Je suis de très bonne humeur ce matin.
Que dis-je ?!
Je suis d’EXCELLENTE humeur ce matin !

J’ai dormi comme un loir. Une nuit complète et aucun mauvais rêve à l’horizon !
Je me suis réveillée fraîche comme une fleur (enfin, façon de parler – je suis quand même passée par la case douche histoire de) et voilà que je me surprends à sourire à mon reflet dans la salle de bain. Le miroir porte encore les traces de condensation et je sautille en direction de la fenêtre pour laisser l’air frais retapisser la pièce. Lorsque je reviens à mon mouton (tout beau tout joli qu’il est), c’est une brosse à dents à la main que je rends mon sourire encore plus étincelant. Avec mon essuie enroulé autour de ma folle crinière, je me sens toute prête à attaquer la journée.

Je ne me suis pas sentie aussi bien, aussi légère, aussi vivante depuis longtemps. Oh certes, il y a les jours où ça va. Où le train-train quotidien arrive à reprendre le lead. Où j’arriverais presque (presque) à oublier ce qui s’est passé l’année dernière. Mais aujourd’hui c’est différent. Aujourd’hui, c’est décidé, j’opte pour le proverbe : ceci est le premier jour du reste de ta life darling !.

Et ces paroles m’en inspirant d’autres, les mélodies affluent et se succèdent dans ma tête. Je chantonne dans ma tête tout en foutant du dentifrice partout. Ce qui me fait d’autant plus sourire. Ce qui, à son tour, manque de me faire cracher toute cette mousse blanche sur le visage qui me fait face. Autant éviter, je déteste nettoyer les miroirs. Ça laisse trop de traces quand on ne s’y applique qu’à moitié. Et vu le degré d’énergie que je me paie ce matin, disons que ça ne figure pas dans le top five de ma liste d’activités favorites (pas que ça y figure quand je suis d’humeur méga dépressive et six pieds sous terre hein).

Je me trimballe d’une pièce à l’autre, ramassant et déplaçant des affaires au gré de là où se pose mon regard. Des vêtements qui trainent. D’autres que je n’ai pas encore pris le temps de ranger. Des bricoles sur ma table de nuit. Un mouchoir qui a terminé sous le lit. Et sa voisine, la chaussette esseulée. Je suis certaine que sa petite sœur sera ravie de la retrouver ! Et un sauvetage héroïque, un !

Je passe par la case dressing également, hésitant encore sur quelle tenue enfiler. Je me suis tellement requinquée que l’idée d’un petit footing dans le parc vient même jusqu’à m’effleurer les neurones. Bon d’accord, ce ne serait tellement pas raisonnable. Mais qu’est-ce que ça peut me manquer !! Qu’est-ce que je peux en avoir marre de me trimballer en béquilles ! Même si ça vaut de loin la chaise roulante. Peut-on se sentir encore plus démunie ?!
Oui … probablement, mais vous voyez le topo.
Bref, à défaut d’une remise en forme en solitaire, je décide unanimement avec moi-même qu’aujourd’hui je sors toute nue !

Enfin … quand je parle de nudité, ça se reporte aux – je cite – dispositifs de marche. Pas de chaise à roulettes aujourd’hui. Pas de béquilles. Pas de canne. Rien de tout cela !
C’est bon, j’ai assez douillé. Il est grand temps que je me reprenne en main ! Je ne vais pas passer le reste de ma vie à trimballer ce fichu traumatisme dans mon sillage. Il est grand temps que je reprenne le taf. Et ça n’arrivera pas tant que je ne me secoue pas davantage (et, accessoirement, qu’on me laisse me secouer – mais ça c’est un autre problème à gérer, on s’en occupera quand il se présentera).

En parlant du loup, je quitte la chambre (toujours en sous-vêtements et avec ma choucroute d’essuie sur la tête) et traverse la pièce de vivre – toujours de mon air joyeux et insouciant.

Je passe ma tête dans la cuisine. Rien à signaler.
J’essaie l’option terrasse. Chou blanc également.
Ça ne laisse pas beaucoup de place aux alternatives.
Je ne me laisse pas démonter pour autant et garde mon sourire Colgate White sur la face tandis que je m’avance vers son bureau.

La porte est ouverte – ça c’est déjà un bon signe.
Then again, ça fait des mois qu’elle ne la ferme plus.
On ne sait jamais que je pourrais avoir besoin d’aide. C’est bon, c’est bon, j’ai voulu aller trop vite au départ et je me suis vautrée plusieurs fois. Pas de quoi en faire un plat. J’ai appris la leçon. (et surtout, j’ai arrêté de le faire quand elle était dans l’appart, mais chut)

Je penche la tête de côté et la passe doucement par l’entrebâillement de la porte.
Histoire de tâter la température avant de me ramasser un objet volant non-identifié (il faut dire qu’elle commence à vraiment bien viser) :

- « Bonjour ma petite fleur des bois. »

À première vue, aucune guerre nucléaire en vue.

- « Je vais faire les boutiques avec Aiz’ aujourd’hui. »

Sans béquilles, sans rien, comme une grande.
Et si je ne me plante pas une seule fois sans assistance, demain j’appelle mon agent pour un planning de réinsertion.

- « Je risque de rentrer tard. »

Sous-entendu à peine voilé : tu n’as pas besoin d’excuses pour faire des heures sup ce soir.
Chacune sa façon de se faire plaisir, n’est-ce pas.

Pas d’objet volant non-identifié en vue.
Même si je viens à coup sûr de la déranger dans quelque chose d’important, vu le look qu’elle jette à son téléphone portable avant de me calculer entièrement. Non pas qu’elle ne l’avait pas fait juste avant hein, ce serait un peu difficile vu le boucan que j’ai dû faire. C’est bien ma veine, j’ai encore réussi à oublier qu’elle bossait. Décidément, cette porte ouverte et moi, on ne peut pas vraiment parler d’une histoire d’amour.

Bon, après elle lâche son écran et me renvoie son magnifique sourire qui me fait fondre. Je me décolle du chambranle de la porte tandis qu’elle abandonne son travail en ma faveur. Je sens mon propre rictus redessiner tout mon portrait au fur et à mesure qu’elle s’approche de moi. Dans mon dedans je suis comme une petite fille devant son sapin la veille de Noël. (Non pas que je viens de comparer ma dulcinée à un conifère hein !)
Puis quand elle roule ses deux bras autour de mon cou, je me sens comme roucouler. Mes propres mains viennent se poser de chaque côté de ses hanches et je m’apprête à me noyer dans ses beaux yeux. Le temps pourrait s’arrêter là, tout de suite, maintenant – que je signe à deux mains et que je saute dedans les pieds joints.
Le bonheur à l’état pur existe.
En voici l’exemple par excellence.

Et même cette petite question à la mords-moi-l’nœud ne vient pas entacher ma bonne humeur. Je penche un peu la tête de côté en lui balançant mon regard de n’y-pense-même pas. Ça fait littéralement DES MOIS que j’évolue dans la centaine de mètres carrés de cet appartement. C’est bon, j’ai donné. J’ai besoin d’un peu de liberté. J’ai besoin de me sentir exister. Enfin, c’est un peu exagéré comme verbe, mais on se comprend.

Je ne réponds pas et me contente d’observer son observation. Parce que c’est exactement ce qu’elle fait. Même si ses bras sont toujours enroulés autour de moi, elle s’est reculée un peu pour mieux me regarder. Juger. Jauger. Sous-peser. Peu importe ce qui se trame dans sa jolie petite caboche, j’ai décidé de ne pas me prendre le chou. Puis, ce n’est pas chose déplaisante de se faire reluquer par sa petite amie. Fiancée même !
Elle n’est pas mal non plus d’ailleurs, vêtue d’un attirail aussi simple qu’une chemise et un jeans. Tenue qu’elle n’oserait JAMAIS porter en-dehors de cet huis clos. Motus et bouche cousue, je ne cafterai pas à ton boss ma chérie. Mais peut-être bien qu’il faudra envisager de me glisser un petit pot de vin pour sceller mes lèvres. À moins que tu aies une autre idée pour arriver au même résultat …

Mais voilà qu’elle attaque avec une nouvelle question. Dommage, on était pourtant en bonne voie question négociations. Ce n’est pas grave, j’en ai profité pour glisser mes propres mains sous son chemisier, histoire de toucher sa peau. De sentir sa chaleur me chatouiller le bout des doigts. Sans pousser plus en avant. Ce serait tricher voyons.

- « Je ne sais pas encore. Ça dépend de ce qu’on fera après le shopping. »

C’est la position idéale pour entamer une petite danse. Sauf que ça manque un peu de musique. Sauf que si je me mets à bouger seule et que Raichou ne suit pas le mouvement, je risque de me faire mal. Sauf que tous ces moments de délicieuse complicité sont toujours trop courts donc autant en profiter tant que ça dure.

- « Peut-être un cinéma en plein air. Ça dépend ce qu’il y a à l’affiche. »

Je sais que tu n’es pas du tout dans le mood de ces trucs qui me font chialer comme des madeleines. Je t’épargnerai donc de chercher une excuse toute trouvée pour décliner l’offre pour cette fois-ci. T’inquiète, je te cafterai la fin pour que tu n’aies pas à te taper le résumé sur le net.
Cette pensée m’amuse. D’où mon sourire qui ne déparait pas.

- « Au pire on finira sur le canapé avec une bonne bouteille. »

Les plateformes de streaming, ce n’est pas ça qui manque de nos jours. Même si on est d’accord de dire que cela ne trempe pas spécialement dans la légalité. Mais qu’est-ce qui l’est encore de nos jours, ma très chère madame l’avocate ?

Mon regard se fait plus vorace. Mes mains dans le bas de son dos plus fermes. J’ose même les glisser un peu plus bas, effleurant le haut de son jeans. Tâtant le terrain d’un peut-être-plus.

- « Un petit câlin maintenant vu que je risque de ne pas rentrer ce soir ? »

Le lit rose de Aizah n’est certes pas le truc le plus facile à escalader en étant pompette, mais ça vaut toujours mieux que de risquer de se faire renverser une deuxième fois – tu ne trouves pas ? Puis y’a le canapé-lit aussi. Et si même lui s’avère être trop hors de portée, je te prie de croire qu’elle a une moquette du feu de Zeus !
C’est presque aussi confortable que chez son frère.
Car lui il m’aurait porté jusque dans mon lit.
Du moins aurait-il essayé.
Haha.
Douce nostalgie quand tu nous tiens.