Sinking Past
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Youlia Kourotchkine
Youlia Kourotchkine
Don't ever call me "Little Flower"
https://sinking-past.forumactif.com/t2616-just-a-kind-of-matriochka
Pseudo : Nagel / Thibonosaure.
Avatar et crédit : Emily Browning - Nuit.
CW : Harcèlement sexuel - langage vulgaire - sexe - anorexie - consommation de médicaments - trafic d'êtres-humains.
Messages : 71
Somewhere there is something called « Art », and on an other land there are us | Ft. Axel Walking-emily-browning
Occupation : Professeure vacataire, chargée de TD à l'université en relations internationales - doctorante en sciences politiques.
Âge : 34 Quartier : Chambre étudiante dans une résidence située non loin de l'université d'Edimbourg.
Situation familiale : Célibataire ; se considère comme orpheline et fille unique. Elle a en réalité un frère aîné.
Date d'arrivée à Edimbourg : Une première fois en 2015 ; puis revient en 2021.
Don : Aucun. Est encore soumise au don de son ancienne meilleure amie, Adalynn Grey, qui fait que celle-ci peut connaître toutes les émotions de Youlia à toute heure du jour comme de la nuit.

Couleur : #9900ff

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Dim 26 Nov - 20:03
SOMEWHERE THERE IS SOMETHING CALLED « ART », AND ON AN OTHER LAND THERE ARE US
   Quand elle a besoin de souffler, Youlia sort ; quelques fois. Quelques fois seulement car, en règle générale, même lorsqu'elle étouffe, elle se débat, cherche sans espoir d'en trouver de l'oxygène et se noie dans le marasme qu'elle a elle-même généré. Il arrive fréquemment qu'à bout de forces elle s'endorme parmi les copies d'élèves, les thèses imprimées des chercheurs sur lesquels elle travaille, contre le clavier de son vieil ordinateur qui vrombit et émet une chaleur mauvaise contre sa joue appuyée et collée au plastique. Lexie le lui reproche, souvent. Elle est, pour elle, son dernier contact avec la médecine moderne et celle qui l'incite à lâcher du lest quand l'université l'aspire et ne la recrache qu'une fois totalement asséchée, vidée.

Ses hobbies, avec le temps, se sont grandement restreints. Autrefois, elle se passionnait pour la musique, les langues, la littérature, elle aimait courir, faire du volleyball (cette année, elle avait bien racheté une licence pour s'entraîner parmi les filles qu'elle avait autrefois côtoyée mais elle était désormais reléguée au rang de simple remplaçante derrière la passeuse titulaire de l'équipe, une certaine Amber McGinn). Aujourd'hui, la russe n'en avait plus que pour ses études et sa réussite professionnelle. Elle n'avait plus de tramplin et devait se hisser à la seule force de ses bras au sommet de la montagne qu'elle tentait de gravir depuis des années maintenant. Fut un temps, illusionnée par son ignorance au sujet des pratiques de son frère, elle s'était vu offrir un deltaplane immense pour planer au-dessus du sol, flirter avec les plus grands rapaces et tutoyer les plus beaux nuages. Désormais, alpiniste amateure, elle tentait de dominer l'Himalaya sans même avoir pu s'acheter un grappin ou des harnais. Futile ambition, diront certains. Dorcas Oliveira la première, cette connasse biberonnée à l'argent de son père. Elle pouvait bien dire ça au final : ses études, elle se les était faites payer par les billets couleur sang de son grand-frère ...

Ce soir, les études, elle en avait assez. Elle avait, sur un coup de tête, quitté sa chambre en attrapant au passage un vieux manteau rembourrée en fourrure grise qu'elle avait ceinturé à son petit corps qui semblait dès lors avoir pris en volume grâce à cette enveloppe de poils. Emmitouflée dans celui-ci, elle avait passé une écharpe noire éclaircie de quelques liserés multicolores autour de son cou et mis des gants à ses mains si froides qu'elles avaient prises une teinte bleutée en sortant de la résidence étudiante. S'aventurant dans les rues de la Vieille Fumeuse, la soviétique regarda chacune des devantures qui semblaient presque s'illuminer à son passage afin de révéler à elle les richesses qu'elles renfermaient comme de viles tentatrices qui, partisanes du consumérisme américain, poussaient la jeune fille aux bourses déjà bien trouées à profiter des dernières promotions du Black Friday. Sainte époque où le bloc Est les protégeait des vilénies d'outre-Atlantique ; désormais révolue.

Ne sachant pas vraiment quoi faire, elle se laissa porter par ses pieds jusqu'au quartier de Royal Mile où, devant le Scottish Storytelling Centre s’agglutinaient les masses. Visiblement, c'était soir de spectacle. La petite brune s'approcha, serrant contre elle la fourrure de son manteau et, sans grand espoir, s'attendant à y lire « SOLD OUT », elle jeta un oeil sur l'affiche. Étonnamment, il y avait encore quelques places. A moins que l'ouvreur n'ait oublié de changer les disponibilités ; cela l'étonnerait grandement. Voilà ce dont elle avait besoin pour se changer les idées : une pièce ! Avec le tarif étudiant, elle n'aurait pas à débourser énormément et pourrait profiter d'une petite soirée détente, loin des manuels monotones et des copies griffonnées de rouge des étudiants de licence 1 venus ici pour toucher les bourses le temps de se trouver une véritable vocation. Sans même s'en apercevoir, la petite demoiselle avait fini par se faufiler dans la queue et se retrouva bien vite propulsée devant l'un des employés du théâtre. Étirant ses pulpeuses en un doux sourire, Youlia demanda :

« Une place pour le spectacle de ce soir. » Elle n'avait même pas pris la peine de se renseigner sur ce qu'elle allait voir. « Euh, tarif étudiant. » Rectifia t-elle très vite en le voyant déjà composer le tarif maximum. Il s'étonna, leva un sourcil et regarda la carte nominative illustrée par une petite photo d'identité de la demoiselle qui glissa jusqu'à lui.

Profitant de son visage rond de petit ange couleur craie, Youlia ne faisait pas du tout ses trente trois bougies. Il était rare, aujourd'hui, de rencontrer beaucoup de trentenaires à la faculté. Ou du moins de trentenaires simplement étudiants qui profitaient encore des réductions. Nombre d'entre eux venaient assister à quelques cours magistraux, souhaitaient valider des semestres mais avait encore un travail d'à point à côté qui leur permettait de ne pas mendier auprès des commerçants. D'autres, cependant, se donnant l'air de jeunes enfants bohèmes, n'avaient aucune honte à le faire. Fréquemment lorsque la personne à qui ils s'adressaient était une jolie minette ; c'était un moyen d'avoir l'air encore assez jeune et de lui promettre de façon sous-jacente une nuit du tonnerre. En revanche, lorsque le vendeur ou la vendeuse était plus mûr(e), afin de ne pas se donner de faux airs d'adulte candide, ils dégainaient simplement la carte bleue et prenait leurs grands airs. Youlia elle, n'avait pas le choix de la duplicité. C'était la fin de mois et, après avoir payé son loyer et ses petites courses, elle était déjà bientôt à découvert.

Dans la file d'attente, une fois le billet obtenu, 'Lia voyait tout autour d'elle se densifier la faune de la petite bourgeoisie écossaise. Des dames à lunettes vêtues d'étoffes qui gloussaient ou piaillaient, selon les situations ; des vieux hommes aux cheveux gominés, moustaches brossées et cirées, portant des costumes aux couleurs osées : vert kaki, rouge bordeaux, jaune citron pour un des plus audacieux ; des bobos aux looks affriolants : partie de tête rasée, barbe hirsute et tatouages criards, association perturbante de vêtements : débardeur et écharpe, pull-over et short. Les conversations mondaines tournaient nécessairement autour du sujet de ce soir ; une représentation d'un auteur contemporain questionnant notre rapport avec l'écologie sur fond de drame personnel. Ouf, au moins ça racontait quelque chose de compréhensible ... Youlia avait mauvais souvenir de quelques après-séances où elle était sortie de la salle sans avoir rien compris : un homme était venu seul sur scène, nu, sur un monocycle et avait chié un œuf pendant dix longues minutes en récitant des poèmes en arabe. Une vieille veuve, qu'elle connaissait de l'université, l'avait invitée à discuter avec quelques amies.

« C'est une dénonciation de la guerre au Kosovo.
- Quel génie ! Quelle justesse ! »

Alors ce soir, s'il n'est question que d'écologie et pas de guerre au Kosovo où on pond des oeufs arabes, il n'y aura aucun problème pour elle. Même si elle essayait de s'y intéresser, elle n'avait jamais rien compris aux grands concepts de l'art contemporain. En peinture, en sculpture, en littérature. Jamais rien. Lors d'une exposition qui s'était tenue ici il y a quelques années, un artiste avait créé une sculpture de lui avec ses propres déjections qu'il avait congelées et avait intitulé cette œuvre « Merde Humaine », une femme avait été ému aux larmes. L'année suivante, il avait fait un monochrome de brun et avait titré sa toile « Humanité de merde », comme pour faire entrer en résonance les deux œuvres. 'Lia avait trouvé cela vulgaire et inintéressant mais les critiques avaient célébré cela et de nombreux articles, à la faculté, avaient rendu hommage au scatophile érigé au rang d'artiste.

Une fois installée, Youlia se trouve au troisième rang. Elle s'installe sur un de ces sièges mauves des plus confortables dans lequel elle se prélasse déjà un peu sans ôter sa veste chaude qui lui sert de petite couverture. Autour d'elle, un couple de retraités et un étudiant qui, lui semble t-il, doit étudier l'anthropologie à l'université. Elle reste seule dans son coin, mutique, et attend que les ténèbres se fassent sous les premiers « chut » d'un public qui se veut attentif et sérieux. Les voix se meurent, un faisceau de lumière tranche la nuit dans les travées du théâtre et révèle le comédien sur scène. La pièce se fait, sans mot dire côté public ; les comédiens se retirent, c'est l'explosion, l'on applaudit de toute part, Youlia aussi, debout, un sourire aux lèvres. Comme quoi, quand ça ne parle ni de caca ni de Kosovo ...

Par trois fois, les comédiens sont rappelés par une salle visiblement conquise. Peu à peu, les mains arrêtent de se rencontrer frénétiquement, l'énergie se dissipe et chacun rentre tranquillement chez soi. Le couple prend du temps pour sortir. Le mari est patraque ; lui a dormi visiblement. Youlia ne leur en tient pas rigueur, elle sourit simplement, attend qu'ils sortent, les suit et finit par retrouver le froid du pays britannique qui lui picore douloureusement les lèvres. Avant de repartir, pour se réchauffer, et parce qu'elle a tenu deux heures sans, elle sort de sa poche une cigarette et la fait se poser au bord de sa bouche déjà gelée. La première taffe la fait renaître. C'est un phénix qu'elle sent se glisser dans sa bouche ; un charognard qui se pose dans ses poumons. Le trait de nicotine s'évapore vite. Elle regarde le ciel et constate à la seule lueur des étoiles qu'il est déjà passé vingt heures. Demain, elle doit faire le point avec Walton sur ses lectures du moment et cela l'ennuie déjà. Sans doute va t-elle y passer la nuit, à relire les pénibles écrits des derniers chercheurs en vogue ou les articles polémiques des journalistes racistes qui condamnent fermement son pays et tous ses habitants.

Elle serre ses bras contre elle, noue davantage son manteau autour de son corps gracile et remarque une ombre à côté d'elle. Elle plisse les yeux. Cet homme lui est familier ... Ne serait-ce pas l'acteur de tout à l'heure, celui qui a ouvert la pièce et l'a conclu ? De là où elle était, elle percevait assez bien chacun de ses traits et cela la surprendrait si ce n'était pas lui. Visiblement, il avait besoin d'extérioriser après sa performance.

« Vous voulez une cigarette ? » Demanda la petite brune qui crachait un peu de fumée ; difficile à dire si celle-ci résultait de la clope ou de la faible température. « Ce serait une façon de vous remercier pour le spectacle. » Elle sourit. « Parce que c'était très bien. »

Non seulement ça avait été distrayant, mais ça lui avait aussi et surtout permis d'oublier l'espace de deux petites heures toutes les galères qu'elle se trainait en ce moment. Quelque part, ce spectacle lui avait été salvateur ... Une cigarette, ce n'était alors pas cher payé pour le remercier.
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