de nourriture en un seul repas.
Tu te rassurais comme tu pouvais en te disant que, avec la quantité de piment présent dans ton plat, une grande partie de ce dernier finirait sans doute par ressortir plus vite que prévu. Tu espérais néanmoins que cela arrive avant que tu ne te retrouve tête à tête avec Iona, si tête à tête il devait y avoir.
Il y avait plus vendeur qu’une diarrhée comme premier rendez-vous…
Plantant distraitement ta fourchette dans ton plat, tu observais avec amusement Iona tester le sien.
« Alors ? Verdict ? »
Parler, toujours parler. Avec un peu de chance, cela excusera ton manque d’appétit.

Bien que banale à souhaite, la conversation ne t'était pas complètement inintéressante. Au contraire même. Des sujets aussi triviaux que les préférences alimentaires étaient un bon moyen de découvrir une personne. Ses habitudes et sa manière d'être, jusqu'à une certaine mesure bien entendu.
Si tu n'irais pas jusqu'à dire qu'une personne dont le plat préféré était les lasagnes était ennuyeuse, tu devais bien avouer que tu doutais fortement de son potentiel délirant.
Haussant un sourcil, tu fus sincèrement surpris d'apprendre que le plat préféré d'Iona était les pâtes au gorgonzola. Sans aller jusqu'à la classer d'instinct comme une grande fan des lasagnes, tu aurais plutôt parier sur les pâtes carbonara ou la pizza plutôt que sur le gorgonzola.
C'était à la fois très simple et très spécifique. Le genre de plat préféré qu'il est compliqué d'inventé sur le tas.
Un sourire étira ses lèvres en réponse à sa question, te faisant hocher la tête.
« C'est amusant, je ne t'aurais pas imaginé une femme à fromage, mais après tout, pourquoi pas ? » Buvant une gorgée de ta boisson, tu repris, un sourire aux coins des yeux, l'air parfaitement à l'aise malgré le léger virage prit par la conversation. « Effectivement, je suis plutôt un homme à salades qu'un grand consommateur de viande ou de féculent, bien que j'en consomme de temps en temps pour les protéine et les glucides.... » Légèrement taquin, tu reprends, l'air faussement penaud. « Je suis désolé si je détruit tout tes fantasmes d'homme viril partant à la chasse et dévorant des bêtes entières pour le petit déjeuner. » Haussant les épaules d'un air fataliste, tu changeas finalement de sujet pour parler de l'Autriche et des éléments marquant de ton pays d'origine. « Je ne sais pas vraiment si l'on peut parler de culture, à ce niveau là. Je dirais plutôt d'opportunité... Tu n'as pas eu beaucoup d'opportunité de voyager, ce qui limite tes connaissances en matière de... géographie ? Dira t-on »

Remerciant le serveur venu apporter vos menu, tu observas un instant ton assiette avec un mélange de crainte et de résignation avant d'esquisser un rire en réponse au blasphème de ta partenaire de la soirée.
Un sourire qui s'élargit d'autant plus à la voir s'extasier pour de simples nouilles. Certes, parmi les meilleures de la ville, mais tout de même.
C'était mignon -voir même carrément adorable- de voir une adulte prendre autant de plaisir à des activités qui te semblaient aller de soit, voir même un peu bas de gamme.
Il y avait une simplicité dans sa joie qui te rendait presque jaloux.
Au bout de plusieurs longues secondes à l'observer manger avec sa fourchette, tu finis par craquer, un rire aux coins des lèvres. « Je suis désolé, mais ce n'est pas possible. Il faut absolument que tu apprennes à utiliser des baguettes »
En réalité, tu savais pertinemment que les restaurateur n'en avaient que faire de savoir si vous mangiez aux baguettes ou à la fourchette, mais l'idée de la voir galérer et -peut être- réussir te séduisait assez. D'autant plus si tu y étais pour quelque chose dans sa réussite.

Attrapant tes propres baguettes, tu entrepris de lui montrer les bons gestes avec lenteur et précision. Tes parents ayant plusieurs contact en Asie -et notamment en Chine- tu avais très jeune appris à te servir de baguette. Réalité que tu te gardas bien de lui partager, préfèrent pour l'heure qu'elle t'imagine comme la plupart des autres clients : ayant appris sur le tas.
Attrapant sa main dans la tienne, tu tentas de placer ses doigts du mieux que tu le pouvais, en profitant pour leur prodiguer quelques légères caresses avant de revenir attraper tes baguettes pour une nouvelle démonstration, une fois encore à vide.
Ce qu'Iona sembla finir par remarquer.
Alors que son assiette était quasiment vide, c'était à peine si tu avais touché à la tienne. Au mieux avais-tu déplacer certains aliments pour donner l'impression d'en avoir vider une partie.
Souriant d'un air contrit, tu ravalas ta grimace alors que tu portait quelques légumes à ta bouche dans un sourire de contentement.
C'était divinement bon, il fallait être franc. Mais l'idée de devoir ingurgiter toute une assiette te filait des sueurs froides.
 « Disons que j'ai un peut être un peu abuser de cochonneries cette après midi... » Un mensonge, bien évidemment. Tu n'abusais jamais de rien et lorsque cela arrivait, tu ne gardais jamais ces abus bien longtemps en toi, mais ça, Iona n'en savait rien et n'en saurait jamais rien.
Avalant quelques nouvelles bouchées pour garder bonne mesure -beaucoup de légumes et très peu de riz-, tu finis par reposer tes baguettes sur leur socle, un sourire travaillé aux lèvres alors que tu lui proposais d'une voix calme, bien loin de tes troubles intérieur. « Est ce que tu voulais boire autre chose ? Un dessert ? Ne te prive surtout pas. Ca me fait plaisir. »