@Cassius Monroe 

« -Maman, tu délires complètement.
-Puisque je te dis que je l’ai vu ! Laisse-moi te raconter ma vision, Mae !
-Arrête avec ta vision ! C’est probablement juste un rêve, n’en fait pas toute une montagne…. Comme d’habitude.
-C’était pas un rêve ! » Depuis le début de l’année, ma mère s’est remise dans la divination. Ça fait des semaines qu’elle essaie de me téléphoner pour me parler de la plus grande vision de sa vie. Elle rejette systématiquement mon refus de parler de sa vision parce que je la connais par cœur. Elle est simplement en colère parce qu’elle aurait voulu que je me remette avec Cassius maintenant qu’il est riche. Je ne sais pas dans quelle genre de galère elle s’est encore mise et à qui elle doit de l’argent mais, elle est beaucoup trop présente dans ma vie ces dernières semaines pour n’avoir aucune dettes. Elle répète qu’elle a sorti dix fois les cartes et que mon destin est en train de m'arriver en plein dans la figure. Je sais qu’elle va finir par trouver une façon de soutirer du fric pour disparaître encore pendant une belle et longue année. Je la connais par coeur. Quand elle se remet dans ses trucs de cristaux et de divination, c’est qu’elle est en galère et qu’elle n’a plus d’autres solutions. J’ai passé mon enfance à faire bouger les lumières pendant qu’elle racontait des conneries à toutes les divorcées du quartier pour cinquante dollars de l’heure. Je suis la première à savoir que ses dons sont complètement bidons mais cette fois, elle veut me faire croire que c’est de moi qu’il s’agit et qu’elle a une grande révélation pour moi. C’est épuisant, quand elle est dans ce genre de périodes. Encore plus lorsqu’elle croit pouvoir me faire croire à ses propres mensonges en insistant.

Je crois aussi qu’elle commence à se faire vieille et que l’idée d’être toute seule commence à réellement lui trotter dans la tête. Après tout, c’est plus aussi simple qu’avant de se trouver des gars qui la prendront en charge financièrement pendant quelques années jusqu’à ce qu’elle trouve une nouvelle façon révolutionnaire de foutre en l’air la stabilité qu’on a construit pour elle. Ma mère s’est toujours démerdée pour se trouver des gars prêts à tout pour être avec elle. Il faut dire qu’elle a toujours été très très belle et qu’elle a pratiquement toujours usé de ses charmes pour s’en sortir dans la vie. Je comprends qu’elle puisse se sentir coincée. Je crois aussi qu’elle n’a pas vraiment conscience de la portée que j’ai sur internet et qu’elle s’imagine que j’ai besoin d’un support financier. Elle n’a pas encore tout à fait comprit que je gagnais vraiment bien ma vie et que j’étais très loin d’être stupide. J’ai fais des placements, je sais que je suis en sécurité. Peut-être qu’elle s'inquiète. Je ne sais pas trop.

Je suis en train de m'affairer dans la cuisine. Je ne m’attendais vraiment pas à ce que ma mère débarque du jour au lendemain en sonnant à ma porte comme ça. Lenny est derrière moi et il parle. Il est particulièrement insupportable ce soir. « -Je dis juste que ce n’est pas sain, la façon dont elle se permet de débarquer dans ta vie pour te dire quoi faire et qui aimer. » Je suppose qu’il se sent sacrément menacé parce qu’il tourne en boucle comme ça depuis quinze minutes. Ma mère est au téléphone avec sa copine de Seattle et elle est en train de faire une liste de toutes les choses qu’elle n’aime pas dans mon appartement à commencer par le canapé qu’elle trouve affreux. Elle dit que les énergies présentes dans l’appartement ne sont pas bonnes, qu’elle est sûre qu’il est hanté. Et puis la décoration n’est pas à son goût et il est disposé bizarrement, elle trouve ça affreux.  J’ai un peu de mal à supporter l’un et l’autre qui ont passé l'après-midi à se plaindre l’un de l’autre. J’ai l’impression de devoir supporter un groupe d'enfants au centre de loisir. Personne n’est satisfait de l’activité proposée, même pas l’animateur. Enfin… L’animatrice. L’animatrice, c’est moi. Et j’ai la flemme. J’ai pas plus envie de dîner avec mon mec et ma mère qu’eux ont envie de dîner ensemble. « -Personne ne te force à rester ce soir si tu n’as pas envie de rester, Lenny.
-Ce n’est pas ce que je dis. Je suis content de rencontrer ta famille mais…
-Mais ma mère est compliquée et tu as l’impression que ta place est menacée donc tu ne veux pas partir parce que si tu pars, elle va me monter la tête pendant ton absence et si tu restes, tu vas te faire descendre toute la soirée.
-Maeve ! »

Je lève les yeux au ciel. Qu’il n’essaie pas de me faire croire qu’il ne se sent pas menacé parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure, c’est presque ridicule. La porte d’entrée sonne et je lève la main pour mettre fin à la conversation lorsque je vois ma mère se précipiter vers la porte pour ouvrir. Elle fait un grand sourire et ouvre ses bras. « -Enfin te voilà ! Mon beau fils ! » Je fronce les sourcils parce que je ne vois pas ce qu’il se passe mais je crois comprendre. J’attrape un torchon pour m’essuyer les mains et je me rends jusqu’au salon. Ma mère est en train de faire la bise à Cassius qui a l’air absolument ravi d’être là.  «- Cass ? Qu’est-ce que tu fais là ?
-Je l’ai invité.» répond sèchement ma mère et je glisse une main sur mon visage. «-Maman,  tu peux pas inviter des gens chez moi sans me consulter avant.
-C’est pas des gens, c’est Cassius. J’ai pas besoin de ton autorisation. » Ah, quand ça l'arrange, Cassius est bien utile. Elle m'agace quand elle sort ce genre de trucs parce que je sais très bien que lui, il va hocher la tête et en profiter pour être absolument imbuvable toute la soirée avec mon foutu petit ami qui ne va pas se priver ensuite de me faire la morale pendant des heures sur mon entourage complètement toxique. Mon regard passe de Cassius à ma mère pour finir sur Lenny qui bombe le torse en voyant pour la première fois Cassius. Je crois que j’ai envie d’abandonner les lasagnes que je suis en train de cuisiner pour aller me jeter de la rambarde de mon balcon. Je lève mon regard vers Cass pour lui demander silencieusement de se tenir correctement mais je crois que je sais déjà que la soirée va être chaotique et que personne ne voudra quitter la table par fierté ou par envie de me rendre chèvre, je ne suis plus vraiment sûre. Je sens déjà que je vais me taper une migraine nerveuse. L'arrivée de Cass, c'était peut-être la dernière chose dont j'avais besoin ce soir.

@Cassius Monroe 

Lenny a peut-être raison lorsqu’il dit que le manque de limites que j’impose à mes proches n’est pas sain.  Je devrais vraiment avoir un minimum de limites parce que la situation devient vite incontrôlable quand il s’agit des gens qui me sont le plus proches : ma mère et Cassius.  Quand il s’agit de respecter ma vie privée et mes choix, ils sont incapables de se tenir. Ils ne savent vraiment pas quand s’arrêter et c’est la première fois que ça arrive mais là, ils ont tous les deux le même objectif. Pour des raisons différentes mais, ça n’empêche pas qu’ils ont le même objectif et que c’était jamais arrivé avant. C’est pas une alliance dont j’ai particulièrement envie d’être la témoin.  J’ai pas non plus envie de regarder Cassius et Lenny se disputer mon attention comme si j’étais le vulgaire prix d’un concours pour savoir qui a la plus grosse. C’est ridicule et putain de déplaisant. Je déteste ce truc-là chez les mecs. Ils se disputent des trucs qui ne sont pas à eux en premier lieu sans jamais se poser aucune question sur la légitimité de leurs actions. C’est extrêmement désagréable et rabaissant. Ça ne me donne pas envie de passer la soirée ni avec l’un, ni avec l’autre. Ça me donne envie de les foutre tous les trois à la porte et de terminer mes lasagnes pour les déguster devant la TV, à même le plat.

J’ai pas envie d’être prise à partie toute la soirée alors que j’ai bossé comme une dingue toute la semaine et que c’est censé être ma seule soirée de tranquillité. Je pourrais être en train d’écrire une vidéo, de corriger un article, de faire du montage, d'échanger avec des sponsors à propos de la vidéo que je vais faire en novembre à propos du trafic humain en amérique du sud. Je pars un mois entier pour tourner un documentaire de quatre ou six épisodes selon ce qu’on arrive à obtenir. J’ai un boulot monstre et une pression de malade et je suis obligée de gérer mes proches complètement incontrôlables. C’est invivable. J’ai l’impression que dans mon entourage, il n’y a personne à part moi pour faire un minimum de concession. J’ai pris l’habitude de laisser les autres faire ce qu’ils veulent. J’ai pas mis de limites et maintenant, je paie le manque de considération. Alors ouais, Lenny a peut-être raison mais il est sacrément hypocrite parce quand je le vois bomber le torse de la sorte, je ne vois pas en quoi son comportement est plus sain que celui de Cassius.

Sissy est absolument ravie de la situation. Ça se voit dans son regard qu’il compte ignorer mes demandes silencieuses et faire exactement ce que lui a envie de faire.  Il a l’air absolument ravi d’entendre ma mère dire qu’elle a invité “son beau fils” à dîner avec nous. Je capte son regard. Il se donne en spectacle. Il agit comme si la situation était normale et j’imagine que c’est probablement pour ça qu’il profite d’un moment de silence pour dire qu’il a ramené un gâteau. Il a un sourire aux lèvres qui me tape déjà sur le système et maman en rajoute en le remerciant un peu trop chaleureusement pour être naturelle. « -Merci ! Un dessert digne de ce nom, tu nous sauves la soirée. » Elle fait un immense sourire à Cassius et Lenny se tourne vers moi, dépité. Il avait déjà été chercher un dessert en début d'après-midi et ma mère l’avait froidement accueilli en lui disant qu’elle déteste le gâteau. Lenny commence à me prendre à partie, il m’attire dans un coin du salon pour me demander, piqué au vif : «-Tu vas le laisser rester ?!» Il ne parle pas assez bas pour que les autres ignorent ce qu’il est en train de raconter. Je n'ai pas envie de participer à cette conversation alors je hausse les épaules.« -Ma table peut accueillir 4 personnes. On est 4. » C’est mon seul argument et puis de toute façon, c’est déjà trop tard. Je ne joue pas à ce jeu-là, moi. Je ne vais pas commencer à faire celle qui s’implique dans des compétitions débiles entre hommes. La perdante, ce sera toujours moi.

Cassius l’ignore royalement et ça a l’air de le satisfaire à pleine balle de lui montrer que lui, il a sa place déjà garantie. Il me félicite sur l’odeur de mes lasagnes et je réalise que j’ai laissé la sauce cuir sans remuer depuis dix minutes. J’abandonne tout le monde et je vais me réfugier dans la cuisine pour aller m’occuper de ma sauce. Ça permettra peut-être qu’on me foute la paix pendant cinq minutes.  Je sens que cette soirée va me laisser de sévères PTSD. Lenny doit faire sacrément la gueule. Je sors la casserole du feu et je sors le plat familial dans lequel je fais toujours mes lasagnes. Je trouve ça vraiment naze d’avoir des lasagnes dans des tous petits plats. C’est des trucs qui sont fait pour être énormes. J’entends les pas de Lenny pendant que je suis en train de disposer la sauce au fond du plat et ses mains qui se glissent sur mes épaules. «-Tu as vu dans quel état ils te mettent ?» Il souffle à mon oreille. Il a ton super mielleux et je sens bien qu’il essaie de prouver un truc mais moi, ça me rend dingue. J’ai envie de lui arracher les yeux quand il fait ce genre de trucs. Putain, je peux pas le supporter quand il fait ça mais, si je montre que je ne peux pas le supporter, Cassius ne va plus jamais la fermé à ce propos. J’ai pas envie de lui donner des raisons de me prendre encore plus la tête à propos de Lenny. Si je lis encore une fois “Je l’aime pas trop, son prénom est débile” je vais tout brûler. Ça me fout des envies de violences. «-J’aime pas quand t’es pas bien, Maeve. J’aimerais pouvoir t’aider à sortir de tout ça. » Il me parle la voix basse mais, il jette des coups d'œil vers le salon pour voir si les autres le regardent. Il a envie de montrer qu’on est proches, je le repousse d’un geste pas très subtile. «- Me sortir de tout quoi ? Mes lasagnes ne sont pas encore ratées.» Je fais semblant de ne pas comprendre. Ce n'est pas le moment de lancer ce genre de conversations qui me donnent envie de m’arracher les cheveux.

Je termine le montage des lasagnes et je le recouvre de beaucoup de fromages pour couvrir la médiocrité de ma sauce bolognaise et puis je vais m’installer à table avec ma mère et Cass. J’abandonne Lenny derrière moi pour qu’il comprenne que j’attends pas de réponse à ma question. J’ai pas envie d’en parler. Je sens qu’il va me dire que c’est pas très sain, mes techniques d’évitement et si il prononce encore le mot “gaslight” je me jette vraiment par la fenêtre. J’arrive pile poil pour la question de Cass et c’est moi qui y réponds sèchement : «-Non. Elle ne s'installe pas ici, non.» Ma mère se vexe, elle croise les bras. «-Figures-toi que j’y pense. La seule fille qui me reste est à l’autre bout du monde. C’est pénible. » Je lève la tête vers elle et je me décompose. «-Mais qu’est-ce que tu vas foutre à Edimbourg ?
-Je vais t’aider à élever tes enfants.
-Quels enfants, maman ?!
-Ceux que tu vas faire.» Je me passe la main sur le visage. Mon premier réflexe, c’est de demander de l’aide d’un regard à Cassius. On n’efface pas dix ans de relation comme ça. Je sais qu’il saura quoi dire. «-C’est encore à propos de ta putain de vision, maman ? »Elle se lève, l’air courroucé. «-Je te dis que je l’ai vu !»

@Cassius Monroe 

Ma mère qui veut s’installer à Edimbourg, c’est la pire nouvelle de l’année. Je ne déteste pas ma mère mais, je suis persuadée que si elle se décidait à venir vivre tout près de moi, cette déclaration pourrait changer. Je pourrais très vite me mettre à avoir envie de m’éloigner pour ne pas avoir à entendre ou à gérer ses nouvelles histoires problématiques. Je n’ai vraiment pas envie d’aller de nouveau chercher ma mère je ne sais où parce qu’elle s’est enfermée dans une relation toxique avec un nouveau type un tout petit peu trop jeune à qui elle aura encore menti sur son âge. Je n’ai pas envie de l’entendre me parler tous les jours de ses cristaux qui détiennent des pouvoirs. Je n’ai pas envie de l’entendre parler des visions qu’elle aura eu et encore moins celles que ses prochaines voyantes auront.  Je ne sais pas si je pourrais supporter ses arnaques dans lesquelles elle essaiera forcément de me mettre comme quand j’avais 16 ans et que je passais des après midi à signer les chèques de son ex-mari en imitant sa signature. Ce pauvre Dwight. Encore aujourd’hui ma mère possède un chéquier à son nom et l’utilise pour payer des hôtels quand elle est en déplacement. Ma mère qui veut s’installer à Edimbourg, c’est le signe qu’elle a dû s’attirer de gros gros ennuis, aussi. Si elle fuit les états-unis alors qu’elle est la première à hurler qu’elle est super fière d’être américaine et que notre pays est le sauveur de l’humanité, bla bla bla, c’est qu’elle a dû se mettre assez dans la merde cette fois.

Pourtant, comme d’habitude, plutôt que de demander mon aide de façon claire, elle détourne les choses. Elle dit qu’elle vient pour m’aider, même si j’ai jamais demander d’aide. Elle me parle de mes futurs enfants. Et je commence à vraiment me tendre. Encore plus lorsque Cassius se permet de faire une réflexion qui me donne envie de m’arracher littéralement les cheveux de la tête. Il dit que je n’en veux plus. Je me tourne vers lui, le regard noir. «-Sérieusement ?! » Visiblement, oui. Il est très sérieux parce qu’il enchaîne sur le fait qu’il y a “quelques jours” j’ai demandé à faire des enfants. Je sais qu’il déforme ses propos pour agacer Lenny et ça marche parce que mon nouveau petit ami n’est visiblement pas très malin. Lenny se tend, il se tourne vers moi : «-C’est quoi ces histoires ?!» Je me passe une main sur le visage. «-Sérieusement, Cass ?!» Je répète et puis je crois que c’en est trop. Je me lève et je vais dans la cuisine. Lenny entame un mouvement pour me suivre, je lève l'index vers son visage.  «-Je peux vérifier mes lasagnes seule. Merci. »

Maman secoue la tête. Elle allume une cigarette malgré le fait que je lui ai dit plusieurs fois que je déteste qu’on fume à l’intérieur, elle n’écoute rien. Elle attrape l’assiette de Lenny pour y laisser tomber sa cendre et elle répond tranquillement à Cassius comme si de rien n’était. «-Ne t’en fais pas. C’est la plus grande vision de ma vie. Vous allez bientôt avoir un enfant.» Lenny tape sur la table. «-Sauf votre respect madame, c’est probablement avec moi qu'elle fera un enfant.
-Toi, t’es anecdotique, barry.
-Lenny
-C’est ce que j’ai dis. » J’ai l’impression de me retrouver au beau milieu d’une des pièces de théâtre de Cassius. Il a toujours été très doué pour ça. Habituellement, je trouve ça amusant. Ce soir, je trouve juste ça agaçant. Lenny se tourne vers la cuisine pour chercher du soutien mais je l’ignore royalement. Je n’ai pas envie de faire un enfant avec lui. Je n’ai envie de faire un enfant avec personne ici, très sincèrement. Ils se comportent tous les deux comme des idiots immatures. Ils ne sont visiblement ni l’un, ni l’autre prêts pour être pères et puis, j’avais dis que j’avais envie de faire des enfants avec  Cassius seulement sous certaines conditions. Elles sont très loin d’être réunies pour le moment.

Je sors le plat de lasagnes du four et les dépose directement au centre de la table. Je dois visiblement être en colère parce que je sens la main de Lenny venir me caresser le dos et ça me provoque un mouvement de recul assez visible. «-Mangez. Plus vite vous mangez, plus vite ce repas sera terminé.» Je m’installe à table à côté de ma mère et Lenny me fait signe que sa putain d’assiette est pleine de cendre. Je lève les yeux au ciel. «-Tu connais le chemin de la cuisine, Lenny. Arrête de te comporter comme un gosse. » Il se lève, vexé et va rincer son assiette sans ajouter quoi que ce soit. Cassius parle avec ma mère d’un gars qui lit l’avenir dans le sel et je lève le regard vers lui. [color:dbec=##996600]«- T’as pas fini de lui donner des mauvaises idées ? On peut manger dans le calme et en silence ?» Maman se vexe de nouveau. Et moi je balaie ses paroles d’un geste et puis je me sers. A la base, c’était supposé être un moment agréable. Mais, cette soirée va probablement se terminer en dispute, ma mère va probablement se chercher un appartement en ville pour me torturer et Cassius continuera à me dire “je n’aime pas trop Lenny.”

@Cassius Monroe 

Depuis mon arrivée à Edimbourg, j’ai encore du mal à m’y sentir chez moi. Je m’y suis installée par loyauté aveugle pour Cass et sa famille mais, de moi-même, je ne m’y serais jamais installée. J’aime les état-unis. J’y ai une vie bien établie depuis longtemps, des amis ,mon agent, et pléthores de collègues youtubeurs qui seraient prêts à venir à l’autre bout des états-unis avec moi pour une simple enquête qui ne mènerait à rien si ce n’est un vlog à l’ambiance un peu chelou. Je n’avais aucune raison de partir en premier lieu. Aucune. Je suis séparée de Cassius depuis assez longtemps pour savoir que sa vie ne s’arrêtera pas à moi. Je sais qu’il s’en sortira très bien sans moi. Et que je ne suis pas nécessaire pour lui comme lui est nécessaire pour moi. Souvent, je pense au fait que j’aurais vraiment dû rester à Seattle. Il y a une seule chose qui me plaisait dans tout ce déménagement : le fait que ma mère ne puisse pas sonner chez moi à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour me demander de la sortir de ses histoires alambiquées. Le fait qu’elle ne puisse pas venir quand bon lui semble, c’est étrangement un sacré avantage. Ça me décharge un peu. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas envie d’être là pour ma mère. Simplement que je crois que je suis fatiguée de devoir gérer sa vie à sa place. La situation est assez tendue pour me mettre mal à l’aise. Maman se vexe et elle me reproche de vouloir mettre de la distance entre nous. Lenny se vexe parce que je ne le défends pas auprès de ma mère et Cassius. Et Cassius ne se vexe pas mais, il prend un malin plaisir à envenimer la situation. Je suis à deux doigts de mettre tout le monde dehors une bonne fois pour toute. J’en ai assez.

Il dit qu’il a des places pour un gala de charité et ma mère a le regard qui s’illumine. L'emmener dans un endroit remplit à craqué de types qui ont plein d’oseille et rien d’autre à foutre que le donner à des associations stériles, c’est comme emmené un gamin à disney land. À la fin, t’as mal au crâne et envie de l'abandonner sur place. Je suis vraiment très peu disposée à subir ça. «-Je suis occupée, Lundi soir. .» Je pousse mon assiette à demi entamée plus loin sur la table et je soupire quand Cassius ne me prends pas au sérieux lorsque je refuse. Il parle de la dernière fois qu’il a été en gala de charité. Je tape nerveusement du bout de l’ongle contre la table. «-J’ai dis qu’on irait pas, Cass.» Lenny a un grand sourire fier comme s’il avait forcément quelque chose à voir avec le motif de mon refus. Il ne comprend rien à rien, lui. Je soupire longuement. Ma mère se met à raconter l’histoire de mon père ou d’un autre gars dont j’ai jamais vu la tronche. Elle parle de son pseudo grand amour. Elle en a eu 8, des grands amours. Elle raconte que c’est parce qu’elle a une âme extrêmement chargée. Moi, je crois que c’est surtout qu’elle a un compte en banque qui crie à l’aide financière d’un type riche et crédule.

Je me lève pour débarrasser et aller faire la vaisselle, aidée par Lenny qui ne me lâche pas d’une semelle. «-Il serait peut-être temps de lui dire de partir. » Il prend un air sûr de lui. Je me tourne et il comprend sans doute rien qu’à mon regard que ce n’est vraiment pas le moment de me mettre dans un état pareil. Mais, au lieu de se taire, comme à son habitude, il se met à m’expliquer pourquoi je suis supposée faire des choses qu’il voudrait que je fasse comme si je n’étais pas capable de réfléchir par moi-même. «-Tu vois bien dans quel état il te met ? Franchement, tu ne lui dois rien. Je ne sais pas pourquoi tu continues de prendre soin de lui et de tout lui passé comme si c’était un enfant. Il faut que ça cesse, Mae.» Je ne réponds rien. Je me tourne de nouveau vers ma vaisselle. Il poursuit. Il ne s’arrête pas, non. Il poursuit son discours. «-Il est en train de te pourrir par jalousie parce qu’on est heureux. Il ne supporte pas de te voir heureuse.» Je relâche l’assiette et cette fois, je crois que c’est bon. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas fait ça plus tôt. Je me dirige vers l’entrée et j’ouvre la porte. «-Dehors. Tout le monde. Sauf elle. » Je pointe ma mère du doigt.