I took a knife and cut out her eye
I took it home and watched it wither and die
Well, she's lucky that I didn't slip her a smile
That's why she sleeps with one eye open
But that's the price she'll pay

I said, hey, girl with one eye
Get your filthy fingers out of my pie
I said, hey, girl with one eye
I'll cut your little heart out 'cause you made me cry
- Florence + the Machines, Girl with one eye



TW : violence, drogues, tabac, criminalité

Un néon grésille au-dessus de la banquette et s'éteint, dans un dernier sursaut de lumière aveuglante. Personne ne s'en souciera avant un bon moment, tu le sais.  Le cuir jaune ou tu as posé ton postérieur est sale et éventré, les tables huileuses sont jonchées de détritus de toutes sortes que les employés ne prennent même plus la peine de ramasser.

Ils ont peur de sortir de derrière le comptoir. Et tu les comprends un peu. La clientèle, à cette heure de la nuit, est on ne peu plus éloignée de celle du Balmoral Hotel.

Bienvenue chez McDonalds.

Tu chipotes tes frites depuis vingt bonnes minutes, déjà. Payées d'une pièce de deux livres trouvée dans tes poches presque vides. Elles sont molles, froides et noyées de ketchup. Mais tu n'as pas faim. Pas dans cet état. C'était le prix à payer pour attendre sans que le type de la sécurité ne vienne te voir aux deux minutes pour décamper.

Tu aurais dû aller directement chez Alec, tu le sais. Tu l'as dérangé, au téléphone. L'as-tu réveillé? Sans doute pas. Mais tu l'as dérangé. Bégaiements, tremblements, dans le combiné infect de la cabine téléphonique. Tu l'as supplié de venir te rejoindre ici, à Niddrie. Ce n'était pas si loin que ça, pour lui, si?

Tu n'en ai pas sûr. Tu n'es plus vraiment sûr de rien. Où est ton chat? Où est ton porte-feuille? Où est ton téléphone? Mais surtout... que fous-tu à Niddrie?

Tu glisses en tremblant une cigarette entre tes lippes seulement pour te faire crier, de l'autre côté du comptoir des commandes que c'est un espace non-fumeur. Bien sûr que c'est un espace non-fumeur. D'où vient ce paquet? Tu l'as sorti machinalement de ta poche.

Ce n'est pas ta marque ordinaire. Tu ne fumes jamais ça. Tu trouves ça infect. Ce sont les hommes d'une autre génération qui s'accroche encore à ce tabac. Tu jettes la clope au travers de tes frites et te passe la mains dans tes cheveux trempés. Que fais-tu ici? Que fais-tu à Niddrie, avec des clopes que jamais tu n'aurais pensé à acheter?

Il te faut cette dose. Il te la faut maintenant.

Tu étais tout fier d'être sobre. Et puis... ces épisodes ont recommencé. Pas de fix, pas de dérapages. Même pas une beuverie de trop. Juste ta suboxone. Religieusement, tous les matins, à la pharmacie du coin. Comme un enfant sage. Comme une promesse enfin tenue. Et pourtant, tu reprenais conscience, complètement hagard, au bon milieu du déluge, dans un squat à l'autre bout de la ville.

L'arrête de ton nez et ta joue gauche te brûle. Tu as vérifié, dans les toilettes. Une égratignure te barre le visage. Des ongles. Tu as dû te la griffer toi-même, ta figure, dans ton épisode de somnambulisme.

La suboxone, ce n'était pas assez. Ce n'est pas assez pour éviter tout ça. Tu le sais. Tu le sens. Seul l'héro est assez forte pour te garder chez toi, comme une loque.

Tu repousses ton assiette de carton, dégoûté et te cache le visage entre les mains. Alec sera furax. Combien de fric lui dois-tu, déjà? Un bon paquet. Assez pour que tes proches s'alarment si tu osais en demander une petite partie, pour le rembourser. Assez pour te porter la poisse. Assez pour t'enlever le majeur et l'index comme avertissement, si ça avait été un autre dealer.

Assez pour te maintenir sous sa coupe, encore un bon bout de temps.

Que te fera-t-il faire, quand il sera lassé des petites livraisons d'herbe?

La sonnette de nuit hurle et la porte du fast-food est déverrouillée. Tu oses à peine lever le visage vers ton vendeur d'illusions. Grimace de chérubin écrasé sur le bitume. Tu tentes de te re-composer, pour mieux faire les yeux doux. Tu n'as plus un foutu rond sur toi et tu as le culot de le faire déplacer pour une seule dose?

"Hey Alec!"

Si ce n'était de toi, tu te passerais de salutations. Coup d'oeil vers les toilettes. Un vieux* en sort en claudiquant, pour rejoindre sa table. Il sent l'urine jusqu'ici. Tu ne veux pas imaginer l'odeur, à l'intérieur. Dix minutes et tu ne sentiras plus rien. Dix minutes et tu te sentiras bien.

Bien et assez en sécurité pour retourner chez toi.

Les toilettes... Elles sont libres. Elle ne le seront sans doute plus d'ici deux minutes.

"Hey.... écoute, je... je suis désolé de t'appeler à cette heure, je... J'avais un peu d'argent pour te payer et... et bah tu vois, je me suis fais attaquer. Le salaud a pris mon portefeuille, je... tu..."

Mensonges. Que des mensonges avec un peu de ta vérité.

Tu tends la main en dessous de la table, nerveux. Suppliques silencieuses. Suppliques de junkie.

"J'ai... j'ai ma paie vendredi. Je te rembourses. Je..."

Mensonges. Autre coup d'oeil vers les salles de bains. Un homme vient d'y entrer. Tu pries de toutes tes forces qui ne veuille que pisser tout ce mauvais café.

'S'il te plait, mec. S'il te plait."

@Alec C. Ricci

TW : violence, drogues, tabac, criminalité

Je me demandais ce qui était le pire à cet instant. La pluie torrentielle qui s’abattait sur la ville sans que j’y sois préparé ? Le fait que je doive me taper l’autre bout du quartier ? Ou bien que l’on m’ai dérangé en pleine création artistique ? Cela faisait des semaines, que je n’avais plus touché à mes pinceaux. Des semaines entières, que l’inspiration refusait de venir, me laissant sur la touche avec mes pensées obscures. J’avais passé ma vie à vendre, à faire mon business et à tenter de contrôler les voix qui étaient venues à mes oreilles alors que je tentais une fois de plus d’avoir une vie normale. Je n’avais même pas osé en parler à Dorcas. Je m’étais contenté de me noyer dans la dope et dans l’alcool à ma portée, sans me soucier le moins du monde de l’effet dévastateur que cela pouvait avoir sur moi. C’est pas comme si qui que ce soit en avait quelque chose à branler, de toute façon.

J’avais lâché ma toile, lorsque Dafydd m’avait appelé. J’avais lourdement soupiré, en l’entendant bégayer à l’autre bout du fil. Il était en manque, clairement. J’avais hésité, sous sa voix suppliante, de me déplacer juste pour lui faire plaisir. Juste pour un fix. Il avait besoin de sa dose. Et comme je le connaissais, il n’allait pas savoir me payer. Comme d’habitude. Ma gentillesse finirait par me tuer, je le savais.

J’avais rapidement pris une douche, pour effacer les traces de peinture qui couvraient ma peau. J’avais enfilé les premières fringues qui me passaient sous la main, avait vérifié mes poches et avait pris soin de prendre tout ce qu’il me fallait, sans oublier une trace avant de partir, tel un rituel bien trop ancré dans mes habitudes malsaines. Les transports en commun m’avait rendu encore plus de mauvaise humeur. Si bien que j’en voulais de plus en plus a Daf de m’avoir convaincu de le rejoindre plutôt que de le faire venir chez moi. Pourquoi n’avais-je pas eu cette présence d’esprit au juste ?

Je passais les portes du MacDo en enlevant ma capuche. Il est là, m’attendant visiblement depuis un moment. Il a vraiment une sale gueule. J’ai presque pitié, en le voyant comme ça. Je m’installe en face de lui, sans même lui accorder le moindre sourire. Est-ce que j’ai l’air de ça, moi aussi, lorsque je n’ai pas ma dose ? J’espère sincèrement que non.

« T’as une sale gueule. »

Je me contente de commenter, en m’installant plus confortablement sur le banc. J’écoute à peine ce qu’il me raconte. Evidemment que non, il n’a pas de quoi me payer. J’en ai marre de ses mensonges. Marre de ses suppliques qui me tire presque un rictus méprisant à son encontre.

« T’as vendu tout le stock que je t’ai donné la dernière fois ? »

Parce que si c’est le cas, il a plutôt intérêt à avoir une excellente excuse pour ne pas avoir les thunes, là, maintenant.