Martha était surexcitée. Et en même temps, on le serait à moins. Elle venait d'avoir son premier vrai rendez-vous avec celui qui allait suivre sa grossesse à l'hôpital. Et comme il l'avait promis à Martha et à Arthur, son mari, Levi s'était débrouillé pour être présent dès la première étape. La prise de sang avait confirmé la grossesse évidemment. Elle avait mis en avant le fait qu'il n'y avait vraisemblablement qu'un seul bébé aussi même si seule l'écho des trois mois le confirmerait à 100% ! Sa sœur avait paru soulagé et ça l'avait fait rire dans la salle d’auscultation. Quoi qu'il en soit, Martha avait eu droit à beaucoup de conseils, beaucoup d'explications... Mais aussi beaucoup d'empathie. C'était le docteur (ou peut être pas docteur, Levi ne s'y connaissait pas trop là dedans) Samuel Almeida qui l'avait pris en charge.

Cet homme était un très bel homme dont on devinait qu'il ne venait pas d'ici rien qu'à son teint hâlé qui sentait bon le soleil, voir même le sable chaud. Et lorsqu'il parlait, d'une voix calme et douce, il y avait cet accent venu d'il ne savait où qui ajoutait comme une mélodie à tout ce qu'il disait, arrondissant les sons déjà glissant et roulant les « r » comme on aurait roucoulé ! En gros ? Un très bel homme qui avait bien su faire son job auprès de Martha et qui, Levi devait l'admettre, lui avait fait une très forte impression !

Levi ne croyait pas forcément au coup de foudre, sans doute parce qu'il ne l'avait jamais éprouvé. Mais il devait bien admettre que quelques papillons étaient nés dans le creux de son ventre à quelques reprises lorsque le bel homme avait posé ses yeux bruns sur lui, ne l'oubliant jamais pendant qu'il parlait en ne se consacrant que sur sa sœur. Et ça avait été agréable, forcément.

En sortant et en repassant par l'accueil, Martha avait regardé sa montre rapidement avant de lui expliqué qu'elle était attendu pour un rendez-vous pour son boulot. Martha confectionnait des gâteaux qu'elle vendait sur internet pour les anniversaires ou les grandes occasions. Ça lui réussissait bien et elle gagnait étonnamment plus d'argent que ce que Levi avait imaginé être possible ! Pas sûr, au final, que ce soit Arthur qui ramène le gros morceau de l'argent du foyer... !

Bref, il est sur le point de partir lui aussi, revissant sa casquette d'uniforme sur la tête lorsque du coin de l’œil il voit Almeida qui repasse et qui s'arrête près de dossiers au niveau de l'accueil. Levi a un sourire en le rejoignant, retirant sa casquette à nouveau, en signe de respect.

« Docteur ! »

Une dame de l'accueil glousse un peu... Et Levi comprend qu'il ne devait pas être docteur ! Alors avec une petite grimace embarrassée, il se renseigne :

« Comment on dit ? »

En tout cas :

« On vient de se voir pour Martha Adler. »

L'homme ne pouvait pas avoir déjà oublié hein ! Et parce que soudainement, Levi réalise quelque chose il a un petit éclat de rire avant de demander :

« Vous m'avez pris pour son mari je pense... ? »

Ils avaient le même nom. Et si seul Martha portait une alliance, il aurait pu ne pas en porter pour son travail ou une raison X ou Y. Mais de fait :

« Martha est ma sœur. Son mari est dans la marine. Il est souvent absent pour de longue période. »

C'est un peu là que lui-même remarque l'alliance à l'annulaire du beau médecin ! Levi avait vraiment le chic pour arriver après la bataille hein ! Il s'en maudit intérieurement. Il aurait dû mieux regarder pendant qu'ils étaient tous les trois. Lui qui avait prévu de tâter le terrain pour un café éventuel se retrouvait sans raison logique d'interrompre l'homme dans ce qu'il faisait !

« Je voulais... Vous remercier. Pour ma sœur. C'est son premier bébé. Elle est aussi excitée que terrifiée ! »

D'ailleurs, rieur :

« Vous ne la connaissez pas mais quand vous lui avez dit qu'elle devrait attendre le cinquième mois pour espérer avoir une idée du sexe de son bébé, j'ai cru qu'elle allait pleurer d'impatience ! »

« Samuel, ça me va. »

Moins protocolaire. Et Levi était plutôt du genre à apprécier ce genre de facilité lorsqu’il s’agissait de parler avec les gens.

« Moi c’est Levi. »

Histoire de les mettre sur un pied d’égalité. En tout cas, Samuel était plutôt modeste pour ne pas vouloir qu’on se réfère à lui par son titre. Notez que lui-même ne demandait pas à ce qu’on lui serve du « officier » en dehors de ses fonctions évidemment. Bref. Un rire amusé et sincère franchit les lèvres de Levi alors que Samuel réalise son interprétation erronée ! Il est mignon, avec ses grands yeux étonnés et désolés !

« Pas de problème. On en plaisantait avec Martha et Artur, son mari. Du fait que ça pouvait arriver je veux dire. »

Levi remercie d’un signe de la tête et d’un sourire ensuite. C’était une promesse qu’il avait faite -d’être présent- mais il l’aurait sûrement fait même sans ça. Bien sûr la mer manquait atrocement à Levi malgré la santé mentale -et la vie- qu’elle avait bien faillit lui prendre. Mais être sur la terre ferme pour tenir la main de Martha dans cette aventure si spéciale, c’était sans aucun prix.

Samuel plaisante à propos de l’empressement de Martha et sur un air faussement sérieux, Levi assure :

« Oula, ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! D’ici là elle peut changer 20 fois d’avis. »

Et réalisant :

« C’est un problème le tutoiement ? J’ai l’habitude en dehors de mon travail mais je réalise bien qu’on est dans le votre alors si c’est un problème, je comprendrais. Mais ce n’est pas un manque de respect dans tous les cas. »

Samuel a des explications pour lui ensuite. Levi s’en servirait sans doute pour sa sœur et pour gérer son impatience ou ses questions existentielles. Pour Artur aussi ! Il savait quand étaient les rendez-vous de Martha et Levi se doutait que chaque fois qu’il en aurait la possibilité, son beau-frère et ami passerait un appel pour avoir des nouvelles.

« Oui Martha est partie. Elle reste rarement en place. Je crois que sa plus grande hantise se soit d’avoir une de ces grossesses qui demandent de ne plus bouger du tout ! »

Et en même temps, bon gré-mal gré, Martha s’y tiendrait sans qu’on l’y force. Elle voulait ce bébé plus que tout au monde et était prête aux efforts et sacrifices nécessaires pour l’avoir. En tout cas Samuel l’invite le temps d’un café et alliance ou pas, Levi n’est pas assez idiot pour refuser ! Il acquiesce donc, emboîtant le pas de l’autre homme.

« Je peux me montrer indiscret ? Enfin de toute façon tu as évidemment le droit de ne pas répondre. »

Ceci étant dit :

« Tu parles un anglais remarquable mais pas du coin. »

L’accent écossais était épais, parfois mal compréhensible même pour les locaux ! L’anglais de Samuel était très clair lui. Et son accent n’était tout simplement pas anglais. Une langue hispanique ou quelque chose comme ça. Et c’était sans parler de son teint hâlé, comme des grains de sable roulé dans une feuille d’or qu’on aurait déposé sur sa peau… !

« Du coup, la question indiscrète : tu viens d’où exactement ? Ça fait longtemps que tu es à Edimbourg ? »