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Mairead MacNiven
Mairead MacNiven
https://sinking-past.forumactif.com/t2218-mairead-la-fille-aux-mille-voix
Pseudo : Yyc
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Occupation : Traductrice gaëlique écossais-anglais en freelance
Âge : 26 Quartier : New Town, près des Prince's Garden
Situation familiale : Célibataire
Date d'arrivée à Edimbourg : À sa naissance
Don : Lorsqu'elle ressent un lien envers une personne, Mairead prononce une phrase qu'un mourant aurait aimé adresser à cette personne dans ses derniers instants

Charybde ou Scylla ? [Jet' x Mai] Empty Charybde ou Scylla ? [Jet' x Mai]

Lun 27 Nov - 23:33
Il fut un temps où je connaissais par cœur les expositions permanentes du musée national d’Écosse. C’était une sortie familiale habituelle et j’en redemandais. Mais ça, c’était avant mon départ pour Inverness. Depuis mon retour, bizarrement, je n’y suis pas retournée, sans véritable raison. Peut-être que j’avais l’impression de ne plus rien avoir à découvrir ? Ou que je faisais une sorte de rejet de ce qui était trop lié à ma vie d’avant, avant ma grande déception ? Peu importe. J’ai assez avancé pour passer l’éponge ou voir la nostalgie pointer le bout de son nez. Et donc, cet après-midi, j’ai bien envie d’y retourner. Pas de cours, de l’avance sur mon projet en cours – il faut que j’en profite !

J’y vais à pieds. Il fait un peu froid et humide mais ce n’est pas le premier mois de novembre que je passe à Édimbourg. Un bon manteau de laine, de grosses chaussettes dans des chaussures imperméables et la vingtaine de minutes de marche jusqu’au musée n’est pas désagréable. La visite l’est encore moins. Qui est-ce que ça surprendrait d’apprendre que je me suis concentrée sur la galerie d’histoire et d’archéologie écossaises ? Je veux dire, parmi les gens qui me connaissent ; toi et moi, nous n’en sommes pas encore là, donc tu as une excuse. Mais pour le moment, nous n’en sommes même nulle part, donc je ne pense pas à toi, ne m’en veux pas. Je profite de l’exposition, admire harpe et machines de l’industrielles et retombe en enfance.

Je sors de la galerie dans un état détendu, un peu flottant. Comme si j’avais passé quelques heures hors du monde. Celui-ci a continué à tourner pendant moi, que je voyageais dans le temps. J’ai envie de prolonger cette sensation, pas de retourner tout de suite chez moi pour retomber dans le quotidien et la normalité. Le soleil commence à baisser, le froid s’est intensifié, mais je ressers simplement le col de mon manteau autour de ma gorge exposée et tourne à quatre-vingt-dix degrés du chemin direct vers Princes Street. Je vais faire un petit tour par la vieille ville, passer devant Saint Giles et ça devrait assouvir mon envie de grand air.

Je regrette un moment de ne pas avoir pris d’écouteur pour me couper encore un peu plus longtemps du monde. Un moment, seulement, puis je l’oublie. Mais l’oubli ne dure qu’un instant de plus, jusqu’à ce que résonne à mon oreille un magnifiquement subtil : « Hé, chérie ! » Ignorer, continuer à marcher, ne surtout pas répondre ni regarder : je suis mon protocole à la lettre. Mais lui, qui est censé insister juste une fois ou deux avant de m’insulter et de lâcher l’affaire, ne semble pas avoir lu le script. C’est qu’il s’accroche ! Là, je m’en veux vraiment, pour ces écouteurs.  Au moins, je n’aurais pas eu à subir ses « Vas-y, juste ton num ! Je t’appelle demain, si t’as quelque chose à faire ce soir. »

D’autant que, forcément, ce genre de lourdingue chasse en meute. Je suis sûre que ses deux potes l’ont regardé galérer un moment en se moquant avant de voler à sa rescousse :

- Hé, franchement, tu devrais lui donner ! Il est cool, comme mec, et il paie toujours les restaus !

- Pourquoi il me le paie jamais, à moi ?

- Parce que toi, tes bonnets, ils sont pas où il faut.

Je ne les regarde même pas. Aucune idée de la tête qu’ils ont. Ils apparaissent parfois dans ma vision périphérique mais je reste concentrée sur mon chemin. Je suis dans une de ces petites rues traversières de la vieille ville et je guette son débouché dans Cowgate comme un homme à la mer guette la surface. Je ne m’étais pas rendu compte que mon rythme cardiaque avait augmenté à ce point, je ne remarque que maintenant que j’ai le souffle court. Je crois que je commence à me sentir oppressée. À avoir peur.

Je suis proche de Cowgate, à présent, mais l’envie primaire de fuir se fait plus forte. Je serre les poings dans les poches de mon manteau et me mords l’intérieur des lèvres. Je n’ai plus à me forcer à faire abstraction de ces clowns : je n’entends plus rien, je ne vois plus rien d’autre que le coin de la rue. Je compte les devantures qui m’en séparent : trois pour l’instant. Bientôt deux. J’ai froid.

Je dois être à dix mètres de la sortie quand une poigne se referme sur mon bras droit, me tirant un grand cri de surprise et me forçant à me retourner.

- Hé, tu m’écoutes, salope ?

- Lâche-moi !

Seul le choc sous lequel je suis encore m’interdit de ponctuer cet ordre d’un compliment aussi fleuri que celui qu’il vient de m’adresser. Mon corps réserve mon énergie pour me dégager – il ne me tenait pas si fort, au final – et faire quelques pas en arrière.

- Je vous préviens, j’ai rendez-vous avec mon copain dans ce café.

Ce café, la dernière devanture avant le coin de la rue, sur ma droite.

Le tremblement dans ma voix doit trahir mon mensonge, parce qu’ils éclatent de rire.

- Ah ouais ? Fallait me le dire, j’étais pas au courant qu’on devait se voir là, chérie, minaude le premier arrivé en s’approchant de moi.

Je fais autant de pas en arrière que lui en avant.

- Barrez-vous, connards. J’ai pas besoin de vous.

Je sais que mon sens de la répartie n’est pas à son maximum mais avec un cerveau reptilien tout entier tourné vers la découverte d’un refuge, il ne me reste pas beaucoup de neurones pour une conversation de haute volée. Et m’en rendre vaguement compte ne me redonne pas mes mots.

« Fly » prend finalement le pas sur « fight » et je me retourne pour un semblant d’évasion vers le café que j’ai mentionné. J’essaie de garder un pas ferme et fier mais il n’est pas loin de la fuite patente. Derrière moi, je crois que les deux tocards éclatent de rire. Je m’en moque, sauf que c’est sans doute ce qui pousse leur pote à me rattraper, juste au moment où j’atteins le café. Mon geste, quand j’ouvre la porte, est presque aussi brusque qu’un coup, et lui envoie d’ailleurs le battant dans le visage.

À l’intérieur, plusieurs tables sont prises. Je les scanne, les unes après les autres, tout en avançant, à la recherche d’un homme assis seul. Ce serait un coup de chance mais faut croire que j’en ai un peu, aujourd’hui, puisque tu es là. Tu n’as pas l’air bien plus vieux que moi – je veux dire, pas plus vieux au point qu’une relation entre nous serait étonnante – et tu es seul, c’est ce qu’il me faut. Et juste assez éloigné de la porte pour que je ne donne pas l’impression de m’asseoir au hasard – ce que je suis pourtant en train de faire.

- Excusez-moi, je ne fais que passer, dis-je à voix basse en enlevant mon manteau pour l’accrocher à la paterne toute proche. Pouvez-vous juste me dire quand le gars qui a dû entrer avec moi sera sorti, s’il vous plaît ?

Je dois passer pour une folle mais je m’en moque. Les tremblements que j’ai contenus pendant de longues minutes se manifestent enfin, mes jambes lâchent et je me laisse presque tomber sur la chaise face à toi. Je crois que je ne vais pas tarder à pleurer.
S. Jehtro Collins
S. Jehtro Collins
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Occupation : Ex-danseur étoile du Royal Ballet - réceptionniste du Balmoral Hotel le jour ; gigolo la nuit.
Âge : 29 Quartier : Colocation à Wester Hailes avec Alec C. Ricci.
Situation familiale : Célibataire.
Date d'arrivée à Edimbourg : 2021.
Don : Inconsciemment, Jet' est capable de faire revivre à quelqu'un ses pires souvenirs jusqu'à ce qu'ils finissent par le dévorer. Petit à petit, les siens commencent à disparaître de son histoire personnelle ; leurs effets (physiques comme psychiques) avec eux. Son don agit comme une forme de vampirisme puisqu'il se nourrit des bons souvenirs des autres pour faire disparaître ses propres traumatismes.

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Ven 5 Jan - 17:18
CHARYBDE OU SCYLLA
   Non loin du Balmoral Hotel, où il travaillait, il y avait les banquettes en cuir du Thistle Street Bar où avait coutume de se poser le brun. Une petite musique de jazz flottait dans l'air et rendait le domaine aussi agréable qu'un ascenseur en panne. Elitiste, l'anglais ne se satisfaisait que de musique classique comme le lui avaient appris ses précepteurs par le passé, à commencer surtout par cette vieille chouette de Minerva. Pour lui, bien qu'il se garda de le dire, le jazz était tout juste bon à être mis en fond sonore dans les vastes salles d'attente et les halls d'hôtel ; rien de plus. S'il s'infligeait cela cet après-midi, c'était surtout pour se délecter d'un verre de whisky après son service. Il avait écumé de nombreux bars dans le coin mais aucun n'arrivait à le satisfaire autant que le scotch traditionnel servi en ces lieux. Aussi, même s'il lui arrivait de discuter, l'air piquant, avec l'un des serveurs duquel il s'était un peu entiché, un dénommé Turner, de la musique choisie, il appréciait tout de même grandement l'atmosphère qui se dégageait de l'endroit. Résidant à Wester Hailes, il se voyait mal se plaindre d'un intérieur bourgeois et recherché quand les seules tavernes qu'il bougeait fréquenter dans les rues voisines des siennes étaient des bouges infâmes qui vomissaient des alcooliques sans pudeur et qui n'avaient que faire de l'étiquette.

Alors, comme il en avait désormais l'habitude, il se commanda un verre, s'installa là où il le pouvait encore, à une table fraîchement lavée, croisa une jambe sur sa jumelle et après avoir brossé d'un geste désinvolte les mèches récalcitrantes de sa chevelure rebelle, il sortit son téléphone portable afin de consulter ses notifications. Même s'il utilisait fréquemment son mobile durant les heures de travail, il arrivait fréquemment que son supérieur ne le reprenne à l'ordre et ne le fasse ainsi manquer quelques correspondances avec des amis, des clientes voire des nanas qu'il aurait aimé serrer. Grinçant des dents, il hochait positivement la tête à chacune des remontrances du boss et, dès qu'il avait le dos tourné, l'insultait à voix basse tout en s'assurant de n'être plus pris ; l'appareil dissimulé sous le vernis du comptoir et consulté plus épisodiquement. Maintenant qu'il était libéré de ses obligations, il pouvait s'y consacrer sans avoir à s'en cacher et fouilla ses différents réseaux sociaux afin de retrouver les messages qui auraient pu lui échapper. Emoji coeur pour Ùna. SMS faussement flatteur pour une bourgeoise lui demandant ses tarifs, hésitant encore un peu à tromper son époux. Snap rouge pour une jolie demoiselle passée l'avant-veille à l'hôtel. Son verre glissa sur la table, jusqu'à lui, s'arrêta devant son coude ; posé sur un petit dessous en carton présentant les armoiries du lieu. Pur, et on the rocks. Santé.

La cliente d'hier ne tarde pas à répondre. Emily, 28 ans, cadre supérieure ; il n'en sait pas plus. Elle se la joue mystérieuse sur son identité alors qu'elle lui envoie sa poitrine en gros plan. Il inspecte son grain de beauté un temps, au coin du téton, hausse un sourcil, et dissimule au mieux son écran pour éviter de révéler à la clientèle qui afflue de plus en plus et engorge les allées du bar les dessous de cette mystérieuse Emily. Là encore il joue de compliments, la remercie et l'invite à repasser dès que possible à l'hôtel en prenant cette fois-ci un lit double, « juste au cas où ». Il arrivait fréquemment, grâce à son métier, que Jet' rencontre ainsi de charmantes créatures qu'il n'hésite pas à séduire en quelques regards, quelques échanges, en glissant un papier jusqu'à leur main fine qu'elles font se tapir contre le bois de son comptoir. Elles changent grandement de celles qu'il racole à bord de leurs lamborghinis payées par leurs maris fortunés et qui se fardent à outrance, tant et si bien qu'elles forgent un masque de poudre sur leurs visages enlaidis par le temps. Parfois, après s'être occupés de ces vaniteuses antiquités, il lui arrive de se sentir sale. Il ne doute jamais de ses charmes, de ses capacités de séduction mais la complicité qu'il parvient à établir avec des femmes puissantes, libres et sublimes le conforte dans son orgueil ... Non, il n'est pas simplement la petite putain de la vieille noblesse écossaise, le jouet de ces dames de peinture, la queue de ces viles renardes. Il est, et demeure, un homme à femmes capable d'obtenir qui il souhaite sans avoir à marchander ne serait-ce qu'une livre écossaise.

Et, comme preuve ultime qu'il lui pleuvait encore des femmes dessus, comme au bon temps de l'opéra, une main étrangère tira la chaise située en face de la sienne et une blonde inconnue s'installa devant lui. Nécessairement, il haussa un sourcil aussitôt. Avant même qu'il ne puisse s'étonner de sa présence, elle l'interrompit sans qu'un mot ne sorte de sa bouche close et le prévint qu'elle n'était que de passage. Visiblement, elle était angoissée. Son corps parlait pour elle ; elle semblait encore animée par des tremblements, son palpitant s'envolant et ricochant dans chaque parcelle de son épiderme. Elle parla bien vite d'un homme et, alors, retirant ses yeux de l'écran de son téléphone, Jehtro balaya le bar à la recherche d'un individu qui, comme elle, devait être encore intranquille. Avec hâte, un type était rentré effectivement dans le lieu et avait attiré sur lui des regards étonnés. Les trompettes d'Armstrong et les siens se turent à ce moment-là avant qu'une nouvelle symphonie ne prenne place pour lui succéder. Ce court silence assourdissant permit à la situation de se développer sous les yeux de chacun. L'étranger, sentant l'attention de tous sur lui, le visant comme mille flèches d'argent, il déglutit, maudit encore du regard la blonde qu'il ne lâcha des yeux qu'au dernier moment quand, ayant franchi la porte du lieu, il disparut derrière la façade noire, le tintement de la clochette prévenant son départ. Les premières notes d'un piano se firent entendre ; la musique reprenait et les discussions avec elle sans que personne ne soit alerté par ce qui venait de se passer.

« Parti. » Dit simplement le grand brun en reportant son attention sur la demoiselle visiblement troublée par cet homme qui venait de disparaître. « Vous ne le connaissiez pas, j'imagine. » Pour tout dire, il avait une chance sur deux : ça pouvait aussi être un petit-ami violent et possessif qu'elle évitait. Néanmoins, tout chez elle criait le contraire. Elle semblait plutôt avoir vu fondre sur elle un monstre sorti des ombres sans qu'elle ne s'y attende. Apparition fantastique et cauchemardesque qui l'ébranlait encore.

Aussi, les yeux de l'ex-danseur glissèrent sur son corps et il ne vit aucune trace sur ses bras ou son visage. Visiblement, il n'y avait eu aucune violence. Si ça avait été son petit-ami, elle ne l'aurait sans doute pas fui sans qu'il n'ait réussi à lui placer avant un coup ou deux. L'amour et la confiance envers lui l'auraient trahi et auraient occasionné des dégâts visibles sur son corps de porcelaine.

« Vous buvez ? » Demanda t-il alors finalement en plissant sa lèvre contre l'autre, rangeant son téléphone avant de tendre son whisky vers elle, comme pour imager ce qu'il voulait dire par « buvez ». Tout ce qu'il espérait, c'est que cette inconnue n'allait pas fondre en larmes et le faire passer pour un goujat auprès de tout le monde ici présent. Faisant un signe de tête au serveur, Turner, qui lustrait un verre avec un vieux chiffon gris, celui-ci s'approcha d'eux en remarquant la présence nouvelle de la blonde aux côtés de Jehtro. « Elle prendra un scotch, elle aussi. » Il ne lui laissa franchement pas le choix, à vrai dire. Rien de mieux qu'un alcool fort pour gommer un mauvais moment de sa mémoire, mais aussi pour lui faire ravaler ses pertes lacrymales qui n'allaient pas tarder à poindre ...
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Charybde ou Scylla ? [Jet' x Mai] Empty Re: Charybde ou Scylla ? [Jet' x Mai]

Mar 5 Mar - 23:50
- Parti.

Et je respire. L’air que j’avais gardé piégé dans mes poumons, emprisonné par mon inquiétude, est brusquement libéré, emportant avec lui une bonne partie de ma sanité d’esprit. J’entends ta question en forme d’affirmation et secoue la tête. Je crois qu’un petit « Non » s’échappe de mes lèvres mais je n’en suis même pas certaine.

La scène se rejoue en boucle dans mon esprit. La sensation de la poigne sur mon bras, la voix qui me traite de pute, les rires des loubards sans visage. J’ai l’impression de pouvoir sentir l’odeur de sueur et de bière de celui qui m’a interpelée, mais peut-être que je l’imagine. Un verre rempli d’un liquide ambré apparaît par magie devant moi. Mes pensées rationnelles sont toujours occupées, j’agis par instinct : je le bois.

Toute Écossaise que je sois, je n’apprécie pas vraiment le scotch. Le goût est trop brut pour moi, trop tourbé. J’ai honte de l’avouer mais quitte à boire du whisky, je préfère un bourbon américain, plus doux et épicé. Je ne le reconnais cependant pas face à n’importe qui – mon père, pour ne citer que lui, ne se doute de rien et ne doit jamais l’apprendre. Et dans une situation comme celle-ci, je ne vais surtout pas faire la difficile. Je ne suis pas en condition de faire une dégustation, de toute façon. Le goût de terre se répand sur ma langue, la brûlure pique le haut de ma gorge et me fait enfin sortir de ma torpeur.

Je te regarde alors pour la première fois. Te regarde vraiment, je veux dire, au-delà de l’évaluation rapide que j’ai fait à mon entrée. Je me perds un instant dans les fentes de tes yeux verts, cherchant à y déceler moquerie ou énervement. N’y lisant pas grand-chose, je passe à tes lèvres mais ne suis pas plus avancée. Un détour par les boucles qui encadrent ton visage, et je prétends m’intéresser au mur derrière toi. Une nouvelle gorgée de scotch devrait finir de me donner un air détaché.

Je croyais avoir repris pieds dans le présent mais une nouvelle bouffée d’angoisse revient me serrer la gorge. J’ai échappé au pire, réalisai-je soudain. Je revois l’allée étroite qui s’ouvrait pas loin de là où j’ai été abordée, le noir qui y règne et les méfaits qu’elle est susceptible d’abriter. Ça n’arrive qu’aux autres mais ce soir, ça a bien failli m’arriver à moi. Je crois que mon cerveau n’avait pas encore réussi à intégrer cette terrifiante révélation. Voilà qu’elle le frappe - me frappe – avec violence. Je me rends compte que je pleure quand une larme vient me chatouiller le coin des lèvres.

Je ne sanglote pas. Mes larmes s’écoulent comme si elles débordaient de mes paupières, sans bruit. Je les laisse s’écouler un moment, sans les contenir ou les essuyer, les laissant emporter le choc qui me tire encore quelques frissons. Ce n’est que quand mon corps s’est immobilisé quand je me penche pour fouiller dans mon sac à main et en tirer un mouchoir avec lequel je me tamponne les yeux. Mais dès que le flot semble s’interrompre, un nouveau début. Je finis par abandonner l’idée d’avoir les yeux secs et me contente d’éponger mes joues quand l’humidité devient trop gênante.

- Je suis désolée. J’ai vécu quelques minutes fortes en émotion.

Ce n’est rien de le dire, mais je ne me vois pas t’en décrire plus. Parce que nous ne nous connaissons pas assez, parce qu’il est encore trop tôt pour que je mette des mots sur ce qui vient de se passer, et parce que, sans vouloir te vexer, tu ne m’inspires pas vraiment une envie de confidence. Tu as un petit air vulpin qui me ferait craindre que tu te serves de ce que je pourrais te révéler, quand bien même nous ne nous connaissons pas et que je peux croire que nous ne nous reverrons jamais, une fois nos chemins séparés.

- Si vous voulez reprendre quelque chose, je vous l’offre, offré-je en montrant ton verre du menton.

Je pourrai me montrer aussi autoritaire que tu l’as été avec moi et lancer au serveur de te resservir la même chose mais pousser à la consommation d’alcool est contraire à mes principes. Et puis, en as-tu vraiment besoin ? Je suis désolée pour le jugement peut-être hâtif mais tu es seul dans un bar devant un verre de whisky…

- Et merci pour ça, ajouté-je en levant légèrement mon verre, comme pour trinquer à distance. C’était ce dont j’avais besoin pour reprendre pieds. Mentalement, du moins, parce que je ne suis pas sûre que mes jambes soient prêtes à me porter. Je vais profiter de votre hospitalité encore quelques minutes et ensuite, promis, je vous laisse tranquille.

Un petit sourire timide doit me permettre d’être prise en pitié.

- À moins que vous n’attendiez quelqu’un ? réalisé-je brusquement. Si je vous embarrasse, je m’en vais tout de suite.

Mais j’espère que ce n’est pas le cas, parce que je n’ai pas exagéré quand j’ai parlé de la faiblesse de mes jambes. Ma formulation pouvait paraître ampoulée mais je ne mentais pas. Je me suis simplement réfugiée dans le niveau de langue qui me vient naturellement. Impossible de me demander si vu l’environnement ou le fait que je me sois ainsi imposée face à toi, je ne devrais pas me montrer un peu plus familière, ça me paraît trop compliqué pour l’instant. Je m’y mettrai peut-être par mimétisme quand tu auras décroché plus de quatre mots d’affilée mais en attendant, tant pis si je passe pour une bourgeoise égarée – c’est un peu ce que je suis, non ? Et même une bourgeoise bien perdue.
S. Jehtro Collins
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Don : Inconsciemment, Jet' est capable de faire revivre à quelqu'un ses pires souvenirs jusqu'à ce qu'ils finissent par le dévorer. Petit à petit, les siens commencent à disparaître de son histoire personnelle ; leurs effets (physiques comme psychiques) avec eux. Son don agit comme une forme de vampirisme puisqu'il se nourrit des bons souvenirs des autres pour faire disparaître ses propres traumatismes.

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Lun 22 Avr - 13:44
CHARYBDE OU SCYLLA
   Rares étaient les femmes qui, un bel après-midi de novembre, se jetaient à sa table. Ce serait avec amusement, sans doute, qu'un jour prochain il raconterait à Ùna cette péripétie. Néanmoins, si pour lui elle avait un petit quelque chose de burlesque, il n'en était visiblement rien pour celle qui, désormais, était installée juste devant lui. Tout dans son attitude trahissait une angoisse sévère. Les remous de son corps, alors ébranlé par le souvenir tenace d'une rencontre inopinée en pleine rue, ses yeux brillants, son souffle encore diffus. Jehtro ne trouva rien de mieux, pour la soulager de ces démons, de commander un verre pour elle auprès du serveur qu'il appela d'un simple geste. En un geste maîtrisé, Turner remplit son récipient et déposa à leur table la boisson. Autour d'eux, chacun avait repris sa conversation tranquillement sans plus se soucier de l'arrivée particulièrement étrange de la femme et de son harceleur de rue, lequel n'avait fait que franchir pour quelques longues et amères secondes seulement la porte du bar. L'ultime tintement de la clochette, signe que se refermait désormais éternellement le battant sur la présence pestilentielle de ce monstre, avait sans doute sonné le glas des cauchemars de l'inconnue. Cependant, scotch ou non, délivrée de ce gorille nauséabond ou non, elle se laissa aller à quelques larmes.

L'anglais avait horreur de ces émulsions de tristesse. Cela le mettait mal à l'aise. Longtemps, il avait même interdit à Margaret de pleurer en sa présence et d'avoir, au moins, la décence d'attendre qu'il parte pour pleurer. Il supportait même difficilement les épisodes larmoyants d'Ùna. Pour tout dire, il exécrait un certain spectre d'émotions négatives qu'il ne pouvait supporter. Parfois, il les trouvait factices. Souvent, leur justesse faisait tâche et l'inconfortait. Là, c'était pis encore car, contrairement à toutes les femmes qu'il avait laissé en pleurs derrière lui, pour une fois, non seulement il n'était pas responsable de ces larmes mais en plus, celles-ci provenaient d'yeux étrangers. Il remerciait paradoxalement la grandeur d'âme qu'elle avait eu de réprimer, au moins, ses sanglots qui lui permirent de n'être que le seul témoin de la scène. Le regard d'autrui, dirigé vers lui, le désignant comme seul responsable de la tristesse de cette femme, l'aurait agacé au plus haut point et aurait sans nul doute entraînait son départ. Il avait horreur d'être remarqué en public pour de mauvaises raisons. Il avait trop l'habitude, sans doute, d'être sous les projecteurs pour parader et être applaudi plutôt que pour être honni.

D'elle-même, elle eut l'intelligence de saisir dans son sac un mouchoir afin d'étouffer les minces rivières silencieuses qui creusaient le sillon de ses joues. Avec désinvolture, Jet' appuya son coude contre la table et son poing contre son menton, la regardant faire avec désintérêt, attendant que cela ne lui passe. L'une de ses mèches dévala son front pour pendre contre l'arête de son nez. Il ignorait tout ce qu'avait bien pu faire ou dire l'étranger cependant, au vu de son état physique, il estimait sans doute que ce n'était rien qui put justifier pareille réaction.

« Vous êtes pardonnée. »

Dans sa voix, cependant, il n'y transparaissait aucun pardon. Ce n'était qu'une formule dévidée de tout son sens qu'il énonçait simplement pour respecter une certaine étiquette sociale, dont il se serait bien passé. Et pas seulement qu'avec elle, en vérité. Les codes, il les avait appris et les connaissait sur le bout des doigts. Il en jouait, parfois, pour ne pas dire toujours, et avait la capacité insidieuse à dissimuler sous les grandes formules des pics empoisonnés qui avaient fait sa grandeur avec le temps. Dans un monde aussi hostile que celui de la danse, il lui avait souvent fallu jouer les grands requins blancs pour ne pas se faire dévorer par plus grosse bête que lui. Aussi, dans ses interactions, il avait pris pour habitude d'être aussi incisif ; simple déformation professionnelle bien utile au quotidien.

« Je reprendrai un scotch après, dans ce cas. » Après tout, c'était elle qui avait proposé, non ?

Elle, de son côté, « savoura » le sien. En tout cas, en apparence. Elle but encore une gorgée et le remercia, tendant vers lui son verre ; mouvement qui lui fut alors rendu par son interlocuteur qui maintint tout de même une certaine distance entre eux avant qu'il ne prenne une longue rasade d'alcool, lequel lui piqua le fond de la gorge au moment où il déposa avec élégance le verre sur son côté droit sans la quitter des yeux.

Même s'il faisait abstraction de son arrivée brûlante, des secousses qui avaient animés longtemps son corps, de ses larmes, il ne lui reconnaissait pas un charme suffisant pour l'intéresser. L'histoire, sans doute, aurait été bien belle s'il avait pu se targuer auprès de sa meilleure amie d'avoir eu une femme qui, soudainement, lui était apparu comme un mirage et qui, par la suite, après avoir été sauvée et délivrée d'un vile assaillant, lui eut offert sa couche. Malheureusement, elle ne semblait avoir ni l'envie, ni la lubricité des femmes de petite vie, ni la plastique des belles écossaises, et encore moins l'argent pour que Jet' ne s'intéresse à elle.

Cependant, en dépit de tout, et surtout pour éviter d'avoir à recroiser, en sortant trop hâtivement du bar, l'homme de tout à l'heure, elle se permit de rester avec lui. Sa présence ne l'incommodait pas tant, à moins qu'elle ne reprenne ses pleurs, lesquels le feraient très certainement grimacer désormais, alors il haussa les épaules, lui faisant valoir son indifférence quant à la décision qu'elle venait de prendre sans trop l'avoir consulté au préalable.

« Faites, faites. » Souffla t-il en retenant un geste vain d'une main qui fouetterait l'air en signe de désintérêt complet. C'était pourtant l'esprit. Après tout, qu'elle s'impose une minute, ou cinq de plus auprès de lui : quelle différence cela pouvait-il bien faire ? « Attendre quelqu'un, ce n'est pas vraiment l'expression que j'emploierais. » Il jeta ses yeux par trois fois sur son côté afin de désigner discrètement le serveur qui polissait encore la vaisselle derrière son comptoir. « Mais j'ai l'impression qu'il est moins ouvert d'esprit que prévu. Il préfère sans doute les demoiselles en détresse aux dandies élégants. »

Et par là, il voulait sans doute dire qu'il avait plus d'amitié pour elle que pour lui. Si elle se retournait, d'ailleurs, elle pouvait constater qu'il lui souriait. Il n'était pas vilain. Loin de là. Jehtro était très sélectif en matière d'hommes, après tout. Visage angulaire, joues creusées, barbe noire et fine, muscles apparents dessous sa chemise étroite. En tout cas, il paraissait bien plus charmant que le harceleur de tout à l'heure mais Jehtro n'était pas idiot ; il se doutait bien qu'elle ne devait certainement pas être dans l'idée de sauter au cou du premier homme venu après avoir été ainsi suivie, si ce n'est plus, l'instant d'avant.

« Alors non, je n'attends plus personne. » Conclut-il simplement avant de la rappeler à lui d'un geste pour capter son regard. « Je vais reprendre un scotch. Vous me suivez ? » Tant qu'à subir sa présence, autant que cela se fasse autour d'un verre. L'alcool, sans doute, rendrait leur conversation plus sympathique.
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