Aujourd’hui, Léo n’avait aucun client de prévu dans son shop de tatouage nommé « L’art de l’encre » (en Français, bien évidemment). Alors en ouvrant ce matin, il était allé s’acheter des pâtisseries à Grassmarket, mais cela ne remplaçait pas ses croissants qu’il pouvait s’acheter à Paris. Un jour, peut-être qu’il en remangerait d’aussi bon, qui sait ? Alors après avoir ouvert son shop, il se prit un café et mangea ses pâtisseries. Ensuite, il nettoya le petit commerce de fond en comble pour ensuite l’ouvrir au public vers dix heures du matin.

Enfin, après cela, il s’installa à la grande table entourée de pleins de chaises à laquelle il dessinait, et qui lui servait aussi d’accueil pour les clients. A côté il y avait un coin attente avec un canapé pour les dit clients aussi. Et derrière dans la plus grande pièce, son poste de travail avec sa table de tatouage. Alors il s’installa confortablement sur sa chaise à la grande table et il sorti ses carnets de croquis pour dessiner tranquillement, attendant que des clients se montrent.

Ce n’est que vers quatorze heures que le carillon de la porte se fit entendre. Il releva ses yeux vers la personne qui entrait. Une grande femme, élégante, au style un peu hippie sauvage, mais il aimait bien, c’était agréable à regarder. Alors il lui sourit, posa son crayon et se leva de sa chaise.

« Bonjour. », dit-il en Français.

Une petite manie signature qu’il avait gardé de la France. Il s’avança vers la jeune femme de sa haute stature.

« Je peux vous aider ? »

Cette fois, il avait parlé en anglais.

Léo sourit quand la demoiselle comprit qu’il avait dit bonjour en Français. Il gloussa doucement.

« En effet, je parle Français. J’ai fais mes études et une partie de ma vie, la meilleure, à Paris. »

C’est alors que la demoiselle passa littéralement dans cette langue, merveilleuse, pour lui parler. Heureusement qu’il savait dire autre chose que « Bonjour », haha. Un grand sourire illumina son visage, cela faisait bien des années qu’il n’avait pas eu de conversation dans cette langue, mais cela lui revint comme si c’était hier. De plus, son accent américain n’était pas visible quand il parlait Français. On aurait presque dit un natif, en même temps il avait eu les meilleurs professeurs. Il se mit à repenser à Uta, Glad’ et tout les autres… Que pendant un instant, une lueur de tristesse passa dans ses yeux. Il écouta avec attention la dame puis reprit la parole, le sourire toujours là.

« Viens t’asseoir à la table avec moi, je vais dessiner ton projet pendant que l’on discute. Je n’ai pas de clients aujourd’hui de prévu donc je peux même te tatouer aujourd’hui si tu veux. Euh… »

Il rougit.

« Pardon, j’ai l’habitude de tutoyer mes clients… »

Il s’assit à la grande table, montrant un siège à la demoiselle.

« Et oui, ton projet est totalement envisageable, ça va être magnifique. Mais dit moi… C’est ton premier tatouage ou pas ? Que je sache pour le moment du tatouage. Si c’est ton premier, le dos n’est pas forcément un très bon endroit pour, tu risque d’avoir assez mal surtout si je passe sur les os de la colonne. Mais ne t’inquiète pas, je tatouerais lentement pour que tu ne souffres pas trop. »

Il attrapa sa tablette dans un coin de la table et ouvrit le logiciel de dessin, prenant plusieurs photos sur ton téléphone pour commencer à dessiner le projet.

« Et du coup, pourquoi ce tatouage ? Je suis curieux. »

Cela faisait vraiment étrange à Léo de reparler une conversation entière en français. Cela le renvoyait des années en arrière. Mais pourquoi, il n’avait pas du tout perdu. Ni son vocabulaire, ni son accent français impeccable. Qu’il avait réussi à travailler grâce à Uta et Glad’.

« J’ai… J’ai fais des études d’écriture et de théologie, tout ça dans une petite fac’ dont j’ai complètement oublié le nom. Je faisais aussi mon apprentissage de tatouage en parallèle. »

Une lueur de tristesse traversa les prunelles de Léo. Cela lui coutait de parler de tout cela. Même si d’un côté, ça lui faisait du bien. Il se demanda ce qu’était devenu Gladiolus après son départ comme un voleur pour revenir aux USA, sa terre patrie. Aujourd’hui, le vieux biker et tatoueur devait être décédé. Et il espérait que Maxwell, l’oncle d’Uta, un véritable connard, le soit aussi. Il leur avait fait tant de mal…

Mais Léo retrouva vite ses esprits et son sourire quand la demoiselle lui dit qu’ils étaient frères et sœurs de ville. Cela lui plaisait bien. Car même si Edimbourg était paisible et qu’il s’y sentait bien, que l’Amérique était son pays de naissance, c’était en France qu’il se sentait chez lui. Malgré le drame qu’il avait vécu.

« Bien sûr ! Loin de moi l’envie de te brusquer, c’est juste que je le dis, au cas ou car certains clients aiment quand ça va vite. Bon bah au moins, on a le temps pour bien travailler sur ton projet ensemble. »

Il continua à dessiner tranquillement. Son cœur battant soudainement la chamade. Reparler de la France lui faisait du bien, mais en même temps le faisait souffrir. Cette page n’était toujours pas tournée. Le sera-t-elle un jour ?

« Oh ? Une universitaire ? Et un livre édité ! Félicitations ! Me concernant je travaille sur un premier roman que je vais sûrement faire auto-éditer. »

Mais alors la demoiselle lui expliqua un peu sa vie, stricte… Et il l’a comprenait un peu.

« Tu n’as pas à te justifier devant moi. Je te comprends parfaitement. J’ai mis des années à me prouver des choses importantes moi aussi. Pour invalider le jugement que des gens avaient de moi… »

Continuant de faire parcourir le stylet sur sa tablette, il dessina par réflexe à ce moment-là, ne regardant presque plus la tablette, signe de nombreuses années de pratique et de beaucoup d’expérience. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait des fleurs réalistes.

« J’ai vécu dans un petit appartement à Montmartre. Je suis resté en France pendant cinq années en tout. J’y ai fait mes études et je comptait m’y installé pour la vie, parce que pendant mes études… »

Il s’arrêta quelques secondes, le cœur battant de plus en plus vite.

« Là-bas… J’ai rencontré ma famille de cœur, après l’enfer de mon enfance aux Etats-Unis. J’ai réussi à me reconstruire à Paris… Aux côtés de l’amour de ma vie… Malheureusement… J’ai fuit Paris tel un voleur après un drame. Aujourd’hui, même si c’est là-bas que je me sens chez moi… Je pense être incapable d’y retourner. Et crois le ou non, c’est mon plus gros regret. »

Heureusement, sa voix n’avait pas flanchée. Il n’avait pas non plus les larmes aux yeux. Il repensait à Uta. Son démon qui était si aimant, si magnifique, si gentil et patient avec lui… Il lui manquait terriblement. Même après plus de dix ans de deuil. Pourrait-il un jour ravoir une relation sentimentale avec quelqu’un ? Il n’en était pas sûr… Finalement, il tourna sa tablette vers la jeune femme pour lui montrer son dessin. Il représentait une grande pivoine, les pétales grandes ouvertes, telle une offrande, dans des couleurs pastel très délicate.

« Qu’en penses-tu ? Je peux modifier selon tes envies. Au fait, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Léo. Léo Ponky. »

Léo sourit à sa cliente. Il se gratta l’arrière de la tête en réfléchissant.

« Hum… Ecriture, car j’ai toujours aimé écrire, en plus du dessin. Et théologie… Je sais pas. Je n’avais qu’une envie, c’était de devenir tatoueur, j’ai choisi cette matière un peu au hasard, sur un coup de tête. Genre ‘j’adore dessiner des démons, c’est l’occasion d’en apprendre plus sur eux’. »

Le tatoueur rougit un peu. C’était un raisonnement un peu simplet, mais en même temps, il ne se compliquait pas vraiment la vie étant jeune. Mais alors il gloussa.

« Oui excuse-moi. Je te l’ai proposé car je n’ai personne aujourd’hui et que certains clients sont… Très préssés, dirons nous. »

Son sourire s’élargit quand la demoiselle lui demanda de parler de son roman. Il repensa à Uta. C’était son inspiration pour ce roman d’ailleurs.

« C’est une romance homosexuelle, entre un démon et un humain. »

Uta l’avait inspiré pour le démon, car Uta avait été son démon, à lui. Rien qu’à lui. Il esquissa un sourire presque tendre à cette pensée. Puis revint à la réalité, souriant un peu plus franchement.

« Oui, ça va ressembler à ça. Par contre, je te préviens. Les tatouages quand ça cicatrise, ça gratte beaucoup. Alors interdiction de se gratter. Et j’espère que tu ne vis pas seule, car il faudra te passer de la crème dans le dos, et seule c’est pas une mince affaire, crois en mon expérience… J’ai une énorme pièce dans le dos aussi. »

Ses yeux pétillaient alors. Il aimait bien cette femme. Elle lui ressemblait un peu il trouvait.

« Enchanté Harper. C’est un plaisir de te connaître. N’hésite surtout pas à revenir me voir, même si ça n’a aucun rapport avec le tatouage, j’adore parler en français, ça faisait une éternité que j’avais pas pu discuter dans cette langue. Et je t’avoue que ça fait du bien. »

« Ouais, je pense ? J’ai appris pas mal de trucs intéressants pendant ces cours. Bon, des trucs qui ne me serviront que si j’écris un roman sur des démons… Ce que je suis en train de faire, tu me diras… Haha. »

Il se mit à glousser, se grattant l’arrière de la tête. Alors finalement, il se leva pour aller au comptoir de l’accueil, prendre une petite carte de visite. Retournant s’asseoir à sa table, près d’Harper, il lui tendit sa carte de visite.

« Tiens, ya mon numéro et mon email. Quand tu sera décidée, passe moi un mail ou un appel, et conviendra d’une date pour le rendez-vous. Par contre, je fais payer des arrhes à la prise du rendez-vous. A hauteur de 42 livres sterling. Ce qui équivaut à environ 50 euros. C’est pour ne pas avoir travailler sur le dessin, ni avoir réservé un créneau pour rien, si le jour J tu ne viens pas. Inutile de te dire que même si tu annule ou déplace le jour, ses arrhes ne te seront pas rendu et que si tu déplace le rendez-vous 48 heures avant la date, tu devras à nouveau me payer des arrhes. Question de sécurité. »

Finalement, il se perdit dans ses pensées quand Harper le questionna sur son roman. Un sourire tendre naquit sur son visage. Repensant à ce ‘démon’ à visage humain, son ex-compagnon, qui avait inspiré le démon pour son roman. Il soupira.

« Ah… Qu’est-ce qui déclenche des sentiments pour des êtres ennemis de nature ? Va savoir ? Le cœur à ses raisons, que la raison ignore… Ca sera un peu la surprise, tu vois ? Je ne vais pas tout dévoiler à une parfaite inconnue. »

Il gloussa, la titillant gentiment. Ecoutant Harper lui dire qu’elle ne vivait pas seule. C’était parfait alors, car un tatouage dans le dos, à faire les soins pour la cicatrisation, c’était l’endroit le plus chiant qui pouvait exister quand on vivait seul. Rien que pour se gratter bien au milieu du dos c’était mission impossible pour certaines personnes, alors se laver consciencieusement le dos puis passer de la crème cicatrisante toutes les quatre heures… C’était parfois compliqué. Il gloussa à nouveau quand elle lui demanda ce que signifiait un « énorme » tatouage pour lui. Alors, il se retourna sur sa chaise, pour qu’elle voit son dos. Et il souleva l’arrière de son haut, pour dévoiler son dos à lui. Sur tout son dos, plus aucune partie de peau « vierge » n’était visible. Son dos était totalement ancré. Son tatouage représentait Hugin et Munin, les corbeaux d’Odin, mais l’un était noir, l’autre était blanc, et dans une position qui rappelait alors le Yin et le Yang. Il gloussa.

« Bah… Enorme comme ça. Ta pièce sera grande, elle va prendre une grande partie de ton dos aussi, mais tu auras encore des parties de peau vierge visible. »

Après de longues secondes, il baissa à nouveau son haut pour recouvrir son dos. Puis, il se retourna pour à nouveau lui faire face. Avec un sourire radieux. Il était contant qu’elle le trouve sympathique et qu’elle veuille bien discuter à nouveau en français avec lui. Alors, à sa dernière demande, il l’a fixa de ses yeux verts.

« Habituellement, je ne le ferais pas, car imprimé un stencil coûte de l’argent, mais bon, je veux bien te faire cette faveur, parce que tu veux bien revenir discuter avec moi en français. »

Il lui fit un clin d’œil. Il pianota alors sur ta tablette pour enrigistrer le dessin et l’envoyer par mail sur son ordinateur. Puis, il attrapa son laptop pour l’ouvrir et envoyé le dessin sur l’imprimante pour imprimer une image en plusieurs fois, car c’était une grande pièce, en trait en noirs seulement. Puis, il se leva, récupéra les feuilles et s’attela à les transformer en stencils avec la machine à papier à stencil, qui ressemblait un peu à du papier carbone. Une fois tout les stencils prêt, il regarda Harper à nouveau.

« Tu viens ? On va passer dans mon espace de tatouage pour être plus tranquille. Je n’ai pas forcément envie de te mettre mal à l’aise en te disant de te dévêtir en plein milieu du shop. »

Il lui montra l’entrée de la pièce de tatouage, y entrant pour s’installer sur son tabouret, attendant que Harper le suive et qu’elle retire son haut pour qu’il lui pose le stencil.

Le tatoueur leva un sourcil d’étonnement vers Harper. La regardant avec incrédulité.

« Je crois que tu as mal comprit. Je n’ai pas étudié la théologie pour écrire des romans. A l’époque, j’ai choisit ce cours un peu au hasard, car j’aimais dessiner des démons. Il se trouve qu’aujourd’hui, ça va me servir pour mon roman, mais ça s’arrête là. »

Puis finalement, il lui sourit. Un sourire bien triste.

« Oh… Uta a bien mis… Seize heures à me faire ce tatouage dans mon dos. Ce motif… Fait un peu référence à ma vie, on va dire. C’est aussi en rapport avec mes croyances. »

Il resta en retrait à l’entrer de sa pièce de travail pour que Harper se déshabille tranquillement. Puis, il se retourna quand elle fut allongée sur la table. Il attrapa donc le stencil pour commencer à délicatement l’appliquer sur la peau du dos de la jeune femme. Puis, une fois bien en place, il le retira, comme un autocollant, tranquillement, cela n’accrochait pas et ne faisait pas mal.

« C’est bon, tu peux te lever et aller regarder dans le grand miroir. Je peux prendre ton dos en photo avec ton portable si tu ne vois pas bien. »