On ne peut pas dire qu’être abandonné devant la grille d’un orphelinat est le meilleur moyen de commencer sa vie. Mais c’est comme ça que la mienne a débuté, par des cris dans la nuit noire d'Edimbourg. On m’a raconté que c’est la directrice des lieux qui m’a entendu alors qu’elle fumait une clope à la fenêtre de sa chambre. J’étais enroulé dans une simple couverture de laine blanche, sans bracelet d’identification, sans papier, sans rien. Même pas un foutu drap d’hôpital pour indiquer d’où je venais. Mes parents m’ont juste laissé là, sans savoir si on me trouverait à temps ou si j’allais crever de froid avant le matin.

Je ne vous fais pas le topo sur la vie merdique dans un orphelinat, ni sur mes séjours dans des familles d'accueil qui me renvoyait direct à l’expéditeur après la première nuit. Mon don a bien foutu la merde et on a fini par m’enfermer à la cave tous les soirs pour éviter les incidents, comme ils disaient. J’ai chopé pas mal de maladie à force de dormir dans un lieu froid et humide.

J’étais pas un méchant gamin, en vrai. Peut-être un peu turbulent. J’aimai me faire remarquer et attirer l’attention alors j’ai enchaîné pas mal de bêtises. L’école c’était pas mon truc non plus, je ne supporte pas de rester assis sur une chaise à rien faire. Alors dès que j’ai pu, j’ai demandé mon émancipation et je me suis barré de ce lieu maudit. Le fait qu’il soit parti en fumée seulement trois jours après mon départ est une pure coïncidence. Enfin, je crois.

A peine majeur, quelques dollars seulement en poche, la galère à commencé. J’ai trouvé une piaule dans une petite maison de Pilton, une colocation avec six autres mecs. Ma chambre n'était pas plus grande que ma cave à l’orphelinat mais c’est tout ce que je pouvais me payer.

J’ai enchaîné les petits boulots dans les fast food du quartier et dans les bars de la vieille ville. Je suis un bosseur, ça me fait pas peur de me lever tôt et de marcher toute la journée. Mais ça gagne mal alors quand un petit dealer de mon quartier m’a proposé de faire une livraison pour lui, je n'ai pas hésité longtemps. C’est comme ça que j’ai commencé à me faire quelques billets en rendant des services à des gens peu fréquentables.

Mais j’ai pas été malin. Au lieu de mettre de l’argent de côté, j’ai tout claqué en fringues hors de prix pour pouvoir postuler dans des établissements plus huppés que les fast food de mon quartier. J’ai fait la fête, beaucoup. J’ai tout claqué dans de la drogue pour rester éveillé le plus longtemps possible.

Un jour, on m’a envoyé faire une livraison sur les lieux d’une course de voiture illégale. J’ai déjà conduit des vieux tacots mais les bagnoles là-bas, c’était autre chose. Une chose en entraînant une autre, j’ai pris goût à l’odeur de l’essence et à l’adrénaline de la vitesse. On m’a prêté une voiture et j’ai même réussi à en gagner une contre un cador d’une ville voisine. Ma Skyline c’est mon bébé et c’est tout ce que je possède alors plutôt crever que de le vendre.

Assez vite, mes colocataires en ont eu marre de me voir jouer à l’exorciste pendant la nuit. Quand un type a été retrouvé tabassé au milieu de notre salon, on m’a fait comprendre qu’il fallait que je me taille avant que les flics ne débarquent.

Après l’expérience de la colocation, je me suis rendu à l’évidence, il fallait que je vive seul. Mais sans contrat de travail et avec seulement du cash, c’était mission impossible de trouver un appart. Mais le voisin d’un ami à la cousine de mon ancien patron m’a filé le plan d’un vieux bungalow à Pilton. Le proprio n'est pas regardant sur l'argent tant que je lui file ce qu’il faut tous les mois. C’est pas le grand luxe mais ça me suffit.

Alors ok, les voisins sont chelous mais je le suis aussi alors tant que chacun se mêle de ses affaires, tout va bien. Je continue de faire la fête, à boire et à prendre pas mal de drogue pour rester éveiller. Les esprits acceptent de me laisser tranquille parfois, quand mon corps menace de céder mais il m’arrive encore régulièrement de me réveiller dans un endroit totalement inconnu.

Je continue aussi à faire des courses dans les rues d'Edimbourg. Ca rapporte pas mal d’argents alors dès que je peux, j'utilise ma Skyline pour autre chose que des livraisons.