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On the rocks | Ft. Yadriel. Empty On the rocks | Ft. Yadriel.

Ven 21 Avr - 13:28
ON THE ROCKS
    La tête lourde, débordante encore des cliquetis métalliques et du raffut des gargantuesques machines se déplaçant au-dessus de lui en disposant machinalement des charges en équilibre sur les quais de Leith, Menno était ravi de s'arracher du crâne son horrible casque orange. Voilà maintenant six mois qu'il s'était installé en terre d'Alba, loin des siens, n'ayant comme contact que sa jeune soeur Nadia qu'il voyait néanmoins assez peu du fait de ses études. Et depuis six mois, c'était toujours le même rituel. D'un sourire faux, il saluait les chaleureux ouvriers déjà enivrés de quelques liqueurs et trottinant joyeusement jusqu'à la sortie des hangars, récupérait son sac qui descendait jusqu'à la chute de ses reins et sortit à pieds en saluant le vigile à demi-sommeillant. Un regard lancé sur l'azur assombri, seul territoire duquel il se sentait encore l'habitant privilégié en ces terres inconnues, Menno repensait aux embruns rotterdamiens, aux grands navires sombres déchirant la brume au matin. En vérité, il n'avait pas réellement le mal du pays, quoique son attitude puisse laisser penser, il se sentait surtout étranger en tout lieu. Depuis que son seul phare s'était éteint et avait cessé de le guider dans les méandres de la vie, il se pensait radeau en lambeaux chahuté par les flots et jetant l'ancre aveuglément en des récifs étranges. Seuls les fredons nouveaux, récupérés comme une malédiction des mers, lesquels tourmentaient son oreille mais aussi son coeur lui servaient de vigies et le faisait progresser, malgré lui, à travers l'écume des malheurs.

Comme il en avait désormais coutume, plutôt que de rentrer dans son appartement d'Old Town, le chevelu mit le cap sur un bar de Leith, situé en périphérie du port de plaisance. C'était un endroit creusé dans la rue, tout en longueur, un petit trou de hobbit, tout de bois conçu, qui s'allongeait entre les murs de la rue, brisant la façade harmonieuse des ténèbres profondes pour venir y loger un flocon de lumière. Même si l'endroit ne reluisait pas de lueurs multicolores et ne se distinguait pas par le tohu-bohu de ses particuliers, il y avait quelque chose de réconfortant qui se dégageait tout de même du domaine. En vérité néanmoins, No' ne se servait de l'endroit que comme d'un sas de décompression, lui permettant de passer de la cacophonie assourdissante des ports au morne silence de son loft. Il n'avait jamais été trop friand des tavernes mais, après tout, se disait-il en s'appuyant sur les visions stéréotypées qu'il connaissait des terres d'Albion, boire c'était déjà en partie s'intégrer. Aux Pays-Bas, les britanniques n'étaient vus que comme des ogres imbibés d'alcools divers ; des corps débiles et instables ne jurant que par leur Reine-Mère et leur équipe de football favori. Un portrait bien différent de celui qui se faisait des dandies amateurs de thé que furent autrefois leurs ancêtres, dans l'imaginaire collectif. Plus précisément même, puisqu'il était ici question d'Ecosse et non pas de l'Angleterre, le pays ayant tendance à étaler son ombre sur l'ensemble du territoire des Royaumes-Unis, au détriment des autres populations, on reprenait ce même cliché en y ajoutant le détail du kilt et des bijoux de famille dansant à l'air libre. Pour le moment en tout cas, le néerlandais n'avait pas encore eu droit - fort heureusement - à pareil spectacle depuis son arrivée.

Installé, comme chaque soir de semaine, au fond de la salle, par delà la lumière vacillante qui éclairait à la manière d'une auréole principalement le comptoir où Menno avait cru reconnaître les mêmes habitués depuis quelques temps désormais, il se contentait de lever la main, accompagné parfois d'une simple apostrophe à l'intention du gérant, afin d'être resservi. Sur sa table bringuebalante qu'il s'efforçait de tenir en lieu et place, il n'y avait qu'un simple verre. Celui-ci, petit bijou d'orfèvrerie, était un petit bloc de cristal creusé et dans lequel bataillaient trois énormes glaçons rongés par la boisson déjà consommée mais dont quelques gouttes d'or perlaient encore la surface érodée des morceaux de glace. Le gérant cependant ne semblait pas encore véritablement enclin à répondre à ses demandes puisque des problèmes plus importants semblaient le concerner davantage. Dans les oreilles du hollandais commençaient à monter crescendo les tambours et autres percussions, souvent synonymes de colère, ou alors d'agacement à en croire le tempo et le timbre de voix qui se faisait entendre en fond. Relevant ses yeux de son téléphone, comme dérangé par les mugissements valkyriesques qui faisaient presque trembler tout son corps, il constata que la télévision suspendue au plafond et donnant une vue globale à tous les consommateurs grésillait et avait alors attiré l'attention de tous.
Yadriel Rivera
Yadriel Rivera
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On the rocks | Ft. Yadriel. Empty Re: On the rocks | Ft. Yadriel.

Ven 28 Avr - 4:01
On the rocks
Peu importe s'il aime le sport ou non, les mouvements à l'écran attire le regard du barman. Entre chaque commande, il se retrouve fixé à l'image, impatient de découvrir comment se terminera l'action. De temps en temps, les arrêts de jeu lui rappellent qu'il a des choses plus intéressantes que ça à faire. Il sèche les verres et les garde à portée de main pour les réutiliser à la prochaine commande. C'est l'avantage des soirs de match : les stocks de boissons réduisent vite. Les clients boivent parce qu'ils sont excités par le dernier but ou pour oublier la mauvaise passe de leur joueur préféré. On frappe les tables pour encourager, créant des petits tsunamis de bière qui viennent faire gondoler les dessous de verre. Les plus alcoolisés entament des chants de supporters, repris parmi les moins timides. On en oublie de manger les fish and chips qui refroidissent et embaument la pièce. Il faudra attendre la fin du service pour que Yadriel redécouvre la notion de tranquillité et ses oreilles siffleront encore au moment de dormir.

— Yaaaad !

La main calleuse d'un des habitués désigne l'écran figé de la télévision. Les voix s'élèvent dans une longue lamentation, suivie d'un bref silence alors que le match reprend. Un espoir bref, le sport étant remplacé par de la neige une seconde plus tard. Quelques regards se décollent du mur pour se tourner vers le barman, le suppliant de faire quelque chose, n'importe quoi. Tu peux pas nous faire ça ! On va louper l'égalisation ! C'est peut-être juste débranché, tu veux que je regarde ? Yadriel n'écoute personne en particulier. Il sait que la vieille télévision fait parfois des siennes, il espérait pouvoir la maintenir en vie jusqu'à l'été. Armé d'un tabouret subtilisé au vieux Tom, il s'approche et escalade. Il débranche et rebranche, bouge en priant de vaincre un potentiel faux contact. Il entrecoupe ses tentatives de "et là ?" auxquels dix ou quinze voix répondent à leur façon. La tension flotte dans l'air. Tous les espoirs reposent sur les épaules du joueur mexico-écossais. Ce dernier échoue à transformer l'essaie, il redescend avec un air désolé. On se regarde, interloqué, stoppé net dans son élan. On fait quoi ? Y'a de la place au Teuchters ? Et le Malt, il diffuse le match ? Est-ce qu'on peut attendre la fin du match pour revenir régler ? T'es le meilleur, Yadriel. On te revaudra ça.

On se dépêche. On récupère sa veste, on vide sa pinte et on sort. On en profite pour allumer une cigarette et commenter le score. On avoue ce sur quoi qu'on a parié et combien. Petit à petit, la discussion s'éloigne. Il ne reste que le vieux Tom, une jambe prête à partir, l'autre encore sur son tabouret récupéré. Il se débat avec sa manche de veste. L'alcool dans son sang est un obstacle. Il parvient à se mettre debout, sa pinte encore mousseuse en main.

— Je te ramène le verre tout à l'heure !

Yadriel n'a pas l'énergie de protester. Il connait l'entêtement de son client, rien ne sortira de cette conversation. Il fait un petit "bon débarras" de la main. Son regard se pose sur les tables trempées, collantes et encombrées. Il reste quelques personnes, mais très peu. Une silhouette avachie au bout du comptoir et le grand type aux cheveux noirs qui vient souvent mais sociabilise peu. Yadriel l'a oublié. Le barman récupère quelques verres vides, éponge deux tables, et s'approche de l'homme au fond de la salle avec un sourire désolé. Il tient sur son plateau un nouveau verre et un petit shooter de tequila.

— Pour le dérangement.

Il lance, alors qu'il dépose les deux boissons devant l'homme. Yadriel ne s'est pas encore fait d'avis sur lui. Il n'a jamais embêté personne, paye ce qu'il consomme et ne s'étale pas au milieu du passage en partant. Il est l'enfant sage de la classe, celui qu'on ne remarque pas, car les autres nous demandent toute notre attention. Le barman aime les piliers de bar qui oublient la politesse autant que les discrets du fond de la salle ; chaque personne réveille sa curiosité. Les limites de la technologie offrent enfin à Yadriel et à l'homme une occasion de faire connaissance, c'est comme ça qu'il décide de le voir plutôt que se lamenter sur le chiffre d'affaires qu'il ne fera pas aujourd'hui.

— De la place s'est libérée au comptoir, si vous voulez de la compagnie.

Il désigne les tabourets vides du menton. Le barman n'est jamais contre un partenaire de discussion, mais il n'aime pas forcer la main des taciturnes. Il attrape les verres et chopes vides des tables adjacentes et les ramène avec lui derrière le bar.

@Menno de Pruys







malgré une infinité
de trajectoires possibles

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On the rocks | Ft. Yadriel. Empty Re: On the rocks | Ft. Yadriel.

Ven 28 Avr - 17:11
ON THE ROCKS
    Bien que provenant du pays des Johan Cruyff, Clarence Seedorf et autres Ruud Gullit, ‘No n’avait jamais été particulièrement intéressé par le parcours des Oranje en coupes internationales, ni même par le beau jeu prôné par l’Ajax voire même les exploits du Feyenoord, pourtant club historique de sa ville natale ; le football anglais ne l’enthousiasmait pas plus en dépit du légendaire hollandais volant qui avait tantôt déposé valises dans la banlieue nord de Londres pour finalement aller conquérir les sommets sous les ordres d’un Sir, écossais de naissance, Alex Fergusson, véritable idole dans toute les îles Britanniques.

Il avait eu vent, néanmoins, de l’enthousiasme de ces insulaires pour le ballon rond et avait, comme chacun, ces images des supporters ivres mais joyeux, le nez rouge, la mousse au bord des choppes, chantant à l’unisson, dans un anglais qui lui était étranger tant les litres de bière noyaient les mots dans chaque gorge, des hymnes tantôt glorieuses pour les leurs, tantôt insultantes envers les adversaires. Ce pub, véritable lieu-témoin pour tout observateur de ces phénomènes sociaux, ne faisait pas exception. Il ne fut donc pas étonnant qu’aux premiers grésillements de la télévision vétuste, des cris s’élèvent. Le chevelu, dès lors que la neige se mit à recouvrir l’image, comprit qu’il n’allait pas être servi de suite. Et comment en vouloir au propriétaire, derrière son comptoir ? Il était bien celui qui était à plaindre, ce soir. Menno n’aimerait pas se retrouver dans sa position, hélé avec véhémence par une cohue de fanatiques qui, potentiellement, ratait l’égalisation de leurs hommes en chaussettes hautes.

Dans son coin, tapis dans l’ombre, venant tout juste de s’avancer sur sa table poisseuse et branlante, le néerlandais se surprit à prêter intérêt au combat de l’homme contre la machine. Quelque part, il se trouvait bien plus happé par les cris mécaniques de l’écran en pleine avalanche que par les courses chaloupées de l’ailier en vogue, côté Rangers.

Visiblement, néanmoins, les corps saouls ne partageait pas son admiration et, l’un, peut-être un peu moins cuvé que les autres, émit l’idée de déserter la taverne pour se ruer vers une autre où la télévision ne déclinerait pas. L’effet de groupe se fit, on le déclara général, même héros, et les troupes levèrent bien vite leurs quartiers, allant jusqu’à embarquer leurs consommations pour alimenter la concurrence de leur insatiable soif en échange de quelques images sur une pelouse où s’agitaient vingt-deux individus autour d’une balle. En quelques secondes seulement, on perçut les décorations aux murs bruns du boui-boui écossais, désormais déserté par tous, à l’exception d’une carcasse imbibée de liqueurs diverses qui peinaient à enfiler la manche de son blouson. Naturellement, l’attention du hollandais se dirigea vers lui et il le regarda, pathétique, quitter au mieux les lieux en vacillant mais faisant preuve d’un équilibre exemplaire au vu de son état.

Désormais seuls, on entendit presque le bois se faire, craquer légèrement à l’oreille, le vent s’engouffrer et battre les chaises agités par les présences fantômes des déserteurs qui tanguaient çà-et-là, mal remises sous les tables. Enfin, même s’il ne l’avait pas souhaité ainsi, on apporta à Menno son verre, avec un rab pour, dit-il, « le dérangement ».

« Ça ne m’a pas dérangé, ne vous en faites pas. Je ne mourrais pas de soif … Et puis, je ne vais pas me permettre, enfin vous .. »


Il s’arrêta. C’était peut-être assez malvenu de lui faire remarquer que son incident technique lui avait fait perdre en un claquement de doigts toute sa clientèle et qu’il allait sans doute faire une soirée en deçà de ses attentes. Il regarda son verre, désormais rempli, dans lequel les deux glaçons luttaient l’un contre l’autre pour savoir lequel poserait pied au fond et lequel se hisserait sur la tête de l’autre. Il jaugea ensuite le petit-frère, simple shot offert pour le dérangement et plissa sa lèvre inférieure contre sa jumelle.

L’interruption des programmes permit ensuite un « miracle ». N’étant plus que deux dans le bar, il sembla risible au barman de s’interdire une conversation avec celui qui était désormais un privilégié de l’ombre et il l’invita à le rejoindre, au comptoir. Refuser serait particulièrement mal poli et le ferait sans nul doute paraître pour quelqu’un de désagréable. Loin de lui l’envie de dresser pareil portrait de sa personne, et aussi parce qu’il n’avait jamais appris à dire « non » à une personne extérieure à son cercle d’amis, il bondit presque de son siège et se mit en chemin, les deux verres en mains. Droit comme un piqué, il regagna alors le coin privilégié des vieux soûlards qui donnaient l’impression à Menno, parfois, d’être plus anciens ici que le propriétaire. Chaque soir, c’était les mêmes visages rembrunis qui se tassaient là, leurs culs fusionnant avec le grenat des sièges, leurs coudes plantés dans le bois du comptoir devenaient des voûtes qui portaient leurs lourdes têtes ravagées par la boisson. Il se sentait, aujourd’hui, comme devenu seigneur en terres d’Écosse.

« C’est gentil. »

Murmura t-il alors, presque timidement. Vissé au siège, il ne pensa que trop tard qu’il avait pu y avoir, peut-être, les restes digestifs d’un client juste sous ses pieds. Il vérifia alors, ne vit rien d’autre qu’une petite tâche brune collante ; sans doute une lampée de bière qui avait préféré éclabousser le sol plutôt que de glisser dans le gosier d’un habitué.

Son regard, de façon alternative, oscilla ensuite entre la télé enneigée et le visage du tavernier. Une longue mèche noire barrait une partie de son visage, certainement tombée après qu’il se soit perché sur son tabouret pour sauver la retransmission télévisée, mais l’on percevait tout de même un visage ovale, assez doux, décorée d’une barbe bien taillée, loin d’être hirsute, surtout accentuée par une moustache tombante qui surlignait parfaitement ses lèvres. Il n’avait pas l’air d’être un mauvais bougre.

« Je suis désolé pour votre télé. Vous avez le numéro d’un réparateur ? »

Il demandait surtout cela par politesse. En réalité, il n’en connaissait pas et ne pourrait donc absolument pas le conseiller, si jamais il en avait besoin.

« Je … Je m’y connais pas trop en télévisions. » Dit-il alors en se redressant légèrement de son tabouret, posant malencontreusement sa semelle sur la tâche, faisant alors couiner sa chaussure lorsqu’il tenta de la soulever du sol. « Mais en arrivant ici, j’ai fait tous les branchements de la mienne, ma sœur s’y connaissait encore moins que moi, et puis, je trouve bizarrement vos prises plus instinctives que les nôtres, aux Pays-Bas, alors peut-être que … »

Comme habituellement, il se lança dans une tirade harassante et maladroite, comme un comédien d’improvisation particulièrement mal à l’aise qui lançait un début de réplique plus ou moins assuré avant que les mots ne cascadent dans un désordre des plus gênants. Maintenant qu’il était debout, les paumes ouvertes comme s’il se montrait désarmé et prêt à attaquer la bête, il afficha un sourire forcé en serrant ses lèvres l’une contre l’autre, et renonça, se laissant retomber mollement sur son siège.

« Non, oubliez … Je risque de faire sauter votre assurance. Désolé. »
Yadriel Rivera
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Jeu 4 Mai - 4:38
On the rocks
Le Lighthouse change d'ambiance en une fraction de seconde. Les chants de supporteur meurent dans les gorges sèches et les tabourets se lamentent d'un grincement lorsqu'on les abandonne. La température semble baisser d'un coup, quand les corps imbibés passent les portes. Les voix les atteignent encore depuis l'extérieur, mais ce n'est pas comparable avec le niveau sonore qui régnait jusqu'à maintenant. Il y a de nombreuses traces du passage du troupeau de soulards à poils longs, actuellement en pleine migration en direction les bars plus à Nord. Des bonnets et des écharpes aux couleurs de l'équipe locale ont été oubliés. Des verres ont encore la trace chaude d'une paume. Au milieu de tout ça, trois survivants. Ou plutôt, deux et demi. La silhouette à moitié allongée sur le bar ne compte plus vraiment.

Au fond, ceux qui sont capables de tenir debout sans vaciller parlent. Yadriel s'amuse de l'inquiétude de son client. Ce n'est pas une soirée avortée qui va lui faire mettre la clef sous la porte. Ses habitués culpabiliseront d'avoir abandonné le navire aussi rapidement et consommeront deux fois plus demain. Le Ligthouse a connu de pires tempêtes. Ce n'est pas un minuscule verre gratuit de tequila qui le fera couler. Yadriel invite plutôt l'homme à venir discuter au comptoir, au lieu de se tapir dans le fond. Ça serait étrange d'y rester alors que la salle est vide, mais ça, ce n'est que l'avis du barman. Il sourit face à la quasi-timidité du brun qui n'a pas la carrure pour ce trait de personnalité. C'est Yadriel qui devrait se sentir petit, parce qu'il l'est, objectivement. Mais les années à fréquenter la population de Leith lui a appris que ce sont des chihuahuas et non pas des terreneuves dont il faut se méfier.

Alors qu'il se sent détaillé du regard, il serre un second verre de tequila, cette fois pour lui-même. Peut-être que la compagnie encouragera l'homme à boire. Avant qu'il n'ait le temps de projeter l'alcool au fond de sa gorge, on lui revient sur le sujet de la télé et ses yeux montent sur l'appareil fixé au mur comme s'il avait oublié sa présence.

— Non. Je demanderais à un de mes gars de regarder, ils sont plus doués que moi avec ça.

C'est de cette façon que les choses fonctionnent, ici. Sawyer ou Nash regardera. On évitera à Violette la peine de grimper sur un tabouret bancal dans son état. S'il n'y a rien à faire, un habitué parlera du vieil écran qui moisit dans sa cave depuis son déménagement et proposera de le ramener prochainement. C'est comme ça que Yadriel a eu cette télé-ci et elle a remplie sa mission pendant de longues années. L'autre homme comprend vite les coutumes locales. Après une tirade plus longue que nécessaire sur les câbles de l'appartement de sa sœur — de laquelle Yadriel ne retient que le pays d'origine de son nouveau client — il propose son aide. Puis la rétracte. Le rire franc de Yadriel s'échappe et remplit la salle pratiquement vide. Finalement, le Néerlandais a encore des choses à apprendre avant de devenir un habitué de ce bar.

— Si vous voulez essayer, vous pouvez. J'attends rien de l'assurance et vous aurez forcément plus de chance que moi. Mais même si vous réussissez, ça ne fera revenir personne.

Les clients sont partis s'installer ailleurs. Il en faudrait beaucoup pour les convaincre de faire le trajet dans le sens inverse et Yadriel n'est pas sûr d'avoir autant d'énergie à mettre, alors d'un geste de la main Yadriel l'invite à laisser tomber. Qu'est-ce qu'ils en tireraient ? Au mieux, une légère satisfaction. Au pire, de la frustration. Ces trucs-là n'acceptent jamais de refonctionner lorsque le barman est dans les parages. Il porte la poisse, tout le monde le sait et s'en amuse ici.

— Il va falloir vous mettre au sport et aux paris sportifs si vous voulez vous intégrer.

C'est un premier conseil. Yadriel attrape son shooter entre le pouce et l'index et le boit d'une traite, sans attendre de voir si le client va suivre son geste. Ses muqueuses sont trop habituées à l'alcool pour en être brûlée. Ça ne provoque en lui qu'une pointe d'énergie dont il profite pour attraper les verres qui traînent et les ramener de l'autre côté du bar, où il les rince un par un. Pendant l'opération, il continue de parler, puisque c'est pour cette raison qu'il a proposé à l'homme de venir s'installer en face de lui. Il présente plutôt bien, il doit avoir un job stable dans le coin, ce qui n'est pas le cas d'un tiers des habitués du bar, d'où le conseil d'après :

— Soit ça, soit vous mettre à payer les ardoises des uns et des autres. C'est plus efficace mais vous finirez ruiné. C'est quoi votre prénom ?

Il n'y a pas de transition nécessaire. Au Lighthouse, ce sont les prénoms qui sont utilisés plutôt que les titres de politesse de "Monsieur" ou "Madame". Le barman est "Yad !", souvent hurlé à travers la pièce sans se préoccuper du confort des autres. Quant aux ardoises, elles vont bientôt devoir être payées ; la fin du mois approche et les salaires devraient tomber. Yadriel prévoit déjà de mendier auprès de ses clients ce week-end ou de négocier avec les cas déséspérés pour qu'ils épongent leur dette rapidement.

@Menno de Pruys







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Mer 10 Mai - 17:04
ON THE ROCKS
    Consécration. Alors qu’habitué aux ténèbres du Lighthouse, Menno avait désormais la possibilité de s’installer sur le tabouret grinçant, véritable trône ici, situé au comptoir du gérant. Il était triste de constater comme un lieu peut se dévitaliser en un instant dès lors que disparaissent les Hommes. Plus encore que l’exode des ivrognes, ils assistaient là à l’extinction du domaine de la joie. Le silence s’était lourdement installé, se faisant entendre alors en divers cliquetis et autres bruissements ; le vent tempêtant dans l’embouchure de la porte à peine scellée après le départ du boitillant nez-rouge au manteau mal fagoté. Le chevelu pivota légèrement sur son siège, comme pour en tester les ressorts et découvrir s’il n’y avait pas une meilleure position pour éviter de faire entendre le fer rouillé glisser contre un autre alliage et ainsi faire entendre un grincement désagréable. En vain.

Bientôt, Menno fut rejoint par son ami de fortune, imposé par la fuite des troupes, dans la consommation d’alcool. Sous ses yeux, il remplit un nouveau shot de tequila qu’il se garda pour lui afin de partager un moment avec son client de l’ombre. Désolé pour lui, le hollandais remit sur le tapis le sujet de la télévision qui projetait désormais non plus le gazon vert des pelouses écossaises mais une averse de pigments bicolores sur fond de bruit blanc. On en regretterait presque, à l’entendre, le mugissement des chants de supporters. It’s a blue blue blue sea of Ibrox (sea of Ibrox) ; it’s the greatest sight that I’ve ever pshhhhttttt. Ce sifflement déplaisant en acouphène avait fini par devenir le fond sur lequel évoluaient les premiers échanges verbaux du client et de son vendeur.

Gentiment, à moins que ce ne soit pour ne pas se sentir redevable du verre offert, le néerlandais proposa son aide pour la télévision. Ses mots, dégringolant alors en une logorrhée inarrêtable, sa langue défiant en tout temps par sa vivacité ses pensées nonchalantes qui se traînaient difficilement dans son esprit, il se montra particulièrement confus puis renonça. Il ne voulait pas se sentir responsable de la mort de l’appareil. Il aurait bien de quoi le dépanner, si jamais, mais Menno n’aimait pas particulièrement étaler son argent et venir au secours des uns et des autres. En effet, il trouvait cette attitude digne des bourgeois les plus méprisants qui pouvaient tout réparer à grands coups de billets. Son père, bien qu’avocat émérite en terres de l’Ouest, lui avait toujours inculqué une certaine pudeur et un respect des autres qui se traduisait dans le fait de ne pas les accabler de toute sa fortune. Il n’était pas réellement question d’égoïsme ou de lésinerie, simplement d’humanité. Alors, plutôt que d’acheter l’amitié du propriétaire, il avait préféré proposer un coup de main. Néanmoins, il s’était aventuré trop loin et, quand après un rire franc, on lui accorda l’accès au téléviseur, il déglutit un peu. Même si le gérant semblait se moquer de la résurrection de sa boîte à images, le hollandais lui, craignait de faire pire que mieux. Il se voyait déjà faire apparaître un éclair bleu qui déchirerait le décor, enflammerait le comptoir puis le bar, traînant sur les lampées d’alcool perdues au sol et finissant sa course dans le dos du poivrot assoupi qui, par ailleurs, venait de ronfler bruyamment en beuglant à demi-mots un dialecte méconnu, sûrement propre à la région.

« Sûr ? » S’assura alors le chevelu en soutenant le regard du brun, de l’autre côté du bar.

Selon lui, qu’il réussisse ou non, les clients étaient de toute façon perdus pour ce soir. Il faut dire que s’ils avaient la mousse au bord des chopes et les dribbles endiablés des Light Blues dans une définition autre qu’en déluge noir et blanc, ils n’avaient aucune raison de reposer leurs culs gras ici. Pour se donner du courage dans son entreprise, le moustachu prit une rasade d’alcool, vidant d’un trait le shot et se releva alors pour pouvoir affronter la bête. Il s’avança alors d’un pas mal assuré, fit demi-tour, jaugea la hauteur de l’écran suspendu en l’air, accroché par un bras mécanique à un cadran de la salle et déposa alors une main sur son tabouret branlant et couinant de plus belle, comme maudissant déjà l’idée de sentir d’autant plus le poids de Menno sur lui.

« Je n’ai jamais aimé le sport. En pratique, comme à la télé. » Déclara alors l’homme aux cheveux de jais qui se risqua finalement à déposer un pied sur celui du tabouret avant de finalement poser un genou sur le coussin rouge. « Mon frère parie, parfois. Il perd beaucoup. Il a beaucoup à perdre et a encore trop. »

Tu en as trop dit, Menno. Il se condamnait presque à devoir parler de Peter, maintenant. Or, son frère n’était pas forcément son sujet de prédilection. Il avait fini par le connaître assez mal avec le temps. Celui-ci ne s’était intéressé que récemment à son cas, quand il avait appris pour Juliana et lui. Du reste, il avait toujours été un fieffé adorateur du paternel pour qui il avait une dévotion sans limite. Menno n’avait été, à ses yeux, que le responsable de la désunion de la famille dans leur adolescence, du fait de ses expéditions et de son mauvais caractère de jeune garçon bougon. Ils ne s’en voulaient pas à proprement parler. Ce n’étaient pas des frères ennemis risquant à tout moment d’en venir aux mains. Cependant, ils n’avaient pas un lien puissant et indéfectible. Le ton employé par le divorcé en attestait.

« D’après ce que je vois depuis quelques semaines, le Roi lui-même serait ruiné. » Plaisanta t-il alors en affichant, en coin, un sourire.

S’intéressant à l’arrière du téléviseur, il trifouilla un peu les câbles énergétiques en s’assurant que tout était bien éteint. La neige s’était arrêtée de pleuvoir, le bruit de fond s’était estompé et il ne restait désormais plus que les ronflements de nez de l’ivrogne qui leur tenait compagnie. Grimpant à moitié sur le comptoir, puisqu’il y déposa son deuxième genou, il se sentait un peu tanguer mais ne craignit à aucun moment une chute. Il fronça ses sourcils épais, consulta les branchements qu’il ne trouva pas particulièrement mauvais et tenta une manipulation assez simple, débranchant puis rebranchant un fil vert.

« Moi c’est Menno. » Et, comme pour anticiper une question prévisible, rajouta alors : « Je suis néerlandais. »

Il l’avait déjà évoqué, brièvement, mais insista encore dessus. Rares étaient ceux qui portaient son prénom habituellement, même dans son pays, alors nécessairement, en Ecosse, cela surprenait d’autant plus …

« Et vous c’est … Gabriel ? »

Il avait entendu de nombreuses fois les carcasses ivres héler un nom qui y ressemblait. Nonobstant le fait que leur patois et leurs accents déformaient la formulation de son nom, il avait pris pour acquis depuis deux semaines environ le fait que le gérant s’appelait ainsi …

Se détachant enfin du téléviseur, il glissa pour se remettre dans son siège et demanda simplement s’il pouvait obtenir la télécommande. Une fois celle-ci en main, il alluma l’écran qui, dans une lueur soudaine, fit paraître une foule orange et bleue en délires, hurlant à l’unisson, couvrant alors le déluge de mots du commentateur. Les images passèrent, les joueurs couraient vers le poteau de corner, les bras levés, celui qui, vraisemblablement, était le buteur, entreprit avec quelques uns des siens une chorégraphie ridicule qui ressemblait à un simili de danse des canards.

« Ça refonctionne ! » Il fut le premier étonné et laissa paraître un grand sourire sur ses lèvres avant de lancer aussitôt un regard en direction du barman. « Vous avez manqué le but, mais ça refonctionne. »

En vérité, il n’avait pas fait grand-chose et n’importe qui aurait pu réaliser ce qu’il venait d’accomplir. Néanmoins, à la manière d’un candide enfant, il bombait presque le torse et revendiquerait volontiers d’un grand « c’est-moi-qui-l’ait-fait » sa prouesse. Ce qui lui permettait ce triomphe tout à fait modeste était sans nul doute le fait que la cohue d’écossais, chargée en houblon, n’aurait sans doute jamais pu grimper sur le tabouret pour accéder à la TV sans s’effondrer durement au sol, se rompant sans nul doute la nuque.

« Vous êtes sûr que vous ne voulez pas récupérer les vôtres chez le concurrent ? Non pas qu’ils me manquent, enfin .. Je ne veux pas être méchant, leur compagnie ne me dérange pas. Mais je me dis que vous avez tout à gagner en les remmenant ici. Enfin… »

Il fit une grimace légère, se surprenant encore à trop parler, à laisser le robinet de ses pensées grand ouvert et déferlant alors sur sa langue.

« Je vais vous reprendre un verre moi, en tout cas. Un petit. »
Yadriel Rivera
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Ven 2 Juin - 18:17
On the rocks
Cette télé qui flanche, ce n'est pas vraiment un désastre. Le chiffre d'affaires de la soirée est torpillé, mais c'est la saison sportive et il pourra payer ses factures et ses employés. Ce n'est ni la première ni la dernière surprise que Yadriel doit gérer dans sa carrière. Il porte la poisse, on le lui dit en lui frappant l'épaule, le sourire aux lèvres. Quand il arrive quelque part, un frigo pète, un four se dérègle, un fournisseur se trompe sur la commande. Ce n'est jamais rien de grave, pas assez grave pour que cela considéré comme un vrai problème. Simplement une taquinerie, une blague que seuls ceux qui fréquentent l'établissement depuis longtemps connaissent. Le nouveau, le grand brun, il comprendra un jour et alors, il arrêtera de proposer son aide parce que ses efforts seront rarement récompensés.

Yadriel répond d'un signe de tête affirmatif. Il est tout sauf nerveux ou pressé. Cette télé refonctionnera lorsqu'elle refonctionnera. Il n'y a pas besoin de faire grimper des clients sur des tabourets pour la soigner immédiatement. Pourtant, le client s'y intéresse. Il se lève et lui rôde autour, sous le regard amusé du barman qui ne comprend pas pourquoi il se sent obligé de faire ça. Il ne dit rien, le laisse faire. Il verra où tout ça les mène, ça ne peut pas vraiment être pire que maintenant. Il poursuit la conversation, simplement. Le sport, ce n'est pas son truc. Les paris non plus. À se demander grâce à quoi ses clients et lui se connectent.

— Je n'ai jamais aimé parier.

Il répond naturellement, avec un petit mouvement asymétrique de l'épaule pour accompagner ses paroles, les yeux rivés sur le tabouret sur lequel l'homme commence à monter. Ces trucs là sont plutôt ancien, abîmée par l'humidité de Leith et le manque de soin des clients ivres. Il ne pose aucune question sur son frère, parce qu'il en a un, lui aussi et il sait que les relations de famille ne sont pas toujours faciles de base, alors quand une potentielle addiction au jeu s'ajoute...

— Ils finissent toujours par payer, ce ne sont pas des mauvais bougres.

Après avoir plaisanté sur ses clients, Yadriel se sent obligé de prendre leur défense. Parce qu'il les aime. Il connait leur sourire, leurs galères. Ils font tous comme ils peuvent et même ceux qui tentent d'abuser de la gentillesse du barman sont pardonnés après s'être remis sur les rails. C'est une tribu, chacun veuille à ce que l'autre aille bien, paye à la fin du mois et respecte son prochain. S'ils étaient là, ils rigoleraient de la naïveté de l'homme qui veut réparer le téléviseur et lui offrirait un verre pour le consoler, après quoi ils lui trouveraient un prénom écossais, pour le taquiner.

— Yadriel.

Il fait un rapide Y de l'index, comme si c'était la seule correction apportée. La façon dont le R roule laisse peu de doutes quant à ses origines hispaniques. Il lui confie la précieuse télécommande, un brin collante à force d'être entreposée avec les bouteilles de rhum. Un bout de scotch retient le capot qui protège les piles. Les yeux de Yadriel s'ouvrent en grand lorsque le match reprend sur le téléviseur. Il était parti défaitiste, on lui a donné tort.

— C'est pas grave. Merci !

Il s'en fou du but et du score. Enfin, ça lui fait plaisir parce qu'il sait que bon nombre de ses clients pourra récupérer sa mise en cas de victoire, mais c'est un peu tout. Yadriel sourit en entendant Menno se débattre avec ses propres paroles, comme pour ménager une sensibilité inexistante. Le barman a des yeux, il sait que le néerlandais ne fait pas encore partie de la meute.

— Je vais envoyer un message, mais ils sont glués à un nouveau tabouret, à l'heure qu'il est.

Il n'y croit pas beaucoup. Il préviendrait sur le groupe WhatsApp des habitués que ça fonctionne, une ou deux silhouettes reviendront parce qu'ils trouvent les autres bars bruyants ou chers. Après le match, ils reviendront récupérer les vestes oubliées et commenter les meilleures actions jusqu'à la fermeture.

Yadriel a déjà une main sur la bouteille. Il lui suffit de serrer les doigts pour la décoller du comptoir et la pencher au-dessus du verre. Il faut moins de trois secondes à son client pour être servis. C'est offert, cadeau de la maison pour avoir réparé la télévision. C'était sans compter sur la troisième âme présente, qui tousse à en faire trembler le comptoir et la neige réapparait à l'écran. Yadriel rigole à gorge déployée. C'était trop beau pour durer.

— Classique.

Ça lui glisse dessus, depuis le temps. Il est désolé pour son client qui avait l'air satisfait de lui-même. Ça ne change pas son exploit : il a réussi, l'espace de quelques secondes, à contrer la malédiction du barman. Peu de gens peuvent en dire autant.

— Vous voulez des frites ? Si elles ne sont pas mangées, elles seront perdues.

Alors qu'il se retourne pour aller plonger les pommes de terre décongelées dans de l'huile bouillante, un craquement suivit d'un bruit sourd le fait s'arrêter et revenir sur ses pas avec précipitation. La silhouette qui était avachie sur le bar, si immobile qu'elle passait pour un élément de décoration jusqu'à sa quinte de toux, n'y est plus. Yadriel se met sur la pointe des pieds et regarde par-dessus le comptoir, pour découvrir son client au sol, à côté d'un tabouret avec une jambe rompue. Le barman claque des doigts, cherche à attirer l'attention du malheureux qui remue à peine.

— Mierda, il est conscient ?

Il manquerait plus que ce vieux bougre lui claque sur les bras.

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Sam 10 Juin - 13:13
ON THE ROCKS
    Perché sur son tabouret, opérant son patient qui cliquetait encore par intermittence à la manière d’un scope qui afficherait la fréquence cardiaque d’un grand brûlé, Menno s’évertuait à freiner la lourde pluie noire et blanche. Pendant ce temps, les présentations se firent naturellement. Il était temps, sans doute, après des semaines durant à s’inspecter du coin de l’œil et à ne communiquer que par commandes et remerciements divers. Leur relation était assez laconique, parfois même quasi-robotique tant elle ne dépendait que de stimuli et de mouvements répétés ; comme s’ils eurent étés des automates dans une grande usine.

Yadriel, donc. Il en rougit un peu, désolé d’avoir abimer son prénom. Entortillé pour pouvoir accéder au capot du téléviseur, le chevelu perçut à peine son interlocuteur qui insistait sur le « Y » qui commençait son patronyme. Traumatisme scolaire, sans doute, qu’il venait de faire revenir. Du fait de son prénom assez atypique, même pour un néerlandais, Menno le comprendrait assurément. Encore que son prénom, à lui, n’était pas bien sorcier à orthographier ; tant qu’on pensait à doubler le « n ». En réalité, justement, du fait de sa rareté, on avait tendance à vouloir lui en compliquer l’écriture. Certains, ainsi, s’amusaient à glisser un « Y » derrière le « e », quand d’autres voulaient, pour une raison inconnue, ajouter des accents toniques ou encore varier l’écriture du phonème « o » pour ajouter encore plus d’exotisme à ce nom propre déjà assez particulier.

Les réglages effectués en parallèle de la conversation, le néerlandais se retira, demanda la télécommande qu’il prit avec précaution ; d’abord répugné par la poisse de celle-ci puis attentif pour ne pas se laisser dérober entre les doigts les piles qui tenaient fébrilement dans leur cavité ; maintenues sommairement par un morceau de ruban adhésif visiblement assez vétuste et qui ne collait qu’à moitié. Et là, miracle. Le match, qui jusqu’alors avait disparu, s’étant fait substituer par des grésillements en pagaille, reparut comme si de rien n’était. Le prestige. Le magicien improvisé sourit nécessairement, satisfait de lui, assez fier également, bombant presque le torse en se sentant l’âme d’un mécanicien hors-pair alors qu’il peinait habituellement à tenir droit son tournevis pour resserrer un meuble.

Défaitiste de nature, vraisemblablement, même lorsque Menno lui fit savoir qu’il allait pouvoir dorénavant récupérer sa joyeuse troupe, Yad’ sembla émettre un doute bien qu’il chercha tout de même à les rameuter. Il les connaissait après tout bien mieux que lui et savait juger leur fidélité. D’un côté, le barbu ne les avait observé que sommairement mais avait bien compris que leur amour pour le Lighthouse ne tenait en réalité qu’à un fil électrique. Mauvaise langue, il avait compris précédemment grâce à Yadriel que cela était plus profond sans doute. Malgré leur abandon, qu’il semblait presque comprendre, il ne semblait pas plus affecté ça et estimait que ces derniers reviendraient bien assez tôt, notamment pour le payer. Il rougit presque de les avoir jugés ainsi. Qui il était, lui, pour s’estimer capable de cerner les motivations d’individus qu’il ne connaissait qu’à peine ?

Et là, malheur. Le temps de verser un verre, l’image commença à se distordre. Les joueurs s’étirèrent, les commentaires acharnés des présentateurs télés se perdirent en un long râle électrique ; le ballon disparut du terrain, le terrain se noircit, le noir devint finalement une grêle incessante, comme auparavant. Le soupir de Yadriel s’accompagna de celui de son compagnon de soirée.

« Désolé. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus… »

Il faut dire qu’il avait déjà puisé dans ses ultimes ressources ; lui qui n’avait aucunement le profil d’un technicien. Il était bon, sans doute, pour en appeler un, un vrai cette fois ! Ou pis encore, à repayer un appareil … Il ne lui souhaitait pas. Se fiant brièvement à la décoration et à l’architecture de l’endroit, l’ingénieur se mouillait peu en pensant qu’il n’alignerait que difficilement les billets pour obtenir un nouvel écran.

« Euh… Oui. Merci. » Mais, soucieux tout de même de ne pas profiter de mon amabilité, il demanda encore, comme auparavant : « Je vous dois combien .. ? »

Yad’ pivota et se mit aux fourneaux. On était loin des fameuses french fries à en croire l’énorme paquet de surgelées qu’il vida dans son huile qui défia d’un crépitement féroce celui de la télévision. D’ailleurs, agacé d’entendre constamment la télévision râlait à en mourir, il préféra abréger ses souffrances en éteignant le poste. Il faut dire qu’avec sa faculté nouvellement découverte, ses oreilles étaient devenues sensibles et qu’il risquait l’acouphène, sinon l’assourdissement, au quotidien. Malheureusement pour lui, ils furent bientôt interrompus à nouveau par un bruit extérieur à leur conversation.

L’homme totalement assommé par la boisson de tout à l’heure avait disparu de son perchoir. Yadriel, puis Menno, se levèrent afin de le chercher du regard et finirent par le trouver à même le sol. L’hispanique fut le premier à bondir pour s’assurer qu’il aille bien ; le chevelu restant en retrait pour ne pas avoir à étouffer par sa présence, additionnée à celle du barman, le pauvre homme. Il ne semblait pas au mieux de sa forme. Sa jambe, encore moins. Même s’il ne l’avait encore jamais vu debout, le néerlandais comprit bien vite qu’il n’était pas si distordu habituellement.

« Vous le connaissez ? Enfin, je veux dire, vous savez qui appeler .. ? »

Les secours, idiot. Plus sentimental, Menno pensait nécessairement à téléphoner à ses enfants, sa femme peut-être, ses parents. Un ami. Quelqu’un qui pourrait le ramener chez lui, le porter urgemment à l’hôpital ? Ce n’était pas avec son vélo qu’il pourrait, lui, le rotterdamien, le portait aux services d’urgences. S’approchant enfin à son tour, comme pour faire mine de prendre son pouls en appuyant ses doigts contre sa gorge, le jeune homme en profita surtout pour tendre l’oreille et percevoir l’écho de son cœur.

« Il est encore vivant. Conscient, je ne pense pas. »

Après cette chute, au cours de laquelle il avait sans doute dû cogner autre chose que sa jambe, mais aussi du fait des litres d’alcool qu’il avait ingéré avant, il aurait été étonnant qu’il se redresse, tout sourire, et aille s’attabler gaiement avec eux en ironisant sur son bruyant sommeil puis sa dégringolade qui avait vu sa jambe se plier comme un ballon de baudruche en pleine fête foraine.

S’il buvait autant, c’est forcément que quelque chose n’allait pas. Prêtant plus encore attention aux battements de son cœur en proie à un orage d’alcools en tout genre, le néerlandais sentit sa poitrine se serrer atrocement. Il porta sa main à son torse en grimaçant un peu. La douleur était vive, profonde. Les larmes lui paraissaient presque à l’œil. De ce grand gaillard au crâne tondu émanait une musique capable de tirer les larmes à la plus imparfaite des machines. Il entendait assez distinctement les archets glisser laconiquement contre les cordes, avec une lenteur caractéristique d’un état de souffrance avancé. Menno ravala difficilement sa salive et croisa le regard du barman.

« Il faut appeler les secours … »

Loin d’être médecin, il comprenait pourtant assez facilement que ce triste homme, plutôt qu’un arlequin burlesque était un sombre sir qui avait tenté quelques mélanges pour faire taire les violentes sirènes de sa vie qui cherchaient à lui faire atteindre les tréfonds de l’existence humaine. Ses émotions, assez proches de celles du néerlandais par le passé, donnaient très clairement le la.

Tapotant ses poches hasardeusement, il fit finalement tomber de sa veste brune un lourd porte feuille rempli de divers flyers froissés. Il s’en saisit alors, l’ouvrit pour trouver éventuellement le contact d’un proche mais ne tomba que sur sa pièce d’identité. L’illustration présentait un charmant monsieur bien rondouillard, un nuage de cheveux qui moutonnait sur le sommet de son crâne, les joues tirées par un mince sourire, pourtant interdit sur les documents officiels mais qui trahissait sans doute la bonhomie du personnage avant qu’un jour, quelque chose ne bascule…
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Lun 17 Juil - 19:17
On the rocks
Les deux hommes abandonnent. La paresse de la télévision a gagné. Félicitations. Elle les a usés. Peut-être que si le sport les intéressait réellement, ils se seraient battus avec plus de vigueur mais là... À quoi bon ? Comme l'a fait remarquer Yadriel, ça ne fera pas revenir la clientèle. C'est donc cette ambiance, ce calme un peu lourd, qui restera jusqu'à la fin de la soirée. Le barman songe que lorsque le brun s'en ira, il fermera et profitera d'avoir une nuit à lui, plutôt qu'à servir des verres à des hommes et des femmes déjà ivres et endettés. Il pourrait aller au cinéma. Après tout, pourquoi pas ? Depuis combien de temps n'a-t-il pas mis les pieds dans une grande salle sombre aux fauteuils en feutre ? Trop longtemps.

L'odeur des frites réchauffera peut-être les cœurs. Yadriel songe qu'il suffira de mettre les pommes de terre dans l'huile pour oublier ce qui les rend un peu maussades.

— Honnêtement, j'ai perdu le compte. Disons £10.

Cette soirée compte pas. Entre les verres qu'il a offert et les frites qui sont de toutes façons perdues, il se sentirait mal de réclamer plus. Puis, il n'a pas envie de faire de math. Pas aujourd'hui. Dans ses livres de comptes déjà mal tenu, il griffonnera quelque chose et il sera plus sérieux demain. Il organisera un petit tournoi de poker entre les habitués, profitant qu'ils soient tous addict au jeu pour les appâter et les faire consommer. C'était un peu immoral, mais les gars seraient contents, Yadriel serait content, son comptable imaginaire serait content. Parfois, il n'y a pas besoin de philosopher. Il suffit de faire ce qui doit être fait.

Il pense à ça, devant sa friteuse, quand il entend le bruit sourd du corps qui tombe à terre. La jambe du tabouret a cédé. Parce qu'aujourd'hui, tout tombe en ruine. Quand il aura l'argent, le barman fera des travaux. Un jour. Quand il aura organisé suffisamment de tournois de poker ou que le quartier se sera tellement gentrifié qu'il pourra doubler ses prix. Il est d'humeur un peu lasse, ce soir, réveillé par l'état de son client qui ne bouge pas.

— Il a personne, à ce que je sache.

Il a divorcé l'année dernière, c'est ce dont Yadriel croit se souvenir. S'il ne le confond pas avec une autre bonne bouille arrondie par l'âge, car ce ne sont pas elles qui manquent par ici. Depuis, on le voit souvent, on l'entend plus rarement. Il vient boire et ronfler sur un coin du comptoir. C'est un élément de décoration, un objet éteint qui, sous l'effet d'un faux-contact, se redresse parfois le temps d'une discussion peu profonde. Il n'est jamais méchant, même sous la mauvaise influence de l'alcool. Personne ne mérite d'agoniser sur l'ancien parquet d'un bar, mais lui encore moins que d'autres.

Menno semble affecté par la situation. L'idée de voir un homme seul tomber avec en seule compagnie un barman et un inconnu, sûrement. C'est vrai que le tableau à quelque chose de misérable. On pourrait en faire un tableau, avec la lumière des lampadaires qui traverse les petites fenêtres pour tomber sur la victime du sort. Une réécriture (repeinture ?) de Nighthawks avec le sérieux et la grandiloquence de Gustave Doré. Enfin, Yadriel n'a pas le temps ni les références nécessaires pour admirer la triste esthétique de la scène. Il faut prévenir les secours.

— Je m'en occupe.

Il doit bouger quelques bouteilles pour accéder au téléphone fixe du bar, celui qui n'est appelé que par les proches inquiets des clients ayant passé trop de temps sur leur tabouret, ou la petite amie paranoïaque de Nash lorsque le garçon oublie de charger son portable. Ses touches sont poisseuses, noircies par la poussière qui s'y est collée. 1-1-2. La voix à l'autre bout du téléphone est fatiguée. Elle contraste avec le sentiment d'urgence créé par les mots qu'elle prononce. Mais même ça, ça se fane, lorsque Yadriel mentionne que l'appel concerne un homme ivre et un bar d'un quartier populaire. On lui promet une ambulance, on lui demande d'attendre, de surveiller que la victime puisse respirer. Ne pas la mettre en PLS parce qu'on ignore si le choc a été rude. Puis la voix raccroche. Sûrement que ce cas n'est pas le plus grave qu'ils ont à gérer.

— Dix à quinze minutes.

Il prononce ça à l'attention de Menno. Il laisse même son client s'occuper de l'homme, alors qu'il vérifie que les friteuses sont éteintes et qu'il range les choses les plus fragiles. Peut-être que Yadriel est comme la voix du téléphone. Peut-être qu'il sait que c'est important, mais qu'il en a trop vu pour vraiment se mettre à courir dans tous les sens. Si le type respire, si l'ambulance est en chemin, il ne reste qu'à patienter.

— Ca sert à rien de rester ouvert.

Yadriel répond en avance à une potentielle interrogation de l'homme. Pas de match, pas de client, un presque-cadavre sur les bras. Il y a des jours qu'il vaut mieux ne pas étirer plus que nécessaire. Et puis, il faudra quelqu'un pour l'accompagner, le pauvre boure.

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Sam 22 Juil - 14:56
ON THE ROCKS
    Dans ce cynique bouge écossais, on parlait librement de football, d'alcool, des gens, de frites, de télévision défectueuse. Jusqu'alors, une morne soirée d'avril comme on en fait d'autres. La friteuse grésille, les morceaux de pomme de terre dorent et se refont une jeunesse dans ce bain de soleil ; suppléant alors la télévision qui, désormais, est éteinte. Du reste, le silence court dans les travées désertes du café et n'est assailli, par instants, que par les lourdes voix des deux hommes reclus dans une des diagonales de ce qui pourrait presque s'apparenter à un tableau de Degas.

Bientôt, néanmoins, la toile se déchira. Dans le clair-obscur du Lighthouse, chuta le corps quasi-inerte d'un nouveau personnage. Dans sa dégringolade, le lourd client vit se rompre contre le rebord de son petit perchoir sa jambe qui n'avait pas suivi le mouvement général de son corps. Le crâne frappa le sol, alerta alors les deux hommes qui, l'un après l'autre, quittèrent le comptoir en abandonnant derrière eux les frites qui chantaient encore leur douce agonie. Habitué de Yadriel, cet homme était un écossais au ventre bien empli, au nez pivoine et au front désormais orné d'une bosse grosse comme une balle de golf. Bien qu'ayant été frappé de plein fouet dans sa chute, le client ne s'était aucunement réveillé et semblait même presque encore plus immergé dans ses songes alcoolisés. Menno, alors, comme un réflexe, tendit l'oreille au don qui s'était révélé en lui depuis son arrivée dans la Vieille Fumeuse et fut frappé par la laconique mélodie qui se composa dans son esprit. La main automatiquement dirigé vers le cœur, comme si c'était lui qui venait d'être assailli d'un puissant coup à la poitrine, il se pencha sur le triste dormeur qui lui parut comme embrumé désormais du fait des larmes qui vinrent perler son œil.

Dans son dos, Yadriel, plus en retrait, fit savoir à son ami néerlandais que notre grand gaillard en disgrâce n'avait aucune famille. Pas une seule personne à contacter. Cette information lui tordit un peu plus encore son palpitant qui s'enrayait toujours plus. Lui non plus, en définitive, n'avait plus personne. Si jamais c'eut été lui qui, ce soir, au grès de sa détresse amoureuse s'était laissé noyé dans l'absinthe ou la liqueur, qui aurait été informé de son état ? Peter, son frère, n'était pas sur place et se souciait assez peu des émois de son cadet qu'il avait aidé une fois, dans sa grande mansuétude, après son divorce avec Julianna en l'expulsant presque du pays pour ne plus l'avoir dans les pattes. Sa mère était plus ou moins dans la même situation ; vivant à Rotterdam, loin des embruns britanniques, et beaucoup trop vieille désormais pour s'occuper de lui. Il restait alors sa sœur, uniquement sa sœur : Nadia. C'était elle l'unique raison de sa présence ici. Bien que benjamine de la famille, elle était celle qui, à la manière d'une ainée, s'était toujours souciée de lui et s'était toujours chargé de le réconcilier avec lui-même en évinçant les problèmes qu'il avait pu rencontrer. Cependant, aujourd'hui, Nadia était devenue une femme. Elle finirait ses études dans les semaines à venir. Célébrerait cela avec des amis. Ambitionnerait peut-être de mettre les voiles ; elle qui au cours de ses longues années de formation avait vu bien du pays. Alors il serait seul. Oublié. Tapis dans l'ombre. Un peu comme lui ; comme cet ivrogne anonyme, étendu sur le sol, au visage enflé par les larmes et par sa boursouflure à l'arcade. Cette pensée le déchira.

Fonçant derrière le comptoir, l'hispanique demande une ambulance. Menno lui, toujours penché sur son semblable au cœur brisé, découvre dans ses poches une pièce d'identité qui contraste grandement avec l'apparence actuelle du bon monsieur. Ce sourire, qu'il affiche si fièrement en dépit de la réglementation stricte en ce qui concerne les papiers administratifs, n'est désormais plus. Le musicien de son âme semble jouer de plus en plus bas la douce sonate d'un homme dévasté. Cette musique, même s'il ne peut s'écouter lui-même, lui rappelle les affres de la solitude. C'en est trop alors et les larmes glissent des yeux sombres de l'ingénieur. Il ne pensait plus vraiment au barman dans son dos, à ce moment-là. A ses interrogations. Après tout, aussi émotif soit un homme, il est curieux de le voir s'effondrer en sanglots sur le corps, encore vivant, d'un homme qu'il ne connait point. Cette empathie qu'a développé le néerlandais est de plus en plus forte et, lorsqu'il comprend la moindre note émotionnelle d'un être, il a l'impression de la ressentir comme s'il épousait totalement la psyché de celui qu'il écoute. De nombreux artistes, qu'ils soient hommes de lettres ou peintres, ont jadis raconté avec une certaine précision le pouvoir qu'avait la musique sur eux. Certains se paffaient à l'écoute des symphonies de Mozart ; d'autres s'extasiaient en entendant Schubert ; certains autres, devant les plus grands opéras lyriques, qu'ils soient de Monteverdi ou encore de Wagner, pleuraient à en faire fondre tout leurs corps. Jusqu'à cet instant précis, Menno ne les avait jamais compris et percevait cette description hyperbolique comme une simple démonstration littéraire. Aujourd'hui, le néerlandais se sentait comme possédé par des sentiments qui n'étaient pas les siens ; frappé non pas par une mélodie mais par un homme qu'il comprenait comme s'il était lui.

Puisqu'encore assez éloigné de lui, le barbu n'avait point encore vu les grosses gouttes qui ravalaient la chair du visage du néerlandais. Celui-ci, à l'aide de ses paumes, tâcha de les arracher à ses joues mais s'y reprenait éternellement, véritable supplice des danaïdes. Les secours n'arriveraient que dans dix ou quinze minutes. Pas moins. Le regard du brun se dirigea vers sa jambe qui, en bon contorsionniste qu'il n'était malheureusement pas, obliquait vers le plafond tandis que son genou reposait désormais sur le sol poisseux du bar de Leith. Cette blessure, bien qu'horrible, n'était pas véritablement ce qui inquiétait le plus le chevelu. C'était sans nul doute l'alcool. A voir son état, il avait aisément dépassé les limites que son corps lui avait fixé. Son nez écarlate s'écrasait à demi sur le sol et, avec sa bouche entrouverte qui fleurait bon l'houblon bas de gamme qui coulait dans les cuves du Lighthouse, ses fluides corporelles se répandaient pitoyablement aux pieds du néerlandais. Celui-ci, se sachant inutile, se redressa péniblement et gomma encore en de grands gestes de bras ses larmes qui tâchèrent alors ses manches.

« Yadriel, désolé mais ... Tu sais pourquoi il a bu autant ce soir ? »

Sa voix tremble un peu. On entend assez clairement la tristesse qui habite Menno ; en écho à celle qui tempête actuellement dans le corps immobile qu'il regarde encore. Son pouvoir étant encore relativement récent, le néerlandais ne lui faisait qu'à demi-confiance mais il pensait très clairement à un homme qui avait tout perdu. Un divorce, peut-être. Pire encore, la mort de son épouse ? Tout ce qu'il espérait, intérieurement, c'est qu'il ne s'agissait pas de la perte d'un enfant.

Le grand brun s'adosse en même temps à la table derrière lui, solidement ancré au sol, et positionne sa large main blanche devant sa bouche en tâchant de calmer, au mieux, ses palpitations qui le secouent de plus en plus. Maudit don ... Comment le faire taire ? N'avait-il pas assez de sa propre souffrance ? Devait-il désormais assumer, comme un fardeau, les pleurs de chacun ? Certes, Menno était un homme blanc filiforme aux longs cheveux d'ébène mais il n'avait jamais accepté de devenir le Christ. Parfois, il se disait que c'était sans doute un sarcasme du Très-Haut - bien qu'il n'y croit pas vraiment, en sa position de déiste - : il n'avait pas réussi à comprendre sa femme quand il était encore temps alors dorénavant, il serait condamné à comprendre la moindre inflexion du cœur d'un chacun. Qu'importait s'il soit un ami proche ou un quidam. D'ailleurs, la solution qu'il chercha pour se calmer le mieux, ce fut de porter son attention toute entière sur Yadriel afin de, peut-être, éteindre l'orage de tristesse du client à demi-mort avec le ciel sans nuages du doux barman dont il croisait enfin le regard ; révélant ses yeux rougis par le chagrin.
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Dim 20 Aoû - 16:19
On the rocks
Yadriel découvre chez ce client une douceur inattendue. Malgré sa grande taille, ses cheveux d'un noir presque aggresif et sa solitude, il est réellement touché par la situation. Ses gestes sont guidés par ce que le barman imagine être de l'empathie. Il est à l'opposé de la voix morne du téléphone, ni surpris ni émue par l'accident d'un sac à gnôle dans un bar sans prestige de Leith. Il y a ceux qui ressentent les autres, il y a ceux qui sont les spectateurs d'un spectacle qu'ils estiment chiant. Cet homme, sur le sol, c'est un potentiel ami ou un personnage secondaire, selon le regard que l'on porte sur le monde. Menno est bienveillant et ça lui suffit pour gagner l'estime du barman. Et il y a cette question, qui arrête Yadriel dans son mouvement.

Il ignore quoi répondre. Un haussement d'épaules raides est tout ce qu'il a à dire. Il peut spéculer, lister les malheurs qu'un homme dans sa position accumule, mais c'est pas sa place et ça n'aiderait rien ni personne. On sait pas pourquoi les gens boivent, on sait pas si c'est par ennui ou par envie de célébrer, s'ils aiment le goût ou ne supportent pas les pensées qui traversent leur crâne. Yadriel, il écoute tout le monde et ça lui a pas permis de mieux comprendre l'esprit humain, ça lui a permis de réaliser à quel point il n'y connait rien. Un labyrinthe dans lequel les plus chanceux peuvent parfois repérer un motif, un chaos qui a parfois — accidentellement — du sens. Rien affirme que le divorce est la cause, que ça n'a pas été un soulagement pour lui de se débarrasser d'une femme jalouse ou violente et que ce qui lui a fait courber le dos sur le comptoir du bar n'est pas la maladie d'un proche. Lorsqu'on croit savoir, c'est qu'on se trompe.

Le seul qui n'est pas effondré, physiquement ou émotionnellement, c'est lui. Le propriétaire des lieux qui a déjà tout vu, tout géré. Après la surprise et l'échange avec les urgences, il retrouve une forme de calme. Il retourne derrière le bar pour servir un verre d'eau qu'il tend au Néerlandais accompagné d'une serviette en papier qui peut servir de mouchoir. Il n'ouvre pas la bouche car dire que "ça va aller" serait se prendre pour un devin or, Yadriel sait bien qu'il n'est pas celui qui a le sort de cette pauvre âme entre les mains. Il va vérifier qu'elle respire encore, que son ventre lourd d'alcool arrive encore à se soulever pour faire rentrer de l'air puant le renfermé et une fois rassuré, vient s'installer à côté de son client encore conscient.

— Si vous préférez rentrer chez vous, je reste là pour veiller sur lui. Je l'accompagnerais à l'hôpital en attendant qu'ils trouvent un proche pour prendre le relais.

Pas effondré ne signifie pas qu'il n'est pas non plus touché par la situation. Son cœur est serré et l'espoir de revoir cet homme sourire en voyant sa pinte moussante arrivée devant lui ne le quitte pas. Dès demain, les autres habitués se regrouperont pour écrire quelques voeux de bon rétablissement et se cotiseront pour éponger son ardoise. C'est une solidarité spéciale qui unit les gens de ce quartier.

— Si vous me donnez votre numéro, je vous tiendrai au courant.

Une petite tape sur l'épaule pour qu'il se sente soutenu. Il ne va pas l'appeler "mon grand" ou lui faire le sourire paternel qu'il adresse à Nash lorsqu'il est à bout de force, ça serait une insulte pour un homme de cet âge. Mais l'attention est là.

@Menno de Pruys







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Ven 25 Aoû - 14:30
ON THE ROCKS
   Le goût salin de ses larmes arrivait à ses lèvres. Désormais relevé et adossé à une table solidement attachée au sol du Lighthouse, le grand brun regardait le triste tableau de cet homme tout droit sorti de Guernica, avec sa jambe distordue, sa posture artificielle, sa goutte au nez, la bave aux lèvres, ronflant contre le sol poisseux sans même se rendre compte de la douleur qui irriguait pourtant l'ensemble de son corps ; celle-ci devant être endiguée par l'afflux d'alcool dans son sang. Par instants, d'un revers, Menno tirait encore sa joue vers le bas afin de gommer les quelques excédents de sa tristesse qui roulaient encore malgré lui contre sa peau.

Il s'en voulait, parfois. De pleurer. De pleurer plus pour ces personnes qu'il ne connaissait même pas, maintenant qu'il était à Edimbourg, plutôt que pour ceux qu'il aimait. Humaniste, il l'était ; mais il était aussi et surtout humain. Cette empathie surdimensionnée qu'il avait, malgré lui, développé, il l'abhorrait parfois. Ses propres émotions étaient bien souvent difficiles à gérer, surtout depuis son divorce d'avec Julianna alors il n'avait en rien besoin que des émotions parasites ne viennent le corrompre et assaillent son corps débile. Là, par exemple, il s'était mis dans un état qu'il pourrait difficilement expliquer à Yadriel si celui-ci venait à l'interroger sur les raisons de ses pleurs. Sans doute paraitrait-il bizarre s'il lui expliquait la vérité. Il le serait également s'il ne lui expliquait pas et s'il brodait un mensonge. L'Homme, depuis quelques siècles désormais, ne s’épand plus, cache ses sentiments aux yeux d'autrui, surtout quand il fait face à un parfait inconnu. Le barman, même s'il lui a désormais délivré son prénom et qu'ils ont échangé quelques minutes avant la disgrâce de l'ivrogne, n'était pour l'heure qu'un inconnu qui ne connaissait rien de lui, de ses problèmes ; ils n'avaient aucune anecdote commune, rien qui les liait, aucun goût en commun, pas l'ombre d'une complicité. Et pourtant, il avait déjà sur l'avantage sur d'autres de ses amis de l'avoir vu pleurer. Alors, comme à son habitude, Menno se sentit perclus de honte.

Poussé par son don, il lui demanda malgré tout s'il savait pourquoi cet homme s'était mis dans cet état. En commençant sa phrase, il n'avait pas anticipé qu'il allait la ponctuer non pas d'un point final mais d'un sanglot bruyamment ravalé par le nez. Sa grande main blanche alors remonta sur son visage et passa contre sa bouche comme pour lui arracher quelque chose. Le tremblement de son timbre, peut-être. Les mots qui fusaient entre ses lèvres, sûrement. Yadriel lui, par ailleurs, ne répondit pas verbalement et se contenta d'hausser les épaules afin d'exprimer sa méconnaissance du cas. Un homme qui buvait jusqu'à finir inconscient, c'était triste. Mais ce qui l'était d'autant plus, c'était qu'aucun quidam n'était capable d'expliquer ce pourquoi il avait bu. L'alcool était un fléau ; un démon invisible qui se faufile insidieusement dans une bouteille et attend d'y être cueilli pour, sombre djinn, déverser en un être leurs flammes dévastatrices. Une goutte rend joyeux, n'est qu'une étincelle dans une jarre immense ; quand il coule à flots cependant, c'est un brasier qui dévore le corps.

Chaleureusement, et sans même l'interroger sur les raisons de son trouble, l'hispanique tend au hollandais un mouchoir de papier dont ce dernier se saisit alors en le remerciant d'un simple hochement de tête. Troquant sa main contre le mouchoir, il souffle et jugule ses maux qu'il tord en une large boule blanche qu'il va alors enfoncer dans une corbeille située non loin de lui. Pendant ce temps, soucieux de garder en vie le triste sir, Yadriel se penche sur lui et dépose sa main à plat contre son ventre afin de s'assurer qu'il gonfle encore. Parfois, il rumine un peu, grogne du nez, remue. Le tavernier revient alors auprès de Menno, veillant sur le sommeillant, hébété par l'alcool. Une proposition est alors faite : Yadriel s'engage à rester ici, auprès de lui, le temps que l'ambulance n'arrive. Menno, troublé par les sons dissonants de son cœur, se sait en position de faiblesse et, lucide, sait aussi qu'il ne sera d'aucun secours. Ses propres démons s'étaient tus ce soir et les voilà désormais ranimés par la chanson palpitante de cet homme dont il ignorait tout et qui était étendu là, sous ses yeux. Les larmes qu'il ravalait péniblement, il ne savait plus si elles étaient les siennes ou celles de cet anonyme qu'il projetait sur lui. S'il pleurait pour Julianna ou pour lui. Consultant aussi sa montre à son poignée, il la vit indiquer vingt-deux heures trente. Le match avait du se terminer maintenant. Il n'eut pas la curiosité de regarder par la fenêtre mais les ruelles d’Édimbourg devaient alors se gorger d'autres zombies enivrés par le houblon. Ce qu'il pensait surtout en voyant se dessiner dans le cadran de son bijou les chiffres : "22h30", c'était au travail qui l'attendrait demain au port. Pouvait-il se permettre de tirer encore sur son sommeil ?

« Ouais je ... Je devrais peut-être. » Comme étourdi par cette émotion étrangère qui l'avait assailli, se sentant comme revenu d'une possession démoniaque, ivre d'un autre, Menno bredouilla ces quelques mots et sortit de sa poche son téléphone portable. « Vous ... Tu as de quoi l'écrire ? » Bien entendu, il tirerait sans doute de sa poche son téléphone pour l'enregistrer en contact permanent cependant, encore remué par la transposition des émotions de cet homme sur sa psyché, Menno ne réfléchissait plus clairement.

Les chiffres défilèrent, retenus par le néerlandais qui les débita sans même réfléchir, à la manière d'une poésie apprise par cœur. Une fois ses coordonnées données, il fendit son visage anguleux d'un large sourire forcé qui déchira ses joues livides, faisant se creuser jusqu'à ses lobes la commissure de ses lippes. Un dernier regard tourné en direction du blessé, écoutant encore son cœur, Menno sentit à nouveau une lourde larme germer et descendre de son œil. Allant reprendre son manteau accroché à sa chaise, il se dirigea vers la sortie, hocha la tête en direction de Yad' pour le remercier : pour les frites, lesquelles doraient encore et devaient très certainement virer au noir à l'heure actuelle, pour la pinte, pour la responsabilité du blessé. Avant de sortir, Menno vit l'horizon se colorer d'une puissante teinte bleue qui balaya la salle en passant par les différents carreaux du Lighthouse. L'ambulance venait sans doute d'arriver. L'oreille occupée par l'écoute du palpitant de l'inconnu une dernière fois, il n'avait aucunement entendu la sirène. Un pas devant l'autre, il s'apprêtait à sortir quand finalement, il entendit comme un murmure sirupeux qui le fit s'arrêter et qu'il répéta, étonné.

« Élisabeth ... ? » Il ne connaissait personne de ce nom. Il pivota sa tête vers Yadriel et, sans sanglots, des larmes en cascade dévastèrent ses joues émaciées au moment où la porte s'ouvrit en trombe et que deux ambulanciers passaient de chaque côté de lui au pas de course, glissant sur le sol pour faire les premières constatations sur le corps du soiffard. « Ne m'abandonne pas, Elisabeth.. » Sa voix, à mesure que les mots s'enchaînaient, faiblissaient jusqu'à mourir. Les yeux dans les yeux avec Yadriel.
Yadriel Rivera
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The lighthouse keeper
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Pseudo : Nuit d'orage
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Occupation : Propriétaire d'un bar de Leith
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Date d'arrivée à Edimbourg : Durant son enfance

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Mar 5 Sep - 18:55
On the rocks
L'empathie, c'est tout ce qui reste à l'impuissant. Yadriel essaie de soutenir son client autant que le préserver. L'ambiance dans le bar n'est plus lourde, elle est devenue morbide. Menno pleure un homme encore vivant, le propriétaire a le dos voûté. Il n'arrive pas à penser droit. Il pense à un homme, puis à l'autre, se demandant lequel a le plus besoin de sa présence. Ses yeux se posent parfois sur la montre du brun pour sentir les minutes qui s'écoulent. Il imagine l'ambulance traverser la ville, sirènes hurlantes. Ça le rassure, de savoir qu'ils ne sont plus les seuls à savoir ce qu'il se passe.

Il propose à Menno de rentrer chez lui, de s'épargner plus de peine que celle qu'il a déjà. Visiblement chamboulé pour des choses que Yadriel ne voit ou ne sent pas. Un écho à un passé enfouit ou la matérialisation d'un cauchemar. À la question pertinente, à savoir s'il a quelque chose pour noter le numéro qu'il vient de réclamer, il lève les yeux pour trouver ce dont il a besoin. Il décolle difficilement son corps du sol en direction du bar. Il sent sa chemise boire les tâches d'alcool alors qu'il se penche au-dessus du comptoir pour attraper une serviette en papier et un stylo gardé à côté du téléphone fixe. Il y note les chiffres un par un, avec sa mine qui déchire son support quand il appuie trop fort, mais ça ira. Le résultat est lisible. Après quoi, il dicte à son tour.

L'instant touche à sa fin. Le survivant s'éloigne, laissant le semi-mort aux soins des ambulanciers qui s'annoncent par leur lumière. Yadriel respire profondément l'air plus frais qui a soudainement pénétré. Il se redresse cherche le regard de Menno pour le saluer une dernière fois. Le prénom prononcé lui fit froncer les sourcils. Il n'avait aucun souvenir d'une Elisabeth, ou plutôt d'une Elisabeth qui pourrait être liée au Néerlandais. Est-ce le choc qui le fait délirer ? L'alcool également. Beaucoup de choses à assimilés, pour un cerveau fatigué. Yadriel ouvre la bouche pour s'assurer qu'il ne fait pas une erreur en le laissant partir, mais le contact visuel est coupé par les ambulanciers qui attirent l'attention du barman pour lui poser une salve de questions quant au blessé. Il répond du mieux qu'il peut, malgré la froideur qui s'est emparée de lui depuis que Menno a parlé avec sa voix blanche. Quand il relève les yeux, il n'est plus là.

@Menno de Pruys







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