Durant tout le temps qu’avait duré le trajet New York – Edimbourg, Thomas Davis avait essayé de travailler sur quelques dossiers pour ne pas perdre son temps inutilement mais sa concentration était ailleurs. Lorsque Sawyer lui avait annoncé qu’il avait mis sa copine enceinte, une fille qu’il venait à peine de rencontrer, Thomas avait d’abord pensé qu’il lui demandait son aide pour s’occuper de cette affaire, sauf qu’à sa grande surprise c’était loin d’être le cas. Non seulement son fils cadet qui, jusqu’ici fuyait les relations stables, s’était assagit, mais en plus il allait devenir père à son tour, lui qui ne voulait même pas en entendre parler. Qui donc était cette femme qui avait fait faire un virage à 180° à son fils ? Thomas avait toujours imaginé qu’une femme comme Chelsea était ce qu’il fallait à Sawyer. Elle était belle, sexy, intelligente, et cette jeune héritière qui avait l’âge de son fils, était de la même espèce que lui. Une femme d’affaire avisée et un véritable requin lorsqu’il le fallait. Autant dire qu’il était tombé de haut en découvrant la femme en question. Violette était une femme de 40 ans passé qui n’avait plus grand-chose à offrir à une jeune homme comme Sawyer. Elle vivait en colocation avec deux abrutis dans un quartier populaire d’Edimbourg, elle vivait de petits boulots par-ci par-là… Mais qu’est-ce que Sawyer avait pu trouver à cette paumée à la fin ? Ni une ni deux, il avait sauté dans son jet bien décidé à régler cette histoire et à rentrer avec son fils, mais les choses ne s’était pas réellement passé comme il l’avait imaginé….

Quelques mois plus tôt.

Le détective que Thomas avait engagé lui avait fait un dossier complet sur Violette mais également sur les deux cas sociaux qui partageaient son logis avec elle, voir peut-être même plus. Comment Sawyer pouvait tolérer ça pour commencer ? Fréquenter une femme incapable de s’assumer seule, et qui était… serveuse ?! Il était arrivé à un moment où l’un des colocataires s’en allait. Il s’était présenté et l’homme l’avait laissé entrer en lui confirmant que Violette ne devrait pas tarder à rentrer, puis, il était parti. Thomas avait rapidement fait le tour de cet appartement qui n’avait même pas la superficie de sa chambre. Comment, pour commencer, pouvaient-on vivre à trois dans cette cage à lapin ? Décidément, il y avait des gens qui s’accommodaient de peu et qui n’avait aucune ambition. Des personnes sans la moindre ambition, qui vous tiraient vers le bas, alors que des femmes comme Chelsea elles, vous tiraient vers le haut. Il n’était pas bien difficile de savoir ce que cette femme avait derrière la tête en tombant « accidentellement » enceinte d’un homme tel que Sawyer. C’était une rente à vie avec un gosse dans les pattes. Une opportunité à ne pas manquer qui ne se reproduirait plus jamais, et son fils était trop stupide pour le voir. Vivre à Edimbourg l’avait rendu encore plus naïf qui ne l’était déjà.
Ce fut le bruit d’une clé que l’on enfonce dans la serrure qui attira son attention. Assis dans le fauteuil, les jambes croisés, il n’eut qu’à tourner la tête pour voir cette étrangère pénétrer dans son appartement. Abasourdie de se retrouver nez-à-nez face à un étranger confortablement assis dans son fauteuil, elle était restée interdite pendant quelques secondes et avant qu’elle n’eut le temps d’ouvrir la bouche, il avait décoché son plus beau sourire et s’était levé du fauteuil pour venir vers elle en lui tendant la maintenant

- Thomas Davis, je suis le père de Sawyer. L’un de vos colocataire m’a dit que je pouvait attendre ici.  

….


Un soupire avait franchit ses lèvres. Il lui avait proposé bien plus d’argent qu’elle ne pourrait jamais en voir dans toute une vie pour disparaître et l’enfant qu’elle portait également, avant qu’il ne soit trop tard, mais la femme avait refusé avec colère et indignation. Et évidemment, il avait fallut que Sawyer arrive au moment où il s’était montré le plus dur. Aujourd’hui, il savait qu’il devait changer son fusil d’épaule s’il ne voulait pas perdre son fils et voir sa petite-fille. Alors oui, bien que ça ne lui plaisait pas, il savait qu’il était obligé de composer avec elle désormais. Qu’il le veuille ou non, elle était la mère de sa petite-fille, et s’il estimait toujours que son fils méritait beaucoup mieux, s’il n’avait pas renoncé à le voir épouser une femme comme Chelsea, il allait devoir se montrer patient, ce qui n’était pas réellement son fort, il fallait bien l’avouer, et faire preuve d’un peu plus de magnanimité. Et puis, son pedigree était déjà moins pire que ce qu’il avait cru en découvrant que la mère de Violette travaillait pour l’ambassade en France. Des héritiers qui n’en font qu’à leur tête et qui cherchent à se mélanger à la population pour quoi ? Déculpabiliser d’avoir un compte en banque bien garni ? C’était ridicule, quand on avait la chance d’être bien né il fallait en profiter. Pour se prouver quelque chose ? Encore plus stupide… Enfin, il espérait bien qu’avec la naissance de leur fille, les deux parents allaient avoir un peu de plomb dans la tête et reviendraient à de meilleurs sentiments.

Ce fut les bras chargés de cadeaux pour la petite, que Thomas franchit la porte de la chambre et de toute évidence, à en juger par la réaction de Violette, il était évident qu’elle ne s’attendait pas à sa visite. Alors une fois encore, c’est lui qui avait prit les devant, essayant de se montrer sous son meilleur jour, et en lui faisant comprendre que cette altercation qu’avait été leur première rencontre, était derrière lui. Il s’était montré aimable, prenant de leur nouvelle, couvrant la petite de cadeaux et face à son mutisme, allant même jusqu’à s’excuser pour les propos assez durs qu’il avait tenu à son encontre, mais rien n’y fit. La jeune femme resta obstinément fermée à toute approche, la seule phrase qu’elle parvint à prononcer fut une question sur les raisons de sa présence ici. Arquant légèrement un sourcils face à une question aussi ridicule, le père de Sawyer ne pu s’empêcher de se demander si elle était vraiment stupide ou si elle le faisait exprès. N’avait-elle pas entendu ce qu’il venait de lui dire ? Son premier réflexe fut de lui donner une réponse aussi stupide que sa question, mais il se retint et ignora l’agressivité avec laquelle elle venait de s’adresser à lui

- Quelle question, je suis venue voir ma petite-fille. Vous n’imaginiez quand même pas que j’allais patienter jusqu’à Noël pour faire sa connaissance, lui répondit-il dans un grand sourire. Bonjour, fit-il à l’adresse du nourrisson, je suis ton grand-père… Elle est magnifique. Je peux la prendre ? Demanda-t-il à la jeune mère tout en tendant ses bras pour accueillir le bébé

Il était cependant évident que Violette n’était pas disposé à se séparer de sa fille, ou peut-être était-il plus correct de dire qu’elle n’avait aucune confiance en lui et semblait redouter de lui confier son enfant. Comme s’il allait s’enfuir en courant loin de cette hôpital une fois qu’elle serait dans ses bras. Elle ressemblait à un agneau sans défense qui tremblait devant le grand méchant loup

- Vous savez, je n’ai peut-être pas été là pour Sawyer durant les premières années de sa vie, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai jamais tenu de nourrisson dans mes bras. J’ai eut deux autres fils vous savez, d’ailleurs vous connaissez Nathan. Et j’ai également deux autres petits-enfants.  Ne pouvons-nous pas laisser les rancoeurs du passé derrière nous et avancer, comme une vraie famille ? Violette ?

L’arrière-grand-père de Thomas Davis était parti de rien et à la fin de sa vie, était parvenu à devenir un homme influent mais c’était surtout grâce à son grand-père qui avait su faire fortune grâce à ses investissements que leur statut social avait littéralement changée. Depuis, la fortune de la famille Davis n’avait eu de cesse de croitre et Thomas était probablement celui qui était parvenu à faire fructifier leur fortune de manière exponentiel. Le père de Sawyer avait grandi dans ce monde ou l’argent coulait à flot, où l’on pouvait se payer le luxe de s’acheter absolument tout ce qu’il voulait mais surtout, il avait appris au côté de son père ce qu’était le travail et comment faire pour engranger toujours plus de recettes et se construire un véritable empire. Il avait un sens inné pour les affaires mais surtout, il n’avait absolument aucune pitié pour ses adversaires. C’était un homme impitoyable qui considérait que les amis étaient simplement des personnes que l’on pouvait utiliser, jusqu’à ce qu’ils ne vous servent plus à rien. Le cas échéant, on se trouvait d’autres amis. Il n’avait d’ailleurs aucun scrupule à s’emparer de l’entreprise d’un “ami”, ce qu’il le voulait, il le prenait. La tour principale qui regroupait les bureaux de son entreprise était démesurée et n’avait d’égal que son égo. Ses employés, il ne les connaissait pas, tout ce qu’ils devaient faire c’était du chiffre. S’ils ne donnaient pas satisfaction, s’ils n’étaient pas prêts à faire des heures supplémentaires, il n’avait aucun remords à leur montrer la porte. Qu’ils aient des difficultés financières ensuite pour payer leur maison, ou les études de leurs gosses, ce n’était absolument pas son problème. Il n’avait jamais cherché à plaire, ce que l’on pouvait penser de lui l’importait peu, lui ce qui l’intéressait c’était de faire de l’argent.

Si Thomas avait toujours ce côté impitoyable, il était indéniable que depuis qu’il avait épousé sa troisième femme, Kay, il s’était légèrement adoucit. Sur l’impulsion de son épouse, à la naissance de Nathan, il avait ouvert une crèche dans sa tour, uniquement réservé à ses employés. Une initiative bienvenue qui avait été chaleureusement accueilli par ses employés. Il avait appris à sympathiser avec sa secrétaire, Pamela, qui s’était montrée par la suite encore plus efficace depuis. Si Thomas avait changé c’était à sa femme qu’il le devait. Sa troisième femme, était issue d’un milieu plus populaire. Elle savait ce que c’était que de travailler pendant les vacances pour financer son permis ou ses études, mais elle était pugnace et travailleuse. Elle avait fait de brillantes études de commerce et s’était hissée par son seul travail, dans la cour des grands. Sa présence avait transformé son mari, le rendait meilleure, même si bien sur elle ne pouvait totalement transformer son époux et à vrai dire, si elle cherchait à le rendre plus humain, elle ne souhaitait pas non plus à ce qu’il change totalement car elle l’aimait tel qu’il était, même si ses défauts la rendaient folle par moment. Thomas aussi avait eu une certaine influence sur sa femme, elle était devenue beaucoup moins timide et réservée, plus sûre d’elle, et il avait bien évidemment accentué son sens des affaires. Mais s’il y avait une chose qu’on ne pouvait pas lui reprocher, c’était son attachement à sa famille et à ses fils. Eux aussi avaient contribué à bien des égards à son changement. Bien qu’il aimait son fils ainé, il n’avait vu en Christian, son premier né, qu’un héritier. Ce fut Sawyer qui, le premier le changea. Peut-être parce qu’il n’avait appris son existence que sur le tard, parce qu’il avait ce caractère fougueux et rebelle, qui ne se laissait pas faire et ne lui obéissait pas docilement. Et enfin il y avait eu Nathan, son dernier. L’influence de Kay y avait été pour beaucoup, c’était incontestable. Avec Nathan il avait pu faire des choses qu’il n’avait jamais pris le temps de faire avec ses deux aînés : jouer à des jeux de sociétés (des jeux d’argent bien sur ;p) aller à des matchs de foot, lire des histoires....  

Oui Thomas avait l’habitude de gouverner son petit monde, et ça le faisait souvent entrer en conflit avec Sawyer ou même Kay, quand ça n’allait pas comme il le voulait, mais tout ce qu’il désirait, c’était leur bonheur. Alors oui, découvrir que Sawyer avait mis enceinte la première venue, ce n’était pas réellement ce qu’il rêvait pour son fils, particulièrement après la lecture du dossier qu’il avait fait faire sur elle. Alors oui, il s’était présenté dans ce “logement” afin qu’elle avorte et disparaisse de la vie de son fils, moyennant une coquette somme en guise de compensation. La petite serveuse s’était insurgée comme il se devait. Un gros chèque n’était visiblement pas assez à ses yeux en comparaison à une rente à vie. Le ton était rapidement monté et Thomas s’était montré particulièrement cassant et méprisant à son encontre. Il savait blesser et frapper là où ça faisait mal. Malheureusement Sawyer était arrivé pile à ce moment-là. Les mois suivants furent tendus entre le père et le fils mais Kay était parvenue à renouer le contact entre ces deux hommes aussi têtus et fiers l’un que l’autre. Heureusement que sa femme était là pour apaiser les tensions parce qu’à en juger par l’attitude de la jeune maman, c’était plutôt le contraire. Elle semblait prendre un malin plaisir à entretenir l’animosité et la discorde entre le père et le fils.  

- C’est vrai, reconnut-il en la fixant froidement, je voulais un autre avenir pour mon fils. Maintenant que vous êtes mère, vous comprendrez peut-être enfin, qu’un parent ne veut que le meilleur pour son enfant, quel que soit son âge. Je ne suis pas certain que vous sauteriez de joie si votre fille vous apprenait qu’elle venait de tomber enceinte du premier venu et franchement, pour Ambre, je ne vous le souhaite pas. Je ne vais pas mentir, ni même faire semblant de vous apprécier. Je pense que Sawyer mérite bien mieux mais c’est vous qu’il a choisi, et vous êtes la mère de ma petite-fille. Qu’est-ce que j’y peux ? Mais ça va dans les deux sens, que ça vous plaise ou non, Ambre fait partie de ma famille et je tiens à elle. C’est ça qui a changé.  

Il avait beau ne pas apprécier la mère, il tenait à sa petite-fille. Il voulait conserver et entretenir des liens avec cette dernière et avec son fils. Alors bien sûr, cette femme l’horripilait et il ne s’en cachait pas. Elle n’avait aucune classe, il la trouvait même dépourvue d’intelligence et d’ambition. En résumé, il ne l’estimait pas assez bien pour son fils. Pourtant il était prêt à faire des efforts pour aller dans ce sens, parce que s’il voulait conserver ses liens avec son fils, il n’avait pas d’autre choix, et puis, il ne doutait pas que Sawyer se lasserait très vite d’elle. Mais la patience de Thomas Davis avait ses limites et bien que ce soit difficile à croire, il avait fait montre d’une extrême patience jusqu’ici. Pourtant la femme reste fermée et refusa qu’il s’approche de l’enfant ce qui irrita fortement l’homme d’affaire. Et non contente de cracher sur le mot “famille” qu’il avait employé, elle n’hésita pas une seule seconde à lui mettre sur le dos les pleures du nourrisson, ce qui le fit lever les yeux au ciel d’exaspération.  

- Ne rejetez pas sur les autres ce qui vous arrange. Elle sent votre stress et votre tension, pas la mienne. Si elle pleure, ce n’est certainement pas à cause de moi. Vous savez, nous n’avons pas besoin de faire semblant de nous apprécier, répondit-il en ignorant sa remarque.  

Après tout cette question n'attendait pas de réponse tant c'était évident. Nathan était encore trop jeune pour penser à cela, quand à Christian, jamais il n’aurait épousé quelqu’un que son père n’aurait pas approuvé alors fonder une famille, c’était inimaginable.  

- Mais pour le bien être de cet enfant, poursuivit-il, afin qu’elle ne grandisse pas dans un climat de tension, je suis prêt à faire des efforts et vous ? Vous désirez continuer à vous comporter comme une gamine rancunière ou vous êtes prêt à avancer comme une femme adulte et responsable ?

Il venait de répondre à sa question, une fois encore et sa réponse n’avait pas varié. Il ignorait ce qu’elle n’arrivait pas à comprendre dans ses réponses mais il ne pouvait être plus claire. Il n’était pas là pour prendre de ses nouvelles, ni même pour savoir comment s’était déroulé l’accouchement, car ça ne l’intéressait pas le moins du monde. Poser ce genre de question serait hypocrite de sa part car en définitive, tout ce qui l’intéressait, c’était l’enfant, la fille de son fils. Sa petite-fille. Avant que la serveuse n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche, quelqu’un frappa à la porte qui s’ouvrit presque aussitôt.  

- Thomas, tu es là ? Fit une voix féminine avant d’apparaitre doucement dans la chambre

Kay était une femme aux longs cheveux bruns et aux reflets violines. Elle avait un visage souriant et avenant, c’était une femme magnifique de 41 ans.  

- Tout va bien ? S’enquit-elle en sentant la tension dans l’air.  

Bondissant dans la chambre, Nathan fit irruption juste derrière sa mère et rejoignit son père

- Violette !! Alors ça y est ? Fit-il en s’asseyant à ses côtés pour voir le bébé qui chouinait dans les bras de sa mère, je suis tonton ?  

- Nathan, descends de là, fais attention. Je sais que tu es excité mais laisse-les respirer tu veux ? Bonjour, je m’appelle Kay, je suis la mère de ce garnement, se présenta-t-elle. Et la femme de ce garnement-là, fit-elle taquine en tapant le torse de son mari

- Et ça t’amuse ? Grogna Thomas

- Tu n’as pas idée, ria-t-elle. Je suis ravie de faire votre connaissance à toutes les deux, fit-elle en se tournant vers Violette. Comment vous sentez-vous ? Est-ce qu’on ne dérange pas ? On peut repasser plus tard si vous le souhaitez, proposa-t-elle en ignorant le regard courroucé de son mari  

- Où est Sawyer ? Demanda Nathan

- Juste derrière toi, fit une voix familière.  

- SAWYER !! S’exclama Nathan en courant le rejoindre  

- Nathan qu’est-ce que je viens de te dire ! Tu te calmes !  

- Nathan tu écoutes ta mère ! Gronda Thomas

- Désolé,…  

- Félicitation fils

- Oui félicitation à vous deux, renchérit Kay alors que Sawyer rejoignit Violette qu’il embrassa avant de se tourner vers les membres de sa famille

Cela ne faisait pas encore 48h qu’il était devenu papa et pourtant Sawyer avait conscience qu’il n’était désormais plus le même. Lui qui, jusqu’ici avait fuit toute responsabilité, tout engagement, lui qui, il y a un an encore ne souhaitait pas devenir père, était sur un petit nuage depuis l’arrivée au monde de sa fille. C’était très étrange de se dire que lui et Violette avait conçu ensemble ce petit être. Qu’elle était dépendante de lui pour toujours. Mais le plus impressionnant encore, c’était la place qu’elle avait prise dans sa vie en si peu de temps. Comment pouvait-on aimer autant quelqu’un ?
Alors qu’il traversait le couloir de la maternité pour atteindre la chambre de Violette, il réalisa que la porte n’était pas totalement fermée. En s’approchant, il reconnu des voix familières en émaner et il comprit immédiatement qui se trouvait là, en compagnie de Violette. En était-il surprit ? Pas vraiment non. Quand on avait un jet privé et qu’on était un homme comme Thomas Davis, le genre d’homme qui ne remettait jamais rien au lendemain, il n’y avait rien de surprenant à le savoir là. L’espace d’un instant, Sawyer s’inquiéta pour Violette, craignant que son père ne soit à nouveau venu faire des siennes et si c’était le cas, il n’hésiterait pas à le mettre dehors, mais les autres voix qu’il entendit résonner dans la petite chambre, le rassurèrent presque aussitôt. La présence de Kay et de Nathan signifiait que son père était obligé de faire des efforts et de se montrer sous son meilleur jour. De plus, Sawyer connaissait suffisamment Violette pour savoir qu’elle serait sur sa réserve au début mais il n’ignorait pas que c’était aussi quelqu’un de foncièrement bonne et ouverte. Il savait qu’elle détestait les conflits et qu’elle ferait tout pour que cette famille soit unie même si cela signifiait faire des efforts avec son père...
Lorsqu’il entra dans la chambre, Nathan bondit sur lui et Sawyer l’attrapa au vol, le soulevant dans ses bras l’espace de quelques minutes, le temps de se faire un câlin entre frères. 23 ans les séparaient et alors que leurs différences d’âge aurait pu être un obstacle et créer un fossé entre eux, il n’en n’était rien. Lorsqu’il déposa le jeune garçon au sol, se fut pour prendre la mère de ce dernier dans ses bras, qui tout sourire, le félicita chaleureusement avant de laisser sa place à son père.

La dernière fois que son père et lui s’étaient adressés la parole, c’était après la visite impromptu de ce dernier dans l’appartement de Violette. Autant dire que ça c’était plutôt mal passé et que des mots plus haut les uns que les autres, avaient volé de part et d’autre. Il avait fallu toute la diplomatie de Kay pour rabibocher les deux hommes. C’est qu’ils étaient aussi bornés l’un que l’autre, la pomme ne tombe jamais très loin du pommier… Sans elle, ils seraient sûrement encore en froid et Sawyer ne les aurait certainement pas averti de la naissance d’Ambre. D’un hochement de tête, il remercia son père lorsque ce dernier le félicita. Le nombre de sacs au sol indiquait qu’ils avaient dévalisé les boutiques. Comme toujours, son père ne faisait jamais dans la demi-mesure, mais il soupçonnait Kay d’en avoir profiter pour se lâcher un peu. Après tout, les naissances étaient des moments aussi rares que précieux.
Délaissant sa famille, son attention se porta sur Violette et leur fille et presque aussitôt, son sourire s’effaça. Violette était au bord des larmes et paraissait fébrile. Se tournant en direction de son père, il fusilla presque aussitôt ce dernier du regard. Qu’est-ce qu’il lui avait encore fait ?!! Il n’avait quand même pas recommencé ? Pas en présence de Kay et Nathan ? Et pourtant il fallait croire qu’une fois de plus, son père avait dépassé les bornes car Violette le supplia d’une voix éraillée de les faire partir, tous autant qu’ils étaient

- Qu’est-ce que tu lui as encore fait ?! Vociféra-t-il à son adresse avant que Kay ne s’interpose

- Messieurs ! Vous n’êtes pas tout seuls ! Leur rappela-t-elle en désignant Nathan du regard.

- Mais rien du tout ! C’est ta petite amie qui fait des histoires, elle n’a même pas dit bonjour à Kay ou Nathan. Moi je peux comprendre mais eux ? Ils ne méritent pas ça

- Ce n’est ni le lieu ni le moment, siffla la brune sévèrement à l'encontre de son mari

- Kay a raison. Vous devriez y aller, fit Sawyer

- Mais on vient juste d’arriver… fit remarquer Nathan avec déception.

- Je sais mon grand, mais Violette est fatiguée, elle doit se reposer

- Oui, renchérit Kay en s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur. Tu sais Ambre n’est qu’un tout petit bébé, elle a besoin de repos, on repassera demain. Sawyer, on mange ensemble ce soir ? Ton père t’enverra l’adresse. A ce soir, fit-elle en lui souriant avant de se tourner vers Violette sans se défaire de son sourire. Reposez-vous bien et encore toute mes félicitations.

Nathan jeta un regard déçu sur Violette et il aurait probablement quitté la chambre sans la saluer si son père ne l’avait pas reprit. Il avait peut-être l’impression désagréable qu’on ne voulait pas de lui, il était peut-être blessé par une réaction qu’il ne comprenait pas, il n’était après tout qu’un enfant, pour autant, ça ne l’excusait en rien. Et Thomas Davis ne comptait pas cautionner ce genre d’attitude. Ce n'était pas ainsi qu'il éduquait ses fils.
Après avoir salué tout le monde, la famille Davis s’en alla. Une fois la porte refermée derrière eux, Sawyer prit une chaise qu’il tira pour s’approcher de Violette.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? Il t’a encore menacé ?

Pourtant son père lui avait promis qu’il ferait des efforts mais à en juger par l’état dans lequel se trouvait Violette, on avait plutôt l’impression qu’il l’avait menacé de mort. Qu’est-ce qu’il avait bien pu lui dire pour la mettre dans cet état ?

Le calme était revenue dans la pièce si tôt que les membres de sa famille eurent quitté la petite chambre d’hôpital dans laquelle se trouvait sa fille et Violette. Une sorte de sentiment complexe envahit presque aussitôt Sawyer une fois que la porte se fut refermée sur ces derniers. Il y avait le soulagement d’avoir pu éviter un scandale ici et maintenant en présence des enfants qu’étaient Ambre et Nathan, une colère sous-jacente à l’encontre de son père qui avait visiblement encore fait des siennes, et une profonde déception. Ils étaient sa famille, et Sawyer les aimait. Il avait mis de la distance entre lui et eux mais ce n’était pas pour autant qu’il les avait chassé de sa vie et il désirait que Ambre les connaisse… de toute évidence ce n’était pas le chemin qu’ils empruntaient.
Son coeur se brisa lorsqu’il aperçut les premières larmes de Violette couler sur son visage. Ils venaient d’être parent et sa famille compliquait déjà les choses, gâchant par là-même ce moment qui n’aurait du être que joie et rire. C’était comme ça que son père faisait des efforts ? En débarquant avec les bras remplis de cadeaux et en insultant Violette ? Parce que pour qu’elle se trouve dans un tel état, il l’avait forcément menacé et insulté, ce n’était pas possible autrement. Alors c’était toute l’importance que son père accordait à leur relation père-fils ? Sawyer lui avait pourtant dit la dernière fois que s’il n’était pas capable de faire des efforts et d’accepter Violette, il devrait faire une croix sur lui. Il l’avait prévenu et son père savait très bien que ce n’était pas que des mots, que Sawyer mettrait sa menace à execution. Il pensait pourtant qu’il avait compris….

Obtempérant lorsqu’elle lui demanda le biberon de leur fille, Sawyer quitta ses sombres pensées pour lui tendre le biberon, tout en s’accroupissant à ses côtés et observer leur fille qui tétait en agitant ses petites mains innocentes. Son regard se leva sur Violette et il il lui essaya une larme indisciplinée avec son index

- Racontes-moi ce qu’il s’est passé, l’encouragea-t-il.

Il fronça légèrement les sourcils en entendant Violette lui avouer que son père avait voulu porter Ambre mais que la jeune mère avait refusé de la lui confier. Il comprit alors que Violette avait beau être gentille, elle avait décidé de ne pas pardonner ce que son père lui avait fait en apprenant son existence. Il imaginait très bien la scène a présent. Son père venant ici la bouche en coeur avec une montagne de cadeaux, sa manière à lui de lever le drapeau blanc et de faire des efforts mais Violette avait été incapable de passer par-dessus tout le mal qu’il lui avait fait. Au lieu de la rassurer, son père avait probablement dû perdre patience et l’animosité entre eux avait du refaire surface, sauf que c’était à son père de se faire pardonner et de gagner la confiance de Violette… pas d’envenimer la situation. D’un autre côté, tous les efforts que pourrait déployer son père ne serviraient à rien si Violette refusait obstinément de prendre la main tendue qu’il lui offrait. Elle devait lui laisser une chance, ce qu’elle ne semblait pas prête à faire pour le moment.
Ses doigts caressèrent les cheveux de Violette au niveau du haut du crâne pour tenter d’apaiser la jeune mère encore secouée par cette rencontre.

- Hey, regardes-moi, lui murmura-t-il avec douceur. Mon père ne nous prendra jamais Ambre.

Imaginer son père quitter la chambre avec leur enfant pour sauter dans son jet privé aurait pu prêter à sourire si la situation n’était pas aussi tendue et critique. Si violette n’était pas aussi bouleversée, elle réaliserait le grotesque de la situation mais la jeune mère était émotionnellement très fragile avec l’accouchement et ses peurs étaient non seulement exacerbée mais également on ne peut plus réel. Et on ne se moquait pas des peurs de quelqu’un au contraire, on se devait de la rassurer.

- ça n’arrivera pas, tu m’entends ? Regardes-moi. Ça n’arrivera pas, lui répéta-t-il avec force et conviction. Mon père ne va pas nous enlever notre fille. Ce n’est pas dans ses intentions, et tu sais que je ne le laisserais pas faire. Ma situation et celle d’Ambre sont totalement différentes. Lorsqu’il m’a retiré à ma mère, c’était pour me protéger d’un homme violent et toxique, Ambre ne grandira jamais dans un tel foyer. Et il le sait très bien.

Violette avait probablement fait un amalgame entre sa propre histoire et ce qu’il lui avait raconté. Pour ne rien arranger, son père n’était pas quelqu’un de facile, surtout quand on ne le connaissait pas. Il aimait passer pour un monstre et un tyran, c’était préférable pour les affaires, mais quand on le connaissait réellement, et bien qu’il n’avait pas un caractère facile, son père était loin d’être aussi impitoyable qu’il voulait le faire croire, surtout si cela concernait sa famille. Il lui avait promis qu’il ferait des efforts pour le bien de leur famille, et en présence de Kay et Nathan, il n’en doutait pas une seule seconde. Cela étant, il l’imaginait très bien avoir ces mots durs envers Violette, surtout si cette dernière était restée fermée en sa présence. Son père avait autant de patience et de psychologie qu’un pittbull et s’il fallait le recadrer et le menacer pour qu’il se calme, Sawyer n’hésiterait pas une seule seconde.

- J’aurais une discussion avec lui toute à l’heure, lui promit-il en déposant un baiser rassurant sur la tempe de la brune. Et il s’excusera pour ce qu’il t’a dit ! Tu seras une merveilleuse maman, et cette petite fille le sait déjà, fit-il il en admiration devant leur petite fille. Ne laisse personne te dire le contraire, et certainement pas mon père.

Ce n’était pas un conseil ni une recommandation, Violette devait avoir foi en elle et à ses capacités d’être mère, comme il avait foi en elle.

- Je sais ce qu’il t’a fait, et je le regrette vraiment… Et aujourd’hui est la dernière fois qu’il se comporte mal avec toi ! Je ne te demande pas d’oublier, mais de lui laisser une dernière chance. Mon père a agit avec toi comme il le fait avec tous les étrangers qu’il rencontre, et si ça n’excuse rien, tu fais partie de la famille désormais, tu es la mère de sa petite-fille, que ça lui plaise ou non, c’est comme ça. Et avec les membres de sa famille c’est quelqu’un de très protecteur sur qui on peut compter. On ne peut pas effacer le passé et ce qu’il t’a fait, mais on peut essayer d’avancer. Apprends à le connaître et laisse-lui une chance de te connaître. Donne-lui une chance de se racheter. C’est mon père, ma famille. Ils ne sont pas parfaits, mais je les aime et je veux que Ambre les connaisse, je veux qu’ils fassent partis de sa vie…. Je ne te demande pas de l’apprécier, juste de lui donner une chance de repartir de zéro. Pour elle, pour Nathan, pour toi, et pour moi, mais surtout pour notre fille. Tu crois que tu peux faire ça ?

Sawyer avait bien compris que les relations entre Violette et son père seraient compliqués. Bien sûr, le seul et unique responsable de tout ce chaos était son père, il en avait parfaitement conscience. Il s’était montré comme toujours arrogant, détestable et surprotecteur. Sawyer connaissait parfaitement les défauts de son père mais, sans lui trouver d’excuses, il connaissait également ses qualités.
Violette pour sa part, avait tellement été blessé, qu’elle refusait de voir que son père avait tenté une première conciliation. Elle s’était totalement braquée et ne voulait absolument rien entendre, ce qui le surprenait venant d’elle, elle qui était toujours prête à tendre la main. Cette situation le pesait sincèrement. Il s’était rangé du côté de Violette dès qu’il avait découvert ce que son père avait fait et comment il l’avait traité, il était tellement furieux qu’il avait été à deux doigts de couper les ponts avec lui, c’est sa belle-mère Kay, la mère de Nathan qui était parvenu à apaiser les tensions entre les deux hommes. Aujourd’hui les braises avaient repris et cela risquait de devenir très rapidement un véritable incendie si son père et Violette restaient camper sur leurs positions respectives. Or Sawyer ne voulait pas de ça pour sa fille. Il ne voulait pas qu’elle se retrouve au centre d’une tension permanente entre sa mère et son grand-père. Il pensait que le plus compliqué à convaincre serait son père mais de toute évidence il se trompait. C’était Violette qui lui gardait une rancoeur tenace qu’il ne lui soupçonnait pas.

- La belle affaire, lui sourit-il alors qu’elle lui confiait que son père la croyait incapable d’élever leur fille. Il me croit bien incapable de gérer ma vie sans lui et sans son argent, et il voit bien qu’il avait tort et que je me débrouille très bien sans lui. Alors laisse-le penser ce qu’il veut et toi, continues de t’occuper de notre fille sans te préoccuper de ce qu’il pense. Il réalisera bien vite qu’il se trompait sur toi, mais laisse-lui une chance de te connaître, même s’il ne la mérite pas. Ne le fais pas pour lui, ni pour moi, mais pour elle. Je ne veux pas que notre fille se retrouve tiraillée entre sa mère et son grand-père. Je sais très bien que mon père a essayé de te soudoyer, qu’il s’est mal comporté avec toi, mais aujourd’hui il est prêt à te connaître et à revenir vers de meilleurs sentiments. Laisse-lui une seconde chance. Je ne te demande pas de l’accueillir les bras ouverts, il faudra du temps mais ne lui ferme pas la porte. C’est un homme compliqué, il est imbu de lui-même, et il aime que tout aille dans son sens. Cependant, je te promets que lorsque l’on gratte un peu, c’est un homme qui ferait absolument tout pour sa famille. Tu en fais partie aujourd’hui

Violette ne paraissait pas vouloir discuter de ça plus longtemps. Elle était encore fatiguée et éprouvée par tout cela. Malgré tout, elle finit par céder et reconnaître qu’elle non plus ne voulait pas que leur fille grandisse sans connaître son grand-père et sa famille du côté paternel, c’est pourquoi elle émit une condition. Une condition qui le fit sourire et qui n’allait absolument pas être compliqué à tenir.

- Très bien, on va faire un marché tous les deux. Je suis d’accord pour que mon père ne reste jamais seule avec notre fille et je rajouterais en plus qu’il en va de même pour toi. Je n’ai pas peur qu’il t’enlève mais je ne veux pas que tu ai à supporter sa présence toute seule. Pas tant que tu ne te sentiras pas à l’aise avec lui, d’accord ? Par contre, je veux qu’en échange tu lui laisses une seconde chance et que tu apprennes à le connaître. Je ne te demande pas d’oublier ce qu’il t’a fait, juste d'essayer de lui pardonner, une fois. Pas deux.

C’était important pour lui, pour leur famille. Ce soir, quand il rejoindrait son père, il aurait le même genre de discussion à la différence près qu’il ne se montrerai pas aussi gentil et patient qu’il ne l’est avec Violette. Il serait ferme, mettrait les points sur les « i » à son père en lui faisant comprendre que c’était sa dernière chance de faire partie de la vie de sa petite-fille. Soit il changeait d’attitude, soit il les perdait tous les trois. Et il avait tout intérêt à présenter ses excuses à Violette pour son attitude déplacé non seulement lors de leur toute première rencontre mais également pour aujourd’hui. Il ne doutait pas un seul instant que son père se plierait à ses exigences parce qu’il ne le lui laissait pas le choix. Embrassant Violette sur le front, il glissa son doigt dans la petite main de sa fille. Cela ne faisait que quelques heures qu’elle était là, mais elle avait déjà tout bouleversé dans sa vie et il n’imaginait plus sa vie sans elle.

- Assez parlé de mon père, j’ai envie de profiter de vous deux et de cet instant. C’est une nouvelle vie qui commence pour nous trois, et j’ai déjà hâte de découvrir ce que l’avenir leur réserve