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Eve Taylor
Eve Taylor
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When you light the candle - Evni A7a2
Occupation : Danseuse au Doll's, prostituée parfois
Âge : 32 Quartier : Niddrie, un appartement qu'elle partage avec sa soeur
Situation familiale : Célibataire, mère d'une fille de cinq ans (née le 29/05/18) nommée Ruby qu'elle a laissée à l'adoption
Date d'arrivée à Edimbourg : Elle y est née mais elle est partie deux fois : une fois entre 2010 et 2013. Puis entre fin 2017 et début 2023.
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Dim 22 Oct - 0:27
When you light the candle
TW : prostitution, agression

Je ne suis pas le genre de filles à me plaindre. J’accepte mon sort, j’accepte de vivre dans un quartier pourri. J’accepte de me prostituer pour payer les factures, l’école de Hope, le loyer et la nourriture. Bien sur, cela ne suffirait pas et vient en complément de mon salaire et de celui de ma sœur. Mais ce n’est pas avec ce que nos employés respectifs nous paient qu’on pourrait joindre les deux bouts. Ma vie n’a rien de passionnant, je suis revenue vivre dans le quartier qui m’a vue naître.  Celui dans lequel j’ai perdu Joseph, dans lequel j’ai plus de mauvais que de bons souvenirs. Dans lequel Ruby aurait du naître. Je ne peux m’empêcher de me revoir, roulée en boule sur le paillasson, quand je passe devant l’appartement que nous occupions avec maman. Je ne peux m’empêcher de repenser au grincement de la porte de Grant, quand il l’ouvrait pour m’offrir l’hospitalité. Quand moi je le faisais, les jours où Lùca fuyait sa famille d’accueil. Maman était tellement absente qu’elle ne s’en ai jamais aperçue. Je me revois, assise sur les toilettes, mon test de grossesse à la main fixant la croix rose avec horreur. Félicitations !

Ce soir, je pourrais me plaindre. Le client n’est pas tendre, pas du tout. En témoigne ma lèvre un peu enflée et fendue, de laquelle perle un sang rouge. La marque autour de mes poignets. Encore un qui croit que, parce que je suis une pute, il peut disposer de mon corps à sa guise et me malmener à l’envie. Il pense que les deux cent livres qu’il a posées sur la table de chevet de la chambre miteuse du motel lui donnent ce droit. Moi, je ne dis rien pour une fois. Je me tais et je ferme les yeux en me concentrant sur mes souvenirs d’enfance. Ils ne sont pas hyper joyeux mais c’est mieux que ce qu’il se passe entre les murs fins comme du papier à cigarettes. Je pense un peu à Yoni qui doit m’attendre, la porte de son appartement ouverte pour entendre mes pas. A la tasse de thé qui fume sur sa table basse, à mon attention. Je pense que ce soir, je préférerais que le battant soit fermé parce que je n’ai pas envie qu’il me voit comme ça. Peut être dans quelques jours, quand la lèvre aura cicatrisé et que j’aurais trouvé une excuse suffisamment plausible pour expliquer l’ecchymose.

Je crois que mon client du soir n’a pas mesuré l’implication qu’il a eue. Je le vois à la manière dont il me regarde. Encore un frustré parce que sa femme ne le touche plus. Ou un qui n’assume pas son penchant pour les hommes et qui me le fait payer, comme si cela était de ma faute. En réalité, je m’en fiche. Ce n’est pas mon souci. J’ai assez des miens. Je n’écoute même pas ses excuses, je sais qu’il fait ça uniquement pour que je ne porte pas plainte. Il ignore que je n’irais pas, de toute façon. Je ne peux pas faire ça. Je n’aurais plus aucun client et je perdrais mon job. Les tenanciers du Doll’s n’ont certainement pas envie qu’une armada de policiers finissent pas venir poser des questions un peu indiscrètes. Alors, je le laisse se perdre en excuses qu’il ne pense pas. Je me contente de hocher la tête à intervalles réguliers. Il va prendre sa douche en premier et, quand je suis sortie de la salle de bains, il n’est plus là. Il m’a dit s’appeler Zack. Mais est-ce que c’est vrai ?

Je n’ai plus envie de penser à ça. Je remet ma robe salopette en jean noir, mon pull à col roulé dessous et ma veste. Je me rends compte que je tremble quand j’enfile mes boots et que je dois les lacer. Je n’ose même pas commander un Uber alors je cours pour chopper le dernier bus. J’arrive pile à temps essoufflée et échevelée. Je paie ma course et, tête baissée, je vais m’asseoir sur la banquette du fond. Le bus est vide à cette heure ci. Il n’y a que moi et le conducteur, je me dis qu’il pourrait s’arrêter n’importe où et… Non, Eve. Arrête de voir le mal partout. Mes larmes ont fait baver le mascara bon marché qui macule mes cils. Je crois, quand même, que j’ai envie de retrouver Yoni et son appartement qui sent bon le thé chaud. Il est devenu, avec le temps, ma safe place. Sa franchise me plaît. Même si la première chose qu’il m’ait dite c’est que mon prénom est moche ou qu’il ne me va pas, je ne sais pas trop.

Le front contre la vitre froide du bus, je suis surprise quand celui ci s’arrête. Il fait nuit noire et le conducteur regarde avec insistance dans son rétroviseur. Ah oui, c’est mon arrêt. C’est le terminus. Le bus ne va plus jusqu’à Pilton et Wester Halles à cette heure ci. Ils sont encore moins bien lotis que nous, les pauvres de Niddrie. Comme s’il y avait une graduation dans la pauvreté. Je le remercie mais menace de m’effondrer quand il me souhaite une bonne soirée. J’aimerais lui hurler que je viens me faire agresser mais j’ai pas envie de mettre un mot la dessus. Cela le rendrait beaucoup trop réel. Alors je lui adresse un sourire qui blesse un peu plus ma lèvre et je descend. La gâche électrique est cassée et il me suffit d’un coup d’épaule pour ouvrir la porte. Je grimpe les marches un peu plus lentement que d’habitude. Je sens le thé. L’odeur arrive jusqu’à mes narines alors que je poursuis mon ascension. Je ne peux pas reculer parce qu’il n’y a rien pour moi dehors. Zack est dehors. Mon pied se pose sur le perron et il est là, fidèle au poste. Mon visage est caché par mes cheveux bruns parce que je fixe le bout de mes chaussures. « Fallait pas te donner cette peine, je crois que je vais aller me coucher. » Ma voix vibre et je porte d’instinct ma main à ma bouche, que je presse pour éviter le saignement. Ma manche remonte et dévoile la marque sur mon poignet alors je tire prestement dessus. Je voudrais une seconde douche et dormir, pendant les prochaines quarante huit heures.




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Yoni Tayeb
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Situation familiale : en train de se faire briser le coeur par Saevus, le gros catfish.
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Pour contrer son don, Yoni s'est promis de ne plus mentir. Au nom de ça, il a la fâcheuse tendance à dire tout ce qui lui passe par la tête.

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Mar 14 Nov - 2:07
When you light the candle
Les soirées d'automne différaient à peine des soirées d'été. À la place de partir fenêtres ouvertes pour ne pas rentrer dans un appartement-sauna le soir, Yoni plaquait d'épais plaids contre elles pour empêcher la chaleur de sortir. Il faisait attention à ne pas laisser ses chaussures dégoulinantes contre le mur, là où une légère fente permettait à l'eau de goutter dans l'appartement du dessous. Le reste ne variait pas d'une saison à l'autre. Les escaliers craquaient, la porte d'entrée devenait de plus en plus dure à ouvrir, le local à poubelles servait de squat aux adolescents ennuyés du quartier et le monde tournait ainsi. Yoni cherchait des excuses pour y passer le moins de temps possible, mais ces autres options étaient désastreuses. Coucher avec Flynn. Esquiver les questions de Leah. Continuer de voir Joan en sachant que leur relation ne donnerait peut-être rien. Quelle vie de chien. Mais c'était la sienne et c'étaient ses propres choix qui l'avaient conduit là où il était, alors Yoni avait arrêté de se plaindre. La plupart du temps.

Le film de seconde partie de soirée était d'une lenteur assommante, mais Yoni ne se sentait pas partir dans les bras de Morphée. Il avait déplié le canapé en lit afin de s'y installer et d'y travailler, son ordinateur portable sur les jambes et les livres étalés autour. Il préparait des postes pour les réseaux sociaux à propos des dernières nouveautés de sa boutique. Dernièrement, il avait évidemment vendu beaucoup de Stephen King, comme chaque année à l'approche d'Halloween. Les libraires devaient commencer à le traiter comme une divinité, car c'était grâce à lui qu'ils pouvaient payer leur loyer, songeait-il. Il s'imaginait imprimer une photo de cet homme, l'encadrer et déposer des bougies chauffe-plat ainsi que des bols de riz devant lui deux fois par jour. Ca le fit rire puis il se sentit seul. Il devait être la dernière personne réveillée. L'immeuble était silencieux, depuis que le bébé du second étage avait daigné s'endormir. La mère avait fait les cent pas et l'avait même amené faire un tour en voiture pour l'apaiser. Yoni avait entendu le moteur ronronner, s'éloigner et revenir, s'éloigner et revenir.

Il quitta le film avant la fin. Tant pis, il ne saurait jamais qui était le coupable, mais le souci était qu'il s'en foutait. Il lança YouTube à la place, choisi une playlist des meilleurs titres de Nick Cave qu'il mit aussi fort qu'il pouvait le mettre sans que le voisin du dessous ne menace de lui briser les genoux et se remit au boulot. Il aurait pu aller chasser l'insomnie depuis son vrai lit, mais il manquait encore un élément pour que sa journée soit réellement terminée : Eve n'était pas rentrée. La porte d'Yoni était ouverte sur le palier. Le dernier étage, où personne d'autre qu'eux ne vivaient. Il l'entendait systématiquement rentrer, il n'y avait aucun moyen qu'il l'ait simplement loupée. Plus l'heure avançait et plus son absence était préoccupante, moins le libraire parvenait à se concentrer sur autre chose. Il vérifiait en ligne l'horaire des derniers bus et calculait dans combien de temps il devrait réellement s'inquiéter lorsqu'il entendit, bien plus bas, la porte du bas se refermer lourdement.

Il se déplia et mit deux doigts sur la théière pour vérifier sa température. Elle était encore chaude, mais pas brûlante. Les tasses attendaient encore à côté, l'une utilisée, l'autre immaculée. Yoni s'appuya contre l'encadrement de sa porte d'entrée, les bras croisés sur sa poitrine lui donnant un air sévère malgré lui. Il n'était pas énervé ni déçu ni aucun sentiment qui considérerait qu'Eve lui devait des nouvelles régulières. Par contre, il fut inquiet en voyant la coloration de son poignet et son air abattu, et surtout quand il vit la façon dont elle essayait de cacher ses stigmates. Il n'était plus question de la laisser aller dormir. Le coeur de Yoni, après avoir oublié de battre, battait maintenant à toute allure.

— Hey, qu'est-ce qu'il s'est passé ? T'as morflée.

Il avança et mit délicatement une main sur sa joue pour l'observer sans l'effrayer. Sa lèvre était fendue assez profondément pour que du sang séché s'y accumule.

— Viens. Tu ne veux pas que ta sœur te voie comme ça.

Son premier réflexe était de l'inviter à rentrer dans son appartement à lui, où elle pourrait se cacher. Il commençait à la connaître suffisamment bien pour savoir qu'elle chercherait à préserver sa sœur de cette histoire, peu importe ce dont il s'agissait. Il lui désigna le canapé-lit, toujours déplié, toujours recouvert de livres, où elle pouvait s'asseoir si elle le voulait.

— Je vais chercher mon kit de premier secours ou tu veux aller faire constater tes blessures par un médecin ?

Il se doutait malheureusement de la réponse. À Niddrie, on ne faisait pas d'histoire. De toute façon, leur vie n'intéressait pas souvent les autorités. En-tout-cas, il s'en serait voulu de ne pas poser la question. Après, ils pourront discuter de ce qu'il s'était passé, mais vu la gueule des blessures Yoni ne pouvait pas croire que c'était une chute dans les escaliers ou une maladresse quelconque.

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Ven 17 Nov - 11:03
When you light the candle
TW : prostitution, agression

Jusqu’à présent, j’ai fais l’autruche. Il y a eu des avertissements pourtant. Frankie qui s’est faite agressée par un client du Doll’s, moi qui ait manqué de justesse de me faire emmener de force dans les toilettes du personnel. La fois où Lùca est venu me chercher parce que j’avais peur de rentrer seule, celle où j’ai été secourue par un type en costard dont j’ignore encore le prénom. Si j’essaie de ne pas faire de vague dans ma vie, je n’ai pas une activité professionnelle de tout repos. Je pourrais me contenter du Doll’s et de m’effeuiller sur scène. Ce job, le même que je faisais à Inverness, ne paie cependant pas assez. Je serai seule peut être mais il y a Hope. Je sais qu’elle est grande, qu’elle travaille elle aussi mais je me sens trop impliquée dans son éducation pour m’en foutre. Elle est la seule famille dont je sois proche, Joseph ayant disparu dans la nature depuis des années et ma mère… Hé bah, c’est ma mère. Elle n’a jamais été impliquée dans quoi que ce soit. Toujours est il que je le savais, que cela m’arriverait un jour. C’est aussi arrivé un nombre incalculable de fois à maman. A la fin, cela semblait couler sur elle comme la pluie. Comme si c’était normal de se faire agresser de la sorte par un client.

L’argent ne paie pas tout. Je refuse de croire qu’une poignée de billets puisse tout acheter. Pourtant, je suis là, allongée sous un mec qui me paie pour ça. Mais je n’ai pas donné mon accord pour le reste. Pas pour la lèvre fendue, pas pour les poignets bleus d’avoir été comprimés dans les doigts du dénommé Zack. Je laisse mon esprit vagabonder dans mes souvenirs d’enfance qui n’ont rien de joyeux en attendant patiemment que tout s’arrête. Je ne me plains pas de ma condition, je fais contre mauvaise fortune bon cœur. Mais ce soir, c’est compliqué. Moi aussi j’ai des limites et je pense les avoir atteintes. Je suis soulagée de voir qu’il n’est plus là quand je sors de la douche. Il y a l’argent que je range prestement dans mon sac et un espèce de mot débile dans lequel il s’excuse encore. Qu’il aille se faire foutre. Sans demander mon reste, je cours jusqu’à l’arrêt de bus. Bus dans lequel je suis seule, fort heureusement. Il ne manquerait plus qu’un passager indiscret me demande pourquoi ma lèvre saigne et pourquoi mon mascara a noirci mes joues trop pâles. Après un trajet que je trouve plus court que d’habitude, je suis déposée à mon arrêt. De toute façon, le bus ne va pas plus loin.

Je traîne mes pieds jusqu’à mon immeuble. Je prends le temps de m’en griller une devant la porte, enfin la moitié d’une parce que ma coupure me fait mal. Je suis encore dans la rue mais je suis chez moi. Ici, il ne m’arrivera rien. Je suis connue comme le loup blanc. Les anciens habitants connaissent Temperance depuis sa venue au monde. Et il y a un genre de code d’honneur dans un quartier comme celui là. Si t’es du quartier, tout va bien. Si t’en es pas, gare à toi. J’écrase ma cigarette contre le mur et je range la moitié non fumée dans mon paquet, je ne suis pas assez riche pour me permettre la jeter. Et, lentement, je grimpe les marches. Arrivée un étage sous le mien, je sens déjà l’odeur du thé préparé par Yoni et cela me donne envie de recommencer à chialer. Un instant, je suis tentée de faire demi tour juste pour qu’il ne voit pas mes blessures. Mais j’irais où ? Et il y a combien de Zack dans les rues, hein ? Alors je reprends mon ascension jusqu’à me retrouver face à lui.

Il s’avance presque immédiatement et je rentre la tête dans les épaules quand sa main approche ma joue. J’écarquille les yeux, presque effrayée. Les stigmates de ma soirée sont encore là. Je sais qu’ils devront partir parce que je n’ai pas le choix. « C’est rien, Yoni… Je t’assure. » Je n’ai même pas la force de mentir. Yoni sait ce que je fais. Les deux métiers, il sait. Il n’a jamais jugé et, ce soir encore, il doit bien se douter de ce qu’il vient de m’arriver. Je recule d’un pas mais il a un argument que je ne peux pas réfuter. Je ne veux pas que Hope me voit comme ça. J’essaie de faire de mon mieux pour la protéger de tout ceci, pour qu’elle puisse continuer à vernir les ongles d’une clientèle aisée et continuer de rêver qu’un jour, elle sera la nouvelle Charlize Theron. Elle n’a pas besoin de savoir ce que moi je fais pour qu’elle puisse y parvenir. L’espoir, c’est la chose la plus importante et la plus destructrice. Il n’y a rien de plus dévastateur qu’un espoir vain. « Tu lui diras pas, hein ? » Demander à Yoni de mentir c’est comme demander à la pluie d’arroser le désert. Ou au soleil d’arrêter de brûler. Mais ce soir, j’ai envie qu’il mente un peu. Qu’il protège mon secret.

J’avance vers le canapé qui est déplié. L’ordinateur est posé dessus, entouré d’une pile de livres. Je ne sais pas s’il n’arrivait pas à dormir ou si, simplement, il m’attendait. Cette manie de guetter mon retour, à chaque fois que je rentre tard, est rassurante. Je suis rassurée qu’il sache où je me trouve et surtout, qu’il tienne suffisamment à moi pour s’inquiéter si jamais je ne rentre pas. Je me fais une place entre les ouvrages. Une petite place, les bras enroulés autour de moi-même. Je tremble et je ne sais pas si cela est le froid ou bien la chute d’adrénaline. « Un médecin ?! Non non… Pas de médecin. » Je m’affole tout d’un coup. Pas de médecin, pas d’ambulance, pas de policiers non plus. Je n’ai pas envie d’ameuter tout le quartier. « Ton kit de premier secours fera parfaitement l’affaire. » Un peu de désinfectant, une ou deux strips et demain cela sera presque refermé. « T’as de la glace ? Je crois qu’il faudrait que ça désenfle un peu. » De mon majeur, j’effleure la plaie qui se rouvre. Si je ne veux pas inquiéter ma sœur demain, ma lèvre ne doit pas ressembler à une tomate explosée.




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When you light the candle - Evni Empty Re: When you light the candle - Evni

Sam 18 Nov - 16:33
When you light the candle
Ça lui fit un truc de la voir dans cet état. Normalement, il s'inquiétait et s'amusait de son comportement, en se disant que hey, il était une de ces mères paranoïaques qui bouffent l'air de leur progéniture. Ce soir-là, il se souvint pourquoi il le faisait. Sa lèvre était fendue, humide de sang. Son poignet coloré de bleu. Elle avait dégusté. Il imagine qu'u client a laissé libre cours à son imagination tordue, ou qu'un type l'avait attendue en fin de service pour lui faire les poches. Une prostituée, ça avait du cash sur soi, après tout. Il n'y avait pas vingt-cinq façons de finir dans cet état et un accident, il refuserait d'y croire.

Il essayait de ne pas lui faire mal, en observant ses blessures, mais voulu la convaincre de le laisser la soigner. Le point faible d'Eve étant sa sœur, il ne dut pas déployer beaucoup d'efforts pour arriver à ses fins. Il prit un air désolé, persuadé qu'elle-même connait déjà la réponse à sa question. Elle ne pouvait pas lui demander de mentir. C'était pour son bien, parce que s'il disait autre chose que la vérité, c'était sûrement elle qui vivrait les conséquences. Elle disparaîtrait ou se ferait tuer, ou il ne savait quoi d'autre. Il y avait beaucoup trop de possibilités et il n'avait pas envie de toutes les connaître.

— Si elle me demande, je mentirais pas. Je suis désolé.

Leur seule chance était que Hope ne se pose pas la question ou ne s'adresse pas à Yoni pour obtenir des réponses. Depuis que ce dernier disait constamment la vérité, il avait réalisé que tous les mensonges n'étaient pas mauvais. Certains étaient carrément nécessaires et lui manquaient beaucoup. Il préfèrerait ne pas être celui qui parlerait du métier d'Eve à sa petite sœur, ne pas se mêler de leurs histoires familiales.

Il la regardait s'installer entre ses livres et son PC. Elle avait l'air perdue dans un décor qui n'était pas celui de la scène qu'ils s'apprêtaient à jouer. Yoni s'absenta pour trouver sa trousse de toilette, mince mais équipée du nécessaire, y compris du matériel qu'il ne saurait pas utiliser comme une aiguille et du fil pour recoudre. Elle ne voulait pas de médecin ni de flics — il devinait cette seconde partie. Ces derniers lui auraient balancé une phrase abjecte sur les risques de son métier. Yoni ne les portait pas dans son cœur. Il soupira. Ce n'était pas parce qu'il n'était pas étonné que ça ne le dérangeait pas. C'était une responsabilité.

— J'vais regarder ça.

Il posa la trousse à côté de la jeune femme pour aller dans sa minuscule cuisine où le frigo ronronnait. Il n'avait pas de glaçons, mais il avait un congélateur qui méritait d'être dégivré. Armé d'un couteau, il réussit à briser quelques larges morceaux de glace qu'il mit dans un sachet en plastique. Il l'enroula dans un torchon propre et revient pour le tendre à Eve.

— J'ai pas mieux.

Il le lui donna en se sentant coupable. Même pas un sac de petit-pois ou un pack. Des gouts de glace grattés de la paroi. Mais bon. C'était froid pareil alors ça devrait faire l'affaire. Il récupéra les livres pour former une pile bancale sur la table basse, s'installe sur le canapé-lit, une jambe repliée sous lui. Il s'appliqua à verser un peu de désinfectant sur un coton avant de lui faire signe de le laisser accéder à la plaie pour la tamponner délicatement. Peut-être que ça lui faisait mal, peut être pas. Dans les deux cas, c'était nécessaire alors il le faisait. Voir les dégats d'encore plus près, sous la lumière chaude de sa lampe à pied, l'énervait. C'était moche. Surtout qu'Eve n'avait rien fait pour mériter ça et combien même, il fallait être sacrément con pour régler ses problèmes avec ses poings sur une jeune femme relativement frêle.

— Tu veux me raconter ? Si j'avais des potes balèzes, je te proposerais d'aller lui faire regretter d'être né. Il est comment ? Epais ou pas ?

On ne pouvait pas dire qu'Yoni était imposant. Il avait un peu d'épaules, des bras qui n'étaient ni faibles ni forts. Le souci, c'était vraiment son potentiel d'intimidation proche du néant. Eve était plus grande que lui, par exemple. De pas-grand-chose, genre, deux centimètres. Ça suffisait à lui faire dire que si l'inconnu avait pu amocher ainsi la danseuse, il pouvait faire la même chose au libraire. Quoi que. C'était sûrement un lâche qui se pissait dessus si on avait le malheur de le regarder en fronçant les sourcils. Il attendit la réponse d'Eve, avant de décider si oui ou non, il pouvait lui proposer de s'en charger lui-même.

— S'il t'a volé de la thune, on se débrouillera.

C'était la solidarité de Niddrie, ou au moins la solidarité du dernier étage de cet immeuble. Ils s'en sortiraient ensemble ou ne s'en sortirait pas du tout.

@Eve Taylor



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When you light the candle - Evni Empty Re: When you light the candle - Evni

Mer 6 Déc - 9:13
When you light the candle
TW : prostitution, agression

Je n’ai pas le cœur ni l’énergie à inventer une histoire un minimum crédible à servir à Yoni. Pourtant, si j’y avais réfléchi trente secondes, j’aurais probablement trouvé quelque chose. En lui servant un bobard, je m’assurais qu’il le redise à Hope quand elle viendra lui poser la question et ainsi étayer ma version des faits. Je n’ai pas envie de mentir, cela dit. Mentir, c’est minimiser ce qu’il vient de m’arriver et ce gros connard pourra recommencer en toute impunité. Enfin, il recommencera. Je ne compte pas non plus aller porter plainte, ni envoyer quiconque à ses trousses. Je n’ai de toute façon pas le bras assez long pour cela. A vrai dire, je ne voulais même pas que Yoni m’offre l’hospitalité ce soir. Tel un chat, mon seul désir est de me pelotonner dans un coin et attendre que cela passe. N’ayant pas eu la volonté nécessaire pour refuser son offre, me voilà assise sur son canapé lit, entre son canapé et ses livres.

« Je comprend. » Je souris un peu, pas trop parce que ma lèvre blessée me lance jusque dans mon menton. Hope ne doit pas apprendre par le voisin la manière dont je paie les factures. Moi qui m’étais jurée de ne jamais devenir comme ma mère, j’en prend un peu plus le chemin chaque jour qui passe. Combien de fois est-elle rentrée à la maison avec les stigmates telles que celles que j’arbore aujourd’hui ? Je me suis inquiétée une fois, deux fois, trois fois… Et puis, elles sont entrées dans la normalité. Je n’y prêtais plus tellement attention. De toute façon, maman ne parlait pas de ces choses-là. Je n’ai jamais su si c’était par honte ou parce qu’il n’y a rien à en dire. Notre monde doit être peuplé de Zack en puissance.

Mes mains commencent à trembler quand il évoque la police. Je m’imagine, petite dans une grande salle froide, à raconter comment mon client s’en est pris à moi. Je vois déjà un flic condescendant m’expliquer que se prostituer est dangereux, à réduire les faits et gestes du supposé Zack à leur minimum parce que lui aussi, il doit être adepte du sexe tarifé avec des filles plus jeunes que la boniche qui l’attends à la maison. Je n’ai pas envie qu’on observe ma lèvre, qu’on me dise que je suis trop jolie pour m’abaisser à telles pratiques. Si la beauté était gage de bonheur, cela se saurait. Je refuse et, comme il n’insiste pas, je me sens instantanément soulagée. Yoni s’éclipse pour aller me chercher quelque chose qui ferait désenfler ma lèvre et mes yeux se posent sur les livres qui m’entourent. C’est comme cela que nous nous sommes rencontrés, à cause d’un carton de livres. Mes doigts effleurent la couverture d’un des ouvrages. J’aurais aimé, moi aussi, faire suffisamment d’études pour avoir un boulot respectable.

Il revient avec un torchon propre dans les mains. Il se sent coupable, je le vois à son air. Mon dos se crispe un peu. Cela me fait chier qu’il se sente mal pour quelque chose dont il n’est absolument pas responsable. « Merci. C’est parfait. » Je prends le linge et je le presse sur mon visage. Le froid me fait frissonner, surtout dans nos appartements ouverts aux quatre vents. Je sens mon pouls battre dans ma plaie et ce n’est pas une sensation très agréable. Le blanc devient rose de sang tandis que les livres viennent former une pile dans un coin de la table basse. J’écarte un peu la glace quand il approche avec son coton imbibé de désinfectant. Cela picote légèrement quand le produit s’infiltre dans l’ouverture de ma lèvre. Demain, une croute brune se formera et mon menton deviendra bleu puis jaune. Je crois que je ne vais pas danser pendant un bon moment. Il va falloir compter encore plus que d’habitude. « C’est adorable, Yoni. Mais je n’ai pas envie que tu t’attires des ennuis par ma faute. » J’apprécie qu’il me propose d’aller régler son compte à Zack. Si tant est qu’il s’appelle bien comme ça.

Il est… je n’en sais même rien. J’ai gardé les yeux fermés une bonne partie du temps. Et quand je les rouvrais, c’était pour voir son visage tordu par le plaisir qu’il prenait, allongé sur moi. Rien que d’y penser, mes ongles commencent à gratter frénétiquement mon avant-bras. J’ai pris une douche au motel mais j’ai encore l’impression qu’il est partout sur moi. « Il est brun, je crois. Un visage assez banal avec une petite barbe qui pique. Pas très grand. Un parfum cheap acheté dans le commerce parce que je me rappelle que ça m’a fait éternuer. » J’ai encore la sensation de sa pilosité faciale dans mon cou et l’odeur de son parfum de merde dans les narines. Il est partout. Même ici, son ombre plane. « Il m’a dit s’appeler Zack mais qu’est-ce que j’en sais ? Je leur demande pas leur carte d’identité. Au début, tout se passait normalement… Puis il a commencé à… » Je n’arrive pas à empêcher une larme de rouler sur ma joue. Je n’ai pas besoin de lui faire un dessin. Je regarde le plafond en silence pendant qu’il soigne mon visage.  

La générosité de Yoni me tire un sanglot plus important encore. « On se débrouillera ». J’aime l’idée qu’il y ait un on et encore plus d’en faire partie. L’idée que je ne suis pas toute seule, c’est bien l’un des seuls avantages d’un tel quartier. Je pourrais demander à Hope de faire des heures supplémentaires, lui demander de faire attention quand elle va en courses et de ne plus acheter des vernis pour les prochaines semaines. « Il ne m’a rien volé. Au contraire, il a payé un peu plus. Pour acheter mon silence, j’imagine. » Cela me fait dire qu’il n’en est pas à son coup d’essai. Que c’est un pervers violent qui sait ce qu’il encourt à frapper sa bonne femme alors qu’une pute, y’a très peu de chances qu’elle aille se plaindre. « Merci. » Je dis enfin, quand il a terminé de désinfecter et que je baisse enfin la tête. J’aimerais qu’il me prenne dans ses bras alors je me rapproche un peu, pour poser ma joue sur son épaule. Finalement, je crois que je préfère être là que seule chez moi.





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Pour contrer son don, Yoni s'est promis de ne plus mentir. Au nom de ça, il a la fâcheuse tendance à dire tout ce qui lui passe par la tête.

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Ven 12 Jan - 18:25
When you light the candle
Yoni imaginait une conversation avec sa jeune voisine. Il pourrait essayer de répondre "je préfèrerais que tu en discutes avec ta soeur" ou "s'il te plaît, je t'en supplie, ne me mêle pas de ça", mais tôt ou tard il cracherait le morceau, car il le faisait toujours. Ce n'était pas que son don. Il aimait la facilité qui accompagnait la vérité. On la laissait sortir dans la nature et ce n'était plus notre problème. "Ta sœur se prostitue, allez, bonne nuit.", c'était moins d'emmerdes que "je sais, mais je ne peux pas te le dire." Eve méritait mieux, cependant. Elle se sacrifiait assez pour sa sœur, qu'elle doive en plus justifier ses choix auprès de cette dernière serait injuste. Yoni aurait aimé pouvoir l'aider comme n'importe quel ami normal. Mentir, quand cela semblait plus éthique que balancer tout ce qu'il savait.

Il revenait avec son torchon et ses bouts de glace grattés de la paroi de son congélateur. C'était pitoyable, mais c'était Niddrie. Il rangeait ce salon pour qu'Eve y trouve sa place et venait déjà s'occuper de ses plaies plus convenablement. C'était un truc qu'ils géreraient ensemble, ce soir-là. Sans demander une aide extérieure qui ne viendrait sûrement pas, ou avec des réprimandes insupportables.

— Ce n'est pas ta faute.

Sa voix était faible car il était concentré à bien retirer le sang séché et ne laisser aucune plaie mal nettoyée. Il écouta la suite attentivement, grimaçant ou fronçant parfois les sourcils. Avec une telle description, Yoni pouvait s'imaginer gagner en un contre un. Ce Zack avait profité de l'effet de surprise ou du pouvoir qu'il détenait sur Eve : elle avait besoin de sa thune, il pouvait faire ce qu'il voulait. Il avait payé pour un sac de frappe avec supplément branlette. Yoni en était physiquement malade. Il imaginait cette odeur d'alcool vaguement aromatisé au cèdre sur plus du reste et vraiment, il aurait pu en vomir. Il posa son coton et tira son amie contre lui alors qu'elle baissait la tête, pour qu'elle puisse pleurer discrètement si elle en avait envie. La journée (et la soirée) avait dû être très longue pour elle. Il posa sa main sur son dos et fit une caresse légère mais régulière, de bas en haut, de haut en bas.

— Ça va aller, tu sais ? Je pense.

Il fixait le mur en face de lui, là où l'humidité n'avait pas encore laissé de marque. Comme quoi, tout n'était pas si affreux dans cette vie. Et au moins, ils n'étaient pas seuls. Ce soir, il s'occupait d'elle mais si les rôles étaient inversés, la générosité n'aurait pas changé.

— La prochaine fois que tu croises ce gars, tu m'envoies un message et t'essaies de gagner du temps. Mieux, tu partages ta localisation en temps réel avec moi, je saurais que ça veut dire 'stp Yoni viens vite' et je trouverais un moyen. Je m'achèterais... je sais pas, un club de golf ou une batte de baseball. Je suis pas impressionnant, mais je peux grogner fort et agiter mon arme en l'air, ça suffirait, non ? Le mec aurait le froc au niveau des chevilles, n'importe quel objet contondant fait peur quand on a la bite exposée.

Le premier endroit où Yoni frapperait, s'il devait en arriver là. Il se demanderait s'il serait bon pour menacer quelqu'un, compte tenu de son honnêteté. *Dégage de là où alors je vais essayer de te rendre stérile, si jamais je trouve le courage. J'ai jamais frappé quelqu'un avant aujourd'hui.* Ridicule mais mieux que rien, pas vrai ? Et s'il y avait une chance que ça permette à Eve de s'en sortir mieux, la prochaine fois, alors il viendrait faire son possible.

— Tu veux dormir ici ? Tu envoies un SMS à ta sœur en prétendant qu'on se binge une série entière et que tu la reverras que demain soir ? D'ici là, ça sera sûrement possible de camoufler ce bordel sous du fond de teint, non ?

Demander à quelqu'un de mentir, ce n'était pas mentir. Encore une fois, tant que Hope ne venait pas le questionner, Yoni pensait pouvoir s'en sortir.

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Ven 19 Jan - 14:47
When you light the candle
TW : prostitution, agression

La partie inférieure de mon visage est cachée par le linge que je maintiens contre ma lèvre enflée. Il ne m’a pas loupée ce con. Il a eu beau s’excuser après, me payer plus et faire profil bas, je suis certaine que je ne suis pas la première à qui il fait subir cela. Je pense pas qu’il ose frapper sa femme, il ne veut pas s’attirer d’ennuis. Mais il doit penser que les prostituées, c’est okay. Il n’y a que très peu de probabilités que nous allions nous plaindre. Il y plusieurs raisons à cela : d’une, notre activité est illégale. De deux, si cela s’apprend les clients ne viendront plus. La discrétion est une demande systématique des clients. Et de trois, nous avons besoin de l’argent qu’ils nous donnent. Sans compter les jugements et les avis non sollicités des forces de l’ordre qui vont nous interroger. Dans mon malheur, je m’estime chanceuse. Je n’ai pas grand-chose, une coupure et quelques bleus. Et surtout, surtout, j’ai quelque part où me réfugier. J’ai une épaule sur laquelle pleurer et des bras prêts à me protéger. Même si je n’ai pas tellement envie que Yoni aille s’attaquer à ce mec. Il n’a pas besoin d’avoir des ennuis à cause de mes ennuis à moi. Cela est le propre d’un quartier comme le nôtre, les ennuis de l’un deviennent rapidement ceux des voisins prêts à aider.

Je baisse la tête quand il me dit que ce n’est pas de ma faute. Mon choix de vie est risqué et cela ne doit engager que moi. Je refuse qu’il éclabousse le peu de gens qui me sont proches. Je ne doute pas de la capacité de Yoni à se défendre mais j’ai plus de mal à l’imaginer cogner quelqu’un que tenant un bouquin. Finalement, il pose son coton pour m’attirer à lui et je me laisse à pleurer. Mes larmes s’infiltrent sous le pansement de fortune que je n’ai pas lâché. J’opine doucement du chef quand il m’affirme que cela va aller. De toute façon, je n’ai pas le choix. Une fois que mes ecchymoses seront camouflables sous une épaisse couche du fond de teint du hard discount du coin, je devrai reprendre le chemin du Doll’s puis du motel. Je sais que Hope m’a dit que, si je voulais changer de travail, j’en avais la possibilité. Pour faire quoi ? Caissière dans le magasin du quartier, les trois-huit à l’équarrissage ou bien à l’usine de poisson sur le port ? Ce ne sont pas des sots métiers et il faut de tout pour faire un monde. Au moins au Doll’s, il m’arrive de danser. Et danser, c’est réellement ce que j’aime faire.

Je me recule un peu, essuyant mon nez d’un revers de la main quand il reprend encore la parole. Je fronce les sourcils et je fais de mon mieux pour ne pas sourire à l’image qui naît dans mon esprit. Si j’étire mes lèvres la plaie, seulement à peu près refermée, va se rouvrir et je vais saigner de plus belle. J’imagine Yoni tenant une batte de baseball plus grande que lui et Zack le pantalon aux chevilles à brailler des excuses qu’il ne doit même pas penser. « Cela suffirait oui. Ces mecs là ne sont pas des monstres de courage. Ils nous tiennent parce qu’on a besoin d’eux pour subvenir à nos besoins. J’espère qu’il n’y aura pas de nouvelles fois, je vais bloquer son numéro surtout. Tant pis pour le fric qu’il me rapportait. » Je hausse les épaules. Je ne suis pas prête à me faire taper dessus pour une centaine de livres, je ne suis pas non plus désespérée à ce point là. J’enlève enfin le chiffon lorsque la glace a complètement fondu. Le tissu blanc est auréolé d’un rouge devenu rose sous l’effet de l’humidité et je sens bien que ma lèvre a un peu désenflé sans que cela ne soit non plus miraculeux. « Par contre, je veux bien qu’on garde le code de sécurité. Si je t’envoie ma localisation, juste ça, c’est que j’ai un problème et que j’aimerais que tu viennes. D’accord ? » C’est lui qui vient de me le proposer donc je ne pense pas qu’il soit contre l’idée mais je préfère lui redemander son avis. Et je suppose que ce qui s’applique à Zack, s’applique à tous les autres.

Yoni me propose de dormir chez lui et je dois dire que l’idée est alléchante. Je n’ai pas envie de rentrer chez moi, bien que cela soit de l’autre côté du palier. Je sais que je vais y trouver ma sœur et qu’elle me demandera ce qu’il m’est arrivé. Si je peux mentir pour la lèvre et dire que je suis tombée au boulot, je ne trouve de plausible qui explique les marques de doigts qui tâchent mes poignets d’une trace presque violacée. « Avec plaisir ! Je lui envoie un message tout de suite. » Je dis simplement que je suis chez Yoni et qu’on regarde Netflix, que probablement on ne se verra que demain quand elle rentrera du salon. Je reste laconique, si c’est une série qu’elle aime, elle est capable de venir. « Ou alors j’aurai trouvé quelque chose qui explique les marques à mes poignets de manière crédible. Avant qu’on s’installe, je peux t’emprunter ta douche ? J’ai l’impression d’avoir encore son odeur partout sur moi. » C’est comme s’il est là, prêt de moi. Je gratte encore la peau de mon bras à m’en donner des rougeurs.





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Dim 4 Fév - 3:47
When you light the candle
Yoni n'avait jamais pensé que la violence était la première réponse à tout. Son physique n'aurait pas suivi une telle mentalité, premièrement, mais deuxièmement, aucun de ses modèles parentaux n'étaient vraiment colériques. Même son père, pourtant doté d'un caractère de merde, préférait râlait que crier ou frapper les morts. Mais comme pour tout, il y avait des exceptions et le libraire était prêt à en faire pour les connards à la sexualité déviante qui prennaient leur pied en frappant sa voisine. Il était persuadé qu'il valait mieux les faire dégager que les laisser faire et encaisser leur argent. Il y avait un risque que ça monte crescendo, non ? Et que ça finisse en drame ? C'étaient ses inquiétudes et il ne doutait pas qu'Eve les partageait. Alors un code pour l'alerter en cas de besoin, c'était nécessaire. Ça permettrait à Yoni de mieux dormir le soir.

— Je viendrais.

Il promit et il ne mentait jamais, bien que sa malédiction ne s'était jamais déclenchée pour un mensonge formulé au futur. Ce n'était pas pour autant qu'il comptait ne pas tenir ses engagements. Si Eve se sentait suffisamment en danger pour partager sa localisation, il viendrait. Ca serait leur Bat-Signal à eux. Il hésita à faire la blague, mais jugea que le moment n'était pas forcément propice. De plus, il n'avait rien d'un batman, pas le physique et encore moins l'argent.

Les yeux baissés sur le canapé déjà déplié, il ne pensait qu'à la seule suite possible : garder Eve avec lui pour la nuit, le temps qu'elle se sente mieux et qu'elle décide de la suite. Elle avait une sœur à préserver, entre autre, et un ami qui ne pouvait pas la couvrir dans ses mensonges. Il fallait donc lui éviter toutes les positions où il serait contraint d'ouvrir la bouche face à Hope. Improviser une soirée pyjama leur offrait une demi-douzaine d'heures de répit.

— Bien sûr, viens voir.

Il traversa le salon et ouvrit d'un coup d'épaule la porte de la salle de bain que l'humidité avait fait gondoler au point de la rendre difficile. Derrière, on découvrait une pièce exiguë. Les toilettes dans un angle, le lavabo, une douche aux parois tâchées de calcaire et un minuscule meuble de rangement qui ne suffirait à personne. Yoni gardait plusieurs affaires de toilettes dans sa chambre. Un peu emmerdé, il fit signe vers sa serviette, encore légèrement humide, suspendue à un petit crochet à côté de la douche.

— Prends celle-ci, j'en ai pas de propre. Attends...

Il se faufila dans la pièce et s'accroupit dedans le placard étroit. Après une dizaine de secondes, il se redressait, flacon blanc et vert en main. Le truc sentait le médicament ou le trop propre. Il le posa au sol dans la douche, à côté des autres produits.

— Savon désinfectant. Shampoing, bref, tu te sers. Et si l'eau chaude se coupe, tu mets sur froid puis reviens sur chaud, normalement ça suffit.

Les galères de la vie à Niddrie mais Eve connaissait ça aussi bien que lui. Les tuyaux mal foutus, les pannes, les bruits bizarres quand on tirait trop fort sur le robinet, le mauvais écoulement même après trois doses de débouche canalisation. Il ouvrit la minuscule fenêtre afin qu'elle ne meure pas asphyxiée dans la vapeur. Il lui embrassa la tempe distraitement en sortant de la pièce, sans réfléchir à la raison de ce geste affectueux. C'était une soirée déplaisante et ils n'avaient que l'un et l'autre pour s'en sortir.

— Je vais nous trouver une série.

Il ferma la porte derrière lui et retourna dans le salon. Après avoir rapidement dégagé les derniers obstacles restants sur le canapé et ramené oreillers et couettes, il s'étala de tout son long. La fatigue lui tombait brutalement dessus. Il fouilla dans le catalogue de différentes plateformes jusqu'à trouver deux options à soumettre à son invité du soir : une série italienne où le personnage principal — une jeune femme incapable de passer plus de dix minutes sans faire une boulette — suit son horoscope pour trouver l'amour ou un truc américain où deux vieux découvrent un passage vers une autre planète dans leur cave. Les deux options étaient suffisamment différentes pour qu'Eve trouve celle qui collerait à son mood, bien que le libraire avait une préférence pour la série niaise italienne, qui lui permettrait de mater des beaux acteurs sans trop avoir à se concentrer sur l'histoire. Il glissa sous la couverture, ajusta les oreillers et attendit qu'Eve finisse.

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Ven 23 Fév - 11:31
When you light the candle
TW : prostitution, agression

Je n’aime pas la violence, peu importe la manière dont elle se manifeste. Pourtant, mine de rien, elle fait partie de mon quotidien depuis pas mal d’années maintenant. C’est violent, la manière dont notre mère ne s’est pas occupée de nous. Le départ brusque de Joseph l’a été également. Ou ma relation chaotique avec Grant. Un abandon d’enfant aussi, c’est violent bien que c’est une décision que j’ai mûrement réfléchie. Alors je n’ai pas envie que Yoni s’en prenne physiquement à qui que ce soit, même une ordure comme Zack. Déjà, je crains qu’il se retrouve en garde en vue. Il débinerait tout ce qu’il sait au premier flic venu avant que lui soit posée la première question. Ensuite, je ne pense pas qu’il fasse le poids. Ou alors, avec l’effet de surprise. Comme les chats. Ces bestioles ont le dessus quand ils ont la surprise de leur côté. Non, je préfère largement qu’il se contente de venir me chercher si jamais je le lui demande. Je souris doucement quand il m’affirme qu’il viendra. Je sais qu’il le fera parce qu’il ne ment jamais, mon ami Yoni. Il est, avec ma sœur, l’une des personnes en qui j’ai le plus confiance dans cette ville.

Je suis rassurée qu’il me propose de rester ici pour la nuit. Je me sens en sécurité dans son appartement. C’est un peu con parce qu’il est juste en face du mien et que j’y serai tout autant. Mais ici, avec lui, c’est ma safe place je pense. Il n’a pas sa langue dans sa poche et il ne dit pas toujours ce que j’aimerais entendre mais ce n’est pas grave, cela fait plus de bien sur le long terme d’être mis face à ses échecs je pense. Aussi, je ne me fais pas prier pour accepter. Et surtout, je refuse que Hope me voit dans un état pareil. Elle trouve déjà étrange la véhémence que j’ai eue quand elle a voulu m’accompagner au travail l’autre jour, que dirait elle si elle me voyait revenir avec la lèvre ouverte et les poignets bleus. Je pourrai cacher les marques au poignet avec un pull à manches longues et un peu de fond de teint. Mais pour la lèvre, je vais devoir trouver une excuse qui tient la route. Je ne sais pas encore quoi, je ne veux pas penser à ça maintenant. Je ne veux plus penser à rien. Juste me blottir contre Yoni, sous une couette, devant la télé.

Je lui emboîte le pas jusqu’à la salle de bain. L’appartement n’est pas si différent du mien, ils ont exactement la même disposition. Un lit à étage dans l’unique chambre et cela serait identique. Quand j’y pense, partager encore la chambre de sa sœur à trente ans passés, c’est quand même pas signe d’une grande réussite. Ni habiter ici d’ailleurs. Yoni galère un peu à ouvrir la porte. « Chez moi aussi, la porte gondole à cause de l’humidité. Je l’ai signalé en allant payer le loyer. » Mais le bailleur s’en fout, d’une porte gorgée de flotte. Il s’en fout que cela puisse nous faire pousser des champignons dans les poumons. Je me rappelle, chez maman, on a vécu presque un an avec le volet de la cuisine en position baissée avant qu’ils ne daignent réparer. La salle de bains de Yoni, cela dit, semble un peu plus petite que la mienne, mais tout aussi vétuste. Avec attention, j’écoute les consignes. « Très bien. Je tourne sur froid puis sur chaud et je prend la serviette sur le crochet. » Il me pose le gel douche sur le rebord du lavabo avant de s’éclipser dans le salon.

J’aimerais me prélasser dans la douche mais je ne peux pas. Déjà, je ne veux pas faire grimper en flèche la facture de Yoni et ensuite, l’eau alterne entre le chaud bouillant et le froid polaire. Je me savonne avec son gel douche qui sent… Je ne sais pas. L’aseptisant ? J’ignore où il l’a trouvé mais au moins, il décape et bientôt l’odeur de mon agresseur s’est envolée. Quand je sors de la cabine, en évitant soigneusement que le rideau en plastique ne me colle à la peau, je m’enroule dans la serviette. Elle est encore un peu humide de la douche qu’il a sûrement prise ce matin. Ou même hier soir, vu comment ces appartements sont bien ventilés cela n’aurait rien d’étonnant. Je goutte encore un peu. J’enfile de nouveau mes sous-vêtements mais je n’ai rien pour la nuit. Alors, je me drape de nouveau dans la serviette éponge et je regagne le salon en évitant de mettre de l’eau partout. Yoni est déjà installé dans le canapé, prêt pour notre soirée Netflix & chill. « Dis… J’exagère si je te demande un tee-shirt ? » Je grimace, parce que j’ai vraiment la sensation d’abuser de son hospitalité. Surtout que je pourrai parfaitement traverser le palier et aller chercher ma robe de nuit. Je fais encore un pas et je me penche pour regarder le menu Netflix. « La série italienne sur l’horoscope là. Cela m’a l’air pas mal. » Un peu niais mais pas mal. Je pointe un peu du doigt, tout en maintenant la serviette pour éviter de me découvrir de trop.





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Lun 4 Mar - 20:14
When you light the candle
Leurs appartements étaient tout un concept : quelques pièces mal agencées, dans un bâtiment à l'isolation merdique, en bordure d'une ville trop chère pour eux. Le béton grisait à cause de la pollution, les bus passaient de moins en moins tard, effrayé par le soi-disant taux de criminalité qui n'était pourtant pas si affreux. Et les portes de salle de bain gondolaient. Sans surprise. C'était le genre de détails qui ferait hurler un habitant du centre-ville, mais à Niddrie, on donnait un coup d'épaule pour la décoincer et on continuait sa journée sans y penser. Pareil pour l'eau chaude et ses bégayements, pareil pour tous les dysfonctionnements.

— Yep, t'as tout compris.

Il lui sourit, espérant faire oublier qu'il n'était pas un hôtel quatre étoiles, ni un super-hôte sur AirBnB. Il quitta la salle de bain en faisant attention à ne pas trop coincer la salle de bain et enfermer Eve dans la pièce, pour retourner au salon, ranger ses affaires et choisir ce qu'il avait envie de regarder. Plus c'était bête, plus ça lui allait. Il aurait pu se pencher du côté de la télé-réalité mais les cris et les drames le tiendraient éveillé trop longtemps à son goût. Cette rom-com italienne était parfaite. Il venait à peine de tomber dessus lorsqu'Eve revint, enveloppée dans la serviette.

— Je devrais pouvoir te trouver ça. Installe-toi.

Yoni ressorti de son cocon sans râler, souriant même en entendant Eve approuver son choix de série. Ils étaient sur la même longueur d'ondes, ça ne l'étonnait pas. Leurs goûts se répondaient généralement bien, leurs humeurs également.

— C'était ma préférée aussi. Ça va être niais, c'est parfait.

Il fouilla son armoire à la recherche d'un t-shirt propre. Pas une chemise. Pas un vêtement qu'il utilisait puis laissait en boule dans un coin de sa chambre. Pas non plus quelque chose de trop ajusté. Il n'était pas plus grand qu'elle, mais il était plus épais et plus large. Il trouva un simple haut noir, pas déformé et sentant encore la lessive. Il espérait qu'elle serait à l'aise dedans. Lui s'en moquait bien qu'elle soit presque nue pour dormir ou non. Elle faisait comme ça l'arrangeait.

— Et voilà. La robe de madame.

Il lui tendit le vêtement et revint sur le canapé, sous les couvertures, à moitié allongé, à moitié assis contre le dossier. C'était la position de toutes les personnes qui comptaient s'endormir devant la télévision. Il fixait l'écran pour la laisser se changer, là ou dans la salle de bain. Il ne savait pas où elle plaçait son curseur en ce qui concernait la pudeur vis-à-vis de ses proches. Celui de Yoni était excessivement bas. Quand elle lui parut prête, il leva un bras, pour inviter Eve à se blottir en dessous et contre lui si elle en avait envie. Ils étaient depuis le début ou presque assez tactiles, l'un envers l'autre, il ne ressentait aucune gêne à l'idée de s'endormir emmêlé à elle. Il estimait ne pas avoir suffisamment d'énergie pour penser à ce genre de détails.

— Viens là. Sauf si tu as besoin de quelque chose ? À manger ? Une bouillotte ? C'est ta dernière chance avant que je ne m'endorme.

Il baillait déjà à s'en décrocher la mâchoire. La télécommande en main, il n'attendait que le feu vert de la jeune femme pour lancer ce chef-d'œuvre télévisuel. Peut-être qu'après ça, ils iront chercher un astrologue pour obtenir des conseils sur leur vie amoureuse. L'idée était marrante..

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Ven 22 Mar - 17:39
When you light the candle
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Nos appartements ne sont pas des endroits où il fait bon vivre. Ce n’est pas un foyer accueillant que j’ai envie de retrouver le soir en sortant du travail, enfin au petit matin pour moi. C’est un lieu petit et vétuste. Le linoléum se décolle par endroit et les volets roulants sont fatigués. Je suis sûre que la lanière du volet de notre chambre est prête à céder. Chambre que je partage avec ma sœur, qui dort juste au-dessus de ma tête. Je n’ai pas d’intimité, je peux faire une croix sur les derniers verres dans mon appartement. Quoi que bon, je n’ai pas tellement envie de ramener quelqu’un chez moi. Et ce ne sont pas uniquement le lino et les volets. C’est tout ce qui va avec. Le chauffage, l’eau, les portes qui se chargent d’eau et qui se déforment, le vent au travers les fenêtres. Ces immeubles auraient besoin d’un bon coup de rénovation mais les loyers augmenteraient, j’imagine. Bref, ce n’est pas un endroit accueillant. Et Yoni n’est pas mieux loti que moi. Je l’écoute m’expliquer le fonctionnement archaïque de sa douche avant de s’éclipser. Je suis sûre qu’il entend la moindre goutte d’eau s’écraser contre la faïence du bac de récupération tant il n’y a pas d’isolation phonique.

Quand j’ai terminé, je me contente d’enfiler de nouveau mes sous-vêtements parce que je n’ai rien prévu pour la nuit. Je pourrais simplement traverser le pallier et aller en chercher chez moi mais mon excuse tomberait à l’eau. Hope verrait mon état et je n’ai encore rien trouvé de plausible pour l’expliquer. Elle ignore comment j’arrondi les fins de mois et je pense que c’est parfait comme ça. Je ne veux pas qu’elle sache que, plus le temps passe, plus je ressemble à notre mère. J’espère qu’elle, elle a pris du côté de notre père. Ou de son père, il n’a jamais été établi que nous ayons tous les trois le même. Je me présente donc devant mon ami simplement enroulée dans une serviette. Quand je lui demande un tee shirt, il s’exécute sans râler. Il est franc mais d’une nature assez douce. « Bah, je vais te mettre de l’eau plein le canapé. » Je me regarde, je suis encore un peu humide parce que c’est pas facile de s’essuyer dans une salle de bain embuée. Et mes cheveux ne font que goutter le long de mon dos. « Du niais, c’est tout à fait ce dont j’ai besoin ce soir. » Je reste debout, attendant sagement que Yoni revienne avec le vêtement que je viens de lui réclamer.

Il me dégote un tee shirt noir et simple. Je l’attrape et j’ai un moment d’hésitation. Est-ce que je peux me changer là, devant lui ? Est-ce que la décence m’impose d’aller m’isoler ? Est-ce qu’une pute doit faire preuve de décence ? J’en sais rien. Avec Yoni, ce n’est pas pareil. Il ne m’a jamais vue nue, lui. Ce n’est pas Lùca, Jethro ou n’importe lequel de mes clients. La relation que j’ai avec lui est saine. La plus saine que je n’ai jamais eue depuis… Depuis… Toujours ? Il n’y a jamais vraiment eu d’ambiguïté, je crois. Je m’éclaircis la voix. Il faudrait que je songe à bouger maintenant. Mes doigts lâchent la serviette qui retombe à mes pieds et j’enfile le tee shirt. Mes bras coincent un peu parce qu’ils sont un peu mouillés encore alors le tissu accroche. Je ramasse la serviette pour la poser, bien à plat, sur l’une des chaises du petit coin salle à manger. Je me dis qu’elle séchera mieux là. Je me retourne pour découvrir Yoni qui me tend les bras.

Là, je réagis tout de suite parce que je me surprends à avoir envie de me blottir contre lui. Sa présence est rassurante. Je me glisse sous le plaid, pose ma tête dans le creux de son épaule. Et là, sous la couette avec lui, je crois que mon hésitation de tout à l’heure s’est envolée. « Je n’ai pas très faim et tu es une bouillotte parfaite. » En réalité, mon estomac commence à grogner mais je n’ai pas envie de me lever et je n’ai pas envie qu’il se lève non plus. « Ah non ! Personne ne dort ! On a dit qu’on faisait un marathon d’une série. » Je lève les yeux vers lui et, je ne sais pas vraiment pourquoi, je claque un baiser sur l’arête de sa mâchoire alors qu’il est en train de bailler. « D’abord on regarde ce truc et ensuite, on apprendra comment lire les lignes de notre main. Montre-moi ta main. » Je présente la mienne, paume en l’air, pour accueillir la sienne. Mon poignet est lézardé de violet et de bleu mais je fais semblant de ne pas le voir.





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Situation familiale : en train de se faire briser le coeur par Saevus, le gros catfish.
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Don : Ses mensonges façonnent le passé. Ce n'est pas systématique et souvent, ce qui est modifié est meurtrier.

Pour contrer son don, Yoni s'est promis de ne plus mentir. Au nom de ça, il a la fâcheuse tendance à dire tout ce qui lui passe par la tête.

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Mer 10 Avr - 2:21
When you light the candle
Eve avait un esprit plus pratique que Yoni. À sa place, il se serait allongé sur le canapé avant de réaliser qu'il trempait tout. C'était un minuscule détail, mais pas le seul qu'il avait remarqué allant dans ce sens-là. Eve était d'une nature plus prudente, en quelque sorte, que lui. Elle réfléchissait en amont, sûrement parce qu'elle n'avait pas connu le même confort que Yoni qui n'avait jamais vraiment eu à réfléchir aux conséquences de ses actes avant d'être adulte et endetté. La femme pratique et le garçon insouciant, un peu. Pourtant, c'était elle qui finissait avec les bleus sur le corps. La vie était rarement juste.

Il reprenait sa place sans accorder un regard au corps nu d'Eve. Ça ne lui venait même pas en tête de tourner les yeux vers elle et si c'était arrivé, il n'aurait rien pensé de particulier. Il n'y avait pas d'ambiguïté, ni de pudeur du côté du libraire. Une personne nue n'était pas forcément une vision érotique. Il pensait à la série devant laquelle ils allaient s'endormir, pas à autre chose. Lorsque sa voisine se glissa contre lui, il n'avait toujours pas d'arrière-pensée.

— T'es bien ? Alors go.

Il lançait la série et riait en sentant les lèvres d'Eve contre sa mâchoire. Il était, comme souvent, mal rasé. Ça ne devait pas être agréable pour elle, mais ça l'était pour lui. Un petit élan de tendresse gratuit. Il serra un peu plus ses épaules contre lui. Lui, en tout cas, il était bien. Crevé, mais bien.

— On peut pas faire les deux en même temps ?

Elle était marrante, avec ses idées sorties de nulle part, mais il n'avait plus vingt ans. Il aimait dormir, maintenant. Il préférait dormir à sortir toute la nuit et se shooter au mauvais café pour tenir le lendemain. Cependant, l'idée d'une soirée pyjama en compagnie d'Eve, ne serait-ce que pour s'assurer qu'elle allait bien, ça lui allait. Il rit et posa sa main gauche, maîtresse, dans celle d'Eve. Il n'y croyait pas mais ça l'amusait grandement. Et puis, après tout, pourquoi pas ? Lui, il changeait le monde en mentant, alors pourquoi ne pouvait-on pas voir le futur dans les traits d'une paume ? Il agissait trop souvent comme s'il comprenait exactement comment le monde fonctionnait.

— Alors, ligne de vie, ligne d'amour, je ne sais pas quoi. Qu'est-ce que le futur me réserverait, d'après toi ?

Il se penchait pour observer sa paume. Il n'avait jamais pensé à la scruter dans le moindre détail. C'était une main. Un bout de peau marqué par les muscles, les nerfs, les os et les années de vie. On voyait ses veines dessiner une toile. Il n'avait pas de cal ou de blessure visible. C'était une main des plus ordinaires.

— J'espère mourir vieux, riche, dans des longs peignoirs en soie. Nu en dessous. Avec un... C'est quoi les chats moches ? Avec le visage plat ?... Persan ! Avec un Persan nommé Alejandro ou Alphonse.

À ce stade, il parlait pour parler, sans chercher à faire preuve d'intelligence. Yoni avait cette image très précise du vieux gay achetant une maison à Palm Spring pour l'été, qui organisait une soirée karaoké une fois par semaine pour ses amis et lui. Il ne connaissait pas l'équivalent britannique de Palm Spring. Dommage. C'était ça qu'il voulait, peut-être. Il n'y réfléchissait pas souvent, trop occupé à penser à la fin du mois pour se préoccuper de la fin de sa vie.

— Ou avec un être humain. Pas moche, mais Persan pourquoi pas.

Il rit un peu de ce fantasme. Il ne savait plus s'il serait un jour capable de refaire suffisamment confiance pour s'installer avec quelqu'un, ou devenir propriétaire. Il aimerait. Pas forcément amoureux. Ce qu'il avait avec Eve, par exemple, ça le comblait sur de nombreux plans. C'était simple, fidèle, sans le côté invasif et possessif d'une relation amoureuse. C'était juste bien.  

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Ven 19 Avr - 16:57
When you light the candle
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Il m’héberge et m’offre protection pour la nuit. Il me rassure, m’a autorisée à prendre une douche pour me débarrasser de l’odeur dégueulasse de mon client qui me colle à la peau. En plus, il m’a fait du thé. La moindre des choses est donc que je ne mouille pas son clic-clac avec mes cheveux trempés et ma peau encore moite de mon passage à la salle de bain. Je suis toujours en train de reprendre Hope à ce sujet, quand elle abandonne sa serviette sur le lit du bas après s’être lavée. Mon lit, donc. Je ne me vois pas faire la même chose à Yoni dont je viens de déglinguer la soirée avec mes problèmes. Mes problèmes qui résultent d’un choix de vie discutable qui déteignent sur un voisin qui n’a rien demandé. Probablement qu’on ne se serait jamais adressé la parole si nos cartons n’avaient pas été échangés lors de notre déménagement. Je suis contente qu’ils l’aient été. Cela aurait été dommage de passer à côté de son amitié même si ce que l’on ne connaît pas ne peut pas nous manquer.

Cela change aussi de trouver quelqu’un qui ne me regarde pas avec l’envie de me sauter dessus. Je me suis présentée à lui uniquement enroulée dans un bout de tissus éponge, tissus qui est tombé quand il a fallu que j’enfile le tee-shirt qui me servira de pyjama pour la nuit. J’ai un peu de mal, un de mes coudes coince un peu mais une fois préparée, je ne me fais pas prier pour rejoindre Yoni sous le plaid. J’ai un peu froid dans nos appartements aux courants d’air. « Je suis bien ! » Je claironne lorsqu’il me pose la question et je viens me coller contre lui. Tellement bien que je n’autorise aucun mouvement même lorsqu’il me demande si j’ai faim. J’ai un peu faim mais tant pis, je me rattraperai au petit déjeuner demain matin.

Si, on peut tout à fait faire les deux en même temps. La série et les lignes de la main. Mais si on fait comme ça, il risque de s’endormir. Je sais qu’il est crevé, il vient de bailler à s’en décrocher la mâchoire et moi, je ne sais pas pourquoi j’ai embrassé l’arête de sa mâchoire. Ce n’est pas la première fois qu’on se retrouve l’un contre l’autre, dénudés et à s’embrasser. C’est déjà arrivé dans la baie de Portobello Beach. Mais nous étions aussi tous deux ivres et jusqu’alors, cela avait été un non-évènement. Yoni pose donc sa main dans la mienne et je l’observe. Je n’ai jamais fait ça, lire entre les lignes d’une paume. Du bout de l’index, j’en suis une. « Celle-là est grande, je dirais que c’est ta ligne de vie. » Il se penche quand je me penche aussi et nos fronts entrent légèrement en collision. Je crois que cette journée a décidé que je finirai couverte de bleus. Je fronce les sourcils, me désintéressant complètement de la série pour écouter ce que mon ami est en train de dire. « Pourquoi tu veux être nu sous ton peignoir ? C’est classe la soie mais ça ne porte pas chaud. Enfin, si tu es riche j’espère que tu auras un logement mieux isolé qu’ici. Avec une belle grande cheminée et un fauteuil devant. Comme ça, tu peux t’assoir dedans pour câliner Alphonse le chat moche. » Je ne sais pas tellement comme je me vois. Je ne m’imagine pas vieille. Ou alors je serai ce genre de femme qui, après avoir connu la prostitution, ouvre une maison close safe pour les autres. Un établissement feutré, avec des tentures rouges en velours. Hum.. Non. Je ne veux pas être mère maquerelle non plus.

Je pense à Portobello. Je pense aux maisons avec les petits jardins et les balançoires. Je souris et mon doigt continue à suivre les lignes de la main de Yoni. « J’ai envie d’une relation simple avec un être humain. Un être humain et le chat Alphonse. Dans un petit pavillon d’une banlieue tranquille. Un petit travail tranquille mais qui paie bien. Et un volet qui marche à la fenêtre de la cuisine. » C’est important le volet qui marche. Je me rends compte que je ne suis pas ambitieuse. Je veux ça et des soirées comme celle-là. Des soirées simples à regarder Netflix, aller parfois grignoter et boire dans un bar joyeux. Je hausse les épaules. « Et d’une barquette de frites. Je crois que j’ai envie d’une barquette de frites. » Je ne sais pas où trouver ça sans sortir et je n’ai pas envie de sortir.





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Yoni Tayeb
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Mar 30 Avr - 17:36
When you light the candle
Yoni avait toujours vécu dans des quartiers où les voisins s'intéressaient au bien-être de chacun. À Portobello, lorsque sa mère était tombée malade, plusieurs familles du quartier étaient venues s'assurer qu'elle ne manquait de rien et se proposaient pour amener l'enfant à ses activités extra-scolaire, pour permettre à son père de rester au chevet de Rebecca. La solidarité de Niddrie était légèrement différente. Elle se basait sur la résilience de ses habitants, une forme de lassitude qui n'était pas assez intense pour leur donner envie de lâcher prise. Dans l'immeuble, on acceptait son sort, mais on faisait ce qui devait être fait, en s'assurant que personne n'abandonnait. C'était beau, Yoni trouvait. Faire partie de ça le rendait fier, bien qu'il aurait préféré ne jamais avoir à déménager là.

Au moins, ce soir-là, ils avaient sauvé les meubles. Eve ne tremblait pas de peur ou de colère. Cette lassitude était très présente. La résilience, plutôt. Yoni préférait ce mot. Dès le lendemain, elle se remettrait debout. Il passa un bras autour de ses épaules et la garda contre lui en regardant les premières minutes de cette série italienne qu'il ne comptait pas suivre avec attention. Il offrit sa main à son amie et lui cogna la tête, histoire de laisser une nouvelle marque sur son corps, tant qu'à faire...

— Je suppose que c'est une bonne chose. Une longue vie, ça me laisse le temps d'éponger mes dettes et d'acheter une maison.

Si ses calculs étaient bons et si sa librairie continuait de bien tourner, il sortirait de la merde d'ici deux ou trois ans. Quatre, s'il avait un gros imprévu. Un an, si son père mourrait en lui léguant ses biens, mais il ne le souhaitait pas. Malgré leurs différends, Yoni aimait son père et il était le dernier parent qu'il avait. Quand il s'imaginait vieux et stylé, il pensait à ces dimanches qu'il passerait en tête-à-tête avec son vieux père râleur. En-tout-cas, il était ravi qu'Eve soit ouverte à son plan, quoi qu'un peu troublé par son commentaire.

— La question est : pourquoi je voudrais être habillé ? Qui est habillé sous un peignoir ?

Il fronça les sourcils. Porter des vêtements, ça n'allait pas avec l'image du retraité excentrique qu'il espérait construire un jour. En comparaison, son amie avait des envies simples, réalisables, même pour une gamine de Niddrie. Il était presque certain que sa sœur avait des rêves très différents, plus dans le style grande maison et mari avec une grande carrière, souvent absent, qu'elle tromperait avec le jardinier.

— Oh wow, un volet ?! T'es sûre de ne pas trop en demander ?

Il rit doucement, pour ne pas trop la secouer et la déranger alors qu'elle avait l'air confortablement installée dans ses bras. Il posa les yeux sur la télévision, mais ne savait plus où l'héroïne en était. Elle avait l'air encore plus perdue qu'au début de l'épisode, contrairement à eux qui s'étaient apaisés. Elle parlait avec un bel italien — il n'y avait pratiquement que ça à l'écran depuis dix minutes, c'était la seule chose que Yoni avait retenue — à propos de leurs signes incompatibles.

—Je t'achèterai une barquette de frites demain.

C'était une promesse qu'il pouvait tenir sans trop de mal. Il se pencha pour lui embrasser le haut de la tête et passa une main dans ses cheveux pour les lui caresser doucement, comme si elle était soudainement Alphonse le chat. Elle était bien plus jolie qu'un persan, d'une compagnie plus agréable aussi. 

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