Second : Tu es né second, pris en étau entre l’aîné et le benjamin, ramassant les miettes de l’attention parentale. Siarl ton grand frère était le sosie de ton père, alors que Dafydd, le petit dernier, était le favori de votre mère. Toi, tu n’avais rien de spécial qui te rapprochait de tes parents. C’était à l’école que tu te distinguais, tu étais un premier de classe. Tu te réfugies dans tes livres d’écoles afin de compenser l’attention parentale monopolisée par tes frères. C’était comme un couteau à double tranchant, ton excellence scolaire rassurait tes parents leur permettant de se concentrer sur tes frères sans culpabilité. Tu es le second, le perpétuel oublié et le médiateur de ta fratrie. C’est le rôle qui tu as accepté sans bronché. De tes yeux d’enfants, tu vois bien que tes parents sont à des années-lumière l’un de l’autre. Cette distance s’est exacerbée à la naissance de Dave. C’est un secret de polichinelle, mais ton petit frère n’est pas le fils biologique de ton père. Tu l’as entendu au détour d’un murmure nocturne. Ton père pour toi, ça ne changeait rien, Dave était ton frère. Siarl ne voyait pas la situation de la même façon, son cœur était plein de rancœur pour votre « bâtard » de petit frère. Selon ton aîné, c’est de sa faute si votre paternel s’est réfugié dans l’alcool. Malgré ses failles, ta famille t’est infiniment précieuse.

Nouveau départ : Tu avais douze ans lorsqu’on t’a déraciné de ta terre natale. Pour tes parents, c’était l’occasion de repartir à zéro, pas seulement dans une nouvelle vie, mais carrément dans un nouveau pays. Leur choix se porte sur Ohio-du-Barachois, un petit village perdu dans la province du Nouveau-Brunswick au Canada. Si ce déménagement se voulait un nouveau départ pour ta famille, tu ne tardes pas à réaliser que plus ça change plus c’est pareil. Afin d’échapper aux disputes parentales que tu entends les échos étouffer, tu te réfugies dans tes études, le dessin et le sport. Tu as intégré l’équipe de football, retrouvant un semblant de la vie que tu menais en sol britannique. Tu ne tardas pas à te démarquer des autres par ton talent. Il y avait quelque chose de libérateur à échapper à l’ombre de tes frères et aux cris étouffés de tes parents. Tu aurais voulu que ça cesse. Contrairement à Siarl, tu ne reproches pas à ton petit frère les problèmes familiaux. Dafydd n’a pas choisi les circonstances de sa naissance. Sauf qu’encore une fois, tu gardes le silence à quoi bon tenter de faire entendre raison à la tête de mule qu’est ton frère aîné ? Tu te demandes aujourd’hui, est-ce que ton petit frère aurait été différent si tu ne t’étais pas muré dans ton silence.

Histoires : La véritable nature humaine n’a pas vraiment de secrets pour toi. Ton adolescence a été le film des histoires de tes camarades. La première fois que tu as vu les scènes se dérouler devant tes yeux, tu as cru que tu étais fou. Comme ton grand-père. Tu ne tardas pas à comprendre que ces images apparaissaient lorsque quelqu’un lui racontait un souvenir. C’est avec soulagement que tu te rendis compte que tu visualisais ce qu’on te relatait. Tu prends vite conscience que certaines personnes aiment amplifier la réalité, tandis que d’autres omettent des détails. Que ce soit volontaire ou non, cela te complique quelquefois ta conception des événements. Certains jours, tu évites les contacts sociaux puisque chaque conversation devenait rapidement épuisante. Tes sens étaient en ébullition entre les images intempestives et la discussion que tu tentais de suivre. Ton adolescent a été parsemé de cette cacophonie visuelle que représente ton don. Si tu arrives parfois à faire fi des scènes qui t’assaillent, il n’en reste pas moins que cet exercice est par moments très éreintant mentalement.

Édimbourg prise 1: Tu peux dire avec certitudes que tes années d’études à Édimbourg ont été les plus belles de ta vie. Être admis à l’université d’Édimbourg et obtenir une bourse d’études pour tes résultats scolaires et tes talents sportifs ont été la consécration de ton travail acharné. Pour la première fois, tu ne vivais pas pour ta famille, tu le faisais pour toi. Tu as appris à te connaître sans l’ombre de tes frères ou le subtil favoritisme de tes parents. Tes réussites tu ne les devais qu’à toi et tu les savourais. Tu as aussi expérimenté tes premiers émois amoureux. Tu pouvais enfin être toi-même, tes partenaires Femmes, hommes ou personne non binaires, cela ne faisait aucune différence. Ça a été un choc pour toi qui vient d’une famille où seule la norme hétéronormative est acceptée. Lorsque tu visitais ta famille, tu te gardais bien de leur confier cette part de toi. Tu savais que tu n’échapperais pas aux remarques acerbes de ton frère et ton père. Peut-être étais-tu trop lâche pour oser souiller cette image parfaite que tu avais créée auprès de ta famille? Ce qui se passait à Édimbourg restait à Édimbourg.

Retour à la maison : Toute bonne chose à une fin. Cette expression s’appliquait bien à l'issue de ton séjour à Édimbourg… Tu finissais ta maîtrise, un emploi dans une grande firme d’architecte d’Édimbourg t’attendait au terme de tes études. Sauf que l’univers en décida autrement. Lors d’un match important, tu entras en collision avec un joueur adverse. Le genou fracassé et ta jambe endommagée, tes aspirations sportives tombèrent à l’eau dès ce moment. Cet incident n’était que le début de la fin de ta vie en Écosse. Tes projets de fiançailles avec la personne que tu fréquentais depuis 2 ans volèrent en éclat, tu devais retourner auprès de ta famille. Ton père a fait un AVC qui l’a laissé grandement hypothéqué. Il est à moitié paralysé et dans un fauteuil roulant. Ton frère aîné ne peut gérer la boucherie seul, il avait besoin de toi. Tes rêves et ta raison en conflits, tu te résignes à choisir la seconde option. Tu es retourné en terre canadienne, abandonnant tes projets derrière toi.

Merguez : Tu as rencontré Merguez il y a déjà trois ans. Cette petite teckel à la bouille attendrissante a su faire fondre ton cœur. Ta vie amoureuse ressemblant au désert du Sahara, la solitude te pesait et tu n’avais rencontré personne qui te donnait envie de te poser. Tu avais besoin d’un compagnon à quatre pattes pour remplir ce vide et ton choix s’est porté sur ce petit chien à la silhouette saucissonne. En fait, c’est elle qui te mène par le bout du nez du haut de ses minuscules pattes et il lui suffit d’un seul regard pour te faire fondre. D’ailleurs, ton téléphone contient des milliers de photos de sa bouille attachante, au grand dam de ta mère qui désespère d’avoir des petits-enfants. Inconsciemment, tu sais que ton retour à Barachois n’est que temporaire, ce n’était qu’une question de temps avant que les circonstances te ramènent en sol britannique.

Petit-frère, que deviens-tu? : Compliqué, c’est l’adjectif que tu pourrais appliquer à ta relation avec ton petit frère Dafydd. Dave a toujours été différent, le petit mouton noir de la famille. Ton frère Siarl est particulièrement hostile envers lui, toi tu ne le détestes pas, seulement vous êtes très différents. Tu tentes de le comprendre, mais tu n’y arrives pas. Ses décisions ne sont motivées pas par aucune logique, il a déjà mis votre famille dans le pétrin en volant la caisse de la boucherie familiale. Le tout pour poursuivre ses ambitions. Cela c’est sans compter toute les fois où il quête de l’argent à votre mère. Tu te demandes encore aujourd’hui à quoi il a pensé en fuguant comme un voleur à la poursuite de ses passions. Peut-être qu’une partie de toi l’envie d’avoir le courage de se consacrer à ses rêves. D’un autre côté, à quel prix il le faisait dans la mesure où il se mettait sa famille à dos. Une autre source d’inquiétude était les problèmes de consommation de ton frère. Tu as espéré qu’il se reprenne en main lorsqu’il est revenu après sa troisième désintoxe ratée à Londres. Fidèle à lui-même sa sobriété n’a durée à peine plus de deux ans avant qu’il gâche tout à nouveau sur un coup de tête. Il a de nouveau failli rejoindre la faucheuse ce qui n’a fait qu’amplifier l’inquiétude de votre mère. La culpabilité s’insère insidieusement dans ton esprit, te demandant ce que tu aurais pu faire pour éviter cela. Tu aurais peut-être dû te porter volontaire pour prendre soin de ton père avec lui.

Ta relation avec ton frère est remplie de silences et d’attentes déçues. Votre mère garde encore quelques contacts avec lui et c’est l’un de leurs appels qui t’a interpellé. Sa voix avait quelque chose d’étrange et les images que tu voyais devant tes yeux étaient mélangées. Tu ne comprenais pas. Était-ce vraiment ton frère au bout du fil? Avait-il fait une nouvelle rechute? Votre mère ne survivrait pas si elle perdait définitivement son dernier fils. Dès lors ta décision fut prise, tu allais te rendre à Édimbourg pour le sauver de lui-même. Ce serait également l’occasion de déterrer tes rêves trop longtemps mis en veilleuses.

Faits divers : - Ta blessure à la jambe droite continue de te faire souffrir. Tu claudique légèrement surtout lors des journées froide et humide.
- La course étant douloureuse pour toi, tu as commencé à faire de la natation te permettant de rester en forme.
- Tu aimes dessiner, ta maison est pleine de bds jamais publiée.
- Tu es végétarien, tu as adopté cette diète depuis que tu as travaillé à la boucherie de ton père.
- Tu es friand de whisky que tu as découvert lors de ton premier séjour en Écosse.
- Tu portes des lunettes de lectures, surtout pour contrer ta fatigue oculaire lorsque tu passes te journées devant l'écran ou à lire.