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Sinking Past :: Old Town :: Cowgate & Grassmarket :: The Hive
Harlow Brodie
Harlow Brodie
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Occupation : Barmaid au Hive
Âge : 30 Quartier : 99/3 Milton Road East, Leith
Situation familiale : Célibataire, un frère, Farris, plus âgé de deux ans, un petit demi-frère âgé d'une dizaine d'années
Date d'arrivée à Edimbourg : 2012, à la fin du lycée
Don : Attire les esprits comme un aimant, ils sont difficiles à discerner des personnes bien vivantes. Résultat : migraines, peur de paraître ridicule en parlant à quelqu'un qui n'est pas vraiment là, frissons...

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Mer 24 Juil - 18:09
Back to the birthday party
[T.W : mention de consommation d'alcool]

Travailler le soir de son anniversaire n'est pas l'idéal, je l'avoue mais je n'ai pas vraiment eu le choix. Ce n'est pas grave, mes collègues et mes employeurs se sont montrés gentils et m'ont proposé d'organiser une soirée sur le thème des années 80 pour me faire plaisir et que je passe moi aussi une bonne soirée. C'est leur cadeau d'anniversaire et quand ils me l'ont annoncé, ça m'a énormément touchée et fait plaisir. J'en ai parlé à Eunice au détour d'une conversation et elle m'a dit qu'elle viendrait. Ca m'embête un peu parce que j'ai l'impression de la pousser à venir consommer et ce n'était absolument pas le but. Je voulais juste lui faire part de cette bonne nouvelle. Je suis sûre que tu ne l'aurais pas approuvée.

Au Hive, il y a beaucoup d'excès et je connais maintenant ton aversion pour l'alcool. Sans doute pour mon emploi aussi d'ailleurs aussi je ne suis pas certaine que je t'aurais proposé de venir si nous étions toujours en contact. Je pense que ça aurait été très malvenu de ma part alors, quelque part, c'est mieux comme ça. Mais je sais que tu vas laisser un vide ce soir, comme pour tous les anniversaires depuis ton départ. J'espère juste être suffisamment occupée pour ne pas trop penser à ton absence, nous verrons ça.

En tout cas, la soirée a commencé fort. Tout le monde a joué le jeu que ce soit les employés et les clients. Même les videurs et c'est assez important pour le souligner. Ils ont gardé leurs uniformes mais ont chacun quelques accessoires tout de même. Pour ma part, j'ai chiné une tenue très colorée et fluo. J'aime bien l'effet que ça fait sous la lumière de la boîte de nuit. Je m'active derrière le bar, tout sourire et complimente la tenue de chaque personne qui vient y commander. Même mon collègue n'arrive pas à gâcher ma bonne humeur malgré ses remarques, j'ai suffisamment d'entrain pour l'ignorer.

Je vois Eunice arriver avec Eleanor et mon sourire s'agrandit. Je leur fais coucou dès que je les vois rentrer dans l'établissement mais suspens mon geste en voyant qu'elles ne sont pas venues seules. Je sens l'émotion monter et annonce à mon collègue que je reviens dans la minute pour aller saluer tout le monde. Eux aussi se sont mis dans l'ambiance, qu'est-ce que je les aime.

- Vous êtes tous venus !

J'apprends que Lennox et d'autres amis n'ont pas pu se libérer mais ce n'est pas grave. Par contre, ça appuie un peu plus sur le fait que tu n'es pas là mais je comprends. C'est normal.

- Merci beaucoup, vous êtes si adorables... Et vous êtes si beaux !

Je parle fort pour couvrir le bruit de la musique et des clients.

- Installez-vous ! Je vous paie ma tournée !
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Ven 26 Juil - 16:10
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tw : alcool, rapide mention de pensées suicidaires

Ce sont tes trente ans. Trente ans, bordel. J'ai longtemps espéré que je ne vivrais pas assez vieux pour les voir. Puis, j'ai cru que je serais trop loin pour être invité. Peut-être que je ne le suis même pas, invité, d'ailleurs. C'est Eunice qui m'a juré que ça te ferait plaisir que je sois là. Et maintenant, je suis dans mon appartement à enfiler une tenue pour coller au thème. Les 80s, pas surprenant de ta part. Mon frère me tourne autour, Austra dans les bras. Il tente de la faire sauter contre sa hanche pour la bercer. On aimerait tous les deux qu'elle se soit rendormie au moment où je partirais, pour éviter de la stresser. Elle ne dort jamais sans que je sois à côté du berceau.

— Non, ça le fait.

Je suis encore en train d'ajuster les bretelles de la salopette. Je ne sais pas si c'est hyper marqué années 80. J'ai essayé. Le t-shirt est kitsch à souhait, en tout cas. Je m'observe dans le miroir de l'entrée, fais un tour sur moi-même. Je ne sais pas ce que tu vas penser de moi. Est-ce que le videur me laissera rentrer ? Imagine. J'essaie de me pointer à ton anniversaire et tu es sauvée sans le savoir par ton collègue. Pourquoi je viens, Harlow ? Pourquoi on fait tous semblant que ma place est parmi vous ? Parce que j'ai que vous, maintenant, et que vous me prenez en pitié.

— Je la nourris et j'y vais.

Je tends les bras pour la récupérer avant même d'avoir préparé son biberon. Mon frère me laisse faire, parce qu'il a bien compris que je m'accrochais à elle comme à une boubée. C'est vrai. J'ai du mal à m'éloigner de ma fille. Je joue, fais semblant de dévorer ses petites mains, ce qui la fait exploser de rire. Je me lasserais jamais de ce son, je pense. Quand son dîner est tiède, je vais m'installer dans la chaise à bascule, dans sa chambre. Par miracle, elle s'endort facilement après. Je la dépose dans son lit avec précaution et reviens dans l'entrée. Pas de tache de lait sur mon t-shirt ? Rien pour me retenir dix minutes de plus ? Merde.

J'attrape avec précaution le sachet-cadeau en papier vert pâle qui contient un bouquet séché sous une petite cloche. Ta fleur préférée y est, si tes goûts n'ont pas changé. Peut-être que je vais m'humilier, avec cette idée. Je n'ai pas osé prendre quelque chose de plus grand, plus cher ou de plus personnel. Je voulais un truc passe-partout, qui ne te mettra pas dans une situation inconfortable en l'ouvrant. Une veste en jean. Je pense être enfin équipé. Mon skate est accroché en bas. À la moindre gamelle, ton cadeau finira en miette... Raaah, j'y avais pas pensé. 

— Attends !

Mon frère est là, le bras tendu vers moi. Il me donne son cadeau pour toi. C'est juste une enveloppe. J'imagine un petit mot et une carte-cadeau pour un magasin sympa. Un truc un peu gentil, parce que je sais que mon frère espère ce qui n'arrivera pas. Entre nous, je veux dire. Le tien serait sûrement du même avis, s'il n'était pas trop occupé à jouer au colon dans une base au Yemen ou je-ne-sais-où. Quel crétin. Il doit terriblement te manquer. Ça me fait mal au cœur de vous savoir séparés pour une raison aussi conne.

— Merci pour elle. Je lui dirais bonjour de ta part, si on arrive à s'entendre.

Je suis amer à cause de l'appréhension. Les boîtes, c'est pas mon truc. Je fais que tourner en boucle là-dedans, mais j'ai vécu presque neuf ans dans une bulle. On sortait entre nous, on dansait entre nous, on était un éco-système fermé. J'ai évolué dans un terrarium anarchiste, et j'exagère à peine. Avec tous les gens que j'étais forcés de côtoyer, que ça soit à la fac ou dans notre immeuble, j'avais réussi à créer des relations confortables, où nos différends ne s'imposaient jamais à nous. On se concentrait sur nos points communs et basta. J'ai envie de leur téléphoner. À Zane ou a un autre. N'importe qui tant qu'il abreuve mon cerveau de Letton et de bons souvenirs. Mais c'est dangereux, je dois rester attentif aux voitures pour ne pas finir aux urgences. Ouais, en douze années, j'ai enfin développé un instinct de survie.

J'aurais aimé que tu vois la tête de ton collègue responsable des vestiaires lorsque je lui ai tendu mon skate. Il a pas osé me dire non, mais je sens qu'il a aucune idée de ce qu'il va faire avec. Le pauvre. Je sécurise le ticket dans la poche kangourou de ma salopette et m'avance en direction de la grande salle. La musique est assourdissante. Je repère la bande, habillé en fluo pour certains, autour d'une table au fond. Eleanor me repère et me fait de grands gestes. Trop tard pour fuir. Je me plante, fais un salut général. Je pose mon paquet et l'enveloppe de mon frère au centre, avec les autres cadeaux. J'ai un sourire soulagé en constatant que tu es entourée, malgré tout. Je ne sais pas ce qui se cache derrière le papier décoré, mais je me doute qu'ils ont tous fait l'effort de trouver quelque chose qui te plaira. Tu n'as jamais été dure à contenter, honnêtement. Tu vas sûrement nous dire qu'on aurait pas dû. T'es ce genre de personne.

Lennox n'est pas là, comme Eunice m'avait dit. Je pense que je ne serais pas venu, sinon. Le fait d'être dans une boîte, à accompagné de personnes qui consomment de l'alcool, à Édimbourg, sans ma fille, ça me tend suffisamment. J'aurais pu faire une connerie et c'est le jour de ton anniversaire. Je peux pas tourner cette soirée pour qu'elle soit à propos de moi, comme l'a été la réunion des anciens élèves. Je m'installe juste à côté d'Eunice, pour profiter de la bulle de calme qui l'entoure en permanence.

— Elle est partie chercher à boire.
— Ah. Ok.

Ma réponse trahit mon stress. Notre amie pose un bras autour de mes épaules pour me secouer un peu. Elle complimente ma tenue et tente de me faire sourire. Quand Eleanor s'y met aussi, elles réussissent. Je ris jusqu'au moment où je tourne la tête et te vois. Mon sourire disparaît immédiatement, sous le coup de la surprise. T'es magnifique dans ta tenue. On dirait Barbie dans le trailer, quand elle a ses rollers. J'ai pas vu le film, mais j'ai vu la bande-annonce et ça avait été compliqué de pas penser à toi.

— Eunice m'a invité. Je voulais pas m'incruster.

Je ressens le besoin de me justifier alors que personne, jusque-là, a trouvé ma présence étrange. Je pose mes deux mains sur la table. Elle colle. Super. Je regarde ma paume et la frotte du pouce pour me libérer de la pate qui s'y est accrochée.

— Mon frère te dit salut et bon anniversaire.

Et moi ?... Moi j'oublie, parce que je me sens gauche et le deviens en ta présence.


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Dim 28 Juil - 15:56
Back to the birthday party
[T.W : mention de consommation d'alcool]

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils seraient aussi nombreux ce soir et ça gonfle mon cœur de bonheur. Je les salue tous, un par un, et prends leur commande pour pouvoir la leur servir moi-même, j'y tiens. Ils ont tous joué le jeu à l'instar des employés et des autres clients. Je crois que ça fait plaisir à tout le monde de se déguiser et de revêtir des couleurs. Même la musique date des années 80 et tout le monde est à fond, l'ambiance est légère et bon enfant c'est sans doute un des meilleurs anniversaires que j'ai eus depuis ton départ. Je leur indique une table libre un peu à l'écart pour qu'ils soient tout de même au calme et leur éviter une migraine en rentrant avant d'aller derrière le bar préparer leurs boissons.

Je reviens avec leurs verres sur un plateau en évitant de me faire bousculer par les clients qui, eux, ne font pas vraiment attention à l'environnement qui les entoure. Ce n'est pas très grave, je dois juste me montrer davantage prudente et ça fonctionne. Même que je ne renverse rien en te voyant attablé. Il ne me semble pas que tu étais là toute à l'heure, je t'aurais remarqué. Tu ne souris pas et ça me met mal à l'aise parce que je ne comprends pas. Ton explication me fait un peu mal. On dirait que tu es venu parce qu'on t'a mis la pression vu ton air. Je ne sais pas comment réagir, au départ, mais au bout de quelques secondes, je recouvre mes forces et parviens à sourire.

- Tu ne t'incrustes pas, t'es le bienvenue tu sais.

Je dépose les verres devant chacun en t'écoutant parler de ton frère.

- Merci beaucoup. Désolée ça fait un petit peu pigeon voyageur mais tu pourrais lui transmettre mes remerciements et mon bonjour ? C'est vraiment gentil de sa part.

Je suis un peu piqué alors que je sais que tu ne me dois rien. Je ne veux pas avoir l'air de réclamer un bon anniversaire de ta part mais je me dis que, même si tu avais oublié la date, le fait que Shay me le souhaite aurait dû te le rappeler. Est-ce que tu ne veux vraiment plus rien avoir à faire avec moi à ce point ? Dans ce cas-là, pourquoi ne pas avoir refusé malgré leur insistance ? Tu n'as jamais été du genre à faire des choses qui ne te conviennent pas alors pourquoi ce soir ? Je te vois te dépatouiller avec ce que je pense être des restes collants de boissons alors je te tends un torchon propre que j'ai sur mon bras.

- Désolée, c'est un peu la folie ce soir, ils n'ont pas le temps de passer entre chaque client.

C'est à ce moment là que je percute qu'au milieu de la table, il y a un tas de cadeaux qui me semble énorme. J'étais tellement focalisée sur toi et le fait de ne rien renverser malgré l'agitation que je n'avais pas remarqué tous ces paquets.

- Mais il ne fallait pas... Déjà que vous soyez là est un énorme cadeau vous savez ?... Merci beaucoup mais vraiment... Je suis gênée.

J'ai un petit sourire ému que je cherche à masquer en passant un chiffon humide cette fois sur la table. Je frotte certaines taches persistantes, faisant ainsi du bruit avec mes bijoux en plastique puis me redresse.

- Bon c'est pas parfait mais je demanderai à quelqu'un de passer avec un produit.

Je jette un coup d'oeil au bar et voit mon collègue discuter avec une cliente. Je soupire avant de reporter mon attention sur toi.

- Qu'est-ce que je peux te servir à boire ? Je peux te faire un cocktail sans alcool à base de sirop et jus de fruits ou... Juste un soda ou un jus ou un diabolo, on a le choix.

Mon regard oscille entre toi et le bar. Je ne peux décidément pas le laisser seul cinq minutes.
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Mar 30 Juil - 20:33
Back to the birthday party
tw : alcool

On n'est pas sorti souvent en boîte ensemble. Premièrement parce qu'on était mineurs, deuxièmement parce que mes potes étaient hyper critiques de ce genre d'endroit. Entre nous, ils étaient imbuvables, ces types. Ils buvaient, ils fumaient, ils n'avaient rien à voir avec les anarchistes que j'ai fréquentés à Riga. Ils étaient cultivés et ils me parlaient de pensées séduisantes, d'auteurs importants. Dans les faits, leur militantisme consistait principalement à ne pas voter, à détester tout ce qui apportait de la joie aux autres et à mépriser les gens qui n'étaient pas d'accord avec eux. Tout n'était pas à jeter dans ce qu'ils disaient, mais je regrette de les avoir admirés autant. Ils le méritaient pas, tu devais le voir. Tu étais plus lucide. J'étais ridicule, adolescent. J'arrive pas à me pardonner pour mon immaturité et ce que je vous ai fait subir à cause d'elle.

Pour toi, ça, c'est la normalité. L'odeur d'alcool, de désinfectant, de sueur, ce mélange qui va me donner terriblement mal à la tête et que je sentirai encore sur ma peau ce soir, allongé dans mon lit, c'est ta normalité. Je prends encore plus conscience du gouffre qui nous sépare. Je préfère me couper une main que passer mes nuits ici. Je trouve cette boîte terrifiante. Comment ne pas se sentir pris au piège dans ce cube de béton, sans fenêtre, avec deux pauvres sorties de secours mal fléchées ? Je prends sur moi, je m'installe à côté d'Eunice. Je sens déjà son effet apaisant me gagner. Je reste convaincu que ce n'est pas un endroit pour moi, mais je ne cherche plus nerveusement la porte la plus proche pour fuir. Quand tu apparais, j'espère avoir l'air à peu près normal. Je me sens obligé de me justifier, de trouver une raison à ma présence au-delà du fait que je voulais être là pour ton trentième anniversaire. Je ne sais pas si tu es tendu à cause de moi ou parce que tu es concentrée pour ne rien renverser.

— Merci.

Vous faites rien volontairement qui pourrait me dire que je ne suis pas le bienvenu. C'est pas pour ça que je suis mal à l'aise. Mais c'est pas le lieu ou le moment pour t'expliquer. Peut-être que tu t'en moques, que tu as gâché trop de temps à m'écouter te raconter mes soucis avec la société actuelle et que c'est quelque chose qui ne t'a pas manqué, depuis mon départ.

— Je lui dirais ce soir, pas de souci.

Il doit être étalé sur mon canapé, mon pc sur les genoux pour regarder une série. Ou alors il lit, je ne sais pas. En tout cas, il a le baby-phone à proximité. En face de moi, je vois Eleanor me faire les gros yeux. Elle tente de me faire comprendre quelque chose, mais je sèche totalement. Je suis trop occupé à me décoller de cette table. Je prends ton torchon et frotte ma peau. La sensation est désagréable. C'est bien, en tout cas, j'ai une tache sur laquelle me concentrer alors que tu repères les cadeaux. Je ne sais pas comment réagir. Le mien, c'est trois fois rien. Je suis sûr que les autres ont eu des idées de dingues, qui te rendront heureuse.

Quand tu as fini ton coup, je me redresse et te rends ton torchon, mais ton regard est ailleurs. Je me tourne pour comprendre ce que tu observes. Le problème ne me saute pas aux yeux. Il n'y a qu'un barman avec des clients. Pourtant, Eunice aussi tique, il me semble. C'est qui, ce type ? Pourquoi sa présence vous agace ? Et alors que je le regarde, tu t'adresses à moi. Je suis pris un peu au dépourvu. Ça me fait bizarre de te demander de me servir. Je sais que c'est ton job mais c'est la première fois que je te vois en action. Je me demande si j'ai l'air d'un enfant effrayé ou d'un type refermé. Tu me connais toi. Est-ce que j'ai encore les mêmes mimiques qu'à l'époque ? Je ne suis pas sûr. J'ai beaucoup changé.

— Un jus, s'il te plaît.

Et je pensais que la conversation s'arrêterait là. T'as peut-être envie de le chercher vite fait pour te poser cinq minutes avec nous. Ils vont te laisser faire, non ? C'est ton anniversaire et il y a des clients déjà ivres que tu devrais arrêter de servir. Eleanor te retient.

— Attends. Je crois qu'Aran a oublié de te dire quelque chose.
— Heu... je...

Je la regarde avec mes yeux de merlan frit. Qu'est-ce que je dois te dire ? J'essaie de me souvenir de tout ce qu'Eunice a pu me dire. On a beaucoup parlé de toi, tu t'en doutes. On a fait le bilan de notre première soirée ensemble, je lui ai aussi parlé de la plage. Mais rien qui soit pertinent à te dire là, tout de suite. Eleanor ne s'attend quand même pas à ce que je te dise que tu m'as manqué devant tout le monde ? Je vois ses lèvres former les mots "joyeux anniversaire" et je crois que ça me soulage.

— Je l'ai dit...?

Je te regarde et je comprends que non, j'ai parlé qu'au nom de mon frère. Pas du mien.

— Je pensais l'avoir dit, excuse-moi. Bon anniversaire, Harlow.

Je suis vraiment désolé, c'est la nervosité de l'endroit, c'est la fatigue, c'est le stress de ne pas avoir ma fille dans mon champ de vision, c'est ma détestation des boîtes de nuit, mais ce n'est pas toi qui me fais du mal. Je ne suis juste plus adapté à ton monde, et c'est pas si grave. On doit l'accepter. 
@Harlow Brodie


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Mer 31 Juil - 13:06
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Evidemment que t'es le bienvenu ici. Ce serait mentir que de dire que je ne suis pas heureuse de te voir. Bien au contraire, ça me réchauffe le cœur du moins jusqu'à ce que j'ai l'impression qu'on t'a forcé à venir ici. Ca jette un froid de mon côté. Je me doutais bien que la discussion à la plage ne changerait pas tout mais... De là à ce que tu sois traîné de force à mon anniversaire... Ca me fait profondément mal mais je tâche de garder mon sourire de façade et mon attitude professionnelle ; on est sur mon lieu de travail alors je ne peux pas faire de scène et, honnêtement, je n'en ai pas l'énergie. Disons que ton frère me souhaite mon anniversaire et pas toi ajoute de l'eau dans le gaz mais, encore une fois, je préfère ne rien dire. Je ne pensais pas que tu avais fait semblant, la dernière fois que nous nous sommes vus. Si tu me détestais tant que ça, pourquoi me confier ta fille et prendre une photo d'elle dans mes bras ? Pourquoi venir, tout simplement ? Tu n'as jamais été du genre à te forcer. Est-ce que tu as changé là-dessus aussi ?

- Merci.

J'aurais aimé demander des nouvelles mais je préfère ne pas le faire. Ta famille et moi avons coupé les ponts il y a bien longtemps et même si tu me dis que tu ne m'en aurais pas tenu rigueur que l'on soit encore en contact, je me dis que ce n'est pas une bonne idée. Ne crois pas que je ne remarque pas les tentatives discrètes de nos amies pour te pousser à me souhaiter un joyeux anniversaire à ton tour. Je préfère juste les ignorer et faire comme si de rien était, comme si j'étais totalement aveugle à leur petit manège et hermétique à ton oubli, volontaire ou non. Je dois rester professionnelle et c'est ce que je fais. Je te tends un torchon propre pour te défaire du collant de la table et nettoie cette dernière non sans constater l'amoncellement de cadeaux qui s'y trouve. T'es-tu senti obligé de m'offrir quelque chose également ? Dans tous les cas, vous n'auriez pas dû. Votre présence me suffit et je suis égoïste d'être contente de te voir ce soir malgré le mal que tu me fais et la colère qui gronde en moi. Enfin, colère est un bien grand mot.

Je te demande si tu as une préférence pour le jus, nous avons de tout. Je vois que t'es mal à l'aise, tu n'as pas à l'être. Tu n'as qu'à faire comme si nous ne nous connaissions pas et que t'étais juste au bar pour fêter quelque chose avec tes amis. Traites moi comme n'importe quelle serveuse parce que c'est le rôle que je joue auprès de vous. Ca va peut-être t'étonner mais je retiens vos commandes sans rien noter, on est loin de la jeune adolescente qui ne parvenait pas à retenir des dates en histoire hein. Je m'apprête à partir quand Eleanor me retient. J'ai envie de pleurer, là. Je papillonne des cils, je n'ai pas envie de ça mais je reste par politesse. Je n'ai pas envie de t'entendre le dire parce que t'as été poussé par quelqu'un. J'arrive à peine à parler, ma voix est couverte par la cacophonie ambiante.

- S'il te plaît, non...

J'en suis presque à vous supplier mais évidemment, vous ne m'entendez pas tant j'ai la gorge nouée. Je me sens humiliée, c'est peut-être un peu fort, je n'en sais rien, mais c'est brutal. Je sais qu'elle pensait bien faire mais j'aurais préféré que ce moment n'existe pas. J'en oublie même mon collègue que je dois rejoindre au plus vite pour le virer de devant les filles.

- Ce n'est rien, merci.

J'ai un sourire furtif.

- Je te ramène ta commande tout de suite.

Et je tourne les talons les yeux brillants. Une fois derrière le bar, je bouscule Oscar pour qu'il me laisse la place et il plaisante avec un autre client à ce sujet. Je m'en fous. Je me concentre sur la commande des filles, essaie de discuter avec elles malgré mon envie de pleurer. Je suis efficace, un peu plus fermée que d'habitude et je mets tout ça sur le compte du rush et de l'afflux de personnes. Heureusement, elles ne m'en tiennent pas rigueur et repartent avec leurs commandes. Je sers encore deux ou trois personnes qui m'alpaguent et dès que j'ai un moment, je reviens vers vous.

- Désolée, il y a eu du monde tout d'un coup. J'espère ne pas t'avoir fait trop attendre.

J'ai essuyé la condensation sur le verre et ai apporté des dessous de verres pour tout le monde. Sur mon plateau, j'ai aussi quelques petits biscuits apéritifs dans différents petits bols pour les distinguer.

- Cadeaux de la maison. Ceux-là sont au piment, là au fromage, ici nature et... Juste un mélange de fruits secs.

Il n'y a pas à faire une telle présentation pour un apéritif mais je préfère que personne n'ait de mauvaises surprises. Je me retourne vers le bar et ai un soupir de soulagement en voyant qu'Oscar discute avec le même client que toute à l'heure. Quand il voit que je le fixe, il m'envoie un baiser pour me taquiner. Je lève les yeux au ciel et me tourne vers vous. Eleanor m'invite à m'asseoir avec vous, juste dix minutes et je n'ai pas le cœur de refuser alors je m'assois. L'un de nos amis me fait glisser son verre sans alcool pour que je puisse trinquer avec vous.
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Mer 7 Aoû - 2:07
Back to the birthday party
Quand tu pars, je me sens mal. J'en veux pas à Eleanor d'avoir insisté, je m'en veux à moi que ça ait été si compliqué de me faire cracher un bon anniversaire. Je te promets que ce n'était pas contre toi. J'avais pas prévu d'être un crétin, c'est quelque chose qui me vient naturellement quand je suis dans un environnement que je maîtrise pas. Excuse-moi. Et excuse-moi de ne pas formuler tout ça à voix haute. Dans une boîte, comment je suis censé discuter avec toi ? Tout est pensé pour empêcher les conversations et glorifier la consommation d'alcool. Extérieurement, j'essaie de faire comme si de rien était, mais je croise le regard plein de désapprobation d'Eleanor qui semble pas prête à lâcher le morceau. On recommence notre dialogue silencieux, à base de "quoi ?" muets et de gestes de mains cryptiques. Puis quand ça me saoule, j'utilise ma voix.

— J'avais oublié !
— Comment as-tu pu oublier ? On est à sa soirée d'anniversaire, Aran !

Je m'agite sans trouver de mots à cracher en retour. Oui, on est à ton anniversaire et j'ai pas pensé à te le souhaiter parce que je l'ai dit au nom de mon frère, ok, on va vraiment en faire tout un drame ? J'ai le droit d'être un peu gauche, quand j'arrive dans un monde de merde qui vous paraît parfaitement normal ? Je peux pas être parfait, excusez-moi, hein.

— Elle avait pas l'air bien.

Sevan croise les bras sur la table poisseuse pour nous faire part ce commentaire et honnêtement, j'ai envie de le secouer, de lui demander s'il est con, s'il a pas vu que t'avais pas eu le temps de passer un produit ou entendu que quelqu'un devait le faire. Douze ans plus tard, toujours pas capable de se gérer. Il croit quoi ? Que je suis devenu aveugle au expression facile des autres ? Des tiennes, surtout ! J'ai vu que ça t'avait perturbé. Je m'en veux assez, merci Sevan !

— Je pensais vraiment le lui avoir dit ! Je me suis excusé, je peux rien faire de plus !

Je commence sérieusement à en avoir marre, ça s'entend dans le volume sonore de mes paroles. Maintenant, tous nos amis me regardent. Super. J'ai bien fait de ramener ma poire à cette soirée. Vraiment. Félicitations à moi-même. Et alors que je commence à bouilloner, Eunice intervient. Elle dresse un index dans ma direction et me regarde avec sérieux, pivotant sur son fauteuil qui grince à chaque mouvement.

— Hey, on va pas non plus en faire un drame. Et toi, calme-toi. On est là pour elle, pas pour baby-sitter tes sauts humeurs.

Ca me calme, effectivement. Il n'y a pas beaucoup de monde qui peut me remettre à ma place sans que ça m'agace encore plus mais Eunice, si. Parce qu'elle a ce charisme-là. Quand elle monte le ton — et encore, elle ne le monte pas vraiment, elle a toujours un truc calme dans la voix — c'est toujours pour quelque chose de sérieux. Elle n'est pas injuste ou froide. Jamais. Je ferme ma gueule et me colle le dos à mon siège. Je compte jusqu'à dix pour m'occuper en attendant que les autres retournent à leur conversation. Quand tu reviens, j'ai pas bougé. J'ai le regard dans le vide, la bouche fermée.

— Pas de souci, merci.

Je réponds faiblement, sans lever les yeux vers toi. J'observe les gâteaux apéritifs que tu mets sur la table et tente de repérer les fruits secs malgré l'obscurité. Je piocherai dedans plus tard. J'essaie encore un peu de me faire oublier. Je prends une place de spectateur. D'anthropologue, en somme. Si j'ai pu passer deux ans à traîner avec des néo-nazis pour la science, cette soirée devrait être agréable en comparaison. Mais j'ai pas envie de mettre la même distance émotionnelle à ton anniversaire que lors d'un meeting de l'extrême droite. Encore une fois, je regarde ce que tu observes et tombe sur ton collègue. Il t'envoie un baiser et vu ta réaction, t'aimes pas bien ça de sa part.

— Fais pas attention à lui.

Eunice, toujours elle, essaie de t'encourager avec un de ses sourires. Je pourrais poser une question pour en savoir plus, mais je doute qu'on ait envie de me tenir au courant de tes problèmes juste après ma crise de tout à l'heure. Je leur ai montré l'Aran qu'ils connaissent et qu'ils doivent manipuler comme une grenade dégoupillée. J'ai honte. J'ai travaillé sur moi-même pendant douze ans pour plus être ainsi et il ne me faut qu'un mois dans mon pays de naissance pour repartir comme au bon vieux temps. Bref. Je garde un couvercle sur tout ça, prends mon verre et le lève pour trinquer avec vous. C'est pas à propos de moi, Eunice l'a très justement dit. Il y a un bon anniversaire général auquel je participe, cette fois en essayant de t'adresser un regard sincèrement désolé.

— Ouvre !

Et alors qu'on pousse le premier paquet dans ta direction, mon attention fait des allers-retours entre toi et ton collègue. J'essaie de comprendre pourquoi son existence crispe tout le monde. C'est ça, le truc scientifique sur lequel je vais me concentrer pour ne pas croupir dans ma frustration et dans mon malaise d'être en boîte de nuit.
@Harlow Brodie


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Mer 7 Aoû - 19:54
Back to the birthday party
[T.W : mention de consommation d'alcool]

C'était humiliant. Peut-être que j'en fais des caisses, que j'en fais tout un plat alors que t'as juste oublié de me souhaiter mon anniversaire. Ce n'est rien et je suis d'ailleurs la première à dire que ce n'est pas grave si l'on ne me le souhaite pas. Mais toi, après plus de dix ans, tu reviens et me fais part des vœux de ton frère. Et comme ça ne suffisait pas, juste avant, tu me dis que tu ne voulais pas t'incruster. Il y a trop de choses qui me font tiquer dans tes phrases pour que je reste impassible. Je préfère fuir avant que ne mes émotions ne transparaissent trop et me trahissent. Je n'ai pas envie qu'on me prenne pour l'exe hystérique.

Je me réfugie dans mon travail parce que, ça tombe bien, je suis de service ce soir. C'est bien pour ça qu'on est tous déguisés comme des acteurs sortis tout droit des films des années 80. J'ai vu plein de filles avec la choupette sur le dessus de la tête, beaucoup sont venues avec les cheveux permanentés, certains hommes se sont fait de petites bananes ou se sont gominé les cheveux. Comme le mulet est revenu à la mode, certaines personnes n'ont pas eu à faire d'effort capillairement parlant. Je trouve cette soirée à thème réussie. Pour ce qui est de la soirée d'anniversaire, elle a mal débuté.

Je finis par revenir avec ta boisson après avoir écarté Oscar. Ses blagues ne me font jamais rire mais ce soir n'est clairement pas le bon moment. D'ordinaire, j'arrive à mettre ça de côté, à prendre du recul et de la distance avec tout ça mais là, il me tape sur le système. Le baiser volant qu'il m'envoie me fait lever les yeux au ciel mais j'essaie de me concentrer pour éviter que mon agacement se retrouve dans mes gestes quand je pose ton verre devant toi. Je souris à Eunice qui a très bien compris le cœur du problème et me recentre sur vous.

- Vous avez abusé... Il ne fallait pas, je vous l'ai dit en plus... Je ne voulais rien...

Je souris tout de même, sincèrement touchée par les petites attentions des uns et des autres. J'ouvre un premier paquet contenant des chaussures-rollers dont les roues peuvent se plier et se déplier selon les envies. Je les avais vues en publicité une fois et je ne sais pas qui a réussir à retenir l'information ni comment. J'ai un immense sourire alors que je me lève pour les embrasser tour à tour. Les connaissant, la majorité des paquets présents sont communs. Il doit y en avoir ça et là en bonus, sûrement de la part d'Eunice et d'Eleanor. Et toi ? Je ne sais pas où te situer là-dedans mais je m'approche quand même de toi sans savoir ce que je vais faire. Heureusement, et c'est fou que je dise ça en parlant de lui, Oscar arrive en déposant un verre à ma place.

- Cadeau de ma part ! J'ai le droit à un bisou aussi ?

- T'es con, retourne bosser au lieu de dire des conneries pareilles.

Il fait semblant de geindre avant de rire en s'éloignant. Je soupire en regagnant ma place, je ne sais plus où j'en étais. Eunice me glisse un paquet et je le prends sans me douter qu'il s'agit du tien. Je l'ouvre délicatement, comme l'autre, et l'observe un peu plus avec une mine ravie.

- C'est magnifique ! Vraiment je sais exactement où le mettre ! Mon appart n'attendait que ça !

Je tourne la petite cloche dans tous les sens pour observer les petites fleurs séchées. C'est doux, adorable, apaisant. Mon regard ne se détache que lorsqu'Eleanor dit que c'est de ta part. Je te fixe, un peu perdue, plutôt émue.

- Merci... C'est vraiment gentil... Fallait pas... Mais t'as extrêmement bien choisi !

Je t'adresse un immense sourire qui contraste avec ma mine brisée de toute à l'heure. D'ailleurs, l'incident est bien vite oublié parce que je crois comprendre un peu mieux ce qu'il s'est passé. Tu ne l'as pas fait exprès, pas vrai ?
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Jeu 15 Aoû - 15:03
tw : harcelement sexuel, alcool

Back to the birthday party
Tu ne veux jamais rien. À t'écouter, on devrait se contenter d'exister pour que tu sois comblée. T'as peur de prendre trop de place et adolescent, j'ai sûrement encouragé ça. Un coup, je t'avouais que tu étais le centre de mon monde, l'instant d'après je parlais de partir sans te mentionner. Tu m'étais indispensable pour un temps limité, c'était ce qu'on pouvait croire quand on m'écoutait. C'est un sacré paradoxe. J'étais vraiment un connard. Pourquoi vous m'avez laissé faire ? J'aurais mérité que tu me plaques bien avant la fin du lycée, Harlow. Mais tu pensais sûrement ne pas mériter mieux.

Je m'enfonce dans mon fauteuil et me fais discret. Je regrette d'être venu. Eunice ne devrait pas m'encourager à retrouver une place dans ta vie, je suis pas certain que ça nous fasse du bien. Je ne sais pas ce que tu en penses et j'ai peur de te poser la question. Alors je me cache derrière mon jus de fruit et te regarde ouvrir ton premier paquet. J'évite de croiser ton regard quand tu te lèves pour les remercier mais je suis trop lâche, je dis quand tu m'inclus dans ta tournée. J'ai peur de rouvrir la plaie en te précisant que je n'ai pas participé au cadeau commun. C'était trop tard et j'avais déjà acheté un truc de mon côté. Je ne me sentais pas légitime à rajouter mon nom sur un truc dont je ne savais rien. Mais l'idée est cool. Et tu as l'air heureuse et c'est ce qui compte. Enfin, heureuse jusqu'à ce que ton collègue arrive. Un vrai beauf. Bienvenue dans le monde de la nuit.

Je presse mon poing contre mes lèvres et regarde ailleurs le temps de me calmer. Tu connais cette façon de faire, cette réaction viscérale face à ce genre de types insupportables. Tu remarqueras qu'il a fallu que je rencontre ce type pour l'avoir. L'ancien moi aurait déjà bouffé ses doigts face à Lennox... Tu parles. Je fais semblant d'avoir changé. Je crois qu'à Édimbourg, je ne suis pas capable d'être la meilleure version de moi. Je reviens à la case départ et ça me bute de savoir que j'ai fait tout ça pour rien. J'ai la réponse à la question que je me suis posée pendant douze ans : non, je ne peux pas revenir en Écosse. Ce n'est pas fait pour moi ou je ne suis pas fait pour ça. Quand je relève les yeux, tu tiens mon cadeau dans les mains. Tes yeux brillent, donc j'ose croire que tu es sincère quand tu dis l'apprécier. Ça me fait sourire. Par contre, honnêtement, j'aurais préféré qu'Eleanor ait gardé ça pour elle. Tu n'avais pas besoin de savoir d'où ça venait. Je n'ai pas fait ça pour obtenir ton pardon ou que sais-je. Je te fais un sourire gêné qui devient plus franc en voyant le tien. Bordel, t'es tellement belle.

— Tant mieux.... Il y a une enveloppe de la part de mon frère quelque part.

Je me redresse un peu pour la chercher, mais sous cette satanée lumière, impossible de voir quoi que ce soit. Je t'avoue que ça m'aurait arrangé de la trouver pour te la mettre entre les mains et détourner l'attention de moi. De toute façon, ça se fait naturellement. On te tend un autre paquet et je peux redisparaître derrière mon verre de jus de fruit. J'ai même le réflexe de le sentir avant de le porter à mes lèvres, pour m'assurer que je ne me mélange pas avec le cocktail coloré de Sevan. En même temps temps, mes yeux sont attirés par ton fichu collègue qui, je crois, s'attarde à la table de clientes. Il n'a pas l'air de réellement tenter quoi que ce soit, je ne vois pas sa main s'approcher dangereusement d'une cuisse ou quoi, mais reste qu'elles n'ont pas l'air hyper à l'aise face à lui.

— Va vraiment falloir qu'il se calme.

Je grogne entre mes dents, pratiquement malgré moi. J'ai rapidement oublié ton sourire. J'arrive pas à penser à autre chose qu'au fait qu'il soit comme ça, que tout le monde a l'air de le savoir et que strictement personne ne fait rien alors qu'on est dans un fichu environnement où tout le monde est ivre et donc plus vulnérable. Vous marchez sur la tête. Comment ça peut être accepté, ça ? Comment vous pouvez vous amuser en balayant ça ? Sous prétexte que c'est son état normal d'être un gros lourd, vous ne dites rien ? Sérieusement ? Vous ne valez pas mieux que ça ? Ça me rend malade, je te jure que ça me rend malade de voir ce que vous êtes devenus. J'arrive pas à décrocher mon regard de lui.
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Jeu 15 Aoû - 19:48
Back to the birthday party
[T.W : mention de consommation d'alcool, masculinité toxique]

Votre présence est déjà un cadeau en soi, je ne vous attendais pas. Oui, j'en ai parlé à Eunice et elle m'avait assuré qu'elle viendrait mais je ne pensais pas qu'elle ferait passer le mot et que vous seriez aussi nombreux. Evidemment, il n'y a pas tout le monde et je ne blâme absolument pas les absents. Je suis juste heureuse de voir les personnes présentes et, je m'en veux un peu de penser ça, surtout de te voir toi. Je n'imagine pas à quel point ça te coûte d'être ici et malgré tout, t'es venu. Au départ, j'ai cru qu'on t'avait forcé. J'ai mal interprété ta phrase. J'ai pensé que tu voulais être partout sauf là parce qu'il a fallu qu'Eleanor intervienne pour me souhaiter un bon anniversaire alors que t'avais fait passer les vœux de ton frère.

Je ne veux pas que tu penses que je suis apaisée parce que t'as participé au cadeau commun, ce n'est pas ça. C'est ce qu'il y a derrière. Ce n'est pas que tu ne voulais pas me souhaiter un bon anniversaire. Ce n'est pas que tu ne voulais pas venir. C'est juste que t'as été maladroit, perturbé par les lumières et le bruit peut-être. Je sais que cet endroit peut être sur-stimulant, j'ai mis du temps à m'y habituer. En même temps, quand on sait où je travaillais avant, il y a un certain contraste. Le Balmoral était plus calme, avouons-le mais la clientèle d'ici n'a rien à envier à celle de l'hôtel. À part l'argent, c'est vrai.

Ce moment aurait pu rester parfait si Oscar n'était pas arrivé. Non, s'il avait gardé son commentaire pour lui, je l'aurais remercié. Mais là, il plaisante à sa façon. Une manière bien lourde dont lui seul à le secret. J'ai beau le rembarrer à chaque fois, il revient à la charge, je crois que ça l'amuse. Tout comme ça l'amuse lorsque je le pousse pour m'occuper des clientes à sa place. J'espère surtout qu'il ne prend pas ça pour de la jalousie. Quelle horreur. J'ai bien essayé de faire remonter ça mais on m'a dit que c'était juste un jeu et qu'il faisait du bon travail. Ils ne lui ont rien dit et moi, je préfère être là, avec lui, pour l'intercepter.

J'ai vu ton regard changer, ton poing contre tes lèvres. J'ai une impression de déjà-vu et ça fait monter en moi un pic d'anxiété. J'ai l'impression de te revoir à l'époque, quand tu t'en prenais au monde entier et que tu faisais toutes ces menaces qui me glacent encore les os. Heureusement, je n'ai pas attendu d'être témoin de ta réaction pour le congédier sèchement. Je me demande ce qu'il se serait passé si je ne l'avais pas fait. Je sais que t'as changé, je l'ai vu même mais je ne peux pas m'empêcher de te voir le chopper par le col. Je suis désolée.

Pour nous faire oublier tout ça, j'ouvre un nouveau cadeau. C'est une petite décoration que j'aime beaucoup. Ca faisait un moment que je lorgnais dessus sans oser franchir le pas parce que... Je ne sais pas. Alors quand j'apprends que ça vient de toi, je ne peux que l'aimer et le chérir davantage. Je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de pleurer mais je me retiens pour ne pas vous mettre mal à l'aise. Enfin, surtout toi. Quand tu souris, mon cœur trébuche et je dois déglutir pour ne pas éclater en sanglots. Et recommencer pour pouvoir te répondre sans avoir une voix étouffée.

- Oh c'est vraiment gentil... T'embêtes pas, tu me la donneras après ! Merci encore. Et tu pourras remercier ton frère pour moi s'il te plaît ?

Mon sourire reste accroché à mes lèvres, mes yeux à toi. Il me faut quelques secondes pour que je remarque qu'on me tend un autre paquet. Je réponds par un sourire désolé et m'empresse de l'ouvrir tout aussi délicatement. Je n'aime toujours pas déchirer les emballages. Ca peut être long et frustrant pour les personnes qui y assistent mais je ne sais pas, j'aime y aller doucement ce qui détourne totalement mon attention de toi. J'oublie aussi Oscar qui a cessé d'exister à partir du moment où il a quitté notre table mais tous les deux, vous me revenez à l'esprit lorsque tu prends la parole et que je suis ton regard jusqu'à lui.

- Je suis désolée... Il est tout le temps comme ça...

Je me lève et dépose le paquet à moitié déballé soigneusement sur la table.

- Je m'en occupe. A toute à l'heure, je fais ça vite !

Je t'adresse un sourire que je généralise ensuite et m'empresse de rejoindre Oscar pour lui faire la leçon. Je lui attrape le bras pour l'éloigner de la table des filles après m'être platement excusée auprès d'elles. Je profite de la musique pour pouvoir le disputer et tenter de le remettre à sa place mais rien n'y fait. Non, il a décidé de ruiner mon anniversaire parce qu'il ne fait que balancer plaisanterie sur plaisanterie. Il sous entend que je suis jalouse et que je cherche à récupérer toute son attention. Ca m'énerve d'autant plus. L'amuse encore plus. Je me mets à faire des grands gestes et à hausser le ton. Il tente de me dire de baisser le volume avec quelques gestes puis en instaurant une proximité.
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Jeu 22 Aoû - 17:38
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tw : violence physique, aggression, harcelement sexuel, alcool

Je vais arrêter de tourner en boucle, à répéter que je n'aurais peut-être pas dû venir. J'avais envie de venir. T'as trente ans, t'es heureuse, magnifique, accomplie. Qui pourrait ne pas avoir envie de faire partie de ça ? Je veux une vie normale, en quelque sorte. J'ai été assez puni quand j'ai dû quitter la ville où je me sentais bien et les gens que j'aimais, je peux m'autoriser à me faire des amis ou sortir. Ouais, vous avez des habitudes qui ne me conviennent pas, mais c'est mieux que rien et je vous aime, je suis heureux de constater que vous allez bien. Vous êtes bizarres, si on vous regarde avec mes yeux, mais vous avez pris soin les uns des autres.

J'accepte d'un signe de tête de remercier mon frère de ta part. Je l'aurais fait de toute façon, mais je ne doute pas que c'était important de le verbaliser. Tu vas finir par tomber sur l'enveloppe et on découvrira ensemble son contenu. Tu ouvres tout un par un, avec une précaution que je te connais. Ça ne m'embête pas, de toute façon je suis concentré sur autre chose. J'arrive pas à faire comme si de rien était. Vous n'êtes pas nets à l'oublier aussi vite. Ça a l'air de t'emmerder que je bloque sur le misogyne. Tu me pardonneras de pas avoir votre détachement nauséabond. Ça te coupe dans ton ouverture de cadeau pour râler. Je vais me faire accuser de gâcher ton anniversaire, je le sens.

- Pour quelle raison tu présentes des excuses pour son comportement à lui ?

Je demande, sûrement plus sèchement que je le devrais. Tu souris, vas t'en occuper. Il faut arrêter de prendre les balles pour ce connard. Tu le protèges, en faisant ça. Tu le fais exprès ? Parce que c'est plus simple parce qu'il n'y a pas de conflit même si ça met des clientes en danger ? Ou est-ce que tu réalise pas ? Tu dois minimiser, dire que jamais il dépasserait une ligne mais ouvre les yeux. Tu repars directement et je me prends un coup de coude dans les côtes de la part de ma voisine. Je m'enferme totalement dans mon mutisme. Allez vous faire foutre. Je te regarde te faire totalement bloquer par le gars. Et je dois rien faire, vraiment ? Il est collé à toi. Ton langage corporelle transpire le malaise.

- Je m'en occupe. Ne. Bouge. Pas. !

Je bouge pas. Je pense que si nous n'étions pas dans un lieu public, je n'aurais pas suivi son ordre. Je vous assassine du regard. Elle arrive à votre niveau et rejoint la conversation. Il y a des gestes qui laissent penser qu'Eunice lui pose un ultimatum. Je n'arrive pas à dire s'il le prends au sérieux ou non. Il faut une interminable minute de négociation pour qu'il lâche enfin l'affaire. Il s'éloigne. Mieux, il va vers la sortie. En passant, il fait un signe à votre collègue derrière le bar, comme si de rien était. Il s'en sort trop bien.

Vous me saoulez, c'est ça la vérité. Je suis désolé de le penser. J'arrive pas à vous faire confiance et à laisser cette situation entre vos mains. Il est pas question que de vous, ce type s'en prend à d'autres. Je prétends vouloir aller aux toilettes aux gens encore autour de la table. Je fais un détour pour ne pas passer près de vous et arrive à la sortie peu de temps après la cible. La porte n'a même pas le temps de se refermer après lui que je la repousse déjà pour passer.

- Hey !

J'ai besoin qu'il se retourne et ce con, il le fait. Je lui fous un coup directement. Je vise pas la partie molle de la joue, je vise l'articulation de la mâchoire. J'y mets la force suffisante pour pouvoir espérer que ça l'empêche de parler pour quelque temps. Ça prend tout le monde par surprise : lui, le videur, la queue des clients qui voulaient entrer et qui ne sont soudainement plus si sûrs d'eux. Comme personne ne m'a encore sauté sur le dos pour m'empêcher de continuer, je ne me prive pas. J'arme déjà mon second coup quand Oscar reprend ses esprits. Il est sur ses jambes, lève les mains pour parer, tente même de me pousser.

- Tu fais quoi ? T'essaies de te défendre ? Va-s'y, défends toi.

Je le provoque. C'est évident qu'il n'est pas à l'aise avec l'affrontement physique. C'est une qualité, en vrai. Je sais que je fais de la merde contraire à mes valeurs mais à un moment, je vais pas non plus rester les bras croisés et accepter ce qu'il se passe sous mon nez. Si t'es pas contente, t'avais qu'à te charger plus tôt de son cas. Tu aurais eu l'espace de le faire à ta manière. Après quelques coups échangés, qui n'arrivent pas totalement à frapper à leur plein potentiel au bon endroit, il m'attrape le poignet pour me bloquer et arrêter. Je prends son autre bras pour l'attirer brutalement vers moi et lui frapper le front du mien. Ça le fait lâcher. Alors que je m'en sors avec une douleur vive et un tournis affreux, lui se mange le trottoir.

C'est que là que le videur intervient. Il s'interpose, me dit d'arrêter là. Il a pas l'air absolument furieux, je suppose qu'il en a vu d'autres. Je lève les mains pour lui montrer que c'est bon, j'ai fini. C'est pas dit que je n'y revienne pas bientôt, mais pour le moment j'ai fini. J'ai une sale migraine à cause de ma connerie, une perte d'équilibre, une oreille qui siffle suite aux coups, des phalanges brûlantes, et j'ai besoin de reprendre mon souffle. Mon regard, par contre, est toujours sur ton collègue, à lui ordonner de rester à terre et de ne pas faire le malin parce qu'à tout moment je revrille pour un mot de travers.
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Date d'arrivée à Edimbourg : 2012, à la fin du lycée
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Sam 24 Aoû - 9:43
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[T.W : mention de consommation d'alcool, masculinité toxique, violence, sang]

J’aurais préféré que cette soirée se déroule autrement. Elle a bien commencé pourtant : tout le monde a fait un effort pour être dans le thème des années 80, vous êtes venus me faire une surprise, vous parce que tu es là. Il y a bien eu un petit cafouillage mais il a été rapidement oublié ; non pas parce que tu m’as offert un cadeau mais parce que j’ai compris qu’il y a eu un malentendu. Je suis désolée de t’avoir accusé à tord, d’avoir eu l’impression que tu voulais être partout sauf ici pour mon anniversaire.

J’aurais pu profiter de ma pause en votre compagnie, à rire et à parler avec vous tous. J’aurais pu prendre le temps de vous remercier comme il se doit, chaleureusement. J’aurais aimé le faire mais Oscar s’est senti concerné. Il n’a pas apprécié le fait que ce n’était pas à propos de lui, qu’il n’était pas convié ou je ne sais quoi. Il avait besoin de faire son intéressant, de rappeler qu’il est là parce qu’il a besoin de faire son intéressant, je crois qu’il a peur qu’on l’oublie. Il sait très bien y faire et, d’ailleurs, j’ai l’impression qu’il fait tout ce qu’il faut pour que je lui accorde mon attention : discuter encore et encore avec les clientes au bar, faire une petite blague en m’offrant un verre mais c’est en étant lourd avec une table de clientes qu’il attire définitivement TON attention. Je n’avais pas remarqué, j’ai cru que je pouvais me concentrer sur vous et profiter d’un moment avec les personnes que j’aime mais je me suis trompée. Je dois prendre les choses en main, encore.

Je suis un peu prise au dépourvu par ta question et le ton que t’as employé pour me la poser. Je ne sais pas quoi te répondre. Je sais que je ne suis pas responsable de sa façon d’agir mais je suis tout de même désolée du dérangement. Est-ce que c’est vraiment mal ? Il s’agit de mon collègue et il en va de la réputation de l’établissement et, par extension - même si je n’y pense pas -, de la mienne aussi. Je trouve ça normal de présenter mes excuses pour son comportement, j’ai toujours fait ça alors pourquoi est-ce que ça te choque ? Tu sais, même si je déteste l’idée, quand nous sommes en service, nous ne formons qu’un seul corps. La main gauche s’excuse de la gifle que la droite a donné, ce n’est pas logique mais c’est comme ça. Du moins, c’est comme ça que je vois les choses, c’est comme ça que ça fonctionne dans les établissements où j’ai travaillé.

Je vais donc m’en occuper mais il prend ça à la légère, comme d’habitude. Je n’ai pas la capacité de faire quoi que ce soit à part ce que je fais déjà. Je ne suis que sa collègue, pas sa supérieure et eux, ils ne font rien, ils prennent ça à la légère mais ils ne se rendent pas compte d’à quel point c’est fatiguant pour les clientes. A quel point ça l’est pour moi qui dois toujours nettoyer après lui. Eunice vient à ma rescousse et à nous deux, nous arrivons à le faire partir. Il pompe toute mon énergie, je suis épuisée. Notre amie et moi parlons un petit peu toutes les deux, elle veut s’assurer que je vais bien avant que l’on retourne à la table. Et quand on vous rejoint, je réalise qu’en fait, tu n’es plus là. Aux toilettes, apparemment. Peut-être as-tu besoin de prendre du temps pour te calmer, j’ai reconnu quelques signes avant-coureurs.

Il y a de l’agitation vers la sortie de la boîte. Ca attire mon regard et comme je suis de service, je me sens responsable. Je me lève et me précipite entre la foule pour atteindre la porte, l’ouvrir et assister à un triste spectacle. Je remarque à peine Oscar, bien amoché, parce qu’il est déjà bien entouré. J’interroge Hyo du regard, mais mes yeux se reposent immédiatement sur toi qui a le visage en sang. Mes yeux se mettent à briller puis à couler le long de mes joues. Mon coeur accélère, trébuche, accélère encore. Je me précipite vers toi et sors d’une de mes poches un paquet de mouchoirs. J’avoue en avoir besoin mais je m’ignore.

- Qu… Qu’est-ce qu’il… Qu’est ce qu’il y a eu ? Mon Dieu… T’es en sang…

Ca me ramène des années en arrière. Je ressens la même peur, celle qui me tord l’estomac. Je n’ai jamais aimé te voir dans cet état, de constater cette colère au fond de tes yeux. Oscar gémit, je m’en fous. Il n’y a plus que toi.

- Viens avec moi… S’il te plaît…

Je te supplie, joues et yeux humides, de me suivre jusqu’à l’entrée du staff pour prendre soin de toi et t’éloigner de mon collègue, de toutes ces paires d’yeux qui te regardent avec méfiance.
Aran Grieve
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Mar 27 Aoû - 1:33
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tw : violence physique, aggression, alcool

J'ai l'impression que mon crâne s'est fissuré à l'impact. Il faut vraiment être con pour utiliser sa tête comme une arme mais je me souviens systématiquement de cette leçon une fois qu'il est trop tard ? Je me tiens les tempes pour dissiper l'impression que je vais exploser. Ton collègue est au sol, ses gémissements sont couverts par les sons de la ville qui sonnent distordus à mes oreilles. Les coups m'ont créé un léger acouphène. J'essaie de me concentrer pour rester debout alors que mon poids semble lentement se déplacer sur ma jambe gauche. Il est hors de question que je finisse allongé sur le bitume. Hors de question.

La porte s'ouvre. Ta tenue est si flashy que je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir que c'est toi. Je devine Eunice et Eleanor sur tes talons. Je n'ai aucune envie d'affronter vos regards. Je n'ai pas besoin qu'on me rappelle que je viens de faire quelque chose de mal, crois-moi. Ce n'est pas parce que je me retrouvais souvent dans cette situation que j'ignorais que c'était une betise. Tu t'approches encore. Le sang sur mon visage t'alerte. Ça serait pire si je n'en avais pas, tu ne crois pas ? Si je l'avais battu si fort qu'il n'aurait pas eu le temps de se défendre. Il y a ce paquet de mouchoirs qui apparaît sous mon nez. Et toi, tu es là, avec la même inquiétude qu'à l'époque. Je comprennais pas pourquoi tu étais toujours présente pour me soutenir après mes conneries. Maintenant je sais. On s'était enfermés dans ces rôles-là. C'est logique : on s'est construit ensemble, on a pris la place que l'autre nous laissait. T'étais l'infirmière et j'étais le mec brisé. Tu trouves pas ça drôle, comment le même traumatisme peut avoir des effets très différents selon l'individu ? La perte de ta mère t'a donné envie de prendre soin de tout le monde. Tu faisais tout pour qu'on t'aime, pour qu'on s'aime, pour que tout roule dans ton univers. Le fait d'être séparé de la mienne avait l'effet inverse. Je ne voulais que rien ne fonctionne, que le monde aille aussi mal que moi. Je voulais que ma douleur saute aux yeux des adultes.

On avait dépassé ça. Toi, je ne sais pas mais j'imagine. En douze ans, je te le souhaite. Mais moi, j'avais vraiment dépassé ça. Il y a bien eu l'épisode de la table, à Riga, mais j'avais mes raisons. Là, qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai frappé pour me faire du bien, pour soulager un besoin primaire qui s'est réveillé en me mêlant à ton monde. Je ne peux pas gentiment reprendre la place que j'ai laissée il y a douze ans.

— Lâche-moi.

J'ai un geste de recul dénué d'agressivité. Je ne te menace pas de violence si tu insistes, c'est pas ça. Je suis saoulé et je n'arrive pas à capter ce qu'il te passe par la tête. Où est-ce que tu comptes m'amener ? Ton videur ne me laissera jamais retourner à l'intérieur. Il faudra que je trouve une solution pour récupérer mon skate. Je pince l'arête de mon nez entre mon pouce et mon index en espérant stopper le saignement.

— Je veux pas venir, je veux rentrer chez moi, prendre une douche et dormir. Pourquoi j'aurais envie de m'attarder au milieu de gens ivres qui puent la clope et qui ménagent des gros beaufs comme lui ?

Et joyeux anniversaire. Je fais quelques pas, dans une trajectoire circulaire qui me fait rapidement revenir devant toi. J'ai l'impression d'être enfermé, sûrement parce que les passants forment une barrière que je n'ose pas traverser pour m'enfuir. Et il y a encore ma question qui demeure sans réponse et que j'ai besoin de te poser une bonne fois pour toute.

— Il a le contrôle sur le verre des femmes qu'il drague lourdement, Harlow ! Pourquoi est-ce qu'il bosse encore ici ? Est-ce que tu as conscience de ce qu'il peut faire ?

Je tape mes mains à chaque signe de ponctuation pour être sûr que mes interrogations ne t'échappent pas. Le son de ma propre voix me fait mal à la tête alors que mon ton s'élève. Mais j'ai besoin de te secouer, que tu comprennes la gravité de la situation. Il t'a bloqué le passage. C'est pas anodin. On ne parle pas d'un gars qui se contente d'une blague un peu lourde lorsqu'il amène des verres. C'est un type qui n'accepte pas non comme étant une réponse acceptable. J'ai compris ça en dix minutes alors toi, c'est quoi ton excuse ? La sécurité de tes clients, ça fait partie de tes missions professionnelles, non ? Je détourne le regard et celui aussi furieux que déçu d'Eunice. J'ai envie de lui dire qu'il n'y a pas qu'elle qui ressent ça. 
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Mer 28 Aoû - 11:54
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Te voir comme ça me projette violemment douze ans en arrière et je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Ça va au-delà de ce que je ressentais à l'époque parce que savoir que tu peux te mettre dans cette situation encore une fois après tout ce temps, malgré le fait que tu as changé, ça m'alerte. Tu m'as bien parlé de cette table lancée à Riga, celle qui t'a forcé à partir et t'empêche d'y retourner mais ça me semblait irréel, comme si ça faisait partie d'une autre dimension, comme si c'était trop lointain pour t'appartenir. Tu as changé mais pas le monde et c'est sûrement pour ça que tu te retrouves le visage en sang.

J'ai peur, tu sais ? J'ai peur des conséquences que ça aurait sur toi, sur ta fille et ta famille, j'ai peur que tu te sois cassé quelque chose ou que tu aies subi un choc trop violent qui te ferait perdre connaissance, j'ai peur que tu repartes dans tes vieux schémas maintenant que la porte est entre ouverte. Mais moi, qu'est-ce que je peux y faire ? J'essaie mais je sais que je ne peux pas te rattraper et te ramener, les personnes qui le peuvent ne sont pas là et je me sens impuissante. Je suis impuissante. Je ne fais que pleurer sans sanglots parce que je suis démunie face à une version de toi que je connais mais qui est aussi totalement différente de celle que tu étais. Comment est-ce que je suis censée faire ? Qu'est-ce que je suis censée faire ?

Tu recules en me disant de te lâcher, je le fais. Mille épines se plantent dans mon cœur et parcourent mes veines jusqu'au bout de mes doigts. Tu n'es pas violent, je n'ai pas peur de toi mais ça me fait mal que tu me repousses de la sorte. Je sais que c'est normal, que tu n'as plus besoin de moi, que tu n'as jamais eu besoin de moi et que tu n'autorises qu'une seule personne à prendre soin de toi, mais elle n'est pas là. Je n'ai pas le droit de la remplacer, tu fais bien de me remettre à ma place.

- D'accord d'accord... C'était juste pour aller dans les vestiaires pour te soigner... Mais d'accord je...

Je voulais te proposer d'aller chercher tes affaires mais tu me laisses pas finir ma phrase. L'angoisse prend de plus en plus le dessus alors que tu tournes en rond comme un lion en cage. Il n'y a que nous au milieu des autres qui nous regardent, qui nous jugent, qui chuchotent.

- Je sais... Je sais...

J'essaie de te calmer, j'aimerais que tu me laisses le temps de t'expliquer mais tu enchaînes. A chaque ponctuation, tu tapes des mains et ça me fait sursauter. J'ai l'impression d'être stupide, que tu me traînes dans la boue jusqu'à ce que j'apprenne la leçon mais je la connais tu sais ? Je sais très bien comment Oscar est et j'ai essayé, je te jure que j'ai essayé.

- Tu crois que je suis restée là à rien faire ?

J'ai la voix tremblante.

- Tu crois que je n'ai pas fait remonter le problème systématiquement ?

Tu détournes le regard et j'essaie de capter ton attention.

- Tu crois que c'est par plaisir que je m'efforce d'avoir tous nos shifts en commun ? Tu crois que j'aime devoir intervenir parce qu'il est lourd avec les clientes ? Pour qui tu me prends...

Tu me fais tellement mal et je me blesse aussi en haussant le ton contre toi.

- Ils s'en foutent, ils trouvent des excuses, minimisent les faits et refusent de le virer parce qu'il n'a jamais rien fait d'autre qu'être lourd ! Ils disent que c'est pas un crime et que personne s'en est plaint.

Ce qui n'est pas totalement faux. Disons que beaucoup de clientes n'en parlent pas parce qu'elles veulent pouvoir continuer à venir ici, parce qu'elles aussi se disent que ce n'est rien, qu'elles se concentrent sur le positif de leur soirée.

- Je fais comme je peux Aran et je suis désolée si ce n'est pas suffisant à tes yeux.
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Ven 30 Aoû - 0:00
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J’ai pas envie de redescendre tout de suite. J’ai besoin de cette colère, sinon elle n’existerait pas. C’est la seule chose qui m’empêche de refaire les mêmes conneries ou de me remettre dans les mêmes situations qui ne me conviennent pas. Ça me déchire de le dire, mais je crois que c’est toi, la situation qui ne me convient pas. Toi et moi, qui essayons de faire comme si on avait le même regard sur tout ou du moins, des regards suffisamment proches pour qu’on puisse faire des compromis. J’ai jamais été bon pour ça, tu sais. Les compromis. Tu te souviens, je sais que tu t’en souviens.

J’arrive — difficilement mais j’arrive — à tenir ma langue pour te laisser parler. Ça me fait mal parce que je vois que t’as essayé, mais que t’as tapé à côté, sacrément à côté. J’ai envie de te demander si tu crois que quand je dis « faire quelque » , je voulais dire « envoyer un petit mail au supérieur ». Bien sûr que non, ce n’était pas ce que j’avais en tête. Je n’ai aucun mal à croire que tu as fait remonter le problème, mais on s’en fout ça. Ça, c’est pour ta conscience, c’est pas pour vraiment faire changer les choses. C’est pour que tu puisses me regarder dans les yeux en me disant avec ta bonne foi que tu as fait quelque chose, peu importe quoi. Je ne me dégonfle pas, je reste en face de toi.

— Comment ça pourrait l'être aux yeux de qui que ce soit ?

Je te demande, à deux doigts de m’arracher les cheveux. Quand on touche à la sécurité des autres, essayer ne suffit plus. On ne se félicite pas d’avoir tenté lorsque ça n’a pas fonctionné. Et ce n’est pas étonnant que ça n’ait pas fonctionné : tu t'y prends mal. T’as demandé gentiment à des patrons. Depuis quand ça fonctionne, ça ? C’est pas toi, les méchants, c’est eux mais fuck, pourquoi tu attends que le changement vienne d’en haut ? Je pourrais développer sur les soucis de ta stratégie pendant une heure, au minimum. Tu engages ta propre responsabilité au lieu d’agir pour que ça cesse.

— Tu fais exactement ce qu'ils attendaient de toi ! Tu deviens sa baby-sitter, comme ça les patrons n'ont pas à le faire eux-mêmes. Ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles parce que tu te sacrifies à leur place, mais ça ne résout rien.

Il n’est plus vraiment question d’Oscar. Tu n’étais pas la seule qui aurait pu et aurait dû agir dans cette situation. On dirait que je l’oublie, mais ce n’est pas le cas. On a juste dévié la conversation sur toi et uniquement toi et maintenant, on est à côté du sujet qui importe le plus. Ça fait chier mais je ne sais pas comment revenir sur la bonne trajectoire. J’oublie qu’on est en public, j’oublie que nous avons maintenant environ trente ans. Je redeviens l’adolescent à la tête brûlée qui sait comment le monde devrait tourner et est bien décidé à le faire tourner de cette façon. Là-dessus, je n’ai pas vraiment changé, tu sais ? Je ne pense pas que ça soit mal de vouloir améliorer la vie en communauté.

— Tu veux que les choses changent ? Vous vous mettez en grève. Vous refusez collectivement les shifts avec lui, pas l'inverse. Tu demandes pas gentiment à ton patron de faire la bonne chose, ça fonctionne jamais ça !

J’ai ravalé une dernière phrase dans laquelle je te demandai pourquoi tu n’avais rien appris. C’était hyper déplacé, infantilisant et con. T’as pas besoin d’être sermonnée devant tout le monde, surtout que t’es pas responsable d’Oscar. Mais je continue de penser que ce que tu as fait, c’était pas assez réfléchi et si c’est comme ça que tu veux vivre ta vie, je préfère ne pas être là pour le voir. Ca ferait du bien à personne. T’as pas envie que je sois sur ton dos et je n’ai pas envie de devenir de façon permanente ce que je suis ce soir.

— J'ai juste besoin que quelqu'un aille récupérer mes affaires au vestiaire et je vous laisse tranquille. Désolé que ça se soit mal passé.

Je souffle, en voyant que le videur s’approchait de nous sûrement pour nous demander de gérer notre dispute ailleurs qu’à l’entrée de sa boîte. Les clients commencent enfin à se désintéresser de nous. Je m’en sors bien. Je n’ai pas vu trop de téléphones braqués sur moi pendant l’altercation. Je plonge ma main dans la poche de ma salopette, Eleanor s’approche et arrache le ticket que je viens d’attraper. Elle va en direction de la porte en me maudissant. Elle doit avoir hâte que je reparte. Toi aussi. Maintenant, on a la certitude qu’on n’appartient pas au même monde. 
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Ven 30 Aoû - 15:11
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Mes yeux brillent mais je me bats pour ne pas laisser les larmes couler. Il y a trop de monde autour de nous pour que je me mette à pleurer et je ne veux pas le faire devant toi. Sauf que je n'y arrive pas. Rien de ce que j'aurais fait n'aurait été suffisant, je le comprends en t'écoutant parler. Je n'aime pas quand tu hausses le ton, ça me fait peur. Pas pour moi, je sais que tu ne me ferais rien, mais pour toi. J'ai peur de ce que tu pourrais faire, encore, de ce que tu pourrais dire. J'ai peur que tu redeviennes celui que tu étais quand nous étions ados et que tu repenses aux solutions extrêmes qui te passaient par la tête à cette époque. Je sais que tu ne laisserais pas ta fille mais, parfois, ce n'est plus suffisant.

Tu n'es pas très juste. Tu places toute la responsabilité de la situation sur mes épaules, comme si j'avais le pouvoir de forcer mes patrons à virer Oscar, comme si ma seule parole pouvait faire changer les choses. Ce n'est pas le cas. Tu me parles de grève mais personne n'a envie d'en arriver là, tu n'as pas vu le reste de mes collègues ? Si certains sont inquiets, comme nous le sommes, les autres le trouvent simplement lourd et ne veulent pas risquer leurs carrières pour abruti pareil. Si je refuse mes shifts, ils mettront quelqu'un à ma place et ça non plus, ça ne résoudra rien. Peut-être que je me sacrifie mais c'est la seule solution que j'ai trouvée.

T'oublies que tout le monde n'est pas aussi soucieux des autres que tu l'es, que tout le monde n'a pas cette conscience et ce regard que tu portes sur le monde. Ce serait bien qu'ils ouvrent les yeux, qu'ils changent et moi aussi. Je sais que je ne suis pas parfaite et que je ne correspondrai jamais à ton idéal, que je ne répondrai jamais à tes attentes sinon nous n'en serions pas là. Mais s'il te plaît, ne me prends pas de haut, ne t'adresse pas à moi comme si j'étais stupide. C'est humiliant.

- Arrête de me prendre pour une abrutie.

Ca m'a échappé mais... C'est vrai, t'es blessant. Entre ça et les claquements dans tes mains, j'ai l'impression d'être une enfant que tu sermonnes et encore... Je sais que tu ne traiterais jamais un enfant de cette façon et encore heureux. J'ai le coeur en miettes et ces dernières s'écoulent au milieu de mes larmes le long de mes joues. Je tremble de colère et de douleur, je n'ai jamais été douée pour exprimer ces émotions autrement qu'en pleurant et je ne peux pas hausser le ton puisque nous ne sommes pas seuls. De toute façon, je n'en ai pas la force et toi, tu veux partir. Eleanor prend ton ticket pour les vestiaires pendant que tu présentes tes excuses pour ce qu'il s'est passé. Je hausse les épaules.

- Moi aussi.

Puis je tourne les talons pour rejoindre l'entrée des employés sans tenir compte d'Oscar. Je n'ai pas la force de retourner travailler tout de suite mais il le faut, notre collègue se retrouve seul au bar et je ne veux pas qu'il s'épuise.
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